Anciennes blessures

Chapitre 4

Il pénétra dans l’école se dirigeant directement vers ses appartements – ils avaient soupé tôt à Pré-au-lard – et croisant au passage le baron sanglant. Ce dernier ne semblait pas réellement ravi du retour de Rogue mais avait néanmoins avoué que les cachots manquaient de vie depuis quelques années – chose assez ironique lorsqu’on savait de qui il parlait.

Il était vrai que « sa Majesté » Slughorn avait rapidement déserté ces lieux froids et humides.

Contrairement au départ de ce dernier, qui avait suscité un certain nombre de réjouissance, il ne pouvait se faire une opinion précise sur les réactions de ses collègues face au retour de Rogue. Tous étaient un peu réticents mais certains, à l’image de Poppy ou Rolanda, étaient nettement plus aimables que d’autres, comme Sibylle qui avait une certaine tendance à prendre en grippe ceux qui s’étaient de tous temps un peu trop moqués de son « art ».

Enfin, Harry n’avait pu connaître ces réactions que par l’intermédiaire de sa meilleure amie qui, elle, avait vite remplacé sa surprise par ses facultés d’observation. C’est ainsi qu’elle s’était gracieusement proposée pour leur exposer, à Ron et à lui, ce passage de la réunion de son point de vue.

De ce fait, il avait appris que la majorité de leurs collègues ne semblaient pas opposés à la décision de leur directrice mais restaient réservés. En meilleurs exemples, la jeune femme avait cité Filius qui, bien qu’il soit son aîné, n’avait apparemment pas eu le « cran » nécessaire pour aborder l’homme au visage sévère et le professeur Vector - et son esprit cartésien - qui avait estimé ce choix juste mais sans plus.

Quand à Harry, il ne songeait guère à Rogue car il ne parvenait pas encore à vraiment réaliser que Slughorn ne ferait plus partie de son entourage cette année. Et il se réjouissait toujours de cette nouvelle.

Le sorcier secoua la tête avec un petit air coupable.

Bon, il n’avait jamais apprécié cet homme cependant…

- … je devrais arrêter de m’acharner sur lui, se morigéna-t-il en tournant au coin du dernier couloir menant à ses quartiers, à un escalier à peine des cachots.

Il se passa une main dans ses cheveux en désordre en soupirant puis s’arrêta net.

Devant lui se tenait l’occupant – immobile, lui aussi - de ces dits cachots.

- Bon… bonsoir, hésita-t-il.

L’homme l’observa avec attention et cette fois il crut distinguer une véritable haine dans ses yeux. Ce fut bref mais suffisamment visible. Puis cela disparut immédiatement. Si rapidement qu’il se demanda même s’il n’avait pas rêvé.

- Monsieur Potter, dit-il d’un ton neutre.

Et il eut presque le sentiment qu’il avait essayé de se montrer aimable.

- Vous pouvez m’appelez Harry, nous sommes collègues à présent.

Harry se demanda quelle impulsion l’avait poussé à lui répondre si amicalement. Sans doute parce qu’il espérait ainsi instaurer une certaine entente entre eux.

Malgré cela, il eut simplement un sourire gêné alors que Rogue restait de marbre.

- Si vous y tenez. Harry. Bonsoir.

Le maître des potions prit congé et continua son chemin.

Au bout de quelques secondes, le survivant reprit également sa route – et ses esprits.

Il venait d’avoir un échange – on ne pouvait pas appelé ces trois mots une conversation – civilisé avec un homme qui l’avait toujours haï et le haïssait peut-être encore.

Finalement, contrairement à ce qu’il s’était imaginé un peu plus tôt, cette année lui semblait destinée à être spéciale.

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Le lendemain matin, la dernière pensée qu’il avait eu à propos de cette année à venir se révéla des plus exactes.

Les cours reprenaient dans une semaine et la plupart des professeurs avaient déjà réintégrés leurs quartiers à Poudlard. Et, pour une fois, Harry n’était pas le premier au déjeuner – la potion de sommeil se montrait toujours aussi efficace lorsqu’il la prenait.

Comme il en avait pris l’habitude, il salua ses collègues et s’installa à l’une des seules places qu’on avait laissé libres. Et, à choisir entre Sibylle et Rogue, il n’hésita pas longtemps.

- Bonjour, Monsieur.

- Harry, répondit-il sans lever les yeux de son assiette. J’imagine qu’il serait plus évident pour vous de m’appeler par mon prénom, puisque vous êtes maintenant membre du corps enseignant au même titre que les autres personnes présentes à cette table. Alors faîtes donc.

Le jeune homme s’interrompit dans le mouvement qu’il avait entamé pour s’asseoir.

Il aurait payé cher pour voir son expression à cet instant et non les longs cheveux noirs – plus longs que dans son souvenir d’ailleurs – qui masquaient son visage.

- Asseyez-vous. A moins que vous n’appréciez réellement attirer l’attention, marmonna son aîné avec une pointe d’agacement dans la voix.

Harry se retourna vers ses collègues et ne manqua pas de voir quelques têtes se détourner. Il s’assit avisant le regard étonné de sa meilleure amie.

Au moins il n’était pas le seul à être stupéfié par le comportement de Rogue, enfin, de Severus. Toute personne extérieure à Poudlard n’aurait sans doute pas compris sa réaction face à ces quelques mots sommaires. Le survivant ne s’était tout simplement pas imaginé pouvoir arriver à ce stade en un an alors en deux jours – sans mauvais jeu de mots – cela relevait pour lui presque du surnaturel.

Il se servit croissant et jus d’orange.

