Anciennes blessures Chapitre 7 Etonnamment, lorsqu’il se réveilla le samedi en pleine après-midi, il se sentit en pleine forme. Il pouvait même dire qu’il n’avait plus eu une nuit aussi calme – sans potion de sommeil – depuis des mois, si ce n’était des années. Cependant, cette fin de journée lui fut assez déroutante. Il songea tant au « problème Severus Rogue » qu’il en oublia même de dîner et de souper. Ce n’est que lorsque Dobby se présenta à lui en lui faisant remarquer qu’il causait de l’inquiétude à ses collègues qu’il réalisa que la nuit était déjà tombée. Il accepta de bonne grâce le plateau repas que l’elfe lui présenta et le chargea de rassurer Hermione et les autres professeurs : il allait bien, juste un peu de fatigue, rien de plus. Et c’était vrai, il allait bien. Il avait même pris une décision. Après s’être demandé pendant des heures ce qu’il lui avait pris et ce qu’il avait bien pu espérer en tirer, il s’était interrogé sur la réaction de son ancien professeur. Pas de sort mortel ou extrêmement douloureux, pas d’insultes bien senties ou même pas un sévère coup de poing pour lui remettre les idées en place. S’il n’avait pas interrompu son geste de lui-même, était-il possible qu’il se serait laissé faire ? Cette question restée sans réponse avait fait pencher la balance vers le chemin qu’il s’était décidé à emprunter. Il ne se voyait pas entamer avec « la terreur des cachots » une discussion à cœur ouvert sur un éventuel attrait physique ou sentimental – lui-même ne savait pas vraiment de quoi il s’agissait après tout. Néanmoins, rien ne l’empêchait de voir jusqu’à quel point il pouvait s’approcher de lui. Tant pour savoir enfin ce que le maître des potions pensait réellement de lui que pour comprendre ce qu’il lui arrivait vraiment. Cela à condition, bien sûr, qu’il le laisse encore approcher ou tout simplement ne prenne pas la décision de lui lancer l’avada kedavra, qu’il n’avait pas utilisé la veille, dès leur prochaine rencontre… -- La nuit suivante fut tout aussi calme pour Harry. Le réveil par contre fut plus laborieux : ses décisions de la veille lui revinrent en mémoire et il se trouva passablement nerveux à l’idée de se trouver face au serpentard. Il quitta ses appartements à l’heure du déjeuner et rencontra Hermione à quelques mètres des portes de la grande salle. - Salut Harry. - B’jour. - Pour quelqu’un qui a passé son samedi à dormir, tu ne m’as pas l’air particulièrement en forme, remarqua-t-elle en fronçant légèrement les sourcils. - Ha, ha, sans doute, avoua-t-il un peu gêné. Disons que j’ai pas mal réfléchi en fait… - Et peut-on savoir à quoi ? interrogea-t-elle intriguée. Il s’arrêta et observa son amie quelques instants. Oh ! Et puis pourquoi pas ? S’il y avait bien quelqu’un à qui il pouvait se confier c’était elle. - Hermione, que penserais-tu si je te disais que vendredi soir… La brune le fixait avec intérêt ; Harry aurait pu en sourire si lui en parler ne l’emplissait pas de nervosité – le sujet n’était pas très banal après tout. - Donc, vendredi soir, j’ai p- Une envolée de robes détourna leur attention lorsque Rogue passa à leurs côtés. - Bonjour, Severus. L’homme tourna la tête sans s’arrêter pour autant. - Bonjour, répondit-il s’adressant uniquement à la jeune femme. Il se contenta simplement de jeter un regard indéchiffrable à Harry avant de reprendre son chemin vers la table des professeurs. Le gryffondor le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il s’installe à sa place habituelle. Lorsque le jeune homme le quitta des yeux, il croisa le regard de sa meilleure amie qui lui accorda un sourire entendu. Et il eut la désagréable impression qu’en quelques instants elle avait pris conscience de plus de choses qu’il n’aurait pu en imaginer. - Nous devrions aller nous installer nous aussi. Tu nous rejoins toujours au Terrier cette après-midi, n’est-ce pas ? Et elle pénétra dans la grande salle tout en prenant elle aussi la direction de la table des professeurs. Il n’arrivait pas encore à s’y faire mais cela faisait aussi partie de ces légères modifications de comportement qu’avait entraîné leur passage à l’âge adulte. A n’en pas douter, quelques années plutôt encore, elle l’aurait sans doute poussé à lui expliquer les moindres détails de l’affaire… Hermione avait deviné – pouvait-il vraiment s’en étonner ? – qu’il avait dû se produire, en quelque sorte, une rencontre « malheureuse » entre eux et, pourtant, il connaissait suffisamment la sorcière qu’elle était devenue pour imaginer qu’elle ne chercherait pas à en savoir plus. Enfin, pas tout de suite. Une Granger – même future Weasley – restait une Granger. Il la rejoignit d’un pas vif et s’assit à ses côtés. Le survivant jeta un œil furtif en direction du maître des potions mais celui-ci ne releva même pas la tête. Il hésita un instant à lui adresser la parole néanmoins il préféra se fier à cette certitude qui lui affirmait que, s’il tentait sa chance à l’instant, il le regretterait plus encore qu’il ne pourrait le croire. Gryffondor, certes, mais pas suicidaire… Harry préféra redonner son attention à la brune. - Bien sûr, je serais là. Tu sais bien que je ne manquerai jamais l’occasion de montrer à notre gardien national que je peux encore rivaliser avec lui ! - Le quidditch. Evidemment. Tu as au moins songé au cadeau pour Billy et Fleur, j’espère. - Eh bien, commença-t-il en se passant une main à l’arrière du crâne, ébouriffant encore un peu plus ses mèches brunes. - Harry ! Je te rappelle qu’on se réunit pour les féliciter