Jeudi 20 Novembre 20.

     Personne, non personne ne devait être informé de mon pouvoir tenu dans l'ombre. Pourtant, j'étais persuadée que quelqu'un... Ce garçon se doutait de ce dont j'étais capable. Malgré cela, aucun autre individu ne m'avait soupçonné le moins du monde même après l'assassinat des deux jeunes filles. Cela faisait un peu plus d'un mois que mes amis et moi n'avions pas reparlé de ces victimes. A vrai dire, personne ne s'en souciait. Maëwenn m'avait même révélé la haine qu'elle portait pour elles. C'était une bonne chose, je n'étais pas dépitée de savoir que c'était encore une fois moi la meurtrière. J'étais même faraude. Je les avais fait souffrir, un bien considérable ! Les torturer jusqu'au sang et sentir par un vent glacial cette peau se déchirer sous des craquements. Et leurs gémissements m'emplissaient de félicité. Une euphorie que je n'avais connue nullement auparavant.
     Serais-je devenue folle ? Non, je le faisais pour le bien de certains et pour mon bien. Ce que je faisais n'était pas un crime, seulement un acte de vengeance pour ceux qui le méritaient. Et puis, personne ne s'en douterait. Ce n'étaient que des meurtres inexplicables après tout, rien de plus. Je décidai alors de ne plus craindre personne désormais, de ne plus m'inquiéter et de rester paisible...

     Cette journée s'annonçait plutôt bien mise à part la neige qui perdurait sur le sol et continuait à envelopper le lycée. Tout paraissait calme dans cet établissement. Tous, sans exception parlaient de ces meurtres... Aucun être humain ne pourrait le savoir. Je voyais dans leurs yeux, une angoisse inconditionnelle comme s'ils avaient peur que le meurtrier soit ici ou quelque part non loin de là, peur de se faire torturer comme les autres. Quant à moi, j'étais pleinement sereine. J'allai rejoindre les jumelles aux côtés de Maëwenn. Elles ne semblaient pas mal à l'aise face à ces crimes, ce qui ne m'offusqua pas plus que cela. Il ne fallait surtout pas qu'elles sachent que c'était moi... Moi la fautive dans toute cette histoire.

     La cloche tintinnabula au dessus de nous. Alors nous nous dirigeâmes vers la salle de philosophie qui nous attendait. La prof arriva derrière, marchant à petit pas, des feuilles placées sous ses aisselles. Une de ses mains tenant son sac marron vieilli. Maëwenn me chuchota à l'oreille :

-Tu crois qu'on aura un DM ?

     J'acquiesçai de la tête tout en sortant mon classeur, une feuille étriquée tomba aux pieds de mon amie qui baissa son regard en direction de celle-ci pour la voir. Elle se pencha et la ramassa d'un geste véloce. Elle la lue d'une voix presque imperceptible pour ensuite me la rendre. Un léger sourire se lissa sur son visage détendu puis susurra :

-T'as un admirateur secret ?

Maëwenn s'inventait toujours pleins d'histoires. Mais avant que j'avais pu lire le mystérieux mot, la prof vociféra :

-Taisez-vous ! Nous ne sommes pas dans un cours de bavardages, sachez-le ! Si mon cours ne vous intéresse pas, dans ce cas sortez. C'est la dernière fois que je vous le répète, la prochaine fois c'est dehors !

     Sa voix résonna dans toute la classe. Tous les élèves se redressèrent sur leur chaise. Ils étaient comme pétrifiés devant la lourde voix de cette dernière. Quant à moi, je regardais les autres élèves qui continuaient à suivre son cours soporifique. Je posais délicatement le papier sur ma table, caché par mon classeur noir, recouvert par un dessin volumineux d'un dragon noir argenté et des signes chinois dont je ne connaissais toujours pas la signification. La prof écrivait toujours au tableau alors j'en profitais pour le lire. Je pouvais distinguer les mots suivants :

"Je te vois et tu vas trop loin Kaourantina."    

