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au 31 Mai 21 :
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Easy as pie.
Par WildShelby
Harry Potter  -  Romance  -  fr
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Chapitre 4 - Partie 1

Chapitre 4.
Première partie.

 

Sur la table, un couteau couvert de crème pâtissière et de miettes de pâte sablée à la poudre d’amande reposait négligemment à côté de la soucoupe sur laquelle il était supposé être posé, appuyé contre une bouteille de vin rouge vide depuis longtemps, et une bouteille de champagne dont le verre était encore humide de la condensation produite par la différence entre la fraîcheur du réfrigérateur et l’atmosphère surchauffée de la salle à manger des Zabini-Granger. Du dessert, un imposant fraisier préparé avec soin plus tôt dans la journée par Harry, il ne restait guère que quelques miettes et un peu de cette crème si légère qu’aucun des convives n’avait pu résister à une deuxième, puis à une troisième part. La saveur subtilement sucrée de la pâte, délicatement assortie au fumet bien plus franc des fraises des bois, minuscules mais dont chaque bouchée produisait une explosion de bonheur sur les papilles, feu d’artifice de plaisir qu’emportait la crème, les amandes de la pâte, avait été accompagnée à merveille par le champagne, amer, et ses fines bulles qui venaient pétiller sur les lèvres des quatre adultes réunis ce soir. Verre après verre, cuillérée après cuillérée, ils s’étaient laissés emporter par l’expertise du chef, et s’étaient laissés aller à rire, autorisation que l’alcool avait grandement facilitée. Après le fiasco des plats commandés à un traiteur qui, de l’opinion du brun, faisait honte à la profession, l’arrivée sur la table de ce dessert d’une simplicité qui n’enlevait rien à la maestria avec laquelle il avait été exécuté, avait été accueillie avec un soulagement général, y compris par Draco.

Le repas s’était déroulé dans une ambiance lourde, pesante, suffisamment pour que Hermione et Blaise échangent plusieurs regards inquiets. L’idée d’inviter leur meilleur ami respectif ne semblait plus aussi pertinente qu’elle l’avait été dans un premier temps. Si Blaise avait mis plus de temps à se laisser convaincre par Hermione, il avait fini par croire que cela pouvait marcher. Mais Draco, dans sa posture hautaine, son nez pointu surplombant le monde entier de son flegme, avait annoncé la couleur sans laisser de place aux tentatives, maladroites mais sincères, de Harry de se montrer, sinon amical, au moins aimable. Il avait vite abandonné, ceci dit : la personne qu’il aimait, ici, c’était Hermione. Tant pis pour Malfoy et son attitude de connard.

Pour la première fois, il la voyait évoluer aux côtés de Blaise, et même s’il avait une entière confiance en les choix qu’elle faisait, il ne pouvait que reconnaître qu’ils formaient un couple d’exception. Elle, toute en douceur et en ténacité, et lui, piquant et charmant, semblaient avoir trouvé un équilibre tout en subtilité, en évidences et en éclats de rires complices qu’ils échangeaient comme d’autres s’embrassent à tout va. Quoi qu’elle fît, Blaise ne la quittait pas du regard, l’observant et l’admirant sans retenue, se contentant d’un sourire canaille lorsqu’elle lui faisait une réflexion.

— Harry, nous allons peut-être passer au dessert, non ? proposa Hermione avec un sourire en repoussant l’assiette à peine entamée du plat principal.

— Je sors fumer une cigarette et je sers le dessert, oui, acquiesça Harry.

— Je te suis, décida Blaise.

La nuit était noire, fraîche, vivifiante. Harry s’accouda à la rambarde de bois qui entourait la petite terrasse surplombant le jardin du couple, sa cigarette entre les doigts.  Blaise s’adossa à la barrière, près de lui.

— Hermione m’a parlé de Ron… Je suis désolé.

Harry leva les yeux vers lui, étonné.

— Je… Merci. Je crois.

Blaise grimaça.

— C’était maladroit.

— Ouais… Mais je crois qu’on a tous été maladroits, dans cette histoire.

