Bonne lecture, on se retrouve en bas !

La nuit suivant ce qu'il pensait être une découverte, Drago n'avait presque pas fermé l'œil. Le lendemain, il s'était donc levé du pied gauche, la bouche pâteuse et deux bonnes valises sous les ses prunelles grises. Néanmoins, la nouvelle vague d'espoir avait légèrement redonné du souffle à Malefoy. Durant trop d'années, le blond s'était donné l'impression de stagner dans une perpétuelle bulle d'échecs continus. Ce dernier se leva non sans mal et prit le temps de se nourrir convenablement. Il était temps pour lui de prendre un bon petit déjeuner digne de ce nom. Le premier depuis une éternité. Installé sur une chaise bancale, Drago avalait le dernier morceau de pancake qui roula sous sa langue et un soupir de plaisir lui échappa. Il ne prenait plus jamais le temps de prendre soin de lui ou de faire attention à sa condition physique. C'était idiot. S'il n'était plus qu'une loque en face de ses adversaires – car il était certain qu'on allait lui réserver un accueil musclé – il avait tout intérêt à reprendre des forces. Toujours avec l'espoir que le sortilège de localisation placé sur le sorcier qu'il avait assommé demeure, Drago s'était laissé plusieurs jours de repos et d'entrainement avant de passer aux choses sérieuses. Son plan était simple et efficace. Mais il était aussi incroyablement stupide. Et légèrement retardé par diverses complications et impératifs à remplir.

Ce fut alors plusieurs jours plus tard qu'il avait débarqué au bar moldu. Par réflexe, il avait repris le brun bûcheron, le roux à la mine grise étant de toute évidence trop remarqué à son goût. La seule chose qu'il ne pouvait pas cacher était ces satanés yeux gris. Il avait bien tenté les lentilles moldues mais s'était rapidement avoué vaincu. C'était ça ou perdre ses deux yeux. Ces choses sans magie n'étaient vraiment pas faites pour lui. Le cœur lourd, Drago demanda un Jack Daniel's. (La brune qu'il avait identifiée comme étant Hermione Granger avait conseillé le pur-feu au roux, pas au brun.) La tentation n'était pas assez grande pour qu'il attire l'attention sur toutes ces frimousses qu'il arborait pour sa couverture. Avec un soupir de lassitude, le blond humecta la liqueur ambrée avant d'engloutir la boisson cul-sec.

« - Ouuh, dure journée ? demanda celle qu'il savait à présent s'appeler Elie.

- Dure soirée », contrat Drago avec un sourire cynique.

La brune lui répondit avec une moue affable.

Oh pour ça, elle allait être sacrément rude. Il avait mal d'avance.

OoO

Troisième verre. Sa barbe le piquait un peu trop tandis qu'il passait une main dans ses poils rendus noirs par magie. Il inspirait longuement, soupirait, tergiversait et évitait tant bien que mal de se retourner vers les rideaux en velours noir. Porte qu'il savait à présent invisible aux yeux des Moldus. Son plan était tellement stupide qu'il succomba à l'envie d'un quatrième verre. Drago souffla bruyamment au grand désespoir de son voisin de table. C'était la cinquième fois maintenant en l'espace de quelques secondes. Devant le seul survivant de la soirée qu'il rêvait de voir déguerpir, l'ancien Serpentard s'impatientait furieusement. Ils étaient donc deux, sans compter Elie qui commençait visiblement à s'agacer de ne pas les voir décoller de son bar. Il avisait cette dernière qui nettoyait les tables pour déposer les chaises sur le bois. Tout ça à la main. Quel calvaire. Il renifla vivement, puis jeta un coup d'œil à l'ivrogne. Le poivrot avait les joues cramoisies et gonflées par l'alcool. De plus, il ne cessait de lui jeter des regards vitreux. Malefoy était à deux doigts de craquer. Il fallait qu'il le fasse dégager d'ici au plus vite. Ses lippes pincées, il souffla une sixième fois et reçu un épais froncement de sourcils de la part de son voisin de bar.

« - t'l'dis si j'freuh ... démange ... dérange ! baragouinait l'ivrogne.