pour leurs jumeaux à venir ! Quoi ? - Attends, ne te fâche pas Mione, j’ai leur cadeau. Si, je t’assure ! Le sorcier affichait un sourire amusé – et faussement coupable, ravi de la voir réagir de cette manière ; sur certains points, on ne la changerait jamais. Elle fronçait légèrement les sourcils, bien consciente que son collègue avait simplement voulu la taquiner. - Mais, pour en revenir à notre partie de quidditch – il fit mine de ne pas remarquer le froncement plus accentué de ses sourcils, nous feras-tu l’honneur de t’y joindre ? - Tu sais parfaitement que je ne joue pas au quidditch. Harry cacha un léger ricanement mais elle n’y prêta pas attention et il parvint néanmoins à arriver au bout de ce déjeuner sans subir les foudres de la brune, bien aidé par le fait qu’il avait mentionné les futurs projets de mariage de ses deux meilleurs amis… Ce jour-là, il oublia presque la délicate situation dans laquelle il se trouvait avec le serpentard et, quand en fin d’après-midi ils rejoignirent la famille Weasley, ce petit malentendu lui parut vraiment de moindre importance. -- La semaine qui suivit se déroula de façon similaire – à ceci près que Rogue semblait réellement l’éviter. Harry croisait malgré tout parfois son collègue aux robes noires mais il ne lui adressait pas la parole, même ses salutations matinales étaient ignorées. Et il ne fallait pas parler de ses deux tentatives d’engager la conversation avec le serpentard : il avait simplement récolté un regard noir à faire trembler de peur n’importe quel élève de première année. Il n’était pas dans ses habitudes de rester sans réactions face à ce genre de comportement – et venant de cet homme – mais il se considérait comme le « fautif » dans cette histoire alors il laissa faire. Enfin, c’est de cette façon qu’il envisagea la situation tout au long de la semaine. Mais, lorsqu’il finit par se retrouver le samedi soir, dans les couloirs de Poudlard, à pester contre le monde entier, il ne réussit pas à se tenir plus longtemps à sa résolution de lui laisser encore du temps. Son humeur s’était dégradée au fil des jours. Il se sentait d’ailleurs un peu coupable de l’avouer mais les points des quatre maisons en avaient pâti. Ses collègues, Hermione y compris, avaient apparemment eu plus de lucidité que ses élèves puisque, au-delà de leur courtoisie habituelle, ils avaient pris grand soin de l’éviter. Il n’était pas aveugle. Et eux non plus. Mais cette après-midi avait été de trop. Minerva était bien la seule à ne pas faire grand cas de son apparente mauvaise humeur et avait donc décidé qu’il prendrait en charge les quelques élèves souhaitant se rendre à Pré-au-lard. Harry n’avait pas d’excuse valable pour s’y soustraire, il avait donc dû se plier à la demande. Ce qui n’aurait dû être pour lui qu’une surveillance d’adolescents s’était cependant vite changée en véritable piège. Pour commencer, le survivant s’était vu assigner comme partenaire le fameux maître des potions. Au premier abord, l’idée lui avait paru assez pertinente – même leur directrice avait remarqué leur comportement – car il avait là une parfaite occasion d’établir un nouveau contact. Il aurait dû comprendre que c’était déjà trop s’avancer lorsque le serpentard s’était contenté de l’ignorer dès qu’ils s’étaient rejoints pour s’occuper des élèves… Mais là encore, il ne s’était pas laissé démonter ; une fois arrivé au village il avait eu bien l’intention de retenter une approche. C’était encore trop compter sur la chance. Parce que, effectivement, il avait fallu qu’un évènement vienne envenimer les choses. A peine la petite troupe avait-elle posé les pieds dans le village que son calvaire débutait. Il avait tout bonnement fallu qu’ils tombent sur Scrimgeour et – pas seul, bien entendu – sur toute sa clique de journalistes. A ce stade, il aurait pourtant pu encore s’en sortir avec une belle excuse – il avait des élèves à surveiller, non ? – mais bien sûr l’occasion avait été trop tentante pour son collègue. Et il l’avait deviné dès l’apparition de ce détestable sourire carnassier sur ses lèvres. Rogue avait si bien manœuvré que, non seulement, il avait fait comprendre que le survivant était à l’entière disposition des journalistes mais qu’en plus il était ravi de leur accorder tout son temps. Et pour l’achever, le professeur de potions avait sorti les mots justes pour que le ministre soit passablement furieux s’il osait se dérober. Résultat, Harry venait de passer près de quatre heures entre leurs mains. Il n’y avait pas songé à ce moment-là – trop sidéré par ce qu’il avait réellement pris pour une traîtrise – mais il aurait été de bonne guerre de rappeler à ces mêmes journalistes que ce professeur pouvait également être un très bon sujet pour leurs articles… Et maintenant, il était en colère. Oh, oui. Passe encore de subir l’indifférence de son aîné en silence. Mais être la victime des viles paroles d’un serpentard était plus qu’il ne pouvait supporter en ce moment. Et cela était encore plus intolérable lorsqu’il s’imaginait que l’homme puisse avoir décidé de faire de sa vie un enfer – à l’image de ses jeunes années – et que cette petite vengeance n’en était que la première étape. Le sorcier se dirigeait d’un pas rapide vers les cachots. Ah non ! Il était absolument hors de question que la guerre soit déclarée entre eux à cause d’une simple petite erreur de sa part qui, d’ailleurs, à la base, ne découlait que d’une démarche pour créer une paix définitive entre eux ! Il était grand temps qu’ils se parlent. A suivre… |