Couchée dans le lit, Lexy s'empressa de faire part de son plan à Aporripse. Dès que le cyclope partirait avec elle, Aporripse devra se rendre invisible au moyen d'un sort que lui apprit vite fait Lexy, et il les suivrait silencieusement. Quant à elle, elle s'efforcerait de rester le plus libre possible. Aporripse lui avait dit que le cyclope n'attachait jamais ses prisonniers, mais qu'il les ensorcelait pour qu'ils deviennent aussi dociles que possible. Lexy, s'assurant que ses jambes tenaient toujours bon, respira un bon coup quand de violents coups retentirent sur la porte de la maisonnette.
- Calme-toi d'accord ? Je vais lui ouvrir, fait semblant de dormir, ce sera mieux pour toi ! Sinon, il risque de te provoquer ! Prête ?
- Prête ! répondit la jeune fille en fermant les yeux.
Aporripse se dirigea vers sa porte, inspira profondément, et l'ouvrit à la volée. Le cyclope se tenait là, un sourire mauvais sur le visage, son unique œil brillant de méchanceté et sa taille de monstre qu'il était plus grand encore que la maisonnette. Le cyclope tendit la main au fils d'Artémis qui la serra à contre cœur. Le cyclope recula et se redressa, obligeant Aporripse à sortir de chez lui. Lexy se risqua à regarder et aperçut, derrière le monstre, des dizaines d'autres monstres qui lui semblaient eux aussi soumis.
- Mon Cher Aporripse, dois-je comprendre que tu as changé d'avis quant à la fille ?
- Oui... Tout compte fais... Elle n'est pas si différente des autres... Tu peux l'avoir, ça t'en feras une de plus !
- Merci bien petit dieu !
- Je t'ai déjà dit que je n'étais pas un dieu !
- Pourtant, ta mère est une déesse et ton père un géant non ?
- Laisse tomber, cyclope ! Je te l'amène, et tu me fiches la paix pour les deux prochaines années !
- Si tu veux ! Allé, je veux la voir cette fameuse demi-déesse ! Que j'ai hâte !
Aporripse grimaça et retourna à l'intérieur où Lexy s'était redressée dans le lit. Les deux demi-dieux se regardèrent en tentant de se donner du courage. Aporripse s'approcha d'elle, lui demandant de fermer les yeux et la souleva en la prenant par-dessous les bras et les genoux. Il fit attention à ne pas lui cogner la tête et lui fit passer le bras derrière son coup pour qu'elle reste droite. En sortant, il resserra sa poigne sur ses jambes et contracta sa mâchoire.
- Cyclope ! appela-t-il.
- Ah ! Splendide ! Mais dis-moi... Je ne t'avais plus vu prendre aussi soin d'un demi-dieu depuis cette fille de la noblesse espagnole là... Comment s'appelait-elle encore ?
- Gabriella... grogna Aporripse.
Lorsqu'il prononça le nom de cette fille, Lexy sentit le cœur du garçon battre plus vite qu'avant et elle comprit ce que voulait dire le cyclope en parlant d'elle. Aporripse était tombé amoureux de la demi-déesse et l'avait pourtant livrée au monstre. S'il avait fait ça a une fille qu'il aimait, qu'est-ce qui pouvait prouver qu'il ne la manipulait pas, elle ?
- Allez, donne la moi maintenant ! J'ai hâte de l'ajouter à ma collection ! jubila le monstre.
- Qu'est-ce qui me prouve que les autres sont encore en vie ? Que tu ne leur fait pas de mal lorsqu'ils arrivent chez toi ?
- Nous en avons déjà discuté petit ! Ils sont immortels chez moi, et ils sont bien traités, ne t'inquiète pas !soupira le cyclope.
- Mais... protesta Aporripse.
- Bon, ça suffit maintenant ! Donne-moi la demi-déesse et laisse nous tranquillement rentrer chez moi !
Aporripse regarda Lexy qui entrouvrit les yeux pour le convaincre qu'il devait me faire et finit par aller déposer la jeune fille sur le fin matelas que portaient plusieurs des acolytes du cyclope. Dans un grognement de satisfaction, il claqua des doigts pour donner l'ordre aux autres d'avancer. Il lança un dernier regard, noir, à Aporripse et s'en alla à son tour.
Une fois sûr que les monstres étaient assez loin de chez lui pour ne plus rien voir, il courut dans sa chambre pour prendre ce dont il avait besoin pour le voyage : un sac à dos dans lequel se trouvaient des vêtements de rechange, quelques armes miniatures, des carrés d'ambroisie en nombre suffisant pour soigner tous les demi-dieux d'Amérique et quelques instruments qui l'aideraient à faire de la magie comme lui avait apprit Lexy. Il récita la formule qui pouvait le rendre invisible et prit la route aux trousses des monstres.
Très vite, il rattrapa le petit cortège. Le cyclope récitait des vers en grec ancien et une lumière violette enveloppait Lexy. Il lui jetait le sort qui la rendrait docile et immortelle. Pourtant, quelque chose semblait contrarier le cyclope. Il avait les sourcils froncés et la mâchoire contractée. En s'approchant suffisamment près, Aporripse compris que Lexy luttait contre le sort. Heureusement, le monstre ne semblait pas s'en rendre compte. Mais quand il le découvrirait, elle risquait de passer un sale quart d'heure. Il accéléra le pas et se positionna à côté de la jeune fille.
- Ne parle pas à voix haute, donne-toi du courage mentalement, sinon, il risque de s'apercevoir que tu luttes contre lui ! lui dit-il en télékinésie.
- Je vais essayer ! répondit-elle de la même manière.
Dès lors, Lexy continua de se lancer des encouragements dans sa tête, comme le lui avait conseiller le fils d'Artémis. Elle redoubla d'efforts et le halot de lumière fut absorbé par son corps. Le cyclope lui jeta un coup d'œil satisfait et se détourna d'elle. Aporripse cru d'abord qu'elle n'avait pas été assez puissante pour rejeter le sort, mais soudain, la lumière commença à ressortir par les mains de Lexy, très lentement et faiblement de manière à ce que personne ne la voyait. Lexy avait réussi à faire croire que le sort du cyclope avait fonctionné et y avait résisté. Le garçon sentit le soulagement remonter en lui. Elle allait pouvoir jouer la comédie face au monstre et ainsi, ils allaient pouvoir libérer tous les autres demi-dieux enfermés chez le tyran.
Seulement, Aporripse se demandait comment ils allaient passer inaperçus avec cinquante-trois autres demi-dieux, plus eux deux. Le cyclope ne tarderait pas à les rattraper et ils allaient tous mourir s'il ne réfléchissait pas à un plan tout de suite. Il fit part de ceci à Lexy mentalement. Elle était d'accord pour chercher un moyen avec lui. |