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au 31 Mai 21 :
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Pain melon
Par Ein
Originales  -  Romance  -  fr
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    Chapitre 8     Les chapitres     9 Reviews    
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Rêve et retour à la réalité
 

Kyo

- Grouille-toi ! Cria Lucas depuis l'entrée de la maison.

Décidément, pour quelqu'un qui hésitait à sortir la veille, le blond avait bien changé.

- J'arrive ! Grommela Kyo en enfilant une chemise propre.

Quelques secondes plus tard, le bel apollon apparut en haut des escaliers.

- Quelle idée de vouloir prendre une douche juste avant notre départ ! Rouspéta le Français.

Kyo lui tira la langue, sauta les quatre dernières marches de l'escalier et atterrit souplement devant son récent locataire. Le Nippon jaugea Lucas de haut en bas d'un oeil appréciateur. Le blond lui avait emprunté des fringues et Dieu que ça lui allait bien ! Le jean qu'il lui avait prêté épousait la rondeur de ses fesses et le t-shirt à manches longues sculptait sa fine silhouette, le rendant gracile, tentant et terriblement bandant.

- T'es sexy comme ça, murmura Kyo à l'oreille du blond en attrapant les hanches du jeune homme.

Lucas se mit à rougir furieusement, gêné de la remarque déplacée de son hôte. Ce n'était pas le genre de compliments qu'il aimait recevoir de la bouche d'un homme, le Japonais s'en aperçut et lui sourit malicieusement.

- T'es... commença timidement Lucas, hésitant. T'es gay ?

Trop mignon ! Kyo avait envie de lui sauter dessus, là, maintenant. Son sourire s'élargit.

- Je dirais plutