Novembre :

Cela faisait à présent un mois que le jeune kendoka vivait chez son ami. Il y eut de nombreux de nombreuses disputes où le rouquin se retrouvait le plus souvent face contre terre, une énorme bosse sur la tête encore fumante. De nombreuses fois, le japonais avait fait sa valise pour partir de son appartement, mais le plus vieux arrivait toujours à le faire changer d'avis avec une seule question : "Où vas-tu aller ? Si tu rentres chez toi, ton frère va recommencer." Le brun le savait parfaitement. Il en avait clairement conscience.

Allongé sur le lit à deux places, Kanda regardait fixement le plafond dénué d'intérêt. Il attendait le retour du vieux historien ainsi que son petit-fils. Celui-ci était parti à un rendez-vous d'entretien en tant que serveur. L'argent venait à manquer pour nourrir trois bouches. Kanda avait voulu partir, mais le roux arriva le convaincre de rester. Yu pestait en son fort intérieur. Il n'arrivait plus à regarder en face le regard pétillant de malice et pénétrant de Lavi, de frissonner lorsque celui-ci lui souriait comme il savait si bien le faire, de rougir lorsqu'il le complimentait, de ne pas se débattre lorsqu'il le collait la nuit, de toujours penser à lui. Encore à lui. Toujours à lui. Lavi...

Plus qu'agacé, l'adolescent attrapa un oreiller -celui-ci sur lequel son hôte dormait- et le balança rageusement contre le mur. Il se rendit compte que cela ne calmait malheureusement pas du tout et qu'il pensait toujours à lui. Pourquoi lui ? Pourquoi Lavi ? N'était-il censé aimer les femmes ? Lenalee était gentille et Miranda était plutôt charmantes avec ses douces maladresses. Pourquoi pas l'une d'entre elles ? Pourquoi lui ? Énervé de ne pas réussir à le faire sortir, il décida d'aller préparer le dîner. Le grand-père et le rouquin cuisinait comme des manches...

Vêtu d'une chemise blanche, il remonta ses manches afin d'éviter de les salir. Il était le seul dans l'appartement à manger des sobas. Aussi, il prenait soin à faire à manger pour les goûts de tout le monde. Au lycée, Lavi ne le quittait jamais. Il restait constamment avec lui. Il s'était plusieurs fois énervé et le frappait aussi fort que possible sans le tuer. Le rouquin était un bon défouloir. Il avait été choqué lorsque les follasses fan du borgne avaient certifié un jour qu'ils faisaient un magnifique couple. Ce souvenir fit monter le feu aux joues du cuisinier et ne fit pas attention à l'eau bouillante dans la casserole. Il se brûla et poussa un cri de douleur tout en lâchant sa spatule qui servait à touiller les spaghettis. Il se tint sa main et baissa le feu et continua de préparer le repas, ignorant sa douleur.

-Je suis de retour, Yu-chan !
-Je t'ai déjà dit de pas m'appeler par mon prénom, Teme !!
Lavi était de retour chez lui, l'éternel sourire collé à ses lèvres. Il balança son manteau sur un siège et se rendit dans la cuisine où il vit le japonais mettre la table. Celui-ci évitait plus que possible le regard joyeux du borgne qui lui racontait sa journée et son entretien d'embauche. Il avait de bonnes chances d'être embauché pendant les vacances et plus s'il satisfaisait les patrons. Au bout de quelques instants, le silence s'installa entre un roux fixant la main rougeâtre d'un brun récalcitrant à ce rayon X obligatoire.

-Yu-chan. Qu'est-ce tu t'es fait ?
-Rien du tout, Baka. Et arrête de m'appeler par mon prénom.
Mais Lavi était décidé à arrêter rien du tout. Il prit le poignet de son invité et le força à le suivre dans la salle de bain. Il inspecta la blessure, toute trace de bonne humeur envolée.

-Répond-moi.
-Tch... Je me suis brûlée la main en préparant la bouffe. T'es content ?
-De m'avoir répondu, oui. De t'être blessé, non. Répondit-il, le sourire réapparaissant sur son visage.
Il obligea ensuite un adolescent, rebelle et agacé par tant d'attention, à s'asseoir et à se laisser soigner. Ce qui lui valut une bosse sur la tête pour avoir massé trop longtemps sa main meurtrie. Ce n'est que quelques minutes plus tard que le vieil historien fit son entrée et ils purent enfin manger à leur faim, le kendoka faisant toujours plus que nécessaire.

Allongé dans le lit, enlacé de force par son aîné, Kanda regardait fixement le plafond. Il repensait à sa famille adoptive et à son demi-frère. Que devenaient-ils à cet instant présent ? S'inquiétaient-ils pour lui ? Leur manquaient-ils en ce moment ? La réponse lui parut douloureusement évidente ; non. Ses parents adoptifs ne s'étaient jamais vraiment occupé de lui, ne l'avaient jamais défendu lorsque Tiky le frappait pendant des heures et des heures. Lassé par ses souvenirs douloureux, il poussa un long soupir de fatigue et tourna sa tête sur le côté. Il n'arrivait pas à dormir. Aussi, il prit le temps de détailler le visage endormi du roux. Il ne pouvait dire s'il était beau ou moche car il n'avait jamais été attiré par les garçons. Il ne l'était toujours pas, il était simplement attiré par CE garçon, par Lavi comme un insecte volant est attiré par la lumière.

Simplement et irrémédiablement attiré par lui, au point de déposer chastement et timidement ses lèvres hésitantes sur celles chaudes de son vis-à-vis. Il les retira rapidement, de crainte de réveiller l'aîné et de devoir lui donner des explications. Il n'en avait aucune. Il soupira une dernière fois et lui tourna le dos, se laissant aller doucement dans les bras de Morphée. Doucement, Lavi ouvrit son œil interrogateur sur la nuque du brun. Il ne comprenait pas. Cependant, il décida de ne pas se poser de question ce soir et resserra sa prise sur la taille du garçon et enfouit son visage dans ses longs cheveux et s'endormit à son tour. Les problèmes s'envolaient petit à petit mais rien n'était terminé...