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Pain melon
Par Ein
Originales  -  Romance  -  fr
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    Chapitre 11     Les chapitres     9 Reviews    
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Chapitre 11

Lucas

Je me réveillai la peur au ventre et l'esprit angoissé. J'avais très mal dormi cette nuit et les paroles de Kyo de la veille m'assurant que tout allait s'arranger n'avaient pas réussi à m'apaiser. Le jeudi, j'avais deux heures de math en début d'après-midi, j'envisageai une nouvelle fois de sécher ce cours mais rejetai cette solution temporaire qui ne changeait rien au problème. Tout en cogitant nerveusement à un nouveau moyen de mettre en échec une prochaine tentative de Nanahara-sensei, je pris une douche rapide, m'habillai en vitesse et descendis à la cuisine pour me forcer à engloutir un rapide petit-déjeuner sous l'œil encore inquiet de Shizuka. Rei n'était pas encore levé, d'après sa mère, il était rentré tard la veille et devait avoir quelques heures de sommeil à rattraper. Je me réjouis de l'entendre et saluai Shizuka d'un « ittekimasu » avant de claquer la porte d'entrée.

Le chemin jusqu'à l'établissement me parut interminable. Mes pieds lourds semblaient vouloir s'enfoncer à chaque pas un peu plus dans le goudron de la route et mes genoux avaient bien du mal à ne pas plier sous le poids de l'inévitable face-à-face qui m'attendait. Tout au long du trajet, je tachai de penser à autre chose – à Kyo, par exemple, ou a sa petite bande que je commençais à apprécier malgré tout – mais le visage de Nanahara-sensei me revenait en tête et je sentais encore ses mains insidieuses, ses lèvres et ses caresses libidineuses sur ma peau comme si elles en avaient laissé une trace indélébile. Je frissonnai.

Les premières heures de cours se déroulèrent sans accrocs même si peu attentif, je ne compris rien à la leçon d'anglais – les Japonais avaient un de ces accents ! – et encore moins à celui de sciences sociales. Je devrais certainement emprunter les notes de quelqu'un pour me mettre en ordre mais ce n'était pas ce qui m'importait pour le moment. La pause de midi était déjà bien entamée et je contemplai mon bentô (panier-repas) intact le cœur au bord des lèvres. Lorsque la sonnerie retentit, proche de l'inconscience, je me dis que j'aurais sans doute mieux fait de m'enfuir à toutes jambes…

Les secondes passèrent au ralenti, comme si la trotteuse de l'horloge placardée au-dessus du tableau s'engluait allègrement au cadran pour pousser le sadisme dans ses moindres retranchements. Les secondes devinrent minutes et je compris que quelque chose n'allait pas. D'ordinaire, Nanahara-sensei mettait un point d'honneur à la ponctualité… lui était-il arrivé quelque chose ?

Un fol espoir fit battre mon cœur à tout rompre et délia mon esprit engourdi par l'angoisse. Pourvu qu'il soit mort ! pensai-je soudain avant de réprimer un frisson d'horreur face à une telle pensée.

- Nanahara est en retard ? entendis-je soudain au travers du brouhaha de la classe.

Mes entrailles se serrèrent de nouveau au point que j'en eus soudain la nausée. Et si ce n'était que ça ? Et s'il allait arriver d'un instant à l'autre ? La terreur me prit subitement et je sentis mon corps trembler comme une feuille.

Comme pour me donner raison, la porte de la classe s'ouvrit brutalement.

Je sursautai en retenant difficilement un cri aigu de frayeur alors que mon visage fixait obstinément mon bureau. La clameur bruyante de la classe avait laissé place à un silence pesant. Je sentais le sang pulser dans mes tempes et mon cœur battait tellement fort que je me demandais quand il finirait par sortir de ma poitrine.

- Bonjour, fit une voix grave, masculine.

J'eus le sentiment que ma tête se vidait de son sang et levai les yeux pour faire face à un vieux bonhomme ventripotent à moitié chauve. Le soulagement me submergea tel un raz-de-marée.

- Malheureusement votre professeur ne pourra pas donner cours aujourd'hui… ni demain, ni jamais d'ailleurs. Il a décidé de démissionner pour des raisons qui nous sont encore inconnues. Vous avez donc deux heures d'études silencieuses pour revoir vos cours ou vous avancer dans votre travail…

Le directeur poursuivit son petit discours, déjà, je ne l'écoutais plus. Démissionné !!! Je n'en revenais pas ! Comment diable cela avait-il pu se produire ? Cette question papillonna un instant dans mon esprit puis s'évanouit telle une bulle de champagne. Au diable la réponse ! Il avait démissionné !!!

Lorsque l'homme bedonnant sorti de la pièce, j'attendis quelques secondes pour faire rapidement mes affaires et me ruer vers la sortie bien décidé à sécher l'étude silencieuse et le dernier cours de l'après-midi !

Je franchis les portes de ma classe comme une furie. Je me sentais libre, libéré, incroyablement heureux… Le pire était passé, oublié, envolé et il ne me restait plus que le meilleur à vivre…

Du moins, c'est ce que je pensais un peu naïvement…

-

Keiko

Les pouces pianotant hâtivement sur les touches du clavier de son keitai (téléphone portable japonais), la jeune fille sourit d'anticipation. Elle venait de voir Lucas quitter la salle de classe, d'ici une bonne minute, il irait dans son casier où il découvrirait son petit mot. Nul doute qu'il serait surpris, après tout, la Keiko Mishima ne s'était encore jamais abaissée à cette technique grotesque et complètement outhas been, dépassée, ringarde… à l'opposé total de sa petite personne fashion jusqu'aux bouts des ongles. Mais soit, cette petite concession n'était rien comparée au plan que Hiroki avait concocté. Elle poussa un soupir pensif. La première fois qu'elle avait rencontré le jeune homme, jamais elle n'aurait soupçonné le caractère sadique et diabolique de ce dernier. Il fallait avouer que sa bouille de chérubin ne collait pas du tout au personnage, et les rondeurs de l'enfance qu'il lui reste-ait encore ajoutaient au tout une perversité dérangeante, presque contre-nature.

Lucas allait en baver et Rei regretterait rapidement l'insulte qu'il lui avait faite. On ne traite pas Keiko Mishima comme un mouchoir usagé. Il aurait dû le savoir, il l'apprendrait à ses dépens.

Un sourire vicieux se profila sur les lèvres de la jeune fille alors qu'elle sélectionnait l'entrée « Hiroki » puis cliquait sur l'icône « envoyer ». Les pièces étaient en place, le plan pouvait commencer.

-

Lucas

En arrivant devant mon casier, je retirai mes chaussures d'intérieur et ouvrit le petit compartiment de fer pour récupérer mes mocassins qui faisaient malheureusement partie intégrante de l'uniforme scolaire. J'aurais donné cher pour pouvoir enfiler une bonne paire de baskets, rien de tel pour le sprint que je prévoyais de faire dès la sortie du lycée !

Mais en voyant mes mocassins, je m'arrêtai net. Sur ces dernières, il y avait quelque chose qui n'aurait pas dû être là… une enveloppe… rose. Rose !

Boum boum !

Ou en japonais : Doki doki !

Une enveloppe.

Rose.

Pas de doute !

Une lettre d'amour !!!

Je n'en revenais pas. Ce procédé vieux comme le monde ne pouvait pas exister pour de vrai ! Je veux dire, certes, on voit ça dans les mangas mais… c'est des mangas, pas la réalité ! Bon sang ! J'en avais les mains moites d'excitation, ma vie venait définitivement de prendre un tournant à 180 degré! Merci mon Dieu !

Les doigts tremblants, je saisis l'Objet avec précaution. Je sentais mon sang battre dans mes tempes, ma gorge était sèche et mes mains de plus en plus humides. Délicatement, avec une extrême douceur, je retirai la lettre de l'enveloppe.

