Et voila le deuxième chapitre pour aujourd'hui ! Je tiens a ajouter que tuer l'auteur de l'histoire parce qu'elle est trop sadique vous empechera d'avoir la fin de l'histoire ! Bonne lecture :D Lundi 7 Janvier 8h22 Je marche dans les couloirs, le pas lent, les yeux fixés sur un point imaginaire au bout du couloir. Je fonctionne comme ça depuis le lendemain de l’accident. Ne pas trop réfléchir, agir comme un automate, cela m’évite de penser le plus possible. Pourtant, en apercevant Julien qui m’attend devant la porte de notre salle de cours, mon cerveau se met de nouveau à fonctionner un peu trop bien. Il m’adresse le même regard inquiet que celui qui m’a couvé durant la dernière semaine des vacances. - T’es sure de vouloir venir en cours aujourd’hui ? - Pourquoi je ne viendrais pas ? La vie continue… - Peut-être parce que ton petit ami est encore à l’hôpital, que tu n’es pas allé le voir depuis le lendemain de l’accident, que tu ressemble à un zombie. Sans rien dire, je lui lance un regard qui se veut agressif. A l’expression désolée qu’il prend, je comprends qu’il a lut autre chose sur mon visage. J’essaie de passer devant lui pour entrer dans la salle mais sa main vient enserrer mon poignet fermement. - Oh non ça suffit. Je ne vais pas te laisser comme la dernière fois, t’évanouir en plein milieu du couloir. Depuis combien de temps n’as-tu pas dormi ? Tu as l’air d’un fantôme… Il a raison, je le sais pour n’avoir pu échapper à la vision de mon visage dans le miroir ce matin. Je suis pale, j’ai des cernes et l’air un peu perdue. Même mon père s’en est inquiété au petit déjeuner, mais il doit bien savoir que mon envie de rester chez lui cette semaine n’est pas sans raison. Alors, il n’insiste pas, pourtant il en meurt d’envie. Plusieurs fois, Lucie a tenté de me parler, mais depuis mon arrivée une semaine auparavant, j’ai limité tout contact avec quelqu’un qui ne soit pas Julien, Marie Line ou Rose. Parce que ce sont les seuls à ne rien demander, à pouvoir rester assis en silence près de moi, dans cette immonde chambre orange, à attendre que je parle. A tour de rôle, ils ont la patience d’attendre que je leur révèle ce qui s’est passé, pourquoi d’un jour où l’autre, je me suis enfuie de chez moi, loin de là où tout me rappelle Joshua. Encore à l’hôpital, je n’ai de nouvelles de lui que grâce aux appels angoissés de ma mère. Sans doute se croit-elle coupable de mon départ précipité… si elle savait. En fait si tout le monde savait, je crois que cela serait pire. Leur inquiétude me déprime, je n’ai pas envie en plus de subir leur colère refoulée. - Julien, le cours va commencer, j’indique à mon ami qui ne me relâche pas pour autant. - Certaines choses peuvent attendre. Il me tire en avant, me forçant à traverser les couloirs derrière lui, mes protestations s’étant muées en vagues murmures au bout de quelques mètres. 8h43 - Assied-toi, m’ordonne mon ami après m’avoir fait pénétrer rapidement dans sa chambre. Plusieurs fois durant le chemin entre notre salle de cours et l’internat, nous avons du nous cacher pour éviter les surveillants et professeur allant et venant dans les couloirs. Nous sommes même passés devant le bureau de mon père. Je pouvais entendre sa voix grave qu’il n’utilise que quand il travaille alors qu’il discutait avec quelqu’un au téléphone du voyage scolaire qu’il organise avec les professeurs d’histoire. - Julien, ce n’est pas très sérieux, allons en cours. - C’est trop tard et puis de toute façon, je déteste les cours d’anglais. - Tu dis ça parce que ton niveau n’est pas aussi mauvais que le mien… je vais devoir rattraper encore plus de retard. - De toute façon, tu aurais fini par t’effondrer sur ta table, avec inévitablement un passage à l’infirmerie. - Mieux vaut que je m’effondre sur ton lit alors ? Tu comptes en profiter ? Il me lance un regard blessé, me faisant aussitôt regretter ma méchanceté. Avec une décontraction que je devine fausse à cause du pli qui marque son front, il s’avance vers sa fenêtre pour