/* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name:"Tableau Normal"; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-parent:""; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin:0cm; mso-para-margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:10.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-fareast-font-family:"Times New Roman";} Petite soeur... je dois avoir une suite quelque part... à la voila ! Bonne lecture Samedi 17 Novembre 13h56 Ce n’est pas raisonnable je sais, mais la motivation semble m’avoir abandonnée : affalée dans le canapé, je suis encore en pyjama, l’un de ceux que je ne peux plus porter depuis que Daniel et Joshua sont venus vivre à la maison. Le bas du ventre exposé par mon court débardeur rose est légèrement gonflé par le petit déjeuner tardif que j’ai pris sur les coups de treize heures. Et mes jambes, découvertes par mon short gris sont repliées sous mes fesses, laissant de la place à ma mère dont le style n’est pas sans rappeler le mien : elle porte un vieux t-shirt lui tombant jusqu’aux genoux. En fait, c’est un t-shirt appartenant à Daniel, avec lequel elle dort depuis qu’il est parti. C’est fou à quel point on ressemble à deux âmes en peine : l’habitude d’avoir deux personnes en plus s’est vite installée, l’ennui de leur absence aussi. Les appels qu’ils nous passent pour nous donner des nouvelles sont plus frustrants que réconfortants : en fait, la mère de Joshua ne souffre que d’une commotion après avoir chuté dans son appartement mais cela a nécessité une petite hospitalisation et mon grand frère a insisté pour rester près d’elle. Alors que je suis passionnée par une série américaine parlant d’adolescents riches se débattant dans leurs problèmes existentiels (alcool, sexe, mode et drogue pas forcément dans cet ordre) ma mère approche ses doigts de mes mèches folles que je n’ai pas encore coiffées. Elle regrette mes longs cheveux que j’ai coupés l’année dernière : - Et si tu ne les recoupais pas cette fois-ci ? Tu avais de jolies boucles avant… Je suis persuadé que Julien apprécierait, tente de me persuader ma mère. Elle sait que mon ami doit venir me chercher en milieu d’après-midi pour aller à la fête de Marie-Line, pensant sans doute que nous sommes en couple, je reconnais un essai pour en apprendre plus sur lui. - Julien aime bien mes cheveux cours… Et Joshua aussi je crois, mais ça, je le garde pour moi. Parce que c’est douloureux de parler de lui alors qu’il est si loin. - Tu comptes mettre quoi pour la fête de ton amie ? Pas la robe bleue j’espère, on te voit trop souvent avec celle là… - Marie-Line l’aime bien, et puis elle est confortable. - Aller, tu vas t’habiller et on va faire du shopping, j’en ai marre de végéter dans mon salon parce qu’ils sont partis dans le nord ! 15h42 Je suis dans la cabine d’essayage, tentant d’enfiler un corset blanc que ma mère est allée choisir pour moi dans le septième magasin qu’elle a fouillé de fond en comble. Quand elle se décide habilleuse, rien ne l’arrête ! Et je soupire à l’idée qu’après, il faudra selon ses plans me trouver une paire de chaussures assortie. Derrière le rideau, je la sens qui s’impatiente, la main prête à écarter le rideau. - Alors ? demande-t-elle. - C’est… différent. Sans attendre que je l’y autorise, elle décale le tissu pour passer la tête dans la cabine. J’ai du mal à me reconnaitre dans la glace tant ces vêtements ne me ressemble pas : ils sont mignons, avec de la dentelle, un style très éloigné de mes habits souvent très classique et confortable. J’ai l’air d’une jeune fille coquette. Une jupe bleue marine plissée sur des collants blancs, un corset blanc brodé de fleurs bleues elle aussi, c’est trop coquet pour moi. - T’es magnifique ma puce ! s’exclame ma mère, que je soupçonne de