— Qu’est-ce que tu entends par là ?

— Blaise, ça fait quoi ? Trois, quatre ans que tu es marié à Hermione ? On ne se connaissait pas vraiment avant ce soir, on ne s’est même pas reconnus lors du cours de cuisine, tu ne connaissais pas l’existence de Ron, toute une frange de la vie de ta femme, et tout le monde savait que je serais présent ce soir, à l’exception de Draco. On a tous merdé à un tel point que même si on l’avait voulu, on n’y serait pas parvenus. Alors…

— Je vois.

— J’apprécie, poursuivit Harry tout en tirant sur sa clope, soufflant ensuite la fumée par la bouche, longuement. Ça n’a pas dû être facile pour toi.

— De savoir que tu as couché avec mon meilleur ami ? Disons que c’était imprévu, soupira Blaise avec un sourire en coin.

— Je parlais de Ron. Ça n’a pas dû être facile pour toi d’apprendre que Hermione a eu toute une vie dont tu ne connaissais pas même l’existence.

Blaise grimaça, appuyant ses mains sur la rambarde, dans son dos.

— Ouais… Elle m’a présenté à ses parents… Les parents de Ronald.

— Arthur et Molly, carrément ? Ils sont formidables, d’un courage sans limites.

— Ce qu’ils ont vécu est affreux.

— Oui, surtout qu’à l’époque, les jumeaux et Ginny vivaient encore chez eux, et qu’ils avaient besoin d’eux. Fred et George sont des gamins, toujours à faire les quatre-coups et à prétendre ne pas comprendre pourquoi ça ne fait pas rire tout le monde autour d’eux. Ginny…

— Tu as été fiancé à elle, c’est bien ça ? le relança Blaise, partagé entre sa curiosité et une volonté de ne pas être intrusif.

— Pendant deux ans et demi, oui. Elle était amoureuse de moi depuis son adolescence, et elle était tout ce que n’importe quel homme voudrait.

— Mais pas toi.

— Il m’a fallu du temps pour le comprendre. Suffisamment pour que ça la blesse, parce qu’elle se voyait déjà mariée, imaginait nos enfants, notre vie pour les dix, quinze, vingt, quarante prochaines années, raconta doucement Harry, à voix basse.

— C’est à ce moment que tu as compris que tu aimais les hommes ?

— Si je suis honnête avec moi-même, je l’ai toujours su. Il a surtout fallu que je l’accepte, que je comprenne que la vraie preuve de courage, ça n’était pas de prétendre vouloir une vie qui me donnait plus envie de hurler et de me saouler qu’autre chose.

— Tu voulais être courageux ?

— J’ai été élevé dans une famille qui pense que le courage est une qualité essentielle. Courageux comme le lion, comme dirait mon père. Sauf que le lion aime les lionnes, pas les autres lions. Surtout pas les autres lions. Bref, j’ai quitté Ginny. Ron était déjà dans le coma depuis plusieurs semaines, j’avais arrêté le rugby, je passais mes soirées dans des bars à essayer de savoir quoi faire de ma vie sans lui, sans son rire, sans sa présence, sans sa… sa compréhension, et je ne rentrais jamais seul chez moi. Je me disais que c’était la fatigue, l’alcool, la tristesse, et puis.... Hermione est arrivée et m’a remis les idées en place, dit Harry avec une grimace éloquente.

Blaise éclata de rire, faisant sursauter le jeune chef, qui ne tarda pas à le rejoindre dans son hilarité. C’était un rire profond, sincère, qui transgressait tous les interdits, toutes les différences, tous les silences, même, qui scellait ce qui ressemblait déjà une relation de confiance. Les bulles du champagne n’étaient pas étrangères à cette facilité à la confession, à cette tendance exacerbée au rire, pas plus que les vapeurs du vin blanc, puis du vin rouge qu’ils avaient sifflé sans complexe, mais ces rires qui se mélangeaient n’en étaient pas moins l’expression d’une profonde satisfaction. Aucun d’entre eux n’aurait su dire si cette nouvelle complicité survivrait à la nuit et à la gueule de bois, ou même à leur retour dans la maison, mais l’important n’était pas là : cette allégresse répondait à un besoin, à un désir de lâcher-prise.

