Anciennes blessures

Chapitre 8

Harry s’enfonçait dans les entrailles du château.

Il avait ignoré d’une superbe manière les personnages des tableaux qui avaient eu l’envie mal avisée de lui adresser la parole, tout comme Nick-quasi-sans-tête qui – soit dit en passant – en avait certainement été vexé.

Le sorcier n’avait plus été aussi en colère depuis longtemps. Un instant, il s’était demandé pourquoi il était si furieux puisque, après tout, on lui avait déjà fait bien pire sans qu’il ne perde son calme.

Mais il s’était rapidement repris. Il avait toutes les raisons d’être hors de lui.

Le gryffondor s’était efforcé de se montrer courtois, il avait même ravalé une partie de sa fierté pour lui présenter des excuses, même ce qui était arrivé – ou plutôt, ce qui n’était pas arrivé par la suite – n’avait rien d’offensant… il essayait juste de devenir son ami, bon sang !

Le survivant s’arrêta subitement.

D’accord. Il ne s’attendait pas à ça. Enfin, un peu quand même mais sans doute pas à toute cette conviction qui l’avait envahi à cette simple pensée.

Harry reprit néanmoins sa marche.

Oui, et après ? Il n’allait pas se faire plus idiot qu’il ne l’était. Le professeur de DCFM considérait bien déjà Rogue comme une personne de son entourage proche. De ce fait, le comportement du maître des potions lui était d’autant plus irritant.

Il descendit enfin le dernier escalier, ratant presque la dernière marche – ce qui accentua encore un peu plus sa mauvaise humeur.

- Vous êtes décidément toujours aussi prévisible.

Harry venait d’arriver devant la porte des appartements de Rogue mais ce dernier était simplement appuyé contre le mur, les bras croisés, un léger rictus plaqué sur le visage. Il était clair pour le survivant que son aîné était assez fier de sa mauvaise action du jour.

Le jeune sorcier dévisagea le faciès moqueur avec colère et s’apprêta à répondre mais l’homme prit les devants.

- Bien, j’imagine, commença-t-il en se détachant du mur, qu’après cette agréable après-midi que vous avez passé à Pré-au-lard, vous ne verrez pas d’inconvénient à ce que nous en revenions à des sujets plus sérieux. A commencer par la demande de Minerva.

Il aurait été hypocrite s’il avait nié qu’à un instant il n’avait pas songé à frapper ce maudit serpentard d’un sort quelconque. Néanmoins, la mention de la directrice le calma quelque peu. Le fait qu’il venait de lui adresser plus de mots en une minute qu’en une semaine y joua aussi un rôle certain.

- La requête de Minerva ?

Le maître des potions fronça légèrement les sourcils.

- J’ose espérer que vous vous montrez un peu plus consciencieux lorsque vous enseignez à vos classes que lorsqu’ont lieu nos réunions. Enfin, voilà ce qu’apporte d’engager un gryffondor à ce poste.

Rogue se détourna et ouvrit la porte de ses quartiers.

A dire vrai, le gryffondor en question se trouvait quelque peu décontenancé par ce comportement.

Le matin encore, l’homme l’ignorait tout simplement et, à présent, il s’adressait à lui comme-ci cette semaine n’avait jamais existée. Ses propos même n’étaient pas vraiment méchants – il l’entendait au ton de sa voix – et son regard avait repris cette neutralité qui le caractérisait depuis quelques mois.

- Ne restez pas dehors comme un parfait idiot, Harry, nous avons un certain nombre de détails à régler pour cette démonstration, entendit-il alors que le serpentard s’était déjà enfoncé dans son appartement.

Et là, il comprit.

Enfin, peut-être pas ce qu’il entendait par « démonstration » mais le reste lui fut soudain étonnamment clair.

Inconsciemment, Harry avait continué à considérer l’homme qu’il voyait comme son ancien professeur de potions, cet ex-mangemort qui n’était satisfait qu’après lui avoir fait payer au centuple le moindre affront qu’il pouvait lui faire.

Mais il avait changé.
Rogue venait, en quelque sorte, de remettre les compteurs à zéro. Ce qui s’était passé une semaine plus tôt venait d’être balayé par cette simple opportunité que l’homme avait saisie. Le survivant ne savait pas exactement ce que son aîné avait pensé de ce soir-là mais, si Severus se suffisait de cette simple contrepartie pour se permettre de lui adresser à nouveau la parole, il s’en suffisait amplement.

Cela ne l’empêchait pas pour autant de trouver cette « vengeance » un peu puérile mais il n’allait pas encore chercher des incohérences là où il n’avait même pas de certitudes.

Finalement, il avait peut-être passé une fin de journée détestable auprès du ministre de la magie mais pourtant il n’en ressentait plus de colère. Il venait de découvrir une nouvelle facette de Severus et le malentendu qu’il y avait entre eux s’était dissipé.

