Samedi 3 janvier 20..
Je me levai de table et le suivis comme il me l'avait ordonné. Je ne dis mot pendant tout le trajet. Je marchais à côté n'osant pas fixer son regard. Nous longeâmes une rue complètement différente de celle que j'avais autrefois connue. De nombreux passants faisaient leur apparition de temps à autre, traversant les ruelles d'un pas pressé. Quelques-uns me bousculaient sans même une excuse, cela me rappelait tellement les gens du lycée, toutes ces bousculades, ces jacassements et cette foule monstre. Mes yeux se rivèrent sur les habitations, toutes en blanc ou alors en jaune pâle voire blanc cassé. Aucune n'était faite de pierre. Mon regard se posa sur un vieil homme après avoir contemplé les maisons. Un vieillard adossé au mur blanchâtre d'un habitat, les épaules en avant, le dos voûté. Il demeurait accroupit, les mains sur ses genoux et la tête baissée même si je pouvais remarquer que ses petits yeux enfoncés dans le creux de ses orbites me considéraient, du coin de l'œil. Seul un chien noir, dont son pelage était encrassé par la boue lui tenait compagnie. Cet individu commença à ricaner tout en me fixant. Mes pieds se mirent à faire quelques pas vers lui mais quelque chose me stoppa. Je sentis une main se poser sur mon épaule gauche puis caresser celle-ci, une voix affectueuse et douce me souffla à l'oreille :
-Ne t'approche pas des passants, tu veux ?
Ma tête se retourna en direction de mon interlocuteur et j'aperçus Conogan si près de mon visage... Trop près de moi à mon goût. Celui-ci me décala posément pour m'éloigner de cet être subreptice. Le jeune garçon lança un dernier coup d'œil néfaste à la personne âgée. Puis me dévisagea à son tour et un sourire presque médisant se dessina sur son visage. Il s'empara de mon bras et me tira en avant. Nous continuâmes notre chemin droit devant nous en traversant bon nombre de rues pavillonnaires. Des flaques d'eau nous éclaboussaient dès que l'on avançait, la pluie tombait lourdement sur les toitures des maisons. Conogan s'arrêta en face d'un portail gris orné de bordures dorées et vernies. Ce dernier l'ouvrit et nous parcourûmes une allée de terre et des fleurs blanches décoraient le long de cette traversée. Cet immense jardin était magnifique. Un cliquetis me sortit de mes songes et me remit les pieds sur terre.
Conogan ouvrit la porte et m'emmena à l'intérieur, tout était sombre, je n'y voyais rien mais l'adolescent appuya sur l'interrupteur le plus proche comme si qu'il avait lu dans mes pensées. Je n'en revenais pas de toute cette splendeur ! La pièce où j'avais actuellement atterrit était vaste mais tout paraissait sinistre. En effet, tous les murs étaient gris mais... Des tables étaient disposées au milieu avec... Des engins dont je ne connaissais en aucun cas le nom. Je me rapprochais de ces machines, une paire de ciseaux, quelques outils qui ressemblaient à ceux utilisés par les chirurgiens ou des scientifiques avec des microscopes. Cela fit surgir un vague souvenir ou une vision.
-Tu... Tu te souviens de tout ça, n'est-ce pas ?