vouloir me transformer en poupée vivante. - Je crois que ce n’est pas mon style… - Non, c’est vrai que ça te change, mais pour ce soir, ça serait sympathique de changer un peu. Je me laisse convaincre trop facilement peut-être, mais je suis fatiguée de faire les magasins, et c’est sans aucun commentaire que je la laisse m’enfiler un mi-gilet blanc à manche longue pour que je n’ai pas froid durant la soirée. L’ensemble me va plutôt bien, j’aimerai bien savoir ce que Joshua en penserait… Mais il ne sera pas là ce soir. Je dois bien avouer que je suis déçue, j’ai passé les derniers jours à espérer qu’il reviendrait vite, que je serais rassurée sur son état d’esprit, qu’il m’expliquerait ses derniers mots, ce qu’il a failli se passer dans la cuisine… J’ai peur qu’il ne revienne pas, mais il m’a dit qu’il le ferait, qu’il m’expliquerait. Le juger j’en suis incapable, je tiens trop à lui certainement. Et c’est pour ça aussi que j’aurais voulu que nous allions ensemble à l’anniversaire de mon amie. Seulement hier soir, quand Julien m’a appelé pour me demander à quelle heure il devait passer me prendre, j’ai réalisé que je n’irais pas avec mon grand frère. Même ma tenue, il ne la verrait pas. Ma mère a parfois un don pour lire mes pensées, mais ces récepteurs doivent être légèrement brouillés : - Je suis sure que Julien va t’adorer, on passe en caisse et on va voir pour des chaussures. 18h22 C’est clair maintenant, ma mère pour compenser l’absence de Daniel, se sert de moi comme poupée. Assise sur le bord de mon lit dans ma chambre, je me laisse maquiller par ses soins. Mes cheveux courts on subit ses assauts : plaqués sur la tête, une épingle à cheveux sur le côté gauche pour diviser une frange et des épis à l’arrière me donne un air un peu plus soigné que d’habitude. Peut-être que j’essaierais de le refaire toute seule une fois prochaine. Ayant mis une dernière touche de mascara sur mes cils, la furie qui m’a maintenue captive de ma chambre depuis une heure se décide à me relâcher : - Voila ! Si avec ça tu n’arrives pas à le séduire… Tiens, elle a deviné que Julien n’est pas mon petit ami. Ses essais multiples ont portés leurs fruits en fait. Une maman, c’est plein de ressources ! Un sourire se dessine sur mes lèvres. - Et si tu souris comme ça, il t’embrassera surement. - Tu sais, je ne vais pas à la soirée juste pour lui… Bizarrement, savoir que je vais être en sa présence me rend mal à l’aise, je ne ressens plus les mêmes choses, ou plutôt je me rends compte que je mettais les mauvais mots sur les sentiments que j’éprouvais. L’attirance que j’avais pour Julien est loin d’atteindre ce que je sens quand Joshua est près de moi. Où absent comme en ce moment. Seulement, je refuse de donner corps à ces sentiments, à lui donner un nom. Je suis sans doute idiote, mais pour moi cela reviendrait à changer les liens de ma nouvelle famille. Et si mon grand frère n’avait pas la même affection pour moi ? Il serait mal à l’aise, peut-être même partirait-il… Pourtant, peut-être que s’il me voyait ce soir. Parce que je dois bien avouer que le reflet du miroir me flatte : je peux être jolie, vraiment. Le téléphone sonne, et malgré mon envie de répondre, je laisse ma mère se précipiter seule dans la salle à manger. Après tout, Daniel est son amoureux, même si le terme parait un peu enfantin, quand je vois les yeux brillant qu’elle a en répondant, sa voix si douce et son sourire alors qu’ils se racontent leur journée, je le trouve particulièrement pertinent. Quand je la rejoins, elle me tend le combiné sans fil avec un sourire : - Joshua, m’explique-t-elle. Sans doute veut-il s’excuser pour son absence de ce soir, ou prendre des nouvelles de Lex… - Salut petite sœur, tu vas bien ? - Pas trop mal et toi ? J’ai rien trouvé de mieux à lui dire, et