     Ce n'était pas un admirateur secret, c'était une personne qui me surveillait depuis le début...Comment savait-il mon prénom ? Comment avait-il réussit à mettre cette feuille dans mon classeur ? J'aperçus une nouvelle feuille de la même teinte que la première. Un bout de papier chiffonné, jaune pâle dont quelques tâches de sang apparaissaient sur chaque recoin de la feuille. Je touchai ce sang, encore chaud et humide. Il était récent... L'autre mot inscrivait :

"A tes risques et périls"

     Je sentis un frisson parcourir mon corps après avoir lu ces mots. J'étais fébrile face à cette lettre anonyme. Qui pouvait m'envoyer de tels mots ? A la fin du cours, je me dirigeai vers les latrines les plus proches. J'entendis Maëwenn me parler dans un bruit sourd

-Où tu vas Kaou ? On a Maths.

     Je le savais mais dans mon état, il ne fallait mieux pas que je réfléchisse. Je me touchai le front éperdument, de la sueur fluait sur mon visage blême. Je me sentis fiévreuse dorénavant.
     J'ouvris la porte vélocement et entrai. Je mis mes deux mains sur le rebord du lavabo tout en baissant la tête. Sans même lever les yeux, j'aperçus un filet de sang ruisseler le long du miroir. Ce qui me fis reculer de plusieurs pas. Pourtant, je ne criais pas. Je restais impassible malgré ce sang sur le miroir. Je pouvais observer des lettres, des mots... Une phrase était écrite :

"Tu ne t'en sortiras pas seule, Kaourantina"

     Je me rapprochais de cette glace. Les lettres étaient formées avec du sang... Il avait l'air récent car il dégoulinait de plus en plus, constituant de minces gouttes sanglantes. J'examinais les alentours... Je tournais la tête des deux côtés : personne ne semblait manifester la moindre présence. Le calme régnait, on pouvait même entendre le son de ma respiration.
     Un instant plus tard, un grincement se fit entendre et ma respiration cessa à la hâte. Je détournai mon regard du miroir pour le poser vers la porte. Celle-ci s'ouvrit frugalement. Des cheveux blonds apparurent dans le creux de la porte puis des yeux verts... Couleurs émeraude. C'était Maëwenn, sa présence me soulagea amplement. Mon amie s'arrêta nette, la bouche grande ouverte devant ce message couleur rouge. Elle balbutia, son visage toujours fixé sur ce phénomène déconcertant :

-Qu'est-ce...Qu'est...C'est...

-Non moi non plus, je n'en sais rien.

     Je lui avais répondu avant qu'elle n'ait eu le temps de prononcer quoique ce soit. Devant son effarouchement, je compris qu'il était temps de partir. A présent, le sang avait pénétré dans le lavabo, il en était recouvert. Je tirai la fille vers moi hors de ce lieu puis elle explosa :

-Qu'est-ce que c'était ?! Il y avait du sang ! Kaou ! Il y avait ton prénom !

-Je sais mais je ne sais pas ! Viens, on a Maths.

     Je la pris par le bras encore une fois. Elle paraissait plus inquiète que d'habitude. A vrai dire, moi aussi. Je ne connaissais personne qui me voulait du mal. Et puis Conogan n'était en aucun cas renseigné sur mon prénom. Il ne le savait pas ! Qui me voulait du mal ? Je marchais vers mon casier d'une teinte verte pomme. Je l'ouvris, Maëwenn se trouvant toujours à mes côtés. Le casier une fois à demi-ouvert, une feuille s'envola pour atterrir à mes pieds. Je baissai les yeux puis la ramassai. Je la contemplais, les yeux écarquillés. Maëwenn regarda par dessus mon épaule et lue à haute voix :

"Ton destin sera tragique"

"Qui me voudrait ce mal ?"