observer l’extérieur. Ses bras viennent se croiser sur son torse, comme pour prendre du courage avant que mon ami ne lâche un profond soupir. - Tu sais, on se fait tous du souci pour toi. Deux semaines que tu ne dis plus rien, que tu ne vis pas… Pourtant Joshua va bien, il ne devrait plus tarder à sortir de l’hôpital… Si au moins tu nous disais ce qu’il se passe dans ta tête. Même ton père ne sait plus quoi faire. - Vous en avez parlé avec mon père ? J’hésite entre deux sentiments : celui d’avoir été trahi et celui d’être honteuse de leur créer autant de soucis. - Que voulais-tu que l’on fasse ? Qu’est ce qu’on doit faire pour t’aider ? J’aimerais t’attraper par les épaules et te secouer jusqu’à ce que tu me dises enfin ce qui te fait mal. Le plus insupportable, c’est que je sais que c’est à cause de lui. Il se retourne vers moi, capte mon regard avant de venir s’asseoir sur son lit à mes côtés. - Je ne comprends pas. Je pensais que tu serais enfin heureuse avec lui, que j’aurais mal de te voir avec lui mais que tu serais heureuse… Tout ça pour te voir t’effondrer deux fois de suite ? Qu’est ce qui s’est passé ? - Joshua… ne veut plus me voir. 11h56 J’ouvre les yeux doucement, la lumière me blessant les yeux endoloris d’avoir trop pleuré. Sans m’en rendre compte, j’ai du m’endormir, bercé dans les bras de Julien qui n’a cessé de murmurer des paroles d’apaisement. Avec calme, il a écouté l’histoire que j’avais mis tant de temps à lui confier. Cette nuit d’enfer que je revis chaque fois que je suis allongée seule dans mon lit le soir, quand je suis assise sans rien à faire d’autre que laisser mon esprit dériver, je lui ai raconté dans le plus petit détail. Je revois le visage de la mère de Joshua, son inquiétude et sa colère en arrivant à l’hôpital alors que son fils était encore entre les mains des chirurgiens. Ne daignant même pas nous accorder un regard à ma mère et moi, elle s’est dirigée directement vers Daniel. - Qu’est ce que tu as fais à mon fils ! Je te le confie quelques temps et il finit à l’hôpital ? Ou est-il ? - Vanessa, calme-toi s’il te plait, supplia Daniel en attrapant son ex-femme par les épaules. - Tu n’as aucun conseil à me donner ! Je veux voir mon fils ! - Ce n’est pas possible, il n’y a rien de grave, son pronostic vital n’est pas en danger, essaye de l’apaiser ma mère. - Je ne pense pas vous avoir adressé la parole. D’ailleurs vous n’avez pas à intervenir, cette histoire ne concerne que le père de Joshua et moi, répliqua calmement la femme dont les yeux bleus semblaient pouvoir tuer. Ses cheveux blonds en désordre me rappelèrent un instant ceux de Joshua et sans doute aucun je sus qu’elle avait tous les droits, c’était son fils qui était blessé et tout cela par ma faute. Si je ne m’étais pas bêtement enfuie de la patinoire, s’il n’avait pas eu à me chercher, cette femme ne serait pas là, inquiète pour son fils. - Je vis avec lui tous les jours ! s’indigna ma mère en venant se positionner près de Daniel. Je pense être aussi… C’est ma main sur son bras qui l’a fit s’interrompre. - Maman, je pense que nous devrions rentrer quelques heures, au moins pour que tu puisses te reposer. Lisant dans mes yeux ce que je ne pouvais dire à voix haute, elle obtempéra. Quelques heures plus tard, alors que je sortais d’une douche qui ne m’avait fait aucun bien, Daniel nous appela pour nous annoncer que Joshua venait de reprendre conscience. Il ne nous fallu que peu de temps pour arriver dans le service indiqué, Daniel attendait devant la machine à café et aussitôt ma mère souhaita rester près de lui. Me dirigeant seule vers la chambre de celui que j’aimais, pressée de le revoir, je n’eus pas le temps d’éviter la porte s’ouvrant sur sa mère. - Je veux te parler avant, viens avec moi, m’ordonna-t-elle en s’éloignant de quelques mètres de la porte. - J’aimerais voir Joshua. - Tu ne crois pas avoir fais assez de mal comme ça ? C’est de ta faute s’il est dans un lit d’hôpital ! C’est pour toi qu’il est revenu à Paris n’est-ce