pourtant, tellement de choses se taisent : il me manque, j’aimerais lui parler, aller avec lui à l’anniversaire de ce soir… - Je suis obligé de rester 24 heures sur 24 avec mon père, je l’aime beaucoup mais tu connais son débit de parole. Et sinon Lex ? - En pleine forme… Mon manque d’enthousiasme se ressent dans ma voix sans aucune ambiguïté, mais j’avoue être un peu déçue, pas un seul mot quant à un possible retour, où même une excuse pour son absence de ce soir. - Bon, je vais rejoindre mon père, vous faites quoi ce soir ? - Je sors avec Julien, il a pensé que peut-être j’avais envie d’aller à l’anniversaire de ma meilleure amie ce soir. Mesquine. C’est le seul adjectif qui convient pour me décrire en ce moment, et d’ailleurs, au point où j’en suis, autant continuer. Sans même lui laisser le temps de répondre, je reprends : - Excuse-moi, mais il arrive, je vais finir de me préparer. Avant qu’il ait le temps de dire quoi que se soit, je raccroche. 18h39 J’ai froid. Et ma colère ne me réchauffe pas. En plus d’avoir été mesquine, je suis d’une grande stupidité : alors que Julien n’est même pas arrivé, j’ai décidé de venir l’attendre au pied de mon immeuble tout en sachant que la nuit est assez froide. Ma mère a bien tenté de me retenir, et a réussi à me faire enfiler mon manteau blanc, mais je n’ai à l’esprit que cet imbécile de Joshua ! Il a oublié la fête de ce soir ! Alors que moi j’aurais tant voulu qu’il soit là ! Comment expliquer ses promesses, ses actes avant de partir s’il oublie si vite ce qui est important pour moi ? Une coccinelle bleue presque noire se détache de la circulation pour venir s’arrêter sur le bas côté près de moi. Derrière le pare-brise, j’aperçois le sourire de Julien. Alors que je me rapproche de la portière, il sort de l’habitacle pour venir me l’ouvrir galamment, et en profite pour murmurer à l’oreille en se penchant : - Tu es magnifique… La chaleur de mes joues trahie la rougeur que je ne peux voir alors que je m’installe dans la petite automobile si confortable emplie du parfum de mon ami. Ses vêtements choisis avec soins lui donnent un air sophistiqué que j’adore : un pantalon gris et un polo blanc qui mettent sa peau et ses yeux en valeur. J’éprouve le besoin de lisser les plis de ma jupe alors que lui de son côté s’assied derrière le volant et démarre avant de reprendre la conversation : - J’aurais voulu te revoir depuis ce week-end… Je suppose que tu étais occupée à faire visiter la capitale à ton frère. Mais il est invité lui aussi ce soir. Je pouvais le déposer aussi… - Si il a vraiment envie de venir, il n’aura qu’à faire les 300km qui nous séparent à pied ! Le simple fait d’avoir évoquer Joshua fait renaitre ma colère assez efficacement pour que Julien tente de me calmer : - Là, tu ressembles vraiment à une petite sœur, vous vous entendiez trop bien pour avoir des vraies relations fraternelles… - Ce n’est pas mon frère ! - Alors qui est-ce ? La question a le don de me faire taire. Mais aussi celui de me faire réfléchir : qui est Joshua pour moi ? En deux semaines, il s’est fait une place dans ma vie, dans mes sentiments aussi. C’est un ami, un frère sans doute aussi, mais il y a quelque chose d’autre, je le sais même si je ne veux pas y penser. Je pose mon front contre la vitre froide de la voiture et murmure : - Si seulement je savais qui je suis pour lui. 19h03 Le salon des parents de Marie-line est méconnaissable : les murs blancs servent d’écran à des rétroprojecteurs projetant des photographies retraçant la vie de ma meilleure amie. J’apparais sur beaucoup d’entres elles mais des visages qui me sont inconnus en parsème d’autre. Ne pas aller dans le même lycée nous a permis à ma meilleure amie et moi de tisser des liens avec d’autres personnes, et c’est avec plaisir que