— C’est plutôt rassurant de voir que tu sais à quoi je fais référence, avoua Harry, essuyant du dos de la main les larmes qui coulaient de ses joues.

— Hermione est merveilleuse mais… Je ne l’aurais pas épousée si j’avais voulu une femme soumise et conciliante.

— Elle a toujours détesté la facilité.

— J’en connais un autre… Draco, explicita Blaise devant le regard interrogateur de Harry.

— Mh…

— Ne fais pas attention à son caractère, Potter. Il est particulier, il l’a toujours été. Il ne se dévoile pas, mais crois-moi quand je te dis qu’il s’est montré bien plus ouvert avec toi qu’avec quiconque depuis bien longtemps.

— Honnêtement, je m’en fiche, Blaise. On ne s’est rien promis, on a passé une nuit ensemble, ça ne va pas plus loin.

— Tu crois vraiment ce que tu dis ?

— Tu tiens à tout prix à caser ton meilleur ami gay avec un autre gay de ta connaissance ? Parce que ça ne m’intéresse pas. Je me suis laissé convaincre par Hermione de venir à cette soirée parce qu’on ne s’était pas vus depuis trop longtemps, parce que je ne t’avais jamais rencontré…

— Et peut-être un peu parce que tu voulais revoir Draco, non ?

— Peut-être. Ça ne change rien au fait qu’il s’est comporté comme un connard toute la soirée. 

— Pas plus avec toi qu’avec moi.

— Tu aimes peut-être t’entourer de crétins qui s’imaginent que se montrer hautains et à peine respectueux leur donne de l’importance, ça n’est pas mon cas.

— Ok, ok, capitula Blaise en levant les mains dans une tentative de calmer la situation. Hermione pensait… Nous avons pensé, en vérité, que ça serait une bonne idée, peut-être nous sommes-nous trompés. Pour notre défense, vous n’avez pas fait beaucoup d’efforts pour que ça se passe bien.

Harry grommela quelques mots entre ses dents, et d’un mouvement de la tête, proposa à Blaise de retourner dans la maison. Assis côte à côte à table, Hermione et Draco semblaient plongés dans une discussion polie qui n’était que cela… Polie.

Le chef retrouva sa place, face à Draco, qui avait posé sur lui un air narquois. Les vapeurs de l’alcool avaient fait leur travail sur lui ; ses joues étaient d’un rose discret mais inhabituel sur sa peau pâle, et ses sourires, même les plus moqueurs, montraient ses dents plus que lorsqu’il était sobre. Sa chevelure, pâle — et soyeuse, mais ça n’avait rien à voir avec cette soirée qui ne ressemblait à aucune autre — encadrait son visage, les mèches tombant sur son front et encadrant son visage d’une façon qui évoquait à Harry le petit matin à ses côtés. L’alcool donnait à Malfoy une beauté qu’il semblait s’interdire le reste du temps, qu’il cadenassait sous des masques de mépris et de froide distance.