-

Cher Lucas,

Je tenais à m'excuser pour l'attitude stupide que j'ai eue l'autre jour. Je t'attendais dans ta chambre et Rei m'a soudain fait des avances… Je n'aurais pas dû, tout s'est déroulé trop vite, je n'ai pas eu le temps de le repousser.

Sache que tu comptes énormément pour moi, je ne supporterais pas de te perdre…

J'aimerais me rattraper, je t'attendrai derrière le gymnase à la fin des cours.

Je t'aime !

Keiko

-

Une douche froide n'aurait pas fait plus d'effet. Quelle conne ! Elle croyait franchement que j'allais tomber dans le panneau ? Ma relation avec cette fille avait été une erreur et son attitude « stupide » m'avait ouvert les yeux, Dieu merci ! D'un geste rageur, je chiffonnai la lettre et jetai la boule de papier dans la corbeille la plus proche. Keiko pourrait toujours attendre derrière le gymnase, j'espérais même qu'il pleuvrait des cordes et qu'elle attraperait la crève, ce serait bien fait pour elle !

-

Kyo

- Un peu de silence, s'il-vous-plait ! s'égosilla le professeur d'histoire d'une voix suraiguë.

La classe entière l'ignora, chacun poursuivant sa conversation sur le film de la veille, la nouvelle mode de Ginza (quartier de Tokyo aux magasins luxueux) ou du nouveau jeu vidéo qui sortira bientôt. La tête chauve suant à grosses gouttes, les joues empourprées de colère, les lèvres tremblantes et écumant d'une rage qu'il postillonnait jusqu'aux premiers rangs… Nakagawa-sensei était menacé par un infarctus imminent. C'était un miracle que son cœur n'ait pas déjà lâché, mais au rythme actuel, il ne tiendrait pas plus de quelques années encore dans le métier. Au mieux, il se suiciderait d'ici deux ou trois ans, peut-être même avant. Pas de trou dans la tête, ça non, ce vieux ne saurait pas où se procurer un flingue même s'il en voulait un. La corde plutôt… ou la noyade, oui, la noyade ça lui irait bien, avec son nom, on pourrait même parler de prédestination (Nakagawa s'écrit avec les idéogrammes « milieu, dans, à l'intérieur » et « rivière »). Il fallait reconnaitre qu'il avait du cran, le prof. Avoir une tête pareille (calvitie dès le début de sa carrière, dentition fantaisiste, ventre rebondi, lunettes en cul de bouteille…) et se lancer dans une carrière d'enseignant, ce n'est pas de l'inconscience, c'est du suicide pur et simple. Sa vie aurait été plus simple derrière un bureau, à lécher les bottes de ses supérieurs et à faire des courbettes jusqu'à s'en casser le dos.

Enfin bon, pensa-Kyo, ce n'est pas à moi de lui dire ça, il l'a sûrement déjà compris… et s'il n'a pas encore démissionné, c'est sans doute par honte de l'échec ou de la fuite… ou tout simplement parce qu'il est trop vieux pour se lancer dans une nouvelle carrière. N'empêche, entre 1) tout abandonner pour recommencer à zéro pour une nouvelle vie avec certes un salaire moindre et 2) continuer à vivre encore quelques années à peine dans la merde où il est avant d'y crever, il ne devrais pas faire le con mais savoir reconnaitre qu'il a tout foiré.

L'obstination tue…

Le crétinisme aussi.

Tout à ses réflexions profondes, Kyo faillit manquer la silhouette blonde qui essayait de s'introduire illicitement dans l'établissement. L'étonnement passé, le nippon prit plaisir à observer le jeune Français jauger la grille fermée de l'enceinte du lycée avant de tenter maladroitement de passer par- dessus sans succès. Trop haute, la grille, beaucoup trop haute pour lui. Kyo sourit et rangea ses affaires d'un mouvement souple et rapide. Il se leva et se dirigea vers la porte de la classe sans prêter attention aux vociférations de son professeur.