j’en rencontre ce soir, parmi des visages que j’ai connu au collège. Julien se comporte avec moi comme un véritable chevalier servant : il écoute patiemment les conversations que j’entretiens, y participant parfois, me suivant comme une ombre et allant me chercher des verres de boisson dès que le mien est vide. Et pas une seule allusion sur notre discussion dans la voiture ou sur Joshua. En fait, il vient tout juste de passer un bras autour de mes hanches, un signe possessif qui, j’en suis certaine, est destiné à Francis, un ami de collège avec qui je commente notre ancienne photo de classe. - On était vraiment mignonne à l’époque ! nous dit Marie-Line en nous rejoignant. Sa robe fourreau rouge lui va à merveille surtout qu’elle met en valeur ses épaules dégagées par un chignon. - Et avec l’âge vous avez encore embelli, nous complimente Julien. Je sens ses doigts sur ma hanche devenir caressants, le geste est un peu gênant, mais je me laisse faire avec cependant un sentiment que quelque chose ne va pas. Cette simple caresse ne devrait-elle pas me faire plus d’effet ? 20h43 L’heure du gâteau ne va pas tarder à arriver. Les invités se sont séparés en plusieurs petits groupes dans chaque coin de la salle, pour discuter ou parfois pour danser sur la musique que Marie-Line a prévue. Julien et moi sommes restés ensembles, près d’une des fenêtres qui donne sur le jardin. Nous parlons à voix basse, presque comme si nous avions peur de nous effrayer l’un l’autre en parlant trop fort. - Tu sais, j’ai été vraiment surpris tout à l’heure, cette coiffure te va vraiment bien… Une de ses mains vient toucher mes mèches courtes, me faisant rougir. Ce garçon, il est vraiment parfait alors pourquoi là, à ce moment précis, je doute encore ? Dans ses traits, je cherche un sourire qui n’est pas le sien. Mes dents viennent mordre ma lèvre inférieure, attirant ses doigts vers mon menton. D’une douce pression, il m’oblige à lever le visage vers le sien, nous enfermant dans un duo qui ne tient plus compte des autres autour de nous. - Sandrine, je sais que je t'ai dit que je n'attendais rien de toi dans l'immédiat. Et je ne veux pas te presser… mais chaque jour c’est plus douloureux de patienter. Je ne suis pas un super homme, mes sentiments me rendent jaloux, fou, agressif parfois. Aucun mot ne parvient à franchir mes lèvres, ni mes excuses, ni mon refus. Parce que je ne peux lui dire oui. L’évidence se trouve là, devant moi. Celui qui me parle n’est plus celui qui fait battre mon cœur, je le sais. - Avant, tu ne doutais pas quand je te parlais, constate Julien. Peut-être que… Sa main devient moins douce et il maintient ma mâchoire alors que son visage se rapproche du mien. Autour de nous, les gens ne font pas attention à ce que nous faisons, alors j’essaie de le repousser en plaquant mes doigts sur son torse mais je ne parviens à rien. Au contraire, Julien glisse un bras dans mon dos pour me retenir près de lui. J’aimerais me dégager, mais je ne veux pas gâcher la soirée de Marie-Line en provoquant un scandale avec mon ami. Je murmure en désespoir de cause : - Non, Julien, je ne veux pas… Mais c’est peine perdue, il ne semble même pas m’avoir entendue jusqu’à ce qu’une autre voix ne nous interrompe : - Dis donc petite sœur, les parents ne vont pas être contents s’ils apprennent ce que tu fais quand tu sors… Ses yeux verts, ses mèches blondes, son sourire, Joshua se tient près de nous. 23h04 Marie-Line est ravie que Joshua soit venu, Julien beaucoup moins. Près de moi, je le sens raide, son regard n’ayant pas quitté le nouveau venu. Ce dernier semble très à l’aise malgré sa tenue un peu négligée par rapport aux autres invités : un jean large et un gilet bleu par dessus un t-shirt blanc. Entre eux deux, je me sens presque trop petite, les