Malefoy tourna le menton vers la barmaid puis vers l'analphabète, tout en lui jetant des coups d'œil ambigus. Ce dernier s'arma alors d'un sourire lascif avant de s'esclaffer de bon cœur. Vu qu'il semblait incapable de parler, l'ivrogne leva une main en l'air qui sembla dire : « j'ai compris va, amuse-toi bien ! » Il déposa finalement plusieurs billets sous le regard éberlué de Drago. Comme ça, aussi facilement ? Même pas une petite bagarre ? Le vieux aurait perdu d'avance, mais tout de même. Il avait espéré avoir à mimer la rixe de soulards en faisant ' mine ' de tomber pile là où il fallait. Tant qu'à faire, si l'idée doit être débile ... L'ancien Serpentard soupira vivement, leva les yeux au ciel et se retourna. Son nez était pile poil près de la poitrine de la barmaid, sur laquelle il loucha légèrement avant de lever les yeux. Elle haussa un sourcil tout en se râclant la gorge.

- Hm, désolé.

Le blond à la crinière actuellement noir corbeau se redressa aussitôt et baissa les yeux pour l'observer.

- Je ne vais pas vous imposer des heures supplémentaires, je vais y aller ...

Elle ne répondit rien, trop occupée à le jauger d'un regard pernicieux. Quoi encore ? Drago l'observa plus attentivement. La jeune femme n'était pas petite, mais il devait tout de même plier sa nuque pour la regarder droit dans les yeux. Deux prunelles onyx fixées sur lui tandis que sa crinière brune retombait avec nonchalance sur ses épaules. Des iris sombres nichées sur un visage à la peau de café. Drago comprit trop tard qu'Elie était une vilaine petite menteuse, elle aussi. Elle ne s'appelait pas du tout Elie. Elle avait ce regard qu'il ne connaissait que trop bien. Le dégoût lorsqu'on réalisait qui il était réellement. Il fallait que Drago se tire d'ici.

- Tu sais, ça fait un sacré moment que je t'observe ... commença la barmaid en croisant les bras, tout en avançant vers lui. Et tu sais ce que je me dis à chaque fois que je te vois ?

Drago fourra ses mains dans ses poches, puis haussa les épaules en reculant.

- Ne le prends surtout pas mal, mais j'en ai rien à foutre, je vais m'en aller, cracha le blond d'un ton plus si courtois.

Il tourna le dos, prêt à changer de plan. Quelque chose chez elle le dérangeait de plus en plus. Une impression dont il n'arrivait pas à se défaire.

- Je me dis, reprit la brune dans son dos, « Comme c'est étrange, il a exactement les mêmes yeux que le meurtrier de mon ex-petit-ami ! ».

Drago fit immédiatement volte-face, l'air mauvais.

- Qu'est-ce que tu viens de dire ?

La brune lui lança un regard triomphant et s'arma d'un sourire infect.

- T'as très bien compris, Malefoy.

Oh ... Bombabouse. Il avait prévu un plan stupide, certes, mais les choses ne devaient pas lui dévaler dessus comme un hippogriffe. Le jeune homme pivota aussitôt les talons en sentant un souffle sur sa nuque, avant de faire face à un grand roux à l'air jovial. Il le reconnu immédiatement, lui aussi. Ce dernier lui lança un immense sourire, quoi qu'un peu faux, avant de s'exclamer avec emphase :

- Coucou ! Tu veux voir mon poing ? »

La seconde d'après, une violente douleur explosa au visage de Drago et il tomba tête la première sur le parquet dur comme de la brique. Sa tête vibra et une douleur vive lui tira un grognement rageur. Son regard flou croisa alors la moue satisfaite de Rowyna, le portrait dragueur de roux. Cette saloperie de frimousse ... Et avec horreur, le blond comprit à quel point leurs sortilèges de protection étaient riches d'efficacités. Les yeux qui tournaient dans le portrait avait à présent une couleur chocolat et lançait des éclairs dans sa direction. Un sort de désillusion. Oh, par Merlin, la soirée allait être vraiment compliquée.

Ce fut sur cette dernière pensée qu'il tomba dans l'inconscient.

****

Sa tête lui faisait affreusement mal. Elle semblait tourner sur elle-même pour se déloger de ses épaules. A moins que ça ne soit la pièce qui gravitait autour de lui, indifférente à sa lente agonie crânienne ... Il ne reconnaissait d'ailleurs absolument rien. Drago cligna des yeux plusieurs fois. Si bien que quelques larmes de fatigue s'effondrèrent de ses joues à son menton, avant d'échouer sur ses mains qu'il vit enchaînées à d'épais liens de cuivre reliés au mur. Le blond poussa un râle de mécontentement et secoua vivement les bras comme un imbécile. Ah, parce que tu crois faire quoi, Malefoy ? ricana une petite voix perfide dans sa tête. Le blond devina aisément aussi que sa baguette n'était plus nichée sous son affreuse chemise. Bien ... Très bien ... Il fallait voir les points positifs.

