Kyo Après avoir fait une petite vaisselle, Kyo rangeait machinalement la cuisine. Cependant, si ses mains étaient occupées, le Nippon n'y faisait guère attention. Son esprit était totalement focalisé sur une personne : Lucas, ce bel Européen blond aux yeux bleus qui se trouvait en ce moment même sous la douche, dénudé, attirant à souhait, tentant comme pas permis... qu'est-ce qu'il aurait donné pour être avec lui ! Stop. Pas de divagations pour l'instant, il devait se concentrer sur d'autres choses beaucoup plus importantes, notamment la perte de mémoire inquiétante du beau blond et les récents événements qui avaient poussé le Français à venir à l'entrepôt. Kyo se doutait que les marques de baisers et de morsures qu'il avait vues sur le cou de Lucas y étaient pour quelque chose... mais si Lucas ne se souvenait de rien, Kyo aurait du mal à en savoir plus... et surtout à faire payer l'enfoiré qui avait osé marquer ainsi son ami. En parlant de Lucas, il en mettait du temps à la salle de bain celui-là ! Le coeur de Kyo s'accéléra soudain. Et si le blond avait eu un problème ? Le Nippon abandonna précipitamment son éponge et fonça au premier étage. Arrivé devant la porte en bois de la salle d'eau, Kyo frappa. - Lucas ? Tout va bien ? Demanda-t-il en tambourinant la porte. Pas de réponse. Le rythme des battements du coeur de Kyo augmenta d'un cran. - Lucas ? Kyo ouvrit la porte. Lucas. Je n'entendis pas les coups répétés de Kyo sur la porte de la salle de bain, ni son cri angoissé qui m'appelait. Je ne le vis pas ouvrir la porte, je ne vis pas ses yeux s'écarquiller devant le pitoyable spectacle que je devais lui offrir. Je ne le vis pas non plus se précipiter vers moi, je ne le sentis pas me prendre par les épaules ni me secouer comme un prunier en criant mon nom... Encore une fois, mon esprit s'était déconnecté de la réalité, fuyant ainsi la triste vérité qui m'était apparue dans le miroir et qui avait brisé le faible voile d'amnésie qui m'avait protégé durant quelques heures. Kyo me prit tendrement dans ses bras et porta mon corps nu jusqu'à sa chambre, mais je ne le remarquai pas. Je ne sentis pas non plus la main fraîche du Nippon sur mon front, je ne la sentis pas chasser quelques unes de mes mèches blondes et n'entendis pas Kyo murmurer mon nom, encore et encore... avec dans la voix une pointe d'angoisse et de désespoir. Je fermai les yeux et sombrai une fois de plus dans les profondeurs de l'inconscience. Kyo Le Japonais ne savait que faire. Il hésitait à appeler un médecin en voyant l'état inquiétant de Lucas, mais il doutait que cela fût d'une quelconque utilité. Le blond avait sans doute juste besoin de temps pour assimiler le choc. Une chose était sûre, le jeune Français venait de retrouver la mémoire... et pourtant, Kyo ne parvenait pas à s'en réjouir. Comment aurait-il pu l'être devant le corps de Lucas affalé dans la salle de bain, le regard dans le vide, l'esprit ailleurs ? Le coeur de Kyo avait raté quelques battements devant cette scène douloureuse. À ce moment-là, le Nippon aurait pu tuer la terre entière. Il s'était mordu la langue pour éviter de crier de rage, un goût de fer avait soudain envahi sa bouche et sa soif de vengeance s'était réveillée, plus pressante que jamais. Kyo avait dû prendre sur lui pour se maitriser. Il ne devait pas péter les plombs, pas maintenant, pas devant Lucas. Le Français avait besoin de lui, sa vengeance attendrait... mais pas trop longtemps. Il était plus de deux heures du matin. Lucas dormait paisiblement à présent. Le souffle régulier du jeune homme apaisait la fureur qui faisait rage en Kyo. Le Nippon était resté à son chevet durant presque trois heures sans jamais quitter le visage endormi de Lucas. Cependant, le jeune homme commençait à tomber de fatigue et demain il devait aller en cours. Kyo soupira et quitta le lit de Lucas pour la première fois depuis quelques heures. Il avait des fourmis dans les jambes et ses membres étaient courbaturés à force de rester immobile dans une position peu confortable, mais le jeune homme s'en fichait. Il se dirigea lentement vers la salle de bain, en prenant soin de ne pas réveiller le bel endormi, puis passa de l'eau sur son visage. Après une douche rapide, il enfila un boxer propre et retourna dans sa chambre pour se glisser sous la couette aux côtés de Lucas. oOo Le réveil de Kyo retentit dans le silence du petit matin. Il était 7h. Le Nippon n'avait dormi que quelques heures de sommeil léger. Impossible de bien récupérer alors que Lucas s'agitait presque toutes les heures à côté de lui, pris dans un cauchemar inconnu criant à pleins poumons. Á chaque fois, Kyo avait serré le corps tremblant du Français dans ses bras en lui murmurant que tout était fini, qu'il était en sécurité ici et qu'il le protégeait, à chaque fois l'envie de meurtre de Kyo augmentait. Celui qui avait fait ça ne resterait pas longtemps en vie. Kyo se leva lentement de son lit, en prenant garde de ne pas éveiller Lucas. Il prit une rapide douche, s'habilla puis descendit déjeuner. Il n'avait pas faim mais se força tout de même à avaler un toast. De retour dans sa chambre, il récupéra ses affaires scolaires, laissa un petit mot à Lucas puis, après un dernier coup d'oeil derrière son bel endormi, sortit de la maison. Lucas Les rayons du soleil qui filtraient au travers du store me réveillèrent. Ma gorge me faisait mal, comme si j'avais trop crié, et mes yeux me piquaient. Avais-je pleuré ? Je n'en avais aucun souvenir. Les récents événements de la veille me revinrent en tête tels des flashs. Je n'avais pas envie d'ouvrir les yeux, car pour moi, cela signifierait accepter cette réalité qui m'avait fait tant souffrir. Je demeurai donc couché encore quelques minutes, profitant du moelleux du lit de Kyo et de son parfum qui imprégnait encore les draps. M'étais-je rendormis ? J'eus l'impression qu'il s'était passé plusieurs heures depuis mon premier réveil. Ma vessie était sur le point d'éclater mais je n'avais pas envie de me lever. Je soupirai. À quoi bon retarder ce moment inévitable ? J'ouvris les yeux. Malgré le store tiré, la pièce baignait dans une douce clarté, accentuée sans doute par la blancheur des murs. Sans attendre, je me levai et me dirigeai vers la salle de bain pour me soulager. Une fois mes besoins primaires satisfaits, je descendis à la cuisine. La table du petit-déjeuner était mise, rien que cette vue me donna l'eau à la bouche. Mon ventre grogna. Je m'approchai de la table et découvris un petit mot laissé par Kyo. Mange quelque chose, repose-toi, je serai bientôt de retour. Attends-moi, ne bouge pas d'ici. Kyo Je souris et m'attablai soudain affamé. Je remerciai Kyo mentalement, j'avais bien fait de venir vers lui après ma journée d'hier. Je chassai cette pensée et mes lèvres s'étirèrent en un sourire amer. Hier, je m'étais énervé de ne pas me rappeler, j'avais voulu retrouver la mémoire alors qu'elle m'échappait... aujourd'hui, je ne demandais qu'une chose : oublier. Je terminai mon repas rapidement puis repérai un téléphone fixe posé sur une petite table du salon. Il était presque 11h. On était vendredi. Shizuka était-elle là ? Je pris une profonde inspiration et composai le numéro de la maison. Biiip... biiip... biiip... - Mochi mochi ? (Allo ?) - Shizuka ? - LUCAS !! Raclement de gorge gêné - mmh ouais... désolé de ne pas avoir appelé plus tôt. - Où tu es ? Comment tu vas ? Il s'est passé quelque chose ?? La voix de Shizuka grimpait dans les aigus. Pas de doute, je l'avais inquiétée. - Je suis chez un ami en ce moment, il s'appelle Kyo, j'ai fait sa connaissance dès le premier jour de mon arrivée au Japon. Je vais bien. Dans la mesure du possible en tout cas... - J'ai juste fait un petit malaise en allant lui rendre visite alors il m'a ramené chez lui. - Un malaise ? Tu as été voir un médecin ? - Mmh non c'est pas grand chose, de l'anémie je crois. Ça va mieux aujourd'hui mais je sèche les cours aujourd'hui, désolé. - Non ce n'est pas grave ! Ta santé