sourires de Joshua d’un côté, l’aura haineuse de Julien de l’autre. Si seulement ce dernier pouvait nous laisser seuls quelques instants, juste le temps que je puisse savoir ce que Joshua fait là. Je le pensais encore dans le nord pour quelques jours, et le voilà à la fête de ce soir. Et surtout pourquoi est-il si souriant ? J’ai l’impression persistante qu’il se moque de moi… Comme s’il avait deviné mes pensées, le fils de Daniel s’éloigne de nous après avoir déclarer : - Je vais me chercher un verre… Le mien aussi est vide, et c’est avec cette excuse que je le suis jusqu’à la table des cocktails. Alors que sa main se pose sur la louche pour se servir du punch, il entame la discussion : - C’est vilain de raccrocher au nez des gens. Surtout que je voulais juste te taquiner. Je pensais que tu serais heureuse de savoir que je rentrais pour la fête… - Tu t’es moqué de moi ? Question idiote, oui, vu le sourire qu’il affiche depuis qu’il est arrivé, bien sur qu’il m’a joué un sale tour… - Oui, et tu sais quoi, vu ta tête en ce moment, je crois que je vais continuer encore longtemps… En fait, j’ai remarqué ça en arrivant, mais tu t’es pomponné ! J’ai presque eu du mal à te reconnaître tellement tu es mignonne soeurette. De quelle couleur est mon visage maintenant ? J’oscille sans doute entre un rouge grenat et un framboise très mure. - Julien doit être heureux, tu t’es fais belle pour lui… Mon beau-frère a beaucoup de chance. - Bien sur que non, ce n’est pas pour lui ! Et il ne sera jamais ton beau-frère ! J’ai répondu sans réfléchir, peut-être un peu trop vite, comme si je voulais me justifier. Les yeux verts de mon interlocuteur se fixent sur moi. - Bien sur que non… murmure Julien. Joshua et moi nous tournons vers lui, surpris. Mon cœur semble s’être arrêté de battre tellement j’ai mal devant le visage ravagé de mon ami, celui qui est si doux, qui m’a écouté pendant ces derniers mois, m’offrant ses sentiments. Et en une seule phrase, il semblerait que je lui ai porté un coup de toutes mes forces. Il est si pâle que j’ai peur qu’il ne s’effondre. Mais non, ses poings se ferment alors que ses bras restent droits contre son corps. - Au moins, je n’aurai plus à patienter… dit-il d’une voix monotone. Sans un mot de plus, je le vois se diriger vers la sortie. J’ai envie de le rattraper mais mes jambes ne veulent plus m’obéir, puis elles finissent par me trahir et je m’effondre par terre. C’est mon frère qui me rattrape en me soulevant du sol. 23h54 L’appartement est vide quand nous rentrons, nos parents ayant sans doute voulu fêter leur retrouvaille au restaurant. Joshua me dépose doucement sur mon lit, m’ayant soutenue plus qu’aidé à marcher jusque là. C’est lui qui a tout gérer depuis le départ de Julien, s’excusant auprès de Marie-Line de notre départ, m’aidant à enfiler mon manteau puis à m’installer dans la Fiat que ma mère lui a prêté ce soir, puis enfin en me tendant un paquet de mouchoirs. Des larmes silencieuses coulent sur mes joues, alors que peu à peu, je revois tous les moments passé avec Julien, tout ce temps où je l’ai laissé espérer, ou je l’ai encouragé même… - Je suis désolé Sandrine… me dit Joshua en s’agenouillant devant moi. Je ne pensais pas qu’il était là, j’irai lui parler si tu veux mais arrête de pleurer… Il prend mes mains dans les siennes et je dois baisser la tête pour le regarder dans les yeux. Les mots avec lui semblent maintenant vouloir sortir tout seul, parce que c’est mon frère, celui à qui je peux presque tout confier. - Il n’y a rien à lui dire de plus, je m’en veux tellement de l’avoir blessé, je lui ai fait mal, je l’ai vu dans ses yeux… Mes larmes ne semblent plus vouloir s’arrêter de couler et alors du bout des doigts il vient les essuyer avant de reprendre mes mains. - S’il t’aime, il te