Mercredi 1er Octobre 20..

     Depuis ce jour, je n'avais commis aucun acte extraordinaire ou devrais-je dire affreux ? Il fallait absolument m'abstenir d'utiliser mon pouvoir trop souvent. Pourtant, personne ne pouvait me voir ni même m'accuser d'avoir donné la mort à des individus tels que ce bourgeois et Primella. Qui pourrait-le savoir ? Aucun être au monde. A part moi. Mais depuis le Lundi 8 Septembre, j'avais moi-même cette incertitude. Je n'osais plus aller au lycée même si j'y étais contrainte... Nulle personne au monde ne pouvait connaître mon secret. Même si je me confiais à mes amis, ils me prendraient sûrement pour une insensée. Quant à mon frère, je devais lui parler de ce que j'avais vu dans ma vision mais sans lui révéler mon pouvoir...

     Encore une journée éprouvante même si je n'avais eu que quatre heures de cours. Au loin, j'aperçus mon frère dans sa Clio blanche dont quelques tâches de saleté apparaissaient sur le devant de sa voiture. Celui-ci n'était pas très grand pour son âge, les cheveux châtains, des yeux verts pétillants. J'avais la chance que ce Mercredi là, mon frère ait le temps de venir me chercher. Il n'aimait pas beaucoup le lycée lui non plus même avec ses airs d'enfant sage. Je me dirigeai vers sa voiture en pressant le pas car il n'aimait pas attendre. Je courus vers lui et montai dans son véhicule sans attendre. Il fallait que je lui en parle mais comment ? Me prendrait-il pour une aliénée ? Je n'étais pourtant pas obligée mais je désirais avant tout discuter avec lui de tout cela, j'étais sa sœur. Il démarra la voiture puis j'ouvris la bouche pour laisser échapper quelques sons mais rien. Je pris une profonde inspiration

-Tu sais, tu ne devrais pas garder ça pour toi.

-De quoi tu parles ?

     Il me regarda avec stupéfaction. J'en étais sûr, il me prenait déjà pour une folle ! Sans savoir pourquoi, je continuai de lui faire savoir ce que je voulais entendre

-Tu as fait quelque chose un soir et tu ne veux pas le dire ?

-Mais qu'est-ce que tu veux ? Je conduis là.

     J'avais la très nette impression qu'il ne comprenait visiblement pas où je voulais en venir. Je devais l'éclairer :

-Bon écoutes, ne me demande pas comment je sais ça mais t'as couché avec une fille ce soir là, n'est-ce pas ?

     Je n'attendais pas réellement de réponse de sa part. Mes paroles lancèrent un froid entre nous deux. Il paraissait terriblement désemparé et ne voulait certainement pas parler de cela avec moi. Je me demandais s'il ne fut pas préférable que je me taise à cet instant précis.

     Une fois arrivés chez nous, je quittai en toute hâte le véhicule pour me promener par ce magnifique soleil du mois d'Octobre. Je traversai une rue piétonne, les maisons toutes étaient de pierre sans exception. Toutes grisonnantes, ce qui rendait le paysage triste et monotone. Chacun de mes pas résonnèrent au sein de ce silence embarrassant. Mais cela ne me dérangeait pas plus que cela étant donné que je ne voyais jamais personne rôder aux alentours.

     Hormis les trois garçons de la dernière fois mais eux, ils avaient finit leurs jours ici. D'ailleurs, je me demandais bien ce qu'on avait pu faire de leur corps. J'évitai de songer à la mort de ces adolescents. Je m'avançai vers une ruelle peu connue à mon existence. Pourtant, ma curiosité prit le dessus et je m'approchai de plus en plus de cet endroit, encerclé par de nombreuses maisons pourvues de volets noirs et de portes en bois. Pour la plupart, leurs portes étaient fissurées, l'écorce de bois déchirée comme si aucun être vivant n'avait habité ces lieux. Tout était vide : les maisons, les rues...Je cheminai nonchalamment la ruelle lorsque des voix se firent entendre. Sans montrer mon effarement, je m'adressai contre le mur en prenant le temps d'écouter

"Oui....
Oui, J'en suis sûr...
D'accord, je vais essayer"

