Disclaimer: Le monde d'Harry Potter ainsi que ses personnages appartiennent à J.K. Rowling, aux divers éditeurs et à Warner Bros Inc. Cette fiction est écrite à but purement non lucratif, et en aucun cas avec une intention de violation de copyright.
Note: La fin de cette fiction approche à grands pas, ceci est l'avant-dernier chapitre. Les mots ne sont pas suffisant pour décrire le plaisir que j'ai pris à l'écrire. Je pense que je n'ai jamais autant mis de moi-même dans une fiction. Quand je l'ai commencé, je n'avais aucune idée que j'y passerais autant de temps, elle n'est pas très longue, mais j'ai passé énormément d'heures sur chaque chapitre, et particulièrement sur celui-ci, qui a eu du mal à sortir. J'espère qu'il vous plaira.
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Mars: La Terre
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Le mois de mars s'installa lentement. Au fur et à mesure que se rallongeaient les journées, la nature renaissait sous le soleil timide du début de printemps.
Gabrielle était heureuse comme jamais elle ne l'avait été. Elle avait pris l'habitude de faire de longues marches dans la campagne. La pureté de l'air ne cessait jamais de la surprendre. Ses promenades la menaient jusqu'au cœur de la forêt, dans ces clairières qui irradiaient de magie Originelle.
Luna lui avait conté les cérémonies druidiques qui y avaient lieu. Elle avait écouté, fascinée, les histoires de ces hommes qui se réunissaient pour vénérer les forces de la nature, leur compréhension intime des nerfs de la Magie des Eléments.
Les légendes l'avaient captivée. Luna avait passé des soirées entières à parler, à la place qui leur était devenue rituelle, allongée sur le tapis devant la cheminée. De sa voix douce, elle contait les faits d'armes de Maëve, la reine mythique de l'Irlande et ses pouvoirs légendaires. Gabrielle écoutait, subjuguée par la voix expressive de son amante.
Les journées passaient ainsi, toutes différentes les unes aux autres. Parfois, les deux jeunes femmes étudiaient ensemble les textes et grimoires anciens sauvegardés par Luna. Ensemble, elles tournaient avec révérence les pages fines et jaunies qui avaient traversé les siècles.
Parfois encore, Gabrielle partait le matin et ne revenait que tard le soir, pour trouver Luna endormie sur le canapé. Ces soirs-là, elle tirait une couverture sur les épaules de la jeune femme et allait se glisser entre les draps frais de son propre lit.
Elle aimait l'imprévisibilité. Ces derniers mois n'avaient vu aucune routine s'installer. Elles vivaient au jour le jour, prêtes à se plier aux envies soudaines, aux leçons de magie spontanées et aux aléas de la vie.
Luna était incroyable. Gabrielle se nourrissait de ses connaissances sans fin sur la nature et la magie, mais restait parfois perplexe devant certaines remarques insensées de son amante. Avec affection, elle remarquait de nouvelles petites excentricités chez la jeune femme.
Luna se donnait corps et âme à ce qu'elle faisait. Lorsqu'elle racontait, son visage calme s'animait, révélait une ribambelle d'émotions et Gabrielle, le souffle coupé, en oubliait parfois de l'écouter pour se perdre dans la contemplation du livre ouvert qu'était le regard de la jeune femme.
Lorsque, à la fin de la journée, elles se donnaient l'une à l'autre, Luna s'abandonnait. Dans l'obscurité du crépuscule, leurs corps se cherchaient avec fièvre. Gabrielle ne cessait d'apprendre. Apprendre à prendre et à donner du plaisir, du plaisir comme jamais elle n'en avait ressenti, celui qui la secouait jusqu'au plus profond de son corps, qui réveillait des sensations jusqu'ici ignorées.
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Une nuit, Gabrielle se réveilla en sursaut. La chambre était encore sombre, mais le plafond étoilé baignait la pièce d'une douce lueur. La jeune femme écouta la respiration régulière de Luna à ses côtés. Celle-ci dormait, recroquevillée en position fœtale. Une mèche de cheveux blonds chatouillait son nez, et Gabrielle retint un petit rire lorsqu'elle vit Luna froncer du nez, gênée par la sensation. Elle s'apprêtait à replonger dans le sommeil lorsqu'elle entendit un bruissement.