Un : Il était toujours vivant.

Deux : Il était au bon endroit, il en était sûr et certain.

Trois : Il était même entré.

Après tout, il avait initialement prévu de foncer dans le tas. Pour le coup, c'était un tas qui lui avait foncé dessus. Un gros tas roux et bien moche. Les années étaient passées et sa rancœur envers la fratrie Weasley ne parvenait pas à désenfler. George Weasley n'avait pourtant jamais été la cible de ses moqueries mesquines et immatures. Il avait même souvent eu une certaine admiration inavouable pour les jumeaux. Mais son nez lui faisait affreusement mal et il avait quatre verres dans le sang. Il fallait que Drago râle un bon coup.

Il observa la pièce dans laquelle il se trouvait. Avant de venir ici, il aurait pensé être enfermé dans une sorte de cachot crade et puant le troll. Mais ce n'était qu'une simple chambre. Pas très grande et avec une tapisserie douteuse, mais une chambre quand-même. Avec le confort nécessaire. Il avait largement l'habitude du menu confort depuis quelques temps. Malefoy se cala sur le matelas inconfortable et posa doucement sa tête sur l'oreiller à l'odeur humide, bien content d'avoir un appui pour son crâne douloureux. Weasley n'y était pas allé de main morte. Rien à voir avec son imbécile de petit frère, pas foutu de jeter un sort convenable sans cracher des limaces. La porte grinça au moment où il s'apprêtait à râler sur Ronald Weasley. Il était d'abord persuadé qu'il tomberait sur celui pour qui il était présent. Ou même Granger. Mais à la place, une femme potelée au visage habituellement avenant et rieur se planta devant lui. Elle était visiblement épuisée et ses cheveux roux étaient désormais parsemés de filets argentés. Molly Weasley ... Malefoy s'était attendu à tout sauf à elle. Et soudainement, un poids s'effondra dans son estomac. Un autre noua sa gorge.

« - Madame Weasley ... murmura-t-il doucement en levant les mains devant lui.

Cette dernière vira au rouge. Un rouge qui tâcha ses oreilles et son cou. Exactement comme ses fils et sa fille.

- Comment oses-tu ... souffla-t-elle dans un murmure à peine audible.

Drago n'avait plus aucune hargne dans le regard. Il osait à peine affronter les prunelles vertes de la matrone Weasley. Il savait ce qu'elle voulait. Mais elle n'était pas du tout censée être là ! Tout comme cet idiot de George. Ses informations s'étaient donc révélées être erronées ? A quoi s'était-il attendu, par Merlin ? Bien-sûr qu'ils seraient ici pour continuer. Ils ne baissaient jamais les bras. Drago n'oubliait pas avec quelle hargne Molly Weasley avait tué sa tante pour protéger sa chair et son sang.

- Je sais de quoi vous m'accusez, dit précipitamment Drago, mais je peux vous jurer sur Merlin que les choses ne se sont pas passées comme ça ! Molly, je vous en prie éc-

Le cri de rage explosa à ses esgourdes et le sortilège qui lui empoigna la gorge lui coupa la parole. La respiration manquait cruellement alors que la mère Weasley lui lançait des éclairs avec son regard assassin. Il n'avait pas souvent croisé Madame Weasley, mais jamais il n'aurait cru possible de voir une telle violence dans son regard et dans ses gestes. Une telle souffrance, si insupportable, que son propre cœur se déchirait. A cet instant, il sut qu'elle pourrait le tuer.

- LA FERME ! clamait-elle avec effroi. La douleur dans son regard et dans son timbre était insupportable. QU-EST-CE QUE TU VEUX, MALEFOY ? FINIR LE TRAVAIL ? crachait la rouquine, le visage humide. Je te préviens, reprit-elle d'une voix faible et mauvaise, si jamais tu n'es pas seul, tu trouveras tu-sais-qui beaucoup plus sympathique à côté de moi !