-

Lucas

- B'soin d'aide ?

Je sursautai en entendant cette voix si familière et levai les yeux vers l'ange déchu (sérieux, avec le soleil qui lui faisait l'auréole, on aurait dit un séraphin descendu des cieux… manquait plus que les trompettes pour accompagner le décor) qui était accroupi sur le muret de l'enceinte, à plus de deux mètres du sol.

- Kyo ! Qu'est-ce que tu fais là ? Et comment es-tu arrivé à grimper là haut ? m'écrié-je

D'un mouvement souple d'épaules, il chassa ma dernière interrogation avant de répondre à ma première :

- Par la f'nêtre d'ma classe, j'avais cru voir un beau jeun'homme en détresse. Adorable comme j'suis, J'me suis précipité dehors pour l'aider… puis j'me suis rendu compte que c'était toi, dit-il avec un sourire Colgate sur les lèvres.

- C'est ça oui, bougonné-je sans parvenir à cacher mon bonheur de le trouver là.

- Alors ? C'est quoi le programme ?

- Je sèche ! affirmé-je haut et fort, fier comme un coq de mon audace.

Oui, en élève modèle, c'était la première fois que je manquais sciemment les cours… quoique dans le cas présent, je n'avais pas cours, seulement de l'étude individuelle. Ça ne comptait pas, pas vraiment.

- Cool, moi aussi ! Où on va ?

J'hésitai.

- T'es sûr ? Parce que moi, je n'avais pas vraiment cours en fait… Mon prof de math a démissionné ! m'exclamé-je joyeusement avec un sourire à faire tomber toutes les filles (bah quoi, je peux rêver hein !).

- Je t'avais dit que tout finirait par s'arranger, fit Kyo en me lançant un clin d'œil malicieux.

C'est à ce moment-là que j'ai compris.

Non, Dieu n'avait pas soudainement décidé de venir aider un pauvre mortel comme je l'avais cru plus tôt en entendant la démission de Nanahara-sensei.

Il avait juste envoyé un ange pour régler le problème : Kyo.

Si j'avais été une fille, je me serais peut-être mis à chialer comme une madelaine… ou j'aurais sauté au coup de Kyo et je l'aurais embrassé avec fougue pour lui exprimer ma gratitude.

Au lieu de ça, j'ai simplement écarquillé les yeux et ma gorge s'est nouée, inapte à émettre le moindre son, incapable de le remercier comme il le fallait.

À cet instant, j'aurais vraiment préféré être une fille, même une de celles qui se seraient jetées au cou de Kyo pour goûter à ses lèvres ou lui bouffer la langue.

Mais je restai figé comme un con, les yeux secs et menacé d'asphyxie par la boule d'émotions qui m'entravait l'œsophage.

L'étincelle dans le regard de Kyo m'apprit qu'il avait compris que j'avais compris. Il me sourit gentiment mais se tut sur la méthode divine qu'il avait dû employer pour accomplir ce miracle.

Et je crois qu'au fond de moi, je ne voulais pas savoir.

Il se contenta de sauter souplement du muret, de m'ébouriffer les cheveux et de lancer :

- Y a une nouvelle pâtiss'rie qui vient d'ouvrir, ça t'dit ?

Il me dépassa, s'éloigna, attendant simplement que je le suive.

Oui, simplement. Comme ça.

Je pus enfin respirer.

- C'est moi qui t'invite ! lui criai-je en m'élançant à sa suite.

-

Keiko

Keiko enrageait. Ça faisait une demi-heure, une demi-heure qu'elle attendait Lucas sans qu'elle n'ait vu le moindre cheveu blond à l'horizon.

- Il t'a posé un lapin, lui dit Hiroki quand elle l'eut au téléphone.

Un lapin, un lapin !! À elle ? Keiko Mimura ? Impensable !

- Un première ? fit ironiquement la voix légèrement métallique dans le combiné.

- Impossible ! gémit-elle.