c'est le plus important ! Mais tu aurais pu prévenir... Je me suis fait un sang d'encre ! Me reprocha-t-elle à juste titre. - Je sais, désolé. - Rei aussi était inquiet... Je manquai de m'étrangler. - Rei ? - Évidemment ! Il a passé une bonne partie de la nuit dehors à ta recherche je crois... Cette nuit ? À ma recherche ? Elle devait délirer là, pas possible. Rei était un égoïste de première, la seule chose qui l'intéressait était sa petite personne et rien d'autre. - Il avait peur qu'il ne te soit arrivé quelque chose... Il m'était en effet arrivé quelque chose... et Rei n'avait fait qu'aggraver la situation. Il avait couché avec Keiko, bon sang ! Pas question de lui pardonner de sitôt. Qu'il s'inquiète seulement, pensai-je, ça lui fera du bien de penser à quelqu'un d'autre qu'à lui-même pour une fois... Je rassurai encore Shizuka puis raccrochai en lui promettant de rentrer bientôt à la maison ou du moins de lui donner des nouvelles rapidement. Je retournai ensuite me coucher dans la chambre de Kyo. Il allait bientôt rentrer, il me l'avait promis. Je fermai les yeux. Rei Rei était fou de rage. Shizuka venait de l'appeler pour lui annoncer que Lucas se portait comme un charme (ou presque) et qu'il se trouvait en ce moment même chez un copain prénommé Kyo. Lorsque Shizuka lui avait demandé s'il connaissait ce jeune homme, Rei avait seulement répondu que c'était effectivement un ami de Lucas mais qu'il n'en savait pas plus, malheureusement. Dire que le leader de Neverland avait passé une nuit blanche à la recherche de cet imbécile fini au travers de toute la ville, ce crétin aurait tout de même pu les prévenir ! Le Nippon donna un coup rageur dans le distributeur de canettes qui se trouvait à proximité. Il avait lui aussi séché le cours pour parcourir encore une fois la ville de fond en comble, sans résultat. Évidemment puisque monsieur dormait paisiblement chez ce type ! - MERDE ! Ce genre de choses le foutait en rogne. Il se sentait inutile, vexé et furieux. Il avait abandonné Hiroki en pleine nuit, son amant devait être au lycée en ce moment, impossible donc de l'appeler pour se soulager. Si seulement il savait où cet enfoiré de Kyo habitait ! Il aurait récupéré Lucas et l'aurait traîné par les pieds tout au long du chemin s'il l'avait fallu ! Ce môme ne perdait rien pour attendre. Énervé, Rei prit son portable et tapa quelques touches avant de porter l'appareil à son oreille. C'était l'heure de midi, les cours devaient être fini pour la matinée. - Mochi mochi ? (Allo ?) - Shinji ? Je voudrais que tu me trouves un max de renseignements sur un type qui s'appelle Kyo. Il doit avoir notre âge environs et n'est pas à Numaï. Sans doute à Niida. Je veux tout de lui le plus vite possible. - Ouais... ok mais t'as pas plus d'infos ? Parce que des Kyo, y en a à la pelle ici ! - Débrouille-toi. Des nouvelles de Mikazuki ? - Euh... - C'est bon j'ai compris. Ce Kyo passe en priorité pigé ? Je veux ça rapidement. - Compris. - Ah au fait, Hiroki est près de toi ? - Hiroki ? Non, j'l'ai pas vu de la journée... Je pense qu'il n'est pas venu en cours... Rei fronça les sourcils. - Ok tant pis. La communication s'arrêta. Rei soupira. Hiroki n'était pas au Lycée ? Bizarre. Le jeune Nippon n'était pas du genre à sécher pourtant.. Hiroki Shinji se trompait. Hiroki était bel et bien au Lycée en ce moment même... mais certainement pas pour suivre les cours, il avait mieux à faire... - T'es sûr que tu sais rien ? La main d'Hiroki descendit jusqu'à la limite du boxer de son interlocuteur. - Allez, souffla-t-il à l'oreille du jeune homme, essaye de te souvenir... - N..non, je... je vois pas d'qui tu veux parler... répondit sa victime en gémissant. - T'en es sûr ? Demanda encore le faux blond en parsemant le cou de son vis-à-vis. Un nom pareil, ça ne s'oublie pas... La main d'Hiroki franchit la limite du sous-vêtement du jeune homme qui gémit de plaisir. - Alors ? - Peut-être... La main du Nippon se fit plus pressante contre le sexe durci du