Gabrielle fronça les sourcils et regarda autour d'elle. Deux yeux perçants et sombres lui renvoyèrent son regard. Elle se redressa brusquement, le cœur battant, retenant à grand peine un cri de terreur. Plissant les yeux, elle s'aperçut que les yeux ronds appartenaient à un magnifique hibou au plumage gris. Tentant de calmer les battements erratiques de son cœur, elle tendit la main vers l'oiseau, qui la laissa stoïquement décrocher le parchemin attaché à sa patte. Avec un hululement satisfait, il reprit son envol.
Gabrielle saisit sa baguette et murmura un Lumos, un peu étonnée de l'étrange sensation qu'elle ressentait maintenant en utilisant la magie alchimique.
Elle constata avec surprise que la lettre lui était destinée. L'inquiétude l'envahit. Depuis son arrivée dans le Somerset, elle n'avait reçu que peu de courriers, et l'écriture qui ornait le parchemin de celui-ci ne lui était que vaguement familière. La lettre était datée d'une semaine, et lorsque Gabrielle la parcourut, son appréhension se transforma en excitation.
Gabrielle,
Fleur vient d'accoucher. C'est un petit garçon.
Nous aimerions te le présenter. Si Luna est d'accord, notre porte t'est ouverte.
A bientôt,
Bill Weasley
La petite exclamation de surprise qu'elle poussa à la lecture de la missive réveilla Luna. Celle-ci s'assit sur le lit et la fixa de ses grands yeux étonnés, l'air aussi lucide qu'en pleine journée.
Gabrielle lui tendit la lettre, et observa le visage de Luna alors qu'elle la parcourait. Lorsqu'elle eût fini, un sourire paisible étirait ses lèvres.
« Quand pars-tu ?, » demanda-t-elle simplement.
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Gabrielle arriva chez sa sœur sur les coups de dix heures. Le temps s'était dégradé, et d'énormes nuages menaçaient d'éclater au-dessus de sa tête. Sans un regard pour l'océan déchaîné sous ses pieds, elle poussa la porte du cottage.
Elle fut frappée par le silence qui y régnait.
« Gabrielle ? »
La voix de Bill Weasley brisa le calme irréel qui baignait la maison. Gabrielle se tourna pour trouver son beau-frère appuyé contre un mur, un sourire fatigué mais rayonnant sur les lèvres. Gabrielle se précipita vers lui et le serra dans ses bras. Après un moment de surprise, Bill lui rendit son étreinte avec affection.
« Comment va Fleur ? Et le bébé ? »
« Louis va très bien. Quand à Fleur…, » son visage s'assombrit un peu, « elle est épuisée. Elle n'a fait presque que dormir cette semaine. »
Gabrielle sentit l'inquiétude de son beau-frère. Elle tenta un sourire rassurant, mais l'anxiété lui serrait la gorge. Elle avait beau souvent se disputer avec sa sœur, il n'empêchait qu'elle l'aimait, et les mots de Bill l'inquiétaient. Elle tenta de détendre l'atmosphère.
« Louis…comme notre grand-père. »
Bill acquiesça d'un signe de tête en étouffant un bâillement
«Fleur dort encore pour le moment. Pourquoi n'irais-tu pas voir les filles en haut ? Je suis certain qu'elles seront ravies de te revoir. »
Gabrielle hocha la tête et se dirigea sur la pointe des pieds vers l'escalier.
« Gabrielle ! »
L'appel de Bill la fit se retourner.
« Merci d'être venue, » dit-il, l'expression impénétrable, « cela signifie beaucoup pour Fleur. Pour nous tous. »
Emue par la déclaration spontanée, Gabrielle sourit à Bill.
Elle monta les escaliers et ouvrit la porte de la chambre de Victoire et Dominique. Elle réprima un sourire lorsqu'elle vit les deux petites filles jouer précautionneusement, soucieuses de ne pas faire de bruit. Dominique était une petite fille posée, presque silencieuse, mais pour Victoire, c'était sans nul doute un effort quasi-surhumain.