- Bah, fit le jeune homme, fallait un peu s'y attendre. Il ne pouvait quand même pas être si con… Après le coup que tu lui as fait, ce n'est pas étonnant qu'il t'envoie sur les roses.

- Il EST con ! éructa-t-elle dans son appareil.

Hiroki se mit à rire à l'autre bout du fil.

- La ferme ! cria-t-elle, hysté peux parler toi avec Rei qui ne s'intéresse plus à toi à cause du ptit blond.

- Eh oh tout doux, la tigresse, ce n'est pas moi qu'il faut attaquer, n'oublie pas notre objectif !

Keiko poussa un grognement assertif peu sexy qui jurait avec son apparence de pimbêche modèle.

- De toute façon, il nous reste le plan B. Rien n'est perdu.

- Et s'il foire encore ?

- J'ai un plan C en réserve. Ne t'inquiète pas, j'ai de la ressource.

- Ouais et bien j'espère que tes plans B et C seront meilleurs que ton premier parce que franchement, je te félicite pas, il était mer-di-que !

De l'autre côté du combiné, Hiroki se racla la gorge.

- Je te rappelle que c'était ton idée, le petit mot doux.

Keiko lui raccrocha au nez.

-

Lucas

La vie était tellement belle ! Mon dieu, si j'avais prononcé cette phrase à haute voix, même moi je me serais interrogé sur ma santé mentale… mais bon sang, en ce moment, ça ne pouvait pas être plus vrai. Le départ de Nanahara-sensei m'avait libéré, retiré un poids que je n'imaginais pas aussi lourd. J'avais enfin l'impression d'apprécier pleinement mon séjour prolongé au Japon. Quel bonheur ! Bon certes, il y avait toujours l'autre cinglé qui me cherchait à chaque fois que je le croisais mais il suffisait de l'éviter et, croyez-moi, je devenais assez doué pour ça !

Enfin… sauf là, à cet instant précis.

- Alleeeez ! Un petit bisou ! Rien que ça !

- Des clous ! Laisse-moi passer, je vais être en retard au lycée !

- Si t'y mets la langue, je t'emmène même sur ma moto… me dit-il avec un sourire enjôleur.

- Dans tes rêves ! Bouge tes fesses et laisse-moi passer !

- Hin hin… je savais bien que tu les aimais, mes fesses !

Je levai les yeux au ciel en me mordant l'intérieur des joues. Super intelligent Lucas, mentionner un attribut « sexuel » devant l'autre obsédé, c'est un appel à la salacité.

- Avoue qu'elles sont bien modelées ! Tu veux toucher ? Offre d'essai gratuit ! Rien que pour toi.

- Rei… grondai-je.

- Fais pas ton timide, je suis certain que tu en meeuuurs d'envie !

- Rei ! T'es lourd, là !

- Évidemment Lulu-chan ! 70 kg de muscles, une silhouette de dieu grec ! Mais t'inquiète pas, quand je serai sur toi, je m'arrangerai pour que mon poids ne te gêne pas, ajouta-t-il avec un clin d'œil pervers.

Je ne pus me retenir de rougir. Et merde ! Comment pouvait-on être aussi axé sur le sexe ? J'avais lu quelque part que les hommes pensaient en moyenne au sexe toutes les… accrochez-vous… 8 secondes ! Croyez-moi sur parole, Rei, ça devait être à chaque seconde.

- Tu rougis ? Une bouffée de chaleur, c'est ça hein ? T'en as envie, là tout de suite, pas vrai ? Je ne dirais pas non mais dans l'entrée, ça risque de ne pas être très confortable. Ne t'inquiète pas, le lit n'est pas bien loin… à moins que tu préfères le canapé ?

- REI ! ça suffit oui ? Espèce de dégénéré du cerveau !

- Tsss tsss, il ne faut pas avoir honte de tes désirs refoulés et encore moins de tes fantasmes les plus secrets. Je suis là pour satisfaire le moindre de tes désirs… mon corps n'existe que pour te satisfaire. Je peux te faire sentir bien, teeeellleeemment bien !

