C'était un soir de décembre, la nuit était tomber sur la ville de Donn. S’il ne neigeait pas encore, le froid lui était mordant tout comme le vent qui le portait. A travers la fenêtre de ma chambre je pouvais observer tout ce qui se passait dans le lotissement où nous vivions. Quelques couples se promenaient seuls, avec leurs enfants ou animaux de compagnie. Emmitouflé dans plusieurs couches de vêtements ils marchaient bravant l'air glacial, comme pour dire « Je suis plus fort que la nature, elle ne me fera pas plier ».
Plus fort que la nature … qu'elle drôle d'idée. Avaient-ils été plus fort que le destin quand la crise les avait touchés et forcés à déménager dans un lotissement sordide et sale ? Je pouvais voir d'ici les débris de verres jonchant le sol et les papiers usagers volant au gré des bourrasque « Pathétique ... ».
Encore une fois ce paysage me donna envie de m'enfuir, d'aller crever tranquillement dans un coin. Personne n'était plus fort que la nature, que le destin et ils vous le faisait bien savoir.
Soupirant d'exaspération je m'arracha de la contemplation du monde en plein déclin. Je fixai mon intention sur mon reflet sur le petit miroir qui était fixer contre le mur jauni de ma chambre. J'avais devant moi un garçon fatiguer et triste de 19 ans. Je possédais une crinière de cheveux noir qui ne se laissait dompter qu'après une douche, des yeux d'un marrons ternis par le manque de sommeil et l'angoisse. Mon visage bronzer et joyeux « d’antan » avait laisser place à une face tirer et blanche.
- Rien de bien séduisant. Marmonnais-je d’une voix irritée.
Non pas que je suis un obséder de l'apparence, au contraire je suis plutôt du genre à sortir en ayant juste essayer de me « coiffer ». Mais ces temps-ci, ça n'est plus pareil car il y a quelqu'un dont l'avis m'importe beaucoup.
Me retirant de cette contemplation décevante je me retournai puis entrepris de rassembler deux, trois affaires. Ma chambre était une sorte de boite. Elle était petite, oppressante et jaune … Jaune ! Dieu que je déteste cette couleur ! Elle ne possédait que le strict minimum en meuble : Un lit, un bureau et une petite commode où je pouvais à peine ranger tous mes vêtements (pourtant peu nombreux).
Elle n'avait rien qui pouvais renseigner sur mon caractère, sur mes goûts. Cette chambre n'était pas ma chambre, tout comme cette maison n'était pas la mienne et les adultes qui y vivaient n'étaient plus mes parents.
« 18h30 … Il est temps d'y aller ! » Enhardit par cette pensée, mon cœur commença à battre plus vite. Je finis en quatrième vitesse de remplir mon sac de quelques livres de cours et d'un casque audio puis je descendis quatre à quatre les marches de l'escalier grinçant.
Arriver en bas je traversai le long couloir sombre aux murs recouvert de photos de famille délavées et déboucha dans le salon.
Ce dernier était la seule pièce de la maison qui pouvait sembler accueillante. Elle était composée de plusieurs tableaux (souvenirs douloureux d'une époque pas si lointaine) sur des murs blancs, d’une petite télévision digne des années 90. Quelques vases remplis de fleurs, fanées ou fade, essayaient de rendre plus gaie cette pièce et en son centre se trouvait un grand canapé en cuir marron poser sur un tapis du style attrape poussière.
La télévision était allumée, elle diffusait une émission déprimante sur la situation économique d’un pays voisin. Ne prêtant aucune attention aux images montrées je m’avançai silencieusement vers la porte d’entrée qui se trouvait juste en face de moi. Soudainement une voix rauque et alcoolisée se fit entendre au niveau du canapé.
- On peut savoir où tu vas encore ? Tu crois que c’est ta mère qui va nous faire à manger ? Me dit-il sans me jeter un seul regard.
- Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas toi qui le feras … Murmurais je un peu trop fort.
Sur ces mots mon père se leva brusquement du canapé. Il chancela deux secondes puis retrouvât son équilibre et vint se poster devant moi, une bouteille de whisky dans la main. Son visage était rouge, de colère ou d’alcoolisation je ne saurais dire, sans doute les deux. Il ne ressemblait en rien au père que j’avais connu avant que tout se mette à partir en couille. Ces cheveux étaient tombés laissant place à un crâne semi chauve, il avait beaucoup maigri mais gardait une bedaine, témoignage de son goût pour l’alcool. Mais le pire était ses yeux, auparavant bienveillant et lumineux, ils étaient aujourd’hui d’un noir sans éclat et menaçant.