Et sans prévenir, l'air manqua. Malefoy passa une main sur son cou, ses ongles ancrés dans sa chair tâtant et cherchant un lien pourtant invisible. Drago ne pouvait absolument rien faire. Il se contorsionnait tant bien que mal, ses jambes fouettant les draps du matelas alors que son visage virait au vermeil apoplectique. Pourtant, il entendit très clairement la porte s'ouvrir dans un grand fracas. Comme il vit la baguette de Molly Weasley voler d'entre ses doigts pour aller se réfugier dans ceux d'une silhouette rendue floue par ses larmes. Aussitôt, Drago tomba mollement sur le sol en crachant tripes et poumons, s'empêtrant dans les chaînes qui le reliaient au mur. Alors qu'il toussait sans relâche, sa salive souillant la moquette à l'odeur poussiéreuse, il n'entendit que des paroles floues et saccadées. Il ne faisait que deviner une masse informe qui tombait sur la marâtre pour la forcer à sortir de la pièce, tandis qu'une autre main l'avait agrippé par les épaules pour le jeter sur le lit. Ses prunelles ne virent que le plafond tâché de moisissure alors qu'il tentait difficilement de reprendre sa respiration. Une main agrippa fermement son bras et tira sur sa manche. Coupable, il encaissa le choc et laissa sa peau marquée sous le regard accusateur d'il ne savait qui ... Drago fixa le mur avec obstination. Du moins, ce qu'il en voyait à travers le nuage flou et lacrymal. Des ongles se plantèrent dans sa chair en lui tirant une grimace de douleur.

- T'aurais jamais dû venir, Malefoy, souffla une voix féminine devenue rauque tant elle était déformée par la rage.

Malefoy n'eut pourtant aucun mal à la reconnaître cette fois. Granger. Malefoy sentit cette dernière reculer, prête à partir. Mais Drago ne voyait pas les choses sous cet angle.

- Gr-Granger ... hoqueta le blond en s'étirant de tout son long, son torse hors du lit.

Il agrippa son bras et tira autant que possible, autant que ses chaînes le lui permettaient. Mais il était affaibli par la violence du sortilège d'étranglement. Granger se dégagea vivement alors qu'il observait vaguement ce qu'il pensait être ses cuisses.

- Il faut que je le vois ...soupira Malefoy avec fatigue, laisse-moi le voir ... Il t'expliquera tout, je te le jure ...

Ses avant-bras sur le sol et son arrière train collé à la couche, il sentit à nouveau des mains le malmener pour le coller contre le mur. Deux poings agrippant le haut de sa chemise. Les chaînes, misent à rude épreuve, s'enroulèrent autour de ses chevilles. Depuis quand Granger avait-elle autant de force ? Il cligna plusieurs fois ses paupières humides avant de discerner une tâche rousse et deux prunelles émeraudes. C'était George.

- Ecoute-moi bien, espèce de sale insecte ! On n'a pas laissé maman te tuer pour comprendre ce que tu trafiques. Mais fais un pas de travers et je me charge moi-même de t'envoyer six pieds sous terre. Pigé, la blonde ? »

Toute trace d'humour avait disparu de son timbre. Malefoy ne put qu'hocher du menton dans l'espoir de récupérer un minimum d'espace vital, n'ayant même pas la force de répliquer. Lorsque le jumeau Weasley le laissa retomber à terre, il s'écroula joue la première sur une vieille moquette au miasme douteux. Il en avait déjà marre d'être malmené comme un vulgaire pantin. Il avait pourtant essayé de s'y préparer mentalement. Mais être en position de faiblesse aux mains de ceux qu'il avait méprisés pendant des années n'avait rien d'aisé. Son égo en prenait sérieusement pour son grade. Alors, avec amertume, il encaissa le choc de la porte qui claquait et du silence insoutenable qu'ils laissèrent derrière eux.

Mais il comptait bien obtenir ce qu'il voulait, foi de Malefoy.

OoO

Ce chapitre est un tout petit peu plus court que le premier et devait l'être bien plus à la base. J'ai finalement su ruser pour équilibrer. Mon but étant de vous donner chaque Vendredi au maximum autant de lecture que la semaine précédente, si pas plus. Mais pas moins ! J'estime qu'une semaine d'attente, c'est déjà assez long comme ça.  N'hésitez pas à partager si vous avez aimé, ou même à me le dire. Votre participation permettra à cette histoire de se faire voir. =)

Merci à San pour la relecture/correction.

Merci à vous, pour votre lecture. 

N'hésitez pas à me faire part de vos retours,

A vendredi prochain et bonne semaine,

B.Brocklehurst.