Conogan avait bégayé en s'adressant à moi, les yeux baissés mais tournés vers la table en plein milieu où rien n'y était posé; juste quelques taches de sang étaient incrustées. Cette salle empestait une odeur de mort mélangée à des produits chimiques... Ce qui donnait une senteur nauséabonde. Je me souvenais de cet endroit, je l'avais entrevu dans une de mes visions... avec ce garçon, c'était lui. Conogan, toujours les yeux baissés prononça quelques mots en guise d'explication :
-Tu sais... D'où vient ma cicatrice ? De là, .il pointa la table vierge d'un coup de tête puis reprit, l'ami de mon père est un scientifique et il a voulu me sauver avec une de ses expériences alors que j'étais mourant. Bien sûr, il m'a sauvé mais il m'a injecté ce putain de gène mutant ! Et tu l'as Kaou, tes deux parents sont des porteurs sains. Je savais que tu allais venir ici et l'ami de mon père t'attendais impatiemment
Sa voix tremblotante au début, devenait plus menaçante vers la fin. Je voulais parler, crier, lui dire que je ne désirais pas le voir mais ma gorge se noua de nouveau comme pour la mort de Jaoven, mes lèvres tremblèrent et je sentis mes jambes flageoler ce qui n'était pas dans mon habitude. Or, l'anxiété mêlée à la perte de Jaoven menait à cet affolement déplorable. Conogan releva la tête et me fixa droit dans les yeux. Ce n'était pas le même regard que je ressentais mais un autre qui faisait peine à voir notamment en raison de ses yeux noisette humides qui les rendaient pétillants. Ce dernier fit quelques pas en ma direction en tendant son bras droit, puis se saisit de ma main et la tira vers lui. Il m'emmena dans une pièce mais je ne savais où. La tension monta, mes yeux contemplaient chaque recoin de la maison jusqu'à un escalier dont les marches cirées étaient lisses et brillantes même dans l'obscurité. Nous montâmes ces escaliers en colimaçon, les marches grincèrent sous le poids de nos pas. Cela semblait interminable et plus nous avancions en hauteur, plus nous nous enfoncions dans le noir.
Les marches étaient tellement étroites que j'avais failli chuter sur lui, un de mes pieds avait soudainement glissé. De mon côté, j'essayais de m'échapper de l'emprise de cet adolescent mais sa poigne était trop forte. Une fois arrivés en haut, le couloir se faisait moins lugubre et moins étroit. Il m'emmena dans une nouvelle pièce où il alluma la lumière.
Je pouvais voir un lit et des étagères où étaient rangés des livres. Je m'avançais dans le creux de cette chambre, l'air plus sûre de moi. Puis me retournai vers Conogan, qui enleva sa chemise noir corbeau. Il se trouvait dos à moi et face à une glace ancrée dans le mur. Le garçon balança son habit sur son lit en se tournant de mon côté. Une trace de sang ruissela le long de son torse, là où il avait posé sa main dans le bar. Sa peau ensanglantée cachait un trou profond. Ses yeux dévisagèrent sa lourde blessure pour ensuite me regarder avec insistance :
-Tu vois, Kaou. Ton pouvoir est puissant.
Il allait décéder aujourd'hui même. Je concentrai tout mon pouvoir sur lui, les yeux rivés sur son torse, fronçant les sourcils. Mes doigts se crispèrent et son corps devint progressivement rouge sang mais cette couleur provenait de l'intérieur de son organisme.
-Ne joue pas à ça avec moi.