jeune homme l'incitant à poursuivre. - Peut-être... ? Non seulement Hiroki avait une belle gueule, mais en plus il était doué, il n'y avait pas à dire. Après tout, c'était la « pute » de Rei-sama. S'il n'avait pas un minimum de savoir faire, le leader n'aurait jamais fait attention à lui... Combien d'hommes et de femmes désiraient se laisser bercer par ses soins ? On ne les comptaient plus. Envoûteur, ensorceleur, ce faux blond savait séduire et mettre en pratique ses nombreuses techniques sensuelles... Sa récente victime en faisait les frais. - Moi... moi j'en sais rien mais... peut-être que... Takeo le sait, poursuivit le jeune homme, tremblant d'excitation. - Takeo ? - Mishima Takeo... gémit-il tandis que Hiroki pressait davantage sa verge entre ses doigts habiles. Il est dans la classe 2-5 je crois... - Pourquoi ce Takeo en saurait-il plus que toi ? Interrogea encore le blond décoloré en poursuivant son « massage » sensuel. - Il devait... faire des comptes-rendu réguliers à... Rei-sama (-sama = marque d'une grande politesse) mais j'en sais pas plus... Hiroki arrêta sa masturbation et retira sa main de l'entre-jambe du jeune homme. Ce dernier le regarda bouche-bée un peu déstabilisé par ce soudain revirement de situation. - Hiroki ? Demanda le jeune homme d'une petite voix encore sous l'effet des récentes caresses. Le faux blond ne fit pas attention à lui et s'en alla, laissant derrière lui un pauvre jeune homme au sexe douloureux et gonflé d'un désir inassouvi. Kyo Une fois les cours terminés, Kyo ne s'attarda pas au Lycée. Après un bref passage à l'entrepôt pour annoncer qu'il ne passait pas le reste de l'après-midi avec ses potes, il se rendit rapidement au combini du coin (= supérette japonaise ouverte 24h/24) pour faire quelques achats avant de rentrer chez lui. Lorsqu'il déverrouilla la porte d'entrée, Kyo remarqua que la maison était plongée dans le noir. Le coeur du jeune homme tambourina dans sa poitrine. Et si Lucas était parti ? D'un pas vif, il se dirigea vers le salon baigné dans la pénombre. Personne. Kyo remarqua néanmoins la table débarrassée et constata avec satisfaction que le jeune Français s'était un minimum nourri. Il monta ensuite l'escalier quatre à quatre et se rendit sans attendre dans sa chambre. La vision de Lucas endormi paisiblement dans son lit le soulagea. Lentement, Kyo s'avança jusqu'au lit et s'y assit sur le bord. D'une main tendre, il caressa le front du blond toujours plongé dans les bras de Morphée. Kyo contempla longuement le bel endormi tout en jouant de temps à autre avec les mèches blondes du jeune homme. Ce dernier fronça soudain les sourcils et s'agita quelque peu. - Okaeri... (formule habituelle = +/- bienvenue chez toi) - Gomen (désolé), je t'ai réveillé. Lucas secoua la tête. - Pas grave. J'ai assez dormi. Il est quelle heure ? - Un peu plus d'16 heures. T'as faim ? Demanda-t-il soudain en montrant son sac de courses achetées une petite heure plus tôt. Je t'ai pris des pains m'lons. Le visage de Lucas s'éclaira tandis qu'il se relevait pour s'asseoir sur le lit, désormais complètement réveillé. Kyo sourit devant l'attitude du jeune homme et lui tendit le sac plastique que Lucas s'empressa de le lui arracher des mains. - Comment s'est passé ta journée ? Demanda Kyo alors que le jeune Français engloutissait son deuxième pain melon. - Calme. J'ai téléphoné chez moi pour leur dire que j'étais chez toi, répondit le jeune homme en tendant un pain melon à Kyo. Le Nippon accepta l'offre de Lucas et entama le pain moelleux. - Comment s'est passé la tienne ? - Rien d'extra à signaler. - Ok. Les deux adolescents continuèrent à manger leur pain en silence. Kyo avait envie de questionner Lucas à propos la journée de la veille, mais il sentait que le Français n'avait aucune envie d'en parler. Il tenta tout de même s'en savoir plus. - Hier... - J'ai pas envie d'en parler, l'interrompit Lucas en comprenant immédiatement où voulait en venir le Nippon. Kyo soupira. Il s'y attendait. - Comme