Dès son arrivée au domicile des Zabini-Granger, l’artiste avait compris que quelque chose clochait sérieusement. Il ne s’agissait même pas d’un pressentiment, d’une vision ou même d’un déjà-vu foireux, comme dans ces films à deux balles où les amis (méritaient-ils encore cette appellation ?), mais d’une certitude qui l’avait profondément ennuyé. Harry, lui, quand il avait débarqué, ne s’était même pas donné la peine de paraître surpris de sa présence. Tout au plus l’avait-il été d’être accueilli (et le terme était bien loin de la réalité) par Draco, mais il s’était contenté du minimum de la politesse le reste du temps. C’était précisément le genre de situations que le blond détestait : ces fausses politesses, ces complicités superficielles qui n’existaient que pour rendre la pareille et donner le sentiment d’une vie sociale qui n’existait pas l’exaspéraient au plus haut point. Même Blaise avait été ridicule, à accompagner Potter fumer sa foutue clope, alors qu’il détestait la fumée, qu’ils ne s’étaient jamais ne serait-ce que rencontrés auparavant, et qu’il voulait surtout éviter de devoir se justifier auprès de Draco et de sa femme. C’avait été lui le pire, tout en courbettes alors qu’à en juger les cernes qu’il affichait et la distance subtile mais persistante qu’Hermione lui imposait, la semaine n’avait pas été de tout repos pour eux. Le blond aurait adoré en savoir plus, comprendre pour quelle raison ils s’étaient engueulés, mais il n’avait, par ailleurs, aucune envie de devoir réconforter ou rassurer qui que ce soit. Les histoires de couple l’emmerdaient, l’endormaient, et confirmaient chaque jour que sa vie était exactement telle qu’elle devait être.

Appuyé avec nonchalance contre le dossier de sa chaise, il avait à peine suivi du regard Blaise lorsqu’il était sorti rejoindre Harry. Près de lui, Hermione triturait son gâteau, grignotant les dernières phrases. S’il n’avait que peu d’affection pour cette femme, il savait qu’elle n’avait pas l’habitude d’y aller par quatre chemins. Si elle avait quelque chose à dire, elle le dirait très prochainement.

— Est-ce que tu passes une bonne soirée, Draco ? demanda-t-elle finalement.

— Est-ce que tu veux vraiment une réponse à cette question ? répliqua-t-il de sa voix traînante.

— À vrai dire… oui. Je crois que nous avons fait une erreur, Blaise et moi, en vous invitant, Harry et toi, sans, et en imaginant que ça serait une bonne idée.

— Je confirme.

— Je continue à penser que…

— Ecoute, Granger, j’ai rien contre toi. Blaise t’aime, il est heureux, ça me convient très bien. Ca ne te donne pas le droit de t’immiscer dans ma vie personnelle, y compris sous prétexte que ton meilleur pote et moi avons baisé. Ne fais pas cette tête, tu étais au courant. Si Potter avait voulu garder contact avec moi, il l’aurait fait, il avait mon numéro de téléphone.

— Quoi ? Donc tu voulais le revoir ?

— Qu’est-ce que tu as mal compris dans “il avait mon numéro de téléphone” ?

— Je suis juste… étonnée. Il a rompu avec Colin et…

— Et quoi ? Tu pensais qu’on allait se mettre à roucouler dans la minute ?

— Je trouve souvent qu’il se comporte comme un con, mais tu le bats vraiment à plates coutures dans ce domaine.

Draco lui adressa un demi-sourire, un peu tordu, un peu amusé, étrangement… Complice. Il y avait quelque chose de plaisant à échanger avec Hermione. Il porta son verre de champagne à ses lèvres.

— Pourquoi n’avoir jamais présenté Harry à Blaise ? demanda-t-il entre deux gorgées.

— Je voulais qu’ils se rencontrent… Disons que les circonstances ne s’y sont jamais prêtées, et que ni l’un ni l’autre n’avait l’air très intéressé. Et puis, ça impliquait de lui parler de toute une partie de mon passé.

— Ronald.

— Oui.

— Mais Potter ne fait pas partie de ton passé.

— C’est au contraire la seule personne qui me relie au passé. La famille Weasley, aussi, mais c’est différent. Ils sont… Ils me gardent près d’eux parce que ça donne du sens à la vie qu’ils mènent, à Ron émacié dans un lit d’hôpital duquel il ne sortira jamais, sinon pour être incinéré.

Hermione grimaça. Elle qui n’avait jamais de difficultés à dire les choses, mais l’alcool déliait les nœuds de sa confiance, sa réserve naturelle. Malfoy ne jugeait pas, parce que la première impression qu’il donnait la plupart du temps était celle d’un désintérêt absolu. Il demandait, satisfaisait sa curiosité sur l’instant, mais n’accordait que peu d’importance, finalement, à ce qui lui était dit. Lui parler était, étonnamment, presque plus simple que de parler à Blaise.