Ces paroles me remirent dans la réalité, face à Conogan. Une sensation atroce m'emporta. Celle qui vous fait chambouler et dont vous ne contrôlez plus rien. Toutes mes pensés s'envolèrent mais j'entendis vaguement quelques paroles qui semblaient dire "approche toi de lui", à cet écoute, je la suivis. Cette voix qui me dictait mes moindres gestes. Alors mes jambes marchèrent jusqu'à l'autre contre mon gré, toujours le fixant du regard. Je me mis à toucher sa blessure d'abord de mes yeux avides de curiosité et ensuite une de mes mains se posa avec tendresse sur le torse de Conogan, qui ne bronchait pas. Il ne recula même pas d'un centimètre, mais je pus percer en lui de l'affection ce qui me donna un sourire narquois. Cette voix me rappela à l'ordre d'un ton plus grave "Approche toi de lui !". Je le poussai délicatement jusqu'à atteindre le lit puis celui-ci se laissa faire et s'assit. Je le tenais par le cou, mes lèvres se rapprochèrent de celles de Conogan et vinrent se poser sur les siennes. Ma langue sortit rapidement pour venir caresser l'autre. Toujours l'embrassant langoureusement, mes mains accompagnèrent ses épaules afin de toucher la couverture du lit. L'adolescent se retrouva sur le dos et moi sur lui. Ma main se promena de haut en bas sur son torse nu pour venir jusqu'à sa ceinture, il ne me suffisait que de peu de temps pour réussir à enlever celle-ci puis à déboutonner son pantalon. Sa braguette se dégagea aussitôt. Mes doigts continuèrent à lui soustraire ce vêtement trop encombrant pour ne voir que son boxer gris qui lui épousait parfaitement les formes. Mes lèvres se retirèrent de les siennes pour parcourir son corps bien sculpté puis me remis à savourer ses douces lèvres. Ma main, quant à elle lui retira son sous-vêtement. A ce moment là, la voix résonna en moi tel un écho "Maintenant, fais ce qui doit être fait !", mais cette dernière ne s'arrêta pas là, elle continua de son air railleur "Il te fera souffrir et t'emmènera au diable ! Fais-le !" Celle-ci allait m'aider, j'en étais sûre. Je me dépossédai de mes sous-vêtements à mon tour. Je sentis les mains de Conogan caresser mon dos de toute sa longueur. Je lui envoyai de coups de reins en avant puis nos deux corps se mêlèrent entre eux.
Lorsque la voix retentit une nouvelle fois "Tue-le !" Je devais le faire avant qu'il ne m'envoie en enfer. Durant cette confrontation entre nos deux corps, je me concentrai sur lui plus fortement. Puis sans m'en rendre compte, je lui donnais de nouveaux coups de hanche plus férocement. Cependant, mes yeux changèrent de couleur, rouge bordeaux, les pupilles de chaque œil disparurent. Mon visage collé au sien ma langue sortie, je léchais chaque goutte de sueur qui lui coulait sur les joues. Un terrible effroi s'empara de son être. D'autres gouttes vinrent se glisser parmi les autres mais n'avaient pas le même goût, en effet c'était une senteur de sang et une couleur vermeille dégoulina de ses yeux... Ses yeux pleuraient mais avec du sang. Une épaisse gouttelette sanglante sortit de ses orbites "Tu y es presque !" La voix avait raison...
Cependant, j'avais l'impression que le sang traversa son visage afin de disparaître de sa peau blanche. Je fus choquée et mes yeux reprirent leur teinte naturelle. A cet instant, un courroux incontrôlable me submergea inopinément et mes deux mains prirent le cou de Conogan et serrèrent le plus ardemment possible. Il n'allait pas mourir de mon pouvoir car il avait réussit à stopper ces écoulements de sang. A travers ma peau, je percevais la gorge du garçon se briser et sa pomme d'Adam s'écraser contre mes doigts qui appuyèrent de plus en plus fort. La voix s'exclama une nouvelle fois "Tu y es presque, si tu le laisses vivre, tu périras Kaou !" Non ! Il ne le fallait pas ! Je commençai à secouer le garçon dans tous les sens en lui cognant le crâne contre les rebords du lit. Je l'entendis gémir et pousser des cris de souffrance... Il n'allait pas réussir cette fois, mais Conogan s'exprima dans un souffle coupé :
-Kaou, tu entends... Une voix ? Que te dit-elle ?
Je ne fis guère attention à ses dires mais voyant que je ne lâchais pas, il reprit avec une petite voix oscillante :
-Kaourantina, je t'en supplie...
J'avais presque pitié de lui alors mes mains lâchèrent prises légèrement néanmoins cette voix était toujours présente en moi "Non ! Tue-le !" Reprenant contenance, je serrai deux fois plus fort, scrutant le regard de Conogan qui semblait vouloir signifier "Arrête". Et moi j'allais le tuer... |