tu veux. Le Japonais se leva et sortit de la chambre sans un mot de plus. Lucas. Je regardai Kyo s'en aller, le coeur lourd. J'avais refusé de lui raconter ce qui s'était passé hier et je me sentais coupable vis-à-vis de mon bienfaiteur. Kyo avait pris soin de moi, m'avait hébergé, j'avais profité de sa générosité et de sa gentillesse et pourtant, je ne pouvais pas répondre à sa demande. C'était encore trop tôt, trop frais dans ma tête et dans mon corps pour que je puisse en parler librement. J'avais besoin d'un peu de temps... Plongé dans mes pensées, je ne vis pas l'heure passer. Le soleil se couchait à l'horizon, laissant la douce pénombre nocturne envahir peu à peu la chambre. Je sortis de la pièce et me dirigeai au salon, en espérant y trouver Kyo. Ce dernier était installé à la table de la salle- à-manger et semblait travailler. Je me rendis soudain compte que, depuis la veille, je lui privais de sa chambre et de son bureau. Ma culpabilité en prit encore un coup. Kyo m'avait entendu arriver, il leva la tête et me sourit. - T'as faim ? Je me sentis soudain honteux d'abuser ainsi de l'hospitalité du Nippon. Vivre avec Kyo ressemblait davantage à un séjour dans un hôtel qu'autre chose. - Non non, ça va, mentis-je un peu, termine de travailler. Désolé de squatter ta chambre... - Pas de soucis, t'es le bienv'nu. J'ai bientôt fini mon d'voir, t'veux manger quoi ? - N'importe, je ne suis pas difficile. - Ce sera du Nabe alors, ça t'va ? L'image d'un mélange de fondue et de pot-au-feu me vint à l'esprit. Je hochai la tête. - Ok ! - Génial ! Comme j'dîne souvent seul, j'mange presqu'jamais de Nabe. Trop de préparation pour une seule personne, ajouta-t-il avec un sourire d'excuse devant son enthousiasme puéril. J'aimais le sourire enfantin de Kyo, il était communicatif. Mes propres lèvres s'étirèrent tandis que je m'asseyais en face de lui. - Tu as tout ce qu'il te faut comme ingrédients ? Tu veux que je passe au Combini ? - Inutile, y a tout c'qu'il faut dans l'frigo. J'termine ces exercices de math et j'me mets aux fourneaux. Kyo replongea sur ses feuilles et j'en profitai pour observer une fois de plus le Nippon. Sa croix renversée en argent fétiche pendue comme toujours à son oreille balançait au rythme des mouvements du Nippon. Ses cheveux noir ébène mi-longs coupés en dégradés lui arrivaient jusqu'aux épaules, cachant la nuque fine et albâtre du jeune homme. Ses yeux sombres typiquement japonais étaient surmontés de cils longs cils fins. Son nez droit, ses lèvres fines et ses pommettes saillantes qui lui donnaient un air mature lorsque Kyo ne souriait pas... Je soupirai et posai sa tête contre la table de la salle-à-manger. - Dis Kyo... Le Nippon releva la tête et me regarda, intrigué. - Tu sais ce que tu veux faire plus tard ? Kyo mit quelques secondes avant de répondre, un peu désarçonné par la question. - Sais pas trop... Pourquoi ? - Rien... je me disais juste que tu pourrais suivre une carrière de mannequin. Je sursautai lorsque Kyo éclata soudainement de rire. - Tu t'serais pas cogné la tête hier ? Je le regardai sans rien dire, ses yeux croisèrent les miens et Kyo vit que j'étais sérieux. Gêné, il se passa une main dans ses cheveux et me fit un petit sourire en coin. - La mode et tout, c'pas trop mon genre... - Dommage... Il haussa les épaules et se remit au travail après m'avoir jeté un drôle de regard, à la fois songeur et hésitant. Je fermai les yeux et passai une main sur mon estomac. Mon ventre criait famine et je ne voulais pas que Kyo l'entende. Kyo Le repas se déroula dans le calme. Kyo évita de reparler de la veille, même s'il mourrait d'envie de connaître le fin fond de l'histoire. Il ne voulait pas mettre mal à l'aise Lucas et pensait que le Français finirait par se confier de lui-même. Les gros soucis comme ceux-là, on ne devrait jamais les garder pour soi. - Kyo ? Souffla le blond d'une petite voix. Le coeur du Nippon s'accéléra. Il n'avait pas dû attendre longtemps, finalement. - Oui ? Murmura le jeune homme d'une voix douce et encourageante. Lucas hésita quelques secondes puis lâcha soudain : - Je peux encore rester ici cette nuit ? Kyo ouvrit la bouche, la referma. Mince, ce n'était pas ce à quoi il s'attendait. Lui qui croyait que Lucas allait enfin se confier... C'était raté. Le blond se méprit sur la réaction tardive de Kyo et balbutia quelques excuses embarrassées : - Désolé, j'aurais pas du te demander ça, j'abuse je sais mais... Le jeune homme ramena le Japonais à la réalité. - Non, ça ne me dérange pas au contraire ! L'interrompit-il brusquement. Je suis même ravi de t'accueillir chez moi. Ça me sort un peu de ma solitude quotidienne. Tu peux même rester tout le week-end si tu veux. - Merci ! Murmura Lucas, les yeux brillants de reconnaissance. Kyo se mit cependant à cogiter sur le pourquoi de cette demande. Évitait-il sa maison ? S'était-il passé quelque chose là-bas ? Le Nippon ne connaissait pas grand-chose de la vie de famille de Lucas, mis à part que ses parents étaient divorcés et qu'il vivait chez son père et sa nouvelle femme. Le Français avait tendance à rester très évasif lorsque cela tournait autour de son foyer. Ne s'entendait-il pas avec son père ? Ou était-ce sa belle-mère qui lui causait des soucis ? Mystère. Kyo soupira.. Il regrettait sincèrement ne pas connaître davantage Lucas, mais d'un autre côté... Kyo avait aussi ses petits secrets. - T'veux qu'on fasse que'qu'chose de spécial d'main ? Demanda le beau ténébreux pour chasser ses préoccupations. - Quelque chose ? - Ouais, une sortie quoi. - Pour aller où ? - Où tu veux ! Lucas hésita. - Je connais pas tellement le coin... Kyo fronça les sourcils. - Qu'est-ce tu m'chantes ! Je t'ai fait visiter toute la ville ! - ... Kyo ne lâcha pas l'affaire pour autant. Si le blondinet voulait jouer les pantouflards, lui n'était pas de cet avis. Il fallait que le petit Lu se change les idées ! - Un karaoke ? - Je sais pas chanter... - Un ciné alors ? Continua le Japonais sans se laisser démonter. - Je sais pas ce qui passe... - Y a pas mal de musées intéressants ici, ça t'dit ? - Bof, pas trop la tête à ça. Zut ! Elle était obstinée cette tête blonde ! Une idée de génie fusa soudain dans son esprit. - Au parc d'attraction ! Kyo vit les yeux de Lucas se mettre à pétiller puérilement. Gagné ! Mais le Français baissa soudain la tête et contempla son bol de riz vide. - ça fait un peu gamin... - Allez ! Le blond hésitait. Kyo en profita pour pousser le bouchon un peu plus loin. - Rien que toi et moi ! On va s'marrer tu verras ! Un sourire se dessina sur les lèvres de Lucas. Hiroki - Salut, fit Hiroki avec un sourire charmeur à l'adresse d'une demoiselle. Tu sais ou je pourrais trouver Mishima Takeo - Mi... Mishima Takeo ? Répéta la fille en balbutiant et prenant une teinte écrevisse devant l'éclat que lui affichait le jeune homme. - C'est ça, poursuivit le faux blond en continuant son tour de charme. En voyant qu'elle ne réagissait pas, trop admirative devant l'aura qu'il émettait, Hiroki commença à s'impatienter. Il avait fallu qu'il tombe sur une dinde stupide. - C'est le type-là, à la fenêtre, avec portable jaune, répondit une autre fille, amie de la dinde sans doute, mais bien plus intelligente visiblement. Hiroki se tourna dans la direction indiquée. Il vit un groupe de cinq adolescents qui déjeunaient tranquillement à côté d'une fenêtre. Son regard repéra d'emblée le jeune homme qui pianotait avec son portable canari avec un visage agacé. Il remercia la fille et se dirigea vers le petit groupe en ignorant complètement les yeux enamourés de la dinde crétine. - Mishima-senpai (-senpai : politesse lorsque l'on s'adresse à un aîné) ? Demanda Hiroki à son aîné d'un air poli. - Ouais, répondit l'intéressé soupçonneux. - Est-ce que... je peux te parler ? Takeo observa le jeune homme, curieux. Il connaissait Hiroki, qui ne le connaissait pas d'ailleurs à Neverland ? La pute de Rei. Le jeune homme abandonna quelques instants ses amis et suivit