Maman, au secours. Éloignez ce taré de mon espace vital !

- Vraiment ? lui demandai-je en prenant un air mi-sceptique, mi-intéressé.

- Vraiment, me confirma-t-il avec un sérieux ridicule.

- Oooh, je vois, soufflai-je doucement. Dans ce cas, peut-être que je…

- tu… ?

- Peut-être que je vais te dévoiler le plus grand de mes fantasmes.

Je vis ses yeux s'agrandir d'appréhension, pétiller de malice…

- Dis-moi tout, je ne le répéterai à personne. Promis.

Je lui fis signe de se rapprocher d'un doigt en prenant un air sexy (ou du moins j'essayai)… Rei avança de quelques centimètres, tendit l'oreille pour recueillir mon « désir refoulé ».

- Je voudrais… soufflai-je

- Oui ??

- Tu es sûr que tu me prêtes ton corps ? demandai-je soudain en interrompant ma phrase.

- Certain ! répondit Rei sur un ton agacé. Alors ?

- Rapproche-toi encore, lui murmurai-je.

Rei s'exécuta.

- J'aimerais teeeelllleeeemmment… t'enfoncer mon pied à l'entrejambe ! Merci de m'avoir donné ton accord !

Et sur ces mots, j'enjoignis le geste à la parole et lui décochai un coup magistral dans ses parties intimes.

Ouah ! Il avait raison, ça faisait du bien ! Teeelllleeeement de bien !

-

Rei

Rei observa le clapet de son téléphone quelques secondes encore après avoir coupé la communication, l'air légèrement abasourdi par ce qu'il venait d'entendre, par qui venait de l'appeler. Kyouichi Sôma. Leader de Mikazuki, le gang rival de Neverland. Kyouichi Sôma, l'insecte, le microbe, l'enfoiré qui flirtait avec Lucas, qui empiétait sur sa propriété… lui avait donné rendez-vouspour discuter tranquillement du petit Français. Discuter ! Et tranquillement par-dessus le marché ! À quoi il rêvait, cet inconscient ? Il n'y avait pas besoin d'en parler : Lucas, c'était chasse gardée ! Il l'avait vu en premier, il était à lui. Était-ce tellement dur à comprendre ?

D'un geste rageur, Rei donna un coup son lit qui recula d'un bon mètre avec un bruit sourd. Il récupéra son blouson en cuir posé sur sa chaise de bureau et claqua la porte de sa chambre derrière lui.

Les immeubles qui défilent trop vite pour pouvoir les distinguer, le vent qui lui fouette le corps, la sensation de vitesse, de liberté comme si rien ne pouvait jamais l'arrêter, comme si tout lui était accessible… c'était pour ça qu'il aimait la moto. Rei gara son engin dans le parking d'un petit restaurant familial à l'extérieur de la ville, or de la zone occupée par les deux clans, en terrain neutre. C'était là que Kyo avait donné rendez-vous à Rei, une bonne demi-heure plus tôt.

Dès qu'il pénétra à l'intérieur du restaurant, une jeune serveuse vint l'accueillir tout sourire. Il refusa la table qu'elle s'apprêtait à lui présenter en lui affirmant qu'il n'était pas seul, que son « ami » était déjà arrivé. Et pour cause, il était difficile de manquer l'énergumène entouré non pas d'une mais de deux serveuses (et oui, « deux pour le prix d'une » n'est pas qu'un slogan pour les marchandises en promotion) pendues aux lèvres de son rival. Non Rei n'était pas jaloux, il n'aimait pas les filles et il aurait cédé volontiers toutes les demoiselles du restaurant pour que Kyo laisse Lucas tranquille. Non, ce qui l'énerva simplement en voyant Kyo papoter allégrement avec ces filles, ce fut qu'il attirait beaucoup trop les regards et les petites attentions de la gent féminine comme masculine. Le type même de playboy qui tape sur les nerfs.