Lorsqu'elle entra dans la chambre, les visages des deux sœurs s'illuminèrent. Victoire se leva d'un bond et se précipita vers Gabrielle.
« Gaby ! Tu es venue voir Louis ? »
« Oui, Victoire. »
La petite fille la regarda un instant, puis se pencha vers elle et lui annonça d'un ton de conspirateur :
« Il est vraiment pas beau, tu verrais ! Il est tout rouge et il n'a même pas de cheveux ! Tu te rends compte ? Je l'ai dit à papa, et papa a dit que ça s'arrangerait avec le temps. Mais ça s'est pas arrangé. Et puis, il est pas marrant, il fait que dormir et pleurer et manger et –»
« Hola, du calme Vic, » rit Gabrielle en serrant sa nièce contre elle, « Louis n'est encore qu'un petit bébé ! C'est normal qu'il ne fasse pas grand-chose de ses journées ! »
Victoire ouvrit de grands yeux et se pencha à son oreille.
« Tu crois que j'étais comme lui, avant ?, » murmura-t-elle.
Gabrielle se mordilla les lèvres pour s'empêcher d'éclater de rire devant l'expression effarée de sa nièce.
« Je ne crois pas, je le sais ! Je t'ai vue quand tu avais l'âge de Louis, et crois-moi, tu n'étais pas plus grande que ça, » répondit-elle en écartant les mains. L'expression de Victoire passa d'abasourdie à horrifiée.
Gabrielle sentit une petite main tirer sa manche et se tourna vers Dominique.
« Bonjour, Gaby-elle, » dit-elle en tendant les bras pour réclamer sa part de câlins. Gabrielle obtempéra de bon cœur, soulevant le poids plume pour la porter sur sa hanche.
« Salut Domino, » répondit-elle, amusée de voir la petite fille grimacer au surnom.
« Tu ne peux plus m'appeler Domino. Je suis grande maintenant. J'ai six ans et demi, tu sais ! »
« Tiens donc ! Si tu es si grande, tu es trop grande pour que je te porte, alors ? »
Elle fit mine de poser la petite fille, qui s'agrippa à elle.
« Non Gaby ! J'ai changé d'avis ! J'ai décidé que tu avais le droit de m'appeler Domino, » clama-t-elle d'un ton solennel.
Gabrielle serra la petite main de sa nièce.
« D'accord, Domino, » murmura-t-elle.
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Le soir venu, Gabrielle se retrouva seule dans la petite cuisine. Elle avait passé la journée à jouer avec ses nièces et à bercer le petit Louis, fascinée par la fragilité du nourrisson. Fleur n'avait pas fait son apparition de la journée.
Gabrielle alluma une cigarette et se posta à la fenêtre, profitant de la tiédeur orageuse de la soirée. Elle laissa son esprit naviguer au gré des vents à peine perceptibles qui secouaient l'air lourd d'électricité. Si elle se concentrait suffisamment, elle pouvait presque atteindre la petite cabane au milieu de nulle part. Pouvait presque ressentir les vibrations du cœur battant de Luna.
Au loin.
Gabrielle étouffa un soupir. Luna lui manquait déjà, et cela ne faisait qu'une journée qu'elle était loin d'elle. Elle se demanda avec un pincement au cœur ce qu'elle ressentirait lorsqu'il serait temps pour elle de retourner en France pour terminer ses études. Elle secoua la tête, tentant de repousser la question dans un coin de son esprit.
Perdue dans ses pensées, elle n'entendit pas les pas légers derrière elle, et elle sursauta lorsque sa sœur s'accouda sur le rebord de la fenêtre, à ses côtés.
« Bonsoir, sœurette, » murmura Fleur d'une voix enrouée. Gabrielle se tourna vers sa sœur et son inquiétude la reprit de plus belle. Fleur avait les traits tirés et la peau pâle, l'air épuisée.
« Fleur, comment vas-tu ? »
Sa sœur tenta un sourire, et soupira.
« J'ai connu mieux. Je suis fatiguée. Mettre au monde un enfant n'a rien d'un parcours de santé. Et toi ? »
Gabrielle sourit.