Le sorcier jeta un œil curieux à son voisin ; le maître des potions ne prêtait pas attention à ses collègues.

Etait-ce lui qui s’était isolé en bout de table ou bien… ?

C’était peut-être l’occasion, songea-t-il soudain, le moment de développer cette fameuse relation amicale avec le professeur.

- Je ne m’imaginais pas vous revoir un jour à Poudlard, commença-t-il.

Il se reprit rapidement en prenant conscience de l’ambiguïté de ses paroles.

- Enfin, je veux dire, je croyais que vous auriez profité de l’occasion pour quitter l’enseignement…

Finalement, Harry se dit qu’il n’aurait pas dû ouvrir la bouche. Il songea à s’excuser pour ces mots mal choisis mais étonnement Rogue lui répondit sans moquerie apparente.

- Je suis ici à la requête de Minerva. Je ne reprends guère ce poste de gaieté de cœur, soyez-en sûr.

Harry vit sa mâchoire se tendre légèrement cependant sa voix froide n’était pas dénuée de lassitude.

L’homme se servit une tasse de thé. Lorsqu’il la porta à ses lèvres, il interrompit pourtant son geste puis fixa directement son cadet.

Cette confrontation rendit le jeune sorcier mal à l’aise. Réaction qu’il comprenait en partie car ce n’était pas vraiment le genre de face à face auquel il s’était habitué avec le plus âgé. Pas de colère, de méfiance, de haine exacerbée ou de volonté impérieuse de vouloir s’affirmer comme étant le seul dans son bon droit. Juste le regard du maître des potions.

Etrange sensation.

Rogue rompit le contact visuel en fermant les yeux et en plongeant les lèvres dans son thé.

- Certaines choses semblent pourtant avoir changé dans cette école, commença le serpentard en laissant son regard glisser sur les autres professeurs – dont Hermione – et la nouvelle directrice puis en revenant sur lui.

Un léger rictus apparut sur ses lèvres ; Harry grimaça – il sentait arriver une remarque qui n’allait pas lui plaire.

- Il me semble cependant, continua Rogue, que votre présence à cette table fasse partie des observations les plus surprenantes que je puisse faire à cette heure. J’imagine le dépit de vos fans lorsque vous avez annoncé votre volonté de vivre à nouveau à Poudlard. Et quelle perte pour ces nobles familles qui, j’en suis certain, se vantaient de pouvoir vous inviter à leur table.

Le ton calme dénotait douloureusement avec le contenu de ses paroles.

Le professeur de DCFM se contenta d’un sourire contrit ; les expériences passées lui avait suffisamment prouvé que toute réponse émotive et trop peu réfléchie avait toutes les chances d’envenimer les choses. Il tenait - un peu – trop à cette ébauche de conversation pour répondre à cette provocation. Il décida tout simplement d’y donner un ton de plaisanterie.

- Oh, j’imagine que la Gazette du sorcier a dû déplorer ma « retraite » durant quelques semaines. Et puis ces trop nombreux férus du « Sauveur du Monde Sorcier » en ont apparemment eu assez de voir leurs toutes aussi nombreuses lettres leur revenir en compagnie de leurs hiboux.

Harry prit une pomme dans laquelle il croqua avec force ; ce n’était pas si évident, ce sujet l’agaçait toujours. Même s’il avait appris à mettre de la distance entre lui et ces fans dont il n’avait jamais voulu, il n’oubliait pas ce qu’étaient ces requins – bien que ce terme n’était pas très charitable pour la plupart d’entre eux mais s’adressait principalement à quelques familles de sang purs et autres uluberlus de la presse ou du ministère. Et il se rappelait aussi combien ces gens avaient été indirectement – dans la plupart des cas – responsable du départ de Ginny.

Il continua malgré tout.

- Le monde sorcier n’a semble-t-il jamais vraiment réalisé que c’était un gamin chanceux – et particulièrement bien entouré – qui l’avait sauvé.

Cette partie de leur passé n’était décidément pas un pôle sur lequel il aimait s’attarder. Et le jeune homme avait maintenant l’impression de s’exposer sciemment à la critique en jouant si rapidement la carte de la sincérité avec le professeur.

Seulement, il ne fut pas utile qu’il fasse un pas en arrière car Rogue le fit à sa place. Ce dernier se leva et, à son expression, il ne semblait pas non plus particulièrement satisfait de la tournure que prenait la conversation.

- Certains ont toujours su ce que vous étiez et êtes réellement. C’est ce que vous pensez, n’est-ce pas ?

Le serpentard jeta un regard vague vers ses collègues qui ne leur prêtaient plus attention.

- Poudlard… Vous n’auriez guère pu choisir mieux.

Harry remarqua le rictus qui traversa son visage avant qu’il ne quitte la table mais n’en comprit pas le sens. Il observa le maître des potions qui se retirait dans une envolée de robes noires, de son pas vif coutumier et de sa démarche assurée.

S’il s’était imaginé mieux comprendre l’espion, puisque son comportement n’avait plus de raison d’être réellement ambigu, il s’était trop avancé. Ses réactions l’intriguaient. Le sorcier ne lui était plus aussi clairement hostile que quelques années auparavant. Ou, peut-être, en arrivait-il encore trop vite à cette conclusion ?

Du temps, voilà ce qui lui était donné et il en avait assez pour installer autre chose que de la haine entre eux – pour gagner sa sympathie.

Pour se décider à s’excuser.

A suivre…

Mmh... Dire que je sais déjà comment tout cela va finir XD (Pauvre Harry... ou pauvre Sevy ?)
J'attends vos avis ^_~