-Je ne crois pas avoir bien entendu ce que tu viens de dire ! Répète un peu pour voir ? Cria t’il tout en essayant de se contenir.
-Je disais juste que je me rendais chez les Dehaan pour travailler mes cours. Je promets de rentrer avant 21h pour faire à manger. Répondis-je avec l’air le plus innocent possible (inutile de déclencher une nouvelle bagarre).
Il resta me toiser pendant quelques secondes, pesant le pour et le contre. Il dû penser au fait qu’il serait plus tranquille pour finir sa bouteille car il acquiesça brusquement.
- D’accord, ta mère rentre pour 21h30 du boulot, alors il y a intérêt que le repas soit près avant ! Oh et sur le chemin du retour passe prendre ta sœur à la bibliothèque, je n’ai pas envie qu’elle traine dehors à cette heure. Elle serait capable de se trouver un nouveau moyen de se foutre dans la merde !
Je lui lançai un dernier regard dédaigneux puis avant qu’il n’ait pu émettre le moindre son je déguerpis de la maison en quatrième vitesse.
Le trajet pour arriver jusqu'à chez Henry me faisait traverser le centre-ville. Ce dernier n’était plus qu’une petite rue piétonne avec tout un tas de magasin fermer et décorer de graffitis obscènes. Tout était noir, crasseux et les seuls magasins qui subsistaient étaient les petites échoppes qui c’étaient spécialisé dans la vente d’alcool.
Tout en marchant je pensai à ma sœur, qui malgré ce qu’avais insinuer mon père ne devais pas se trouver à la bibliothèque. Je savais parfaitement où elle se trouvait, dans un endroit où les jeunes de son âge se retrouvaient pour boire et partager leurs mésaventures.
Ma sœur … Etant petit nous étions tellement proche, toujours à jouer ensemble et à se soutenir. Aujourd’hui elle m’évitait, préférant se bourrer la gueule et faire les 400 coups plutôt que d’essayer survivre ! Enfin peut-être était-ce sa façon de survivre.
Ce monde merdique avait même réussi à changer ma sœur !
C’est sur cette pensée colérique que j’arrivais enfin devant la grande demeure des Dehaan. Enfin grande … disons simplement que ce n’étais pas un taudis en ruine. Le grand portail blanc était déjà ouvert et donnais sur un jardin encore bien entretenu à cette époque de l’année (la mère d’Henry était au petit soin avec ses buissons, plus qu’avec son propre fils). Des dalles blanches incrusté dans le sol sur quelques mètres m’emmenèrent directement devant la porte d’entrée. J’hésita à frapper, comme à chaque fois. L’excitation avait repris le dessus, je dus attendre que les battements de mon cœur ce soient calmer avant de frapper trois coups.
La porte s’ouvrit quelques secondes plus tard sur un homme grand et strict. Il possédait des cheveux châtains coupés très court et était habillé dans son éternel costard noir et blanc.
- Tient regarder qui voilà, un petit animal échouer. Dit-il d’une voix grave et froide.
- Rien qu’un chien mouiller cherchant de l’aide. Répondis-je comme un rituel
Le visage du père d’Henry se décrispa et laissa place à un sourire chaleureux.
- Aller rentre, Henry est à l’étage et n’oublie pas de dire bonjour à Emeline. M’ordonna t’il en s’écartant pour me laisser place.
J’acquiesça, avança puis entra directement dans le salon. Ce dernier était magnifique, tout en parquet immaculé et en murs remplis de photos de famille et de souvenirs. Il n’y avait pas de télé, juste un canapé d’angle noir qui couvrait bien tout un mur, avec une table basse en verre en face. La mère d’Henry se trouvait assise dans ce canapé en train de lire un article de journal. Lorsqu’elle entendit mes pas sur le parquet elle leva un visage doux et pâle. Je l’avais toujours trouvé magnifique, même la vieillesse et les soucis n’avaient pas altérer sa beauté sage et naturelle.
De long cheveux blonds ondulés dansaient à chaque mouvement de tête et ses yeux d’un vert aussi éclatant que ces plantes étaient remplies d’intelligence.
- Bonjour Madame Dehaan, comment aller vous ? Demandais-je tout en lui faisant la bise
- Oh s’il te plait combien de fois faut -il que je te demande de m’appeler Emeline. Cela me donne l’impression d’être déjà grand-mère. Geint-elle en me souriant.
- Je crains d’être têtue alors je dirais bien encore une petite centaine de fois !
- Et bien nous ferons avec. Aller file rejoindre Henry, je crois qu’il a des soucis avec son algèbre. Conclut-elle en me poussant vers l’escalier.