- Cassez-vous, grogna Rei en s'installant sur la banquette inconfortable de la table de Kyo.

- Qu'est-ce que… ? commença une fille peinturlurée offusquée par ce renvoi expéditif.

- Les filles, l'interrompit Kyo d'une voix séductrice, mon rendez-vous est arrivé et plutôt de mauvais poil. Je vous avais prévenues que je ne resterais pas longtemps seul… Ça ne sera pas long, je vous le promets, ajouta-t-il avec un clin d'œil devant les mines boudeuses de son public.

Avec force de soupir et de coup d'œil appuyés, les deux serveuses quittèrent leur table sans même prendre la commande de Rei.

« Connasses » pensa-t-il avant de se concentrer sur Kyo.

- Alors, tu voulais me voir ?

Kyo prit son temps avant de répondre. Il but une gorgée de son soda, savoura la sensation des bulles sur sa langue avant d'avaler le liquide en fermant les yeux.

- Sôma ! s'énerva Rei.

- T'es du genre pressé toi, hein ? T'préfères tirer ton coup vit'fait puis t'en aller une fois sat'sfait. Typique d'l'égoïste macho, répondit Kyo d'une voix théâtrale. P'toyable. J'comprends p'quoi Lucas t'évite com'la peste.

Sous la table, Rei sera les poings en se retenant difficilement.

- T'es là pour m'insulter ? Parce que si c'est le cas, je préfère me casser… pas envie de devoir rembourser les dégâts que je pourrais causer au restaurant en te mettant une raclée.

Le rire de Kyo, clair et sensuel, résonna dans la salle de restaurant, étouffant les conversations et attirant tous les regards.

- T'crois vraiment qu't'arriverais à m'toucher ?

- On essaye pour voir ? rétorqua Rei d'un air sombre et tout à fait sérieux.

Ils se fusillèrent quelques secondes du regard avant que Kyo ne hausse les épaules.

- Pas maint'nant. Plus tard, p't-être.

- Alors ? Pourquoi tu m'as fait venir ?

Kyo prit une grosse inspiration avant de lâcher :

- J'voudrais qu'on fasse un deal.

Rei fronça les sourcils.

- Un deal, répéta-t-il perplexe.

- Ouais. À propos d'Lucas.

- Je t'écoute.

- C'est une affaire personnelle. Entr'toi et moi. Pas b'soin d'y mêler nos gangs.

- Ça me va. C'est tout ?

- Nan, j'voudrais aussi qu'tu touches plus à un seul d'ses cheveux.

Ce fut au tour de Rei d'éclater de rire, un grondement sexy qui fit frissonner la fille assise à la table derrière lui.

- Tu rêves un peu là. Ça serait plutôt à moi de te dire « bah les pattes ». J'étais le premier à l'avoir vu.

- J'crois qu'tu m'as mal compris. T'peux continuer ton ptit jeux du chat et d'la souris. Lucas tomb'ras jamais sous ton « charme » puisqu't'en est total'ment dénué. Mais j't'interdis d'le toucher sans son consentement.

- Tu m' « interdis » ? grogna Rei d'une voix menaçante. Où tu as vu qu'on pouvait m' « interdire » quelque chose ? Ne prends pas tes désirs pour des réalités, crétin.

- Ok, j'te « conseille fort'ment », si t'préfères… c'juste une question d'lexique.

Rei se tût quelques secondes, pesant le pour et le contre.

- Tu t'engagerais à faire la même chose ? Pas d'attouchement sans consentement ?

- Évid'mment.

Le silence s'épaissit, interrompus seulement par le brouhaha ambiant.

- Ok, finit par lâcher Rei. Ok. Mais si jamais j'apprends que t'as rompu le marché, affaire perso ou pas, je te jure que je t'écraserai en utilisant tous les moyens à ma disposition.

- Pareil d'mon côté.

Pas de poignée de main amicale pour sceller le marché. Rei se leva, récupérer son casque de moto et sortit du restaurant sans un regard derrière lui.

 

 
 
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