« Je vais très bien. »
« Comment se passe ta formation avec…Luna ? »
Gabrielle se tendit.
« Très bien. »
« Gabrielle…as-tu réfléchi à ce que tu feras plus tard ? Lorsque tu auras validé ta thèse ? As-tu pensé à étudier un vrai métier ? »
Gabrielle sentit l'agacement poindre en elle.
« J'aime ce que je fais, Fleur, » répondit-elle d'un ton sec, « J'ai l'intention d'en faire mon métier. Je veux faire comme Luna. »
Fleur recula de quelques pas.
« Gabrielle, je souhaite simplement le meilleur pour toi ! Tu ne peux pas vivre comme elle, c'est une fantasque ! »
Gabrielle écrasa rageusement sa cigarette sur la pierre, la jeta au loin et se tourna vers sa sœur.
« Arrête ! Arrête de parler d'elle comme ça ! C'est quoi ton problème, Fleur ? Depuis que j'ai commencé mes études, tu n'as eu de cesse que de me rappeler à quel point je te déçois ! »
Fleur pâlit.
« Gabrielle, non… »
Gabrielle la coupa.
« Tu sais quoi, Fleur ? Je n'ai pas besoin de toi. Ton avis m'est bien égal. Luna est une femme merveilleuse. Elle m'a appris tout ce que je sais, elle m'a fait découvrir qui j'étais vraiment.»
Fleur écarquilla les yeux.
« Qui tu étais v… Oh, Gabrielle…Est-ce que c'est ce que je pense ? »
« C'est ce que tu penses, et c'est bien plus que ça ! Que ça te plaise ou non, Fleur, Luna est quelqu'un de bien et…et je l'aime ! Je n'ai pas besoin de toi. Je…je te déteste ! »
Elle tourna les talons, ignorant les appels de sa sœur et sortit de la maison. Le cœur battant, elle essuya les larmes rageuses qui avaient coulé sur ses joues sans qu'elle s'en aperçoive et marcha. Elle marcha ce qui lui sembla être des heures, le long de la côte, laissant les vents l'apaiser, caresser sa peau.
Peu à peu, sa colère s'éteignit, laissant place à une culpabilité amère. Je te déteste, avait-elle craché au visage de Fleur. C'était faux, bien sûr. Fleur, toute différente qu'elle était de Gabrielle, était sa sœur, celle qui l'avait toujours protégée, celle qui avait toujours été là pour l'agacer, dans les bras de laquelle elle avait pleuré son premier chagrin d'amour. Sa sœur si courageuse, qui avait été sélectionnée pour le Tournoi des Trois Sorciers. Qui avait fait la guerre aux côtés de son mari pour assurer un avenir vivable à ses futurs enfants.
Elle reprit lentement le chemin du cottage.
Lorsqu'elle entra, elle fut surprise de voir la lumière de la cuisine allumée. Elle ouvrit la porte et se figea.
Fleur était assise à la table, une tasse de thé devant elle. Ses yeux étaient gonflés et rougis et ses longs cheveux tombaient sur ses joues sans qu'elle ne fasse un mouvement pour les dégager.
Fleur fixait la vapeur qui s'élevait de sa tasse en volutes blancs. Bien qu'il eût été très improbable qu'elle n'ait pas entendu la porte s'ouvrir, elle ne fit pas un geste indiquant qu'elle savait que Gabrielle était entrée. Gabrielle ouvrit la bouche, et la referma sans prononcer un mot. Elle ne savait pas quoi dire, elle ne savait pas comment réparer le mal qu'elle avait fait. Elle ne savait pas comment réparer le mal que Fleur lui avait fait.
« Je t'ai toujours enviée, tu sais. »
La voix de Fleur, inhabituellement éraillée, la fit sursauter. Celle-ci avait tourné la tête vers elle et la fixait de ses yeux bleus, une lueur suppliante dans le regard.
Gabrielle s'avança lentement dans la cuisine et tira la chaise qui faisait face à celle de Fleur. Celle-ci ne la quitta pas des yeux. Lorsque Gabrielle fut assise, Fleur soupira et se frotta les yeux en un geste fatigué.