— Tu veux vraiment de lui dans ta vie ?

— Harry ? C’est mon meilleur ami. Évidemment que je veux de lui. Même s’il choisit toujours le pire moment pour être courageux, même s’il est têtu, qu’il fait souvent les choses sans réfléchir, ou qu’il réfléchit tellement à côté qu’il a toujours l’air surpris d’être dans la réalité. Ça n’est pas quelqu’un d’ordinaire.

— J’avais remarqué.

— Alors tu comprends.

Oui, il comprenait. Il aurait fallu être aveugle pour voir que Potter n’était pas comme tous les autres, qu’il n’était ni une copie conforme ni un pseudo rebelle — ceux-là emmerdaient prodigieusement le blond.  Il était une âme, différente, unique, qui existait par et pour elle-même, qui invitait un inconnu à rester avec lui, par deux fois, à partager sa nuit, à explorer et à goûter, à dévorer et à vénérer son corps, qui se donnait et s’offrait à un homme duquel il ne savait rien mais dont il avait décidé qu’il revêtait un intérêt tout particulier. Draco détestait en même temps qu’il adorait cette sensation de fierté, de satisfaction, de plénitude même, qui l’avait saisi quand il avait compris que l’intérêt qu’il portait alors à ce chef aux yeux d’un vert si étonnant, si vivant et habité était partagé ; même avec le recul, il aurait été incapable de dire qui avait joué avec qui, qui avait été l’objet de qui. La seule chose dont il était sûr, c’est que malgré le numéro de téléphone laissé sur un foutu morceau de carton, Harry n’était pas revenu vers lui.

Draco Malfoy ne courrait après personne. Pas même après cet homme bon qu’était Harry Potter.

— Les gens aiment ou détestent Harry, l’adorent ou le méprisent, et parfois, le méprisent parce qu’ils réalisent que Harry ne veut pas de leur adoration. C’était déjà le cas, quand nous étions plus jeunes. C’était le meilleur joueur de l’équipe de rugby, ça rendait Ron fou parce qu’il était beaucoup plus maladroit, qu’il était stratège mais ne prenait aucun risque, alors que Harry semblait tout comprendre une seconde avant les autres.

— Saint Potter.

— Même pas. Il voulait juste gagner, il se foutait du public, des acclamations. Et encore plus quand Ron a eu son accident.

— Il a continué ?

— Oui, d’abord au sein du même club, puis il est parti, il a rejoint un autre club, plus amateur, plus anonyme. Je sais qu’il s’y est longtemps ennuyé, suffisamment pour en rejoindre un autre, plus à son niveau. Maintenant, il joue pour Ron plus que pour lui-même.

— C’est bien ce que je disais : Saint Potter.

— C’est juste quelqu’un de bien qui ne le sait pas, parce qu’il se moque de faire plaisir aux gens, il fait juste les choses qu’il estime être bien. Ça rend ses actions bien plus puissantes. C’est pour ça qu’il est resté avec Colin pendant si longtemps alors qu’il ne l’aimait pas.

— C’est parfaitement stupide.

— Oui, ça l’est. Je n’ai pas dit qu’il était cohérent, juste que c’est quelqu’un de profondément bon.

— Donc tu t’es dit que c’est ce dont j’avais besoin. Quelqu’un de “profondément bon”.

— Tu as dû penser à la même chose, Draco, sinon tu ne serais pas retourné à un cours de cuisine pour le voir, et sans avoir la moindre garantie que tu arriverais à tes fins.

— Qu’est-ce que tu crois ? Bien sûr que je savais ce que je faisais.

— Si tu le dis… souffla Hermione tout en remplissant de nouveau son verre et celui de Draco.

— Je ne suis pas un cas désespéré, contrairement à ce que Blaise voudrait que tout le monde pense.

—  Je le sais. Pas plus que Harry.

Draco leva les yeux au ciel.