      Je me décollai légèrement du mur pour apercevoir quoi ou de qui il s'agissait. C'était un homme...un jeune homme d'apparence. J'essayai de garder mon calme malgré la crainte qui s'emparait peu à peu de moi. L'appréhension de me faire peur. Ce n'était pas pour autant que j'allais fuir. Au contraire, je préférais rester ici et attendre, j'observais ce garçon qui s'arrêta près d'un lampadaire et scrutât les horizons. Je pensais que...Non, je connaissais ce garçon ! Ce garçon à la cicatrice. Ses cheveux bruns reflétant la lumière cachaient ses yeux. Il avait l'air assez grand et semblait attendre lui aussi...Cherchait-il quelque chose ou quelqu'un ? Je voulais savoir...Absolument tout avoir.

     Je plissai les yeux. Désormais, je ne me concentrais que sur une seule cible. Mes yeux restaient ouverts, devenus saugrenue, contemplant l'éclairage du réverbère. Puis, un filet de sang gicla de la bouche du garçon. Sans que je puisse voir autre chose, ma vision s'obscurcit. Tout était noir, comme le néant. Prise de panique, je voulais hurler de toutes mes forces mais aucun on n'en sortit. Une nouvelle vision apparaissait devant mes yeux ahuris. C'était un endroit dans lequel je n'y avais jamais mis les pieds auparavant. Je me trouvais à côté d'une table en verre où étaient posés des objets...Des objets spéciaux comme l'on en trouve uniquement dans les laboratoires. Les objets étaient en fer, je ne saurais définir ce que c'était exactement car je ne savais rien et je ne connaissais rien de tout cela. Les murs de cette salle autour de moi étaient blancs, un blanc pâle qu'on pourrait se croire au paradis.

     Le grand silence installé en ce lieu devenait pesant et de plus en plus inquiétant. Je regardai dans tous les sens quand mon regard se tourna vers une table positionnée au centre de cet endroit. Je voulais voir de plus près mais quelque chose m'en empêcha littéralement. Un garçon était allongé sur cette table, attaché par des chaînes au niveau de ses chevilles et de ses poignets. Il était quasiment nu, seul un caleçon protégeait son corps inerte. Du sang ruisselait abondamment le long de la table. Cet adolescent semblait encore respirer et sa tête était tournée vers moi, les yeux fermés. Je pus remarquer son visage d'ange...Le même que celui qui m'avait bousculé au lycée (j'ai fait des changements), sauf que la cicatrice n'y était pas. Son torse était recouvert de sang et sa peau déchirée par endroit. Je voulais absolument fuir de cette vision mais je ne savais guère comment faire ! Et puis, qu'était-il arrivé ?

     Ses yeux s'entrouvrirent et fixèrent le plafond. Puis, je pus distinguer un engin gris pourvus de milliers de touches colorées, descendre vers son visage. Il regarda cette machine avec horreur et pris un air d'effroi. Son hurlement résonna dans la salle. Il ne cessa de crier, les larmes vinrent rencontrer ses joues frêles et glaciales. Il sanglota, hurla. Il essaya en vain de se détacher. Il souffrait. Cette fois, ce ne pouvait être moi, je n'y pouvais rien ! Il se débattit du mieux qu'il put. Le jet de lumière de l'engin retomba violemment sur son visage. A ce moment là, ma vision devint blanche, noire puis de nouveau blanche...Je fus parcourue d'un horrible frisson ainsi que d'une douleur crânienne. C'était à moi de souffrir à présent. Ma tête me fit atrocement mal mais cela ne durait pas aussi longtemps que ne le croyais. Alors je regardais en direction du lampadaire: plus personne n s'y trouvait. Où était-il ? Était-il mort ? Toutes mes victimes étaient censées mourir après avoir pénétré dans leurs pensées normalement ! Pourtant ce garçon était partit, ne laissant aucune trace derrière lui.

      Ma vision devait être la plus longue de toutes les autres, peut-être. Aurait-elle durée si longtemps que cela? Cette vision allait me hanter, comment pourrais-je l'oublier ? Il était en train de souffrir et je n'avais rien pu faire. Comment...Je ne savais pas. Pourquoi...Je ne savais pas non plus... Mais qui était-il ?