« Tu as toujours été l'impulsive, » reprit-elle, « tout le monde me disait que j'étais trop terre-à-terre. Je t'ai toujours enviée ta capacité à rêver, à agir selon tes envies, sans te soucier de ce que les autres pensent. »
Gabrielle ne répondit pas, sentant que sa sœur n'en avait pas terminé. En effet, après plusieurs minutes, elle baissa les yeux vers sa tasse.
« J'ai toujours été fière de toi, Gaby,» Gabrielle sentit son cœur accélérer en entendant ce surnom d'enfance, « J'étais juste…jalouse. Tu sais, j'aime ma vie, j'aime mes enfants et j'aime Bill, mais…je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qui se serait passé si j'avais été comme toi. Courageuse. Tenace. Poète.»
Gabrielle fixa sa sœur, bouche bée.
« Et…Luna ?, » fut tout ce qu'elle fut capable d'articuler, la gorge nouée par l'émotion.
Fleur leva enfin les yeux vers elle.
« Tu l'aimes vraiment, pas vrai ? »
« Oui, » répondit Gabrielle, en réalisant qu'elle n'avait jamais été plus sûre de quelque-chose.
Fleur haussa les épaules.
« Je ne vais pas prétendre que je comprends. Mais s'il y a quelque-chose que j'ai appris avec Bill, c'est qu'on ne choisit pas qui on aime. Je veux juste que tu sois heureuse, sœurette. »
Gabrielle fixa sa sœur, trop émue pour parler. Finalement, elle parvint à croasser un stupide, « Je ne te déteste pas pour de vrai… »
A ces mots, Fleur gloussa de façon légèrement hystérique en se tamponnant les yeux d'un mouchoir.
« Je sais, espèce d'idiote. »
Et ce fut tout. Gabrielle et Fleur se regardèrent et éclatèrent d'un rire nerveux qui se transforma bientôt en fou-rire incontrôlable. Lorsque Bill Weasley, alerté par le bruit, descendit enquêter sur son origine, il trouva les deux sœurs attablée, secouées de hoquets de rire, de grosses larmes coulant sur leurs joues, et songea que, décidément, il ne comprenait vraiment pas les femmes.
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Gabrielle repartit le lendemain matin, après avoir promis plusieurs fois de revenir bientôt. Elle serra les dents pour lutter contre la vague de nausée qui accompagnait chez-elle le transplanage et, après un dernier regard au cottage sur la falaise et un signe de main en direction de ses nièces, elle disparut.
La vue de la petite bicoque lui tira un sourire. En quelques mois, elle en était venue à considérer cet endroit comme sa propre maison, et la chaleur qui s'en dégageait ne manqua pas de faire accélérer les battements de son cœur. Elle ouvrit la porte et prit une minute pour observer le profil concentré de Luna, le léger froncement de ses sourcils et l'éclat de sa peau, rendue presque translucide par la lumière filtrant par la fenêtre.
Elle s'approcha à pas de loups et embrassa la nuque pâle de Luna. Celle-ci n'eut pas le moindre mouvement de surprise, mais se contenta de tourner la tête, ses grands yeux étincelant d'une lueur joyeuse.
« Bonjour Gabrielle. »
Gabrielle déposa un baiser sur les lèvres souriantes et s'assit à côté de Luna.
« Comment s'est passé ta visite ? Tu as l'air plus paisible que la dernière fois, » affirma la jeune femme.
Gabrielle haussa les épaules.
« J'ai réussi à régler un…différend avec ma sœur. Je suis soulagée. »
Le regard de Luna se fit sérieux.
« C'est une bonne nouvelle, » dit-elle en posant soigneusement son grimoire, « Laisser les non-dit s'installer n'est jamais bon. »
Comprenant l'allusion, Gabrielle hocha la tête. Elle se leva pour s'installer sur le canapé. Pelotonnée dans la couverture de laine et bercée par le grattement régulier de la plume de Luna, elle s'endormit.