—  Il vient de quitter son mec, il a quitté son ex-fiancée parce qu’il a réalisé qu’il aimait les hommes, et il n’est pas foutu de prendre contact avec quelqu’un qui lui laisse…

—  Son numéro de téléphone, poursuivit Hermione avec un sourire, j’ai compris. Il n’a aucune idée qu’on peut réellement l’aimer.

—  Je croyais que tout le monde l’aimait ?

—  Je n’ai jamais dit ça. Les gens l’adorent, ils ne l’aiment pas. Harry n’est pas juste le gars bien que les gens voient. Il est bien plus complexe.

— Il n’est pas complexe, c’est un gamin qui ne sait pas ce qu’il veut.

— Parce que tu sais ce que tu veux, toi ?

— Être tranquille.

—  C’est ce que tu dis parce que tu as peur des relations.

—  Je n’ai pas peur, je trouve ça inutile et dépourvu d’intérêt. Nuance.

— Si tu le dis…

— Ouais, je le dis. Ne le prends pas mal, vous êtes très mignons avec Blaise, mais moi, ça ne me fait pas rêver. Je n’ai pas envie d’une vie où je dois m’expliquer sur tout ce que je fais, où je ne peux pas décider de quelque chose sans avoir à me justifier auprès de quiconque, où je dois rendre des comptes et devenir une autre personne pour plaire et ne pas blesser la petite sensibilité de l’autre. C’est pénible, routinier, prévisible. Et rien ne m’agace plus que les choses prévisibles. Même Pansy n’a jamais réussi à me convaincre du bienfondé de construire quelque chose qui ressemble à un couple.

— Mais Pansy est une femme.

— Ouais, et je suis un Malfoy. À quel moment est-ce qu’un Malfoy peut se permettre de fonder une famille sans enfants ?

— Ca n’a rien à voir...

— Ecoute, laisse-tomber. Blaise et toi êtes très bien, il est devenu insupportable de niaiserie, mais ça reste mon meilleur ami, et je pense qu’il aurait pu tomber sur pire que toi.

— Merci… j’imagine.

— Ne répète pas à Potter ce que j’ai dit concernant ce numéro de téléphone. Je nierai tout.

— Tu m’en demandes beaucoup.

— Hermione…

— Je ne vais rien dire. Je n’en pense pas moins, mais je ne dirai rien.

— Tu vois quand tu veux.

Draco, au moment où Blaise et Harry faisaient leur retour dans la pièce, échangea un regard complice avec Hermione. Il posa un regard narquois sur Harry alors que ce dernier s’installait. Il dégageait une odeur de tabac que Draco aurait pu trouver désagréable s’il n’avait pas été fumeur lui-même, et s’il n’avait pas déjà eu la possibilité de s’enivrer de cette même fragrance, à même la peau du brun. Il se revoyait, le nez contre son cou, remonter le long de son oreille, jusque dans sa tignasse impossible, et humer cette odeur si particulière dont il savait que s’il réitérait le geste, elle serait exactement la même.

La soirée s’acheva peu de temps après. Blaise et Hermione accueillirent le départ de Harry et Draco avec un enthousiasme qui ne laissait guère de doute sur la suite de leur soirée. Leurs invités échangèrent un regard prétendument dégoûté qui leur permis à tous de clore la soirée en beauté. Enlacés, la jeune femme et son époux à la peau sombre regardèrent leurs amis s’éloigner dans la nuit noire, satisfaits, après tout, de cette soirée qui avait failli, à plus d’une reprise, tourner au pugilat.

Le chef et l’artiste, eux, s’étaient retrouvés à prendre le départ d’un même pas, en silence. Cela n’avait rien d’inconfortable, mais le fait est qu’ils n’avaient rien à se dire, aucune raison de se montrer aimables l’un envers l’autre. Ils se contentaient de marcher, côte à côte, dans les rues pavées de Londres. L’air, quoi que frais, annonçait une transition météorologique qui était plus que bienvenue ; les beaux jours seraient bientôt aux portes de l’Angleterre, apportant leur lot d’oiseaux chanteurs, de fleurs délicates et de touristes curieux et affamés de découvertes pittoresques.