pardonnera non ? - Mais je ne l’aime pas Joshua… C’est comme ci je l’avais frappé lui aussi. Agenouillé devant moi, il reste interdit, les yeux grands ouverts. - Je sais, je suis ignoble… Lâchant sa main droite, mes doigts viennent cacher mon visage. J’ai honte de moi-même et surtout je ne pourrais supporter le regard dégoûté de mon interlocuteur quand il comprendra ce que j’ai fait. J’ai joué avec les sentiments de quelqu’un d’autre, pour finir par les piétiner. Alors que je m’attends presque à ce qu’il sorte de ma chambre, je sens un poids sur le lit près de moi, son corps près du mien et enfin ses bras autour de moi. La tête contre son torse, je laisse mes sanglots troubler le silence entre nous. Doucement, il m’impose un léger balancement alors que je sens sa respiration dans mes cheveux. Comment peut-il réussir à calmer si vite mon chagrin ? - Pourquoi faut-il que toi aussi tu pleures ? demande-t-il sans vraiment attendre de réponse. Je me rends compte que la semaine a été certainement très éprouvante pour lui, et il revient pour me trouver dans cet état. Alors, essayant de rassembler mon courage, je me détache de son étreinte. - Je vais bien, ne t’en fais pas. Ma voix tremblante est loin d’être convaincante, même pour moi. Il semble partager mon avis car il m’attire de nouveau à lui. - Ne cherche pas à m’épargner, pas toi. Si tu es triste pleure, si tu es heureuse, souris, mais ne me ment pas. Ai-je vraiment le droit de faire ce que je veux ? Que m’arrivera-t-il si je pose mes lèvres sur les siennes maintenant ? Je prends le risque, levant le visage vers lui, je croise son regard vert si confiant. J’ai l’impression qu’il devine mes intentions, alors qu’il se penche un peu vers moi, ses lèvres à quelques centimètres à peine des miennes. Osant à peine prendre ma respiration de peur de perdre le peu de courage que j’ai, je pose mes lèvres sur les siennes. C’est si doux, tendre, il ne me repousse pas, ses bras resserrent leur étreinte et ses mains viennent se perdre dans mes cheveux. Tout mes soucis, toutes mes peines s’envolent en même temps que mon esprit et je me sens tremblante contre lui. Il n’y a plus que Joshua et moi, le reste ne m’importe plus. D’un coup, ses mains viennent prendre mes joues et peu à peu le baiser devient plus passionné, plus ardent entre nous. J’ai conscience que nous allons sans doute trop loin, mais comment s’arrêter maintenant alors que nos esprits sont déjà si proches de s’envoler ? L’espace d’un instant, nous interrompons le baiser et ses yeux d’émeraudes croisent les miens, je respire son souffle chaud. Sans qu’aucun mot ne soit prononcé, un accord semble se sceller alors que son étreinte me pousse à m’allonger. Un faux mouvement, une maladresse fait basculer l’album au ciel bleu posé sur ma table de nuit par terre. Surpris, nous nous redressons brusquement et mes yeux tombent sur une photographie que je n’ai pas encore collée. Ma mère sourit amoureusement à Daniel, me glaçant instantanément. Joshua et moi ne pouvons faire ça, nous allons les détruire seulement pour une pulsion ? Parce que pour mon frère, je ne peux pas croire qu’il s’agisse des mêmes sentiments que ceux qui m’animent. Je l’aime, je le sais, et parce que je veux protéger notre amitié et surtout le bonheur de ma mère, une histoire d’amour à sens unique ne peut exister, elle nous détruirait tous. Alors qu’il s’apprête à me prendre de nouveau dans ses bras, je le repousse et l’interromps brutalement : - Nous ne pouvons pas ! Il se lève comme si le contact du lit le brûlait, son visage porte un masque de frustration mêlée de tristesse. Sans un mot, ses pas précipités le portent hors de ma chambre, résonnent lourdement dans le couloir avant de s’interrompre avec le bruit de la porte d’entrée qui se referme brusquement. |