le faux blond jusqu'à une salle de science déserte. - Tu veux quoi ? Finit-il par demander, légèrement agacé. - Lucas, tu le connais ? Takeo garda le silence, les lèvres pincées. Sujet tabou. - Tu le connais pas vrai ! Dis-moi qui c'est ! - Pourquoi il t'intéresse ? Demanda finalement Takeo après quelques secondes supplémentaires de mutisme. - ça te regarde pas ! Takeo haussa les épaules et s'apprêta à partir. Hiroki le retint par le bras. - Attends ! - Quoi ? Fit-il énervé. - Dis-moi qui c'est. - Je peux pas, désolé. - Pourquoi ?! - J'ai... des ordres. - C'est Rei hein ! P'tain tu sais qui j'suis merde ! Le jeune homme observa Hiroki perdre patience. Pourquoi s'intéressait-il tant à Lucas ? - Justement. Un éclair de compréhension passa dans les yeux du faux blond. - Rei t'a demandé de ne rien me dire à son sujet, c'est ça ? - En gros... oui, hésita Takeo. Hiroki resta muet quelques secondes, le temps de digérer l'information. - Dis-moi qui c'est, finit-il par dire dans un murmure. - Je peux pas, désolé. Le faux blond s'avança d'un pas vers Takeo et posa une main douce sur la joue du jeune homme. - S'il te plait, souffla-t-il en regardant son vis-à-vis dans les yeux. Takeo se pétrifia. - Ce sera notre petit secret, murmura Hiroki à son oreille. Le teint du jeune homme devint cireux. Une goutte de sueur perla sur son front et un frisson parcourut son échine jusqu'à la racine de ses cheveux. - Je... - S'il te plait, le coupa Hiroki d'une voix douce et sensuelle avant de poser délicatement une main sur l'entrejambe de Takeo. Celui-ci le repoussa brutalement. - Je suis pas pédé moi, gronda-t-il. Merde, avec lui ce ne serait pas aussi facile qu'avec l'autre. Hiroki le regarda d'un air mauvais. - Ah ouais ? Dommage... murmura-t-il ensuite. Le faux blond fit mine de partir puis, d'un mouvement souple, attrapa le portable jaune vif caché dans la poche arrière de Takeo. - Rends-moi ça ! Hiroki secoua le petit appareil avec un air malicieux. - À qui t'écrivais tout-à-l'heure ? Demanda-t-il moqueur. - Je vois pas en quoi ça te regarde ! Rends-le moi ! - Ta copine ? Poursuivit Hiroki en affichant un sourire narquois. - Donne !! - T'avais pas l'air très ravi de lui écrire... ça marche pas bien entre vous ? - Putain Hiroki, fais pas chier ! DONNE !! cria Takeo en se jetant sur le faux blond. Hiroki n'eut aucun mal à le repousser et poursuivit sur sa lancée. - Aurais-je abordé un sujet sensible ? - HIROKI ! - Bon si tu veux pas me le dire... et si je lui téléphonais pour savoir ? Takeo se calma soudain. Son teint devint livide, sa respiration hachée... - S'il te plait, non. - Ooh dans ce cas dit-moi ce qui ne va pas. - Je... - Attends ! Laisse-moi deviner ! Hum... Un problème de sexe ? Tu voudrais mais elle ne veux pas, c'est ça ? Demanda Hiroki en plaisantant. Takeo, lui, n'avait pas envie de rire. Il devint subitement encore plus pâle et parut mal à l'aise. - Naaan ! rigola le faux blond, me dis pas que j'ai visé juste ! Il fut pris d'un fou rire incontrôlé et reçut soudain un coup de poing rageur de la part de Takeo devenu rouge pivoine. - C'est bon tu sais, maintenant rends-moi mon portable. Hiroki lui tendit l'appareil en retenant un second fou rire. - Désolé, je pensais vraiment pas que ça allait être ça... - Si t'en parles je te tue. - Oh mon Dieu, j'ai peur ! Répondit Hiroki d'une voix aigüe - Connard, fit son interlocuteur en s'en allant. - Takeo. C'est qui Lucas ? Demanda le faux blond une dernière fois. Le jeune homme s'arrêta dans l'encadrement de la porte et se retourna. Alors c'était ça, un donné pour un rendu. Hiroki ne dirait rien au sujet de sa copine s'il lâchait l'information... Il soupira. Et merde. - Lucas Chevalier, français, 17 ans, dans la même classe que moi. C'est le fils du beau-père de Rei et inutile de le chercher aujourd'hui, il est absent. Takeo disparut laissant Hiroki seul dans cette salle de sciences puant le souffre et le chloroforme. Lucas Chevalier... Rei Rei rentra chez lui vers 16h pour éviter