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« Gabrielle. »
Gabrielle grogna et se retourna, tentant d'ignorer la main qui secouait son épaule. Le murmure se fit plus présent, un souffle chaud balaya sa nuque. Dans le cocon de sommeil qui enveloppait son cerveau, un petit éclair de lucidité lui souffla Luna.
Elle ouvrit les yeux avec réticence et se tourna pour faire face à la jeune femme.
« Quelle heure ?, » marmonna-t-elle.
« Cinq heures du matin, » répondit Luna avec un sourire indulgent. Gabrielle gémit et referma les yeux.
A travers la couverture, elle sentit la main de Luna se poser sur sa hanche et son souffle caresser sa joue alors qu'elle se penchait pour murmurer à son oreille.
« Lève-toi. Tu ne le regretteras pas. »
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Gabrielle n'était pas du matin. Elle tenta de forcer ses yeux à rester ouvert, grimaçant en sentant la fraîcheur nocturne mordre sa peau. Il faisait encore nuit noire, et cela faisait près d'une heure que Luna et elle marchaient en silence. Gabrielle avait tenté de soutirer à Luna des informations sur leur destination, mais avait obtenu un sourire mystérieux pour toute réponse.
Elles commencèrent à monter, et Gabrielle oublia ses récriminations pour se laisser prendre au jeu de Luna, laissa l'air sécher la fine pellicule de sueur qui couvrait son front. Elle inspira à pleins poumons l'air pur de la fin de la nuit, émerveillée de se sentir si vivante.
Gabrielle perdit le cours du temps durant sa longue marche aux côtés de Luna. Elle regardait autour d'elle, savourant le plaisir simple de suivre en toute confiance cette femme qu'elle avait appris à respecter et admirer.
Finalement, Luna s'arrêta. La nuit était encore sombre, bien qu'à l'horizon, une ligne pâle commençait à se dessiner, signalant l'imminence du lever de soleil.
Gabrielle se laissa tomber sur le sol, le souffle court et les muscles endoloris. Le regard tourné vers l'horizon obscur, elle tenta de comprendre comment Luna pouvait-elle être si pimpante à sept heures du matin, après une heure et demie de marche. Elle ouvrit la bouche, mais la main de Luna se posa sur son épaule, légère et douce.
« Regarde. »
Gabrielle se tut. Apaisée par la main de son amante qui caressait sa nuque, elle laissa son souffle se faire plus régulier, inspira l'air vif du matin. Son pantalon était couvert de rosée, mais elle ne s'en soucia pas et s'installa plus confortablement.
Ce fut comme si un rideau s'était levé sur la campagne. Soudain, le ciel s'éclaircit, passant d'un noir profond à ce bleu transparent qui annonçait la fin de la nuit. Lentement, très lentement, l'est se mit à flamboyer.
Les nuages semblèrent s'illuminer. Petit à petit, ils commencèrent à s'éclaircir tandis que se découvrait sous les yeux ébahis de Gabrielle le paysage du Somerset voilé par la brume. La silhouette des pommiers se traça lentement dans le brouillard rosé, et le ciel entier sembla prendre feu, s'éclairant de gerbes violettes et orange, tandis qu'apparaissait à l'horizon le cercle timide du soleil.
Le souffle coupé, Gabrielle sentit la magie vibrer dans l'atmosphère, si forte que son être sembla s'en nourrir. Elle tourbillonnait comme un courant électrique, réveillant la moindre cellule de son corps, rampait sous la terre. Pour la première fois, Gabrielle vit la magie, les étincelles parcourant chaque plante et chaque parcelle du sol.
« Le dernier des éléments, » murmura Luna derrière elle, et la révérence dans sa voix emplit le cœur de Gabrielle d'une émotion brûlante. Elle tourna la tête vers la jeune femme.
Les grands yeux de Luna étaient emplis de larmes. Sa peau semblait diaphane dans la lumière du soleil levant, et le sourire qui jouait sur ses lèvres était proche de l'extase. Autour d'elle, la magie frémissait, comme pour la saluer.
Luna éclata d'un rire clair, et Gabrielle comprit qu'elle était perdue.
Elle était perdue, et pour rien au monde elle ne voulait retrouver son chemin.
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à suivre...
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