pas ? De toute façon, mon fils ne veut plus te voir, il s’est rendu compte des ennuies que tu lui as causé. Ne t’approche plus de lui. Sa main attrapa mon bras qu’elle enserra d’une poigne assez douloureuse pour me faire grimacer. - Lâchez-moi ! - Ne t’avise pas de revenir ici. Elle me relâcha, puis s’éloigna après m’avoir poussé contre le mur d’un mouvement sec. Sans même prendre le temps d’avertir mes parents, je rentrais chez moi en bus, faisait mon sac et partait m’installer chez mon père. Je me redresse dans le lit de Julien. La pièce est vide, sans doute est-il reparti en cours après que je me sois endormie. Il m’a enlevé mon gilet avant de me couvrir avec la couette. Mon regard se porte sur la marque que j’ai au le bras, moins évidente que les premiers jours, se devinant à peine maintenant. Plusieurs fois, j’ai songé à aller voir Joshua à l’hôpital. Pourtant je n’y arrive pas, parce que j’ai honte d’être la cause de ses blessures, et puis j’ai peur. Les yeux de sa mère, sa haine et sa colère, leur seul souvenir suffit à faire trembler mes membres. 12h32 Je me glisse sans bruit dans l’appartement, et me dirige vers ma chambre. Tout est silencieux, mon père travaille et Lucie est partie en rendez-vous chez son gynécologue pour le bébé. Je pourrais sans doute rester au calme cet après-midi, ayant déjà été absente à mes cours de ce matin, je ne pense pas que mon absence aux restes des heures de la journée fera une grande différence. Laissant mes ballerines dans le meuble de l’entrée, je longe le couloir pour arriver dans ma chambre toujours aussi orange. La différence, c’est que maintenant, c’est là que je dors toute la semaine. Je n’ai rien de vraiment personnel ici, pas envie de m’installer, parce que ça serait mettre fin au petit espoir qui vit encore en moi : celui que quelqu’un vienne me chercher. N’importe qui : ma mère, Daniel… Joshua. En fait, je veux que ce soit lui qui me ramène dans mon vrai chez moi, qu’il vienne me dire que rien n’est vrai, que les derniers jours n’étaient que des cauchemars. Je veux l’entendre me dire que son accident n’était rien de plus qu’un mauvais rêve, que jamais il n’aurait pris le risque de rouler aussi vite avant un virage… Même pour moi, parce que tout ça c’est ma faute. Si je n’étais pas partie de la patinoire, s’il n’avait pas eu à me chercher, rien ne serait arrivé. Sans y croire, ma curiosité me pousse quand même à attraper mon portable dans la table de chevet. Il est éteint, parce que le harcèlement téléphonique de ma mère ne faisait que me déprimer plus encore. Je tape mon code pin, la date de naissance de celui que j’aime encore trop fort, aussitôt allumé, l’appareil vibre m’annonçant plusieurs messages. Entre les appels manqués de ma mère se glisse un unique message écrit de lui, trois jours auparavant. Les mains tremblantes, je l’ouvre : « Reviens à la maison, les parents m’accusent de ton départ. » Mes yeux secs trouvent des ressources insoupçonnées pour s’humidifier encore une fois. - Juste pour ça ? Je devrais revenir simplement pour te faciliter la vie ! Il n’y a que le silence de l’appartement pour me répondre, et seulement ma couette pour accueillir une nouvelle crise de larme. 14h12 Une tasse de thé refroidie sur la table basse devant moi, mon nez dépassant à peine de la couette dans laquelle je me suis enroulée. La télévision passe une vieille série que je connais depuis que je suis toute petite. Le bruit de la clé dans la serrure me fait sursauter : je ne pensais pas que Lucie rentrerait aussi tôt. Pour éviter la confrontation et les explications que en découlerait, l’espèce de loque géante que je suis se dirige vers la porte de ma chambre, mais je me prends les pieds dans ma couette avant de m’étaler par terre. La porte d’entrée s’ouvre rapidement, l’arrivant sans doute alerté par le bruit de chute se précipite vers moi pour m’aider à me relever. La force dont il fait preuve m’indique que ce n’est pas Lucie, mais mon père qui vient d’arriver. - Sandrine, ça va ma