que sa mère apprenne qu'il ait séché les cours. Non pas qu'il craignait sa mère - elle savait très bien que son fils faisait l'école buissonnière de temps en temps - mais plutôt pour ne pas lui causer de soucis supplémentaires. Même s'il était un voyou de première, il tenait tout de même à sa mère. - Okaeri Rei. - Tadaima. Lucas est rentré ? - Non pas encore. Tu t'inquiètes vraiment pour lui ma parole. Il te manque ? Demanda-t-elle avec un sourire coquin. Rei grommela quelques mots inintelligibles et monta dans sa chambre. Il déposa son sac et s'allongea sur le lit. Si Lucas l'évitait, ça allait être difficile de l'avoir... et il en avait marre de jouer au jeu du chat et de la souris. La sonnerie de son portable stoppa ses pensées stériles. - Mochi moooch', dit-il d'une voix trainante en décrochant. - Rei. Le ténébreux sursauta. Hiroki était au bout du fil. Une première. - Hiroki. Je t'ai déjà dit de pas m'appeler. - Je sais, répondit le blond avec une note agacée dans la voix, et je comprends d'ailleurs pas pourquoi. - Pour que tu m'déranges pas. - Parce que, là, je te dérange ? - Ouais. - Quoi t'es avec ton Lu-cas ? Demanda-t-il d'une voix moqueuse en insistant sur le prénom du Français. Rei se tut quelques secondes puis reprit d'une voix grave : - Tu me fais quoi là, une crise de jalousie ? Si c'est pour ça que tu m'appelles je raccroche ! - Pourquoi tu m'as pas dit que tu vivais avec le fils de ton beau-père ? Il est canon au moins ? Parce que... Rei raccrocha et éteignit son téléphone. Il ne savait pas comment Hiroki avait appris pour Lucas mais il ne tarderait pas à le savoir... il avait même sa petite idée. Celui qui avait craché l'info ne s'en sortirait pas indemne. Rei arriva au Blood Drop vers 17h15. Le vieux bar qui servait de QG à sa bande était calme, du moins en apparence. Il fit un rapide signe de tête au propriétaire puis se dirigea dans une salle en annexe où l'ambiance était beaucoup plus agitée. - Rei ! S'exclama Shinji, surpris de le voir. - Yô ! - ça va pas ? S'enquit le bras droit de Neverland en voyant l'air sombre de son leader. - ça pourrait aller mieux... - Je vois. Tiens, j'ai un truc qui va te remonter le moral ! Il tendit une grande enveloppe brune à Rei en lui faisant un petit sourire gêné. - Je comptais te sonner, mais vu que t'es là... Désolé que ça ait pris autant de temps. Intrigué, Rei prit l'enveloppe et l'ouvrit. Dedans, de la paperasse et la photo d'un jeune homme visiblement prise sans qu'il le sache. Cheveux mi-longs noir ébène, teint clair, il était vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon noir tandis qu'une curieuse croix argentée pendait à son oreille. Son look était classique, presque BCBG avec la cravate noire qui pendait à son cou mais l'aura qu'il émettait n'avait rien à voir avec un jeune homme de bonne famille. Il était dangereux. - Kyoichi Sôma, 17 ans, il vient bien du Kansai et est arrivé il y a quelques mois. D'après ce que j'ai appris, il a massacré l'ancien leader du groupe Hakumei qui n'était d'ailleurs qu'une brute épaisse doublé d'un crétin fini. M'enfin soit. Malgré le fait que ce pauvre type se soit retrouvé à l'hôpital en moins de deux accompagnés par une dizaine de camarades, l'ascension de Sôma a été plutôt bien acceptée. Le nouveau nom du clan, Mikazuki, aussi. Son second, Jin Kawamura est un féru d'informatique. Il est super intelligent ce mec, il a effacé toutes les traces qui pourraient faire le lien entre le leader de Mikazuki et Sôma. J'en ai trop bavé ! - « Super intelligent », tu veux dire... plus que toi ? - Peut-être, répondit le second d'un air sombre. Mais j'ai quand même réussi à trouver les infos que tu voulais ! - Même si ça t'a pris des semaines... - Eh ! C'est le résultat qui compte ! - Ouais je sais, je te charrie mec, fit Rei en adressant un clin d'oeil. Merci ! - De rien, bougonna Shinji en s'asseyant sur un sofa pour s'occuper de sa petite amie. - Au fait, Hiroki est là ? - Non, pas vu de la journée. - Tant mieux. |