Enfin, presque.

Le survivant se décida à pénétrer dans l’appartement, assez sobre, de son aîné, un léger sourire aux lèvres.

- Au risque de vous décevoir, il m’est nettement plus facile, et agréable, de garder une attention particulière lors de mes cours. Mais, j’avoue, je n’ai pas écouté avec beaucoup de sérieux la dernière réunion des professeurs.

Ce qui pouvait s’expliquer en partie par le fait qu’elle avait eu lieu la veille et qu’il avait passé son temps à ruminer sur la position déplaisante dans laquelle il se trouvait.

Harry s’assit en face de l’homme qui l’observait avec, peut-être, un léger amusement.

Il se dit une nouvelle fois que la manière dont s’était résolue la situation ne pouvait que le satisfaire cependant il gardait une étrange impression, comme-ci il oubliait un élément important…

- Dans ce cas, je me permettrai donc de vous rappeler que notre directrice a offert aux sixième et septième années d’organiser une démonstration de duel sorcier.

- Un duel sorcier ? s’étonna-t-il en faisant une légère grimace. C’est prévu pour quand ?

L’idée lui provoquait un certain malaise. Il ne se souvenait que trop bien de la façon dont s’était déroulé le duel organisé avec Malfoy – sois dit en passant, il ne regrettait absolument pas que ce dernier se soit lancé dans le monde des affaires ne permettant ainsi à leurs chemins de ne se croiser qu’en de rares occasions. Et puis, il n’était pas encore tout à fait capable de dissocier duel de combat donc, par extension, de ses souvenirs de guerre. Pour ses cours, cela ne lui posait aucun problème mais un duel de ce niveau était une autre histoire…

Mais, évidemment, ce n’était pas ça qui allait l’empêcher d’assister à un simple duel scolaire. Néanmoins, à l’aspect sévère qu’avait pris le visage de Severus, il pouvait deviner qu’il n’était pas le seul à se rappeler certains souvenirs désagréables.

- Samedi prochain, dans la grande salle, en début d’après-midi. Minerva m’a chargé d’organiser ceci. D’offrir à ces enfants une démonstration et d’éventuellement leur permettre d’affronter l’un des deux sorciers combattant.

- Dans une semaine ? Si tôt ?

- Allons Harry, ironisa-t-il, si j’ai pu organiser ce genre de spectacle…

Il accentua le mot avec un léger agacement, preuve qu’il ne prenait pas ceci très au sérieux.

- … avec ce Lockhart en quelques jours, je ne vois pas pourquoi il nous serait difficile d’arriver à un résultat convenable d’ici samedi. A moins, bien entendu, que vous ne soyez déjà décidé à refuser votre rôle « d’assistant ».

Bien sûr.

Le jeune sorcier ne voyait pas qui – à part Hermione peut-être – aurait pu lui servir de partenaire.

- Reste à nous de leur montrer de quoi nous sommes capables, j’imagine, se contenta-t-il d’affirmer en réponse.

Et ce n’était que maintenant qu’il donnait son accord tacite qu’il sentait poindre son appréhension face à l’idée d’affronter cet homme en duel magique.

Le serpentard lui accorda un fin sourire et, un bref instant, le survivant fut certain de se souvenir de la raison exacte pour laquelle il avait failli poser ses lèvres sur les siennes ce fameux soir dans ses quartiers.

Ce fut cependant trop fugace pour qu’il parvienne à cerner sa pensée.

Harry se retrouva simplement à lui sourire en retour, ne sachant s’il masquait bien ou non la légère gêne qu’il ressentait face à ces pensées mal placées et cette idée fixe que son sourire était décidemment bien charmeur et mystérieux.

Vraiment. C’était effrayant de voir à quel point il pouvait se montrer lunatique en présence de Severus.

Le sourire du maître des potions sembla s’accentuer légèrement. Puis l’homme lui répondit, pour clore cet accord, d’un air parfaitement serpentard :

- Ces enfants n’ont même pas idée de ce à quoi ils vont assister.

Harry s’imagina fort bien le genre de démonstration qu’ils pourraient faire ensemble pour ses élèves, eux qui avaient été trop jeunes pour vivre de près la guerre, et la surprise émerveillée qu’il verrait sans nul doute dans leurs yeux lui fit oublier ses craintes.

Oui, sa vie à Poudlard reprenait son cours habituel.

Et la présence de Severus dans l’école semblait bien combler un vide qu’il avait ressenti l’année précédente si ce n’était peut-être bien avant encore…

A suivre…

Leur relation avance tout doucement et les choses vont se préciser dans pas trop longtemps :)
On arrive bientôt à un tournant de la fic !