chérie ? Tu t’es pas fais mal ? - Non tout va bien. - Tu es malade ? Normalement tu devrais être en cours là non ? Pourquoi j’ai comme l’impression de voir arriver le gros nuage bien gris de la dispute au loin ? - Non, j’étais pas dans mon assiette ce matin c’est tout. - C’est tout ? Sandrine, on ne sèche pas les cours parce qu’on se sent un peu mal ! Tu es la fille du directeur mais cela ne te donne pas le droit de n’en faire qu’à ta tête. - Papa… - Non ! Je ne suis pas d’accord jeune fille ! Je ne sais pas quelles règles te fixait ta mère quand tu vivais chez elle, mais ici c’est moi qui décide, et tu retournes en cours à la prochaine sonnerie. - Je peux savoir ce qui se passe ici ? demande Lucie en entrant, les joues rougies par le froid de l’extérieur. On t’entend dans tout l’internat, reproche-t-elle à mon père avant de claquer la porte derrière elle. Sans vraiment se rendre compte des deux pairs d’yeux éberlués qui la fixent, elle enlève son long manteau beige et l’accroche a un cintre pour le pendre dans la penderie du couloir. - Sandrine, tu n’as pas cours à cette heure-ci ? continue-t-elle offrant l’occasion à mon père de reprendre la conversation là où elle s’était arrêté entre nous. - Si justement, et elle va y retourner. Et il est hors de question que je te signe un mot d’absence, tu te débrouilleras avec l’administration. Ce soir, tu appelleras ta mère, elle me harcèle pour savoir si tu vas bien, d’après elle tu ne lui as pas donné de nouvelle depuis vendredi, elle s’inquiète pour toi, tu pourrais faire un effort. Intérieurement, je boue, qu’il me donne des ordres, je peux comprendre, après tout, je vis sous son toit, mais qu’il ose parler de l’inquiétude de ma mère m’agace. Quand il allait rejoindre Lucie et que maman restait seule avec moi à la table de la cuisine pour manger, cela ne l’angoissait pas de ne pas nous donner d’informations. Voyant sans doute que le conflit risque de se changer en guerre meurtrière d’un moment à l’autre, ma belle-mère annonce : - Elle est rentrée tout à l’heure avant que je parte pour mon échographie. Comme elle avait un peu de fièvre, je lui ai dit de rester à la maison. D’ailleurs retourne te coucher Sandrine, je viendrais t’apporter une tisane d’accord ? 14h47 Comme une idiote, assise sur mon lit, je regarde fixement l’écran de mon téléphone portable, relisant sans cesse les quelques mots qui me relie à Joshua pour y trouver un quelconque message caché que je n’aurais pas remarqué jusque là. « Reviens à la maison. » j’aimerais bien, mais vient me chercher. « Les parents m’accusent de ton départ. » Et ils ont raison non ? C’est bien de ta faute si je suis partie, parce qu’au final tu as compris que tu n’avais pas besoin de moi à tes côtés. Pourtant, je sens ta lassitude dans cette phrase, j’appellerais à la maison ce soir, juste pour dire à ma mère que si je suis partie, ce n’est pas à cause de toi. Seulement, quelle autre raison avancée pour expliquer mon départ ? Ma propre culpabilité ? L’envie de vivre avec cette nouvelle famille qui se forme autour de mon père ? Les atouts que cela m’apportera dans ma scolarité ? Plus j’essaie de m’éloigner d’une vérité qui pourrait être douloureuse, moins les arguments me semblent convaincant. Me coupant dans ma réflexion, trois coups brefs à ma porte me font soupirer : - Entre. Je ne relève même pas la tête, il n’y a que Lucie pour frapper de cette façon et pour entrer dans ma chambre sans faire le moindre bruit. - Je peux te parler ? - Je n’ai pas vraiment d’autre chose à faire… Un silence s’installe après ma déclaration. Je sais qu’elle m’a tiré d’un faux pas avec mon père tout à l’heure, alors je lui dit le seul mot qui me passe par l’esprit : - Merci. - Ce n’est pas grand-chose, ton père est inquiet pour toi tu sais, c’est pour ça qu’il est à fleur de peau. - Il n’y a pas vraiment à s’inquiéter pourtant. - Parce que tu crois que te voir arriver un beau jour ton sac sous le bras sans même nous avoir prévenu n’est pas une situation que l’on