« L’algèbre ? Heureusement que ces parents ne prêtent pas beaucoup attention à ces résultats, c’est plutôt moi qui aurait besoin d’aide dans la matière ! » Pensais-je tout en rigolant doucement en montant deux à deux les marches.
« Et puis de toute façon ce n’est pas l’algèbre que nous allons réviser ! »
Arriver en haut de l’escalier, je me dirigeai vers la porte blanche au fond du couloir et frappa une fois avant d’entrer sans attendre aucune réponse. Je débouchai sur une chambre assez spacieuse avec des murs bleu clair parsemés de posters de groupes de musique des années 90.
Henry était allonger dans un lit deux places sur des draps noirs tout simples. Mon cœur rata un battement, non deux.
Il était absorber par un livre, si bien qu’il ne m’avait pas entendu entrer. Je commençai donc à le contempler en silence. Des mèches de cheveux noirs tombaient devant ses yeux bleus agrandis par de fine lunette de vue. Concentré il fronçait les sourcils ce qui lui donnait un air effarouché. Habiller de façon simple il était allongé sur le coter laissant entrevoir des parcelles de peau au niveau de son corps mince.
Doucement je m’approchai de lui puis lui arrachai le livre soudainement. De surprise il bondit sur son lit et se retrouva assis en deux seconde. Son visage se mit soudainement à exprimer une joie immense et il me sauta au cous en me serrant fort. Son parfum fort et envoutant me rendit tout bizarre.
- Bon dieu combien de temps tu as passé sans te laver. Lui demandais-je moqueur
- La douche ne marche plus, alors ça doit bien faire un jour ou deux que je me lave au lavabo. Mais ça n’a pas l’air de te déranger. Dit-il en remarquant mon émoi.
- Si tu fais référence à mon chancèlement je dirais que c’est ton odeur répugnante qui m’engourdit le cerveau !
- Et bien voyons si je peux le réveiller !
Et sur ces mots ces lèvres douces et charnues ce collèrent contre les miennes dans un baiser qui dura une éternité. Sa langue se fraya un chemin jusque-là mienne et nous restâmes ainsi à consommer l’amour de l’autre, jusqu'à ce que le souffle vînt à nous manquer.
M’écartant de lui, tout essouffler, je restais le fixer quelques secondes.
- Et sinon quoi de beau dans ta famille ? Demandais-je pour dévier son attention
- Oh et bien je dirais que mon père est toujours obsédé par la peur de perdre son poste au gouvernement et par la prolifération des PD. Quand à ma mère je crois qu’elle va me renier au printemps et adopter la première plante à fleur venus. Dit-il en levant les yeux au ciel.
« Bon dieu, que j’aime quand il prend cet air-là »
- Arrête, ton père est peut-être un peu fermé d’esprit mais il t’aime. Quant à ta mère … je crois qu’elle t’aime aussi, à sa manière.
-Ouai surement …
Je ne pus m’empêcher de remarquer un sentiment de détresse dans ses yeux. Me sentant coupable d’avoir aborder le sujet de ses parents je décidai de me lever. Je fis quelques pas pour arriver devant sa chaine hifi et y brancha mon téléphone ancestral. Je pris quelques secondes pour trouver un album approprier et décida de laisser la voix suave de Roos Pane résonner dans la chambre.
- Tu n’aurais pas pu choisir quelque chose de moins endormant ? Non sérieusement Liam, je me fais des soucis pour toi ! La dépression ça se soigne. Me lança Henry moqueur.
Ne prenant pas fi de ces moqueries, je fis demi-tour et le poussa contre les draps avant de me positionner contre lui. Je l’embrassais ardemment puis plongea mes yeux dans l’océan des siens.
- Soigne-moi alors. Chuchotais-je dans ses oreilles.
Un mot, une demande, un besoin. Nos deux corps se heurtèrent, les vêtements volèrent et les gémissements cacher par la musique commencèrent. Juste oublier le monde extérieur pendant une heure…
Nous étions tellement absorbées mutuellement que personne ne fit attention à la silhouette, qui sur un toit voisin regardait la scène par la fenêtre, avec une envie noire et viscérale Une silhouette qui semblait fantomatique et emplit de noirceur.
Nous n’avions pas non plus entendu le petit hoquet d’horreur derrière la porte de la chambre. Un bruit qui pourtant m’aurais renseigné sur un futur proche et désastreux.
Sur le toit voisin la silhouette accroupie se leva, resta quelques secondes à observer ses deux jeunes gens en train de s’étreindre. Puis dans un frémissement d’envie cruel elle sauta et disparus, comme envoler. |