— Blaise est quelqu’un de bien, dit soudain Harry, dans ce qui apparut inévitablement comme une tentative maladroite de faire la conversation.

Draco émit un ricanement.

— Un peu plus et tu parlais de météo, Potter…

— Je t’emmerde Malfoy. En attendant, c’est la vérité.

— Oui. Blaise est quelqu’un de bien. Un emmerdeur, fouineur, qui a un goût tout particulier pour se mêler de ce qui ne le regarde pas.

— On pourrait croire que tu parles d’Hermione, fit remarquer Harry.

— Elle n’est pas mal non plus dans son genre.

— On s’y fait, soupira Harry en roulant des yeux d’un air dramatique.

— Parle pour toi. Tu n’as peut-être pas de problème avec le fait que ta pote se permette de manigancer des choses dans ton dos, c’est pas mon cas, siffla Draco avant de se reprendre, dans un rire ironique. J’oubliais que tu étais au courant que je serai présent ce soir. Tu sais que tu aurais tout aussi bien m’appeler si tu voulais que l’on se voie, tu avais mon numéro de téléphone. Je n’aurais peut-être pas accepté, évidemment, mais au moins, ni toi ni moi n’aurions eu l’air de gamins de 14 ans dont les amis complotent pour les caser.

— Ton numéro de téléphone ?

Harry était sonné. D’où Malfoy lui avait-il laissé son numéro de téléphone ?

— Oui, mon numéro de téléphone, Potter, je parle toujours anglais, non ? Tu devrais être en mesure de comprendre cela.

— J’ai compris, mais je n’ai ton numéro de téléphone nulle part.

— Je l’ai noté sur une boîte à œufs !

Ils s’étaient arrêtés au milieu du trottoir. Tout dans leurs gestes trahissait leur agacement, mêlée d’exaspération. Une zone obscure et à peine audible de son cerveau soufflait à Draco que sans tout cet alcool, il ne se serait pas permis de telles réactions face à Potter. Ses cheveux, loin d’être aussi mal coiffés que ceux du chef, n’en ressemblaient pas moins à nid d’oiseau, ses joues avaient gardé de leur rougeur, et son regard, brillant et perçant, ne quittait pas celui, d’un vert si rare du brun. Lui à qui sa mère avait toujours répété que ses yeux, d’un gris élégant, étaient uniques dans leur genre et qu’ils auraient un jour le pouvoir de séduire et de convaincre n’importe qui, de percer dans le monde des gens importants et de faire gagner au nom Malfoy plus d’influence que jamais, devait reconnaître que les yeux de Harry étaient un monde entier à eux tout seuls. Jamais il n’avait vu une couleur si pure, si changeante et si fascinante. Selon ses humeurs, le vert évoluait, comme jouissant de sa propre vie, de sa propre volonté. Même lorsque le chef demeurait silencieux, ses yeux hurlaient ses émotions, et son regard pouvait se faire caressant, séducteur, piquant et envoûtant, tout comme il pouvait, Draco en aurait mis sa main à couper, exprimer les émotions les plus négatives de Potter. La colère, le mépris, la déception, l’agacement, comme à cet instant, son regard devait pouvoir exprimer toutes les émotions, dire tout ce que sa voix était incapable d’énoncer, tout ce que son cerveau était incapable de transformer en mots.

Debout face à face, ils ressemblaient à des épouvantails trop alcoolisés, gesticulant pour une foutue boîte d’œufs. Le ridicule de la situation leur sauta bientôt aux yeux, et s’ils éclatèrent de rire, cette euphorie tonitruante des hommes qui ont trop bu et qui ont accepté de ne plus avoir de contrôle sur leurs émotions, Draco n’aurait pas été en mesure de dire qui avait commencé à rire. Avait-il initié cet élan d’hilarité, agacé par le comportement de cet homme qui l’attirait autant qu’il l’exaspérait ? Ou Harry, dont le sourire rieur n’était jamais loin, dont il était limpide que c’était un homme joyeux qui s’était efforcé de l’être un peu moins ou dont la vie avait bridé la jovialité.

Ils riaient, ils riaient à en avoir mal aux côtes, à en oublier pourquoi ils s’esclaffaient, se marraient comme deux gamins et pas comme les hommes qu’ils étaient supposés être, ils riaient de la même façon qu’ils faisaient l’amour, en somme : à corps perdu, sans retenue, sans limite autre que celle des abdominaux douloureux, que les larmes qui coulaient sur leurs joues et que leurs poumons brûlants du manque d’oxygène.

Puis le rire se fana, mais le sourire continua à flotter sur leurs lèvres, dans leur regard, leurs joues rouges et leur souffle court, la main de Draco sur l’épaule de Harry, sur laquelle il s’était appuyé à un moment donné, celle du brun sur la taille de l’artiste, quand bien même il n’avait jamais été sur le point de perdre l’équilibre. Il n’avait cherché que le contact, parce que c’est ce que le rire fait : il rapproche, il crée des liens, il permet d’oser, de franchir un pas longtemps retenu, de se rapprocher et surtout, de s’autoriser à ne plus juste prétendre.  

— J’ai vraiment noté mon numéro de…

— Ferme-là, Malfoy.

Aussi simplement, aussi facilement que cela, Harry embrassa Draco. Ses lèvres sur les siennes, sans que leurs corps se touchent autrement que par leur main posée sur l’autre, que du bout des lèvres. Il n’y avait pas cette magie du baiser longtemps attendu, de la séduction longuement étudiée, travaillée, de la stratégie d’approche de l’autre, juste l’envie du moment, l’évidence de l’instant propice, parce que c’est au moment précis où la trotteuse frôle l’instant juste qu’il faut franchir le pas. Ni avant, ni après, juste quand le cœur bat, le temps d’un battement de cils, un peu plus fort que le reste du temps, qu’il annonce que ça y est, c’est le moment.

D’abord hésitant, le baiser se fit plus affirmé, comme pour dire, à travers ces lèvres qui ne se frôlaient plus seulement que ça n’était pas un malentendu, un trébuchement vers l’autre qui s’achevait sur un baiser fortuit, que si l’esprit de ce baiser était d’abord de faire taire l’autre, de ne pas avoir à poursuivre une conversation qui aurait signé la fin d’un moment agréable et annulé la joie contagieuse de l’hilarité, il n’était pas que cela. Il était voulu, par l’un comme par l’autre. Il était plus parlant que mille mots, surtout chez ces hommes pour qui la parole n’était pas toujours une alliée.

D’un geste souple, Draco attira le jeune chef à lui, entourant sa taille de son bras. Son autre main, elle, était posée à la base de sa nuque, légère et étonnamment douce. Les cheveux noirs et épais lui caressaient le dos de la main, piquants et souples, contraste saisissant avec le corps de Harry qui se pressait contre le sien, avec ses lèvres, qui réussissaient l’exploit de la douceur et de l’exigence mêlées, de l’exigence et de la langueur réunies. Etait-ce seulement du fait du brun, ce baiser ambivalent dont ni l’un ni l’autre ne voulait voir venir la fin, pourtant inévitable tant qu’ils seraient des hommes vivants aux besoins d’oxygènes impériaux, ou Draco l’était-il, lui aussi, exigeant, langoureux, doux, passionné ?

Ils se séparèrent comme ils s’étaient rapprochés, incertains, paumés dans cette rue toujours aussi sombre, dans ce Londres toujours aussi frais, dans cette nuit à laquelle il ne restait que trop peu d’heures à égrainer, chapelet dont la fin marquerait le retour obligatoire à une vie que l’un comme l’autre avaient voulue dédiée à leur passion, à ce gagne-pain qui était devenu un métier et pour lequel ils se donnaient corps et âme. Le temps de ce baiser, pourtant, c’est à l’autre qu’ils avaient tout donné.

Le lendemain, Draco partait pour l’Australie.

 

 
 
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