peut juger inquiétante ? Avec ton père, nous étions convaincus que tu n’accepterais jamais de vivre avec nous… Et je comprenais en fait. Mais aujourd’hui je ne comprends pas, tu vis avec nous mais tu es autre part. Elle est clairvoyante, peut être un peu trop. Nier serait trop flagrant, alors je choisi de ne pas répondre. Le silence entre nous n’est pas lourd, ni désagréable : il est là pour éviter un mensonge. - Je sais que je suis la dernière personne à qui tu te confierais, pourtant, je veux que tu saches que je suis là, m’assura-t-elle. Sans passer pour une moralisatrice, je vais appuyer une demande de ton père : appelle ta maman. Elle doit vraiment s’inquiéter. Avant, je savais que vous étiez très proche elle est toi, pourtant j’étais loin de me douter de ce lien qui vous unis. La main posée sur son ventre, elle le caresse doucement. Me souvenant que c’est aussi du futur membre de ma famille dont il s’agit, je m’informe : - Alors cette écho ? - Justement, je voulais t’en parler, j’ai demandé à connaitre le sexe… Enfin je vais pouvoir l’appeler autrement que « le bébé », je me penche vers elle et sur le ton de la confidence, elle m’avoue : - Notre petit bout chou a été timide, il s’est un peu caché durant la séance et pourtant, à la fin nous avons réussi à voir, et je peux te dire que son prénom, c’est Ruben. - Pas trop déçue que ce ne soit pas Clémentine ? Je savais qu’elle voulait une petite fille, et sans doute, au vu de son âge et celui de son père n’auront-ils pas d’autres enfants. - En fait pas vraiment, c’est lui et c’est tout. Au fait, j’ai trouvé une adorable salopette bleue avec un petit bateau, tu veux la voir ? - Bien sur ! - Téléphone a ta maman d’abord… et puis, ton père trouverais suspect que ta fièvre ait disparu si soudainement, fais semblant de dormir encore quelques heures… 18h34 Je pose le livre que j’ai entre les mains sur ma table de chevet, ayant lu à peine quelques pages en plusieurs heures. Il est amplement temps d’appeler chez moi, et pourtant je n’ose pas, ne sachant toujours pas à quoi dire. Si je continue comme ça, je n’y arriverais jamais, et une franche résolution me pousse à attraper mon portable et à composer machinalement le numéro de chez moi, parce que ça va plus vite que de chercher dans le répertoire. Une sonnerie, deux sonnerie, trois sonnerie, bientôt le répondeur. - Oui allo ? Mon cœur manque un battement avant de se remettre difficilement en marche. Si la seule voix de Joshua me fait ça, comment pourrait se passer une rencontre ? - Allo ? Il s’impatiente, et tout bas, je murmure presque. - C’est moi, je pourrais avoir ma mère s’il te plait ? - Ouai bien sur. Quelques bruits, puis j’entends qu’on se saisit du combiné : - Ma chérie ? Tu vas bien ? Quand est-ce que tu rentres ? - Je vais bien maman, t’en fais pas. - Tu reviens ce week-end ? Rentre à la maison, on t’attend tous ici. Non, tu m’attends, Daniel peut-être aussi mais Joshua, certainement pas. Il n’a même pas daigné m’accorder une quinzaine de seconde de discussion… - Je ne veux pas revenir. - C’est à cause de lui ? - C’est à cause de moi. Ce n’est pas un mensonge, et peut être que l’assurance avec laquelle j’ai dit ces quelques mots vont suffire à la convaincre de ne pas continuer. - Si tu es plus heureuse comme ça. Sa voix tremble, et je ne sens plus la mienne aussi assuré quand je lui réponds : - Je ne suis pas plus heureuse maman, si je pouvais, je reviendrais près de toi. J’aimerais récupérer quelques affaires s’il te plait. - Oui je comprends. Pourquoi ne pas venir à la maison ce week-end ? Tu pourrais réfléchir un peu non ? Et puis cela fait du temps que je ne t’ai pas vu. - Mais… - S’il te plait, viens. Je n’ai pas le choix, et c’est sans doute mieux ainsi parce que sinon, je ne sais pas quand j’aurais eu le courage de revenir dans mon ancien « chez moi ». Ce sera la dernière chance, celle qui sauvera de justesse l’espoir qui est encore vivant malgré son attitude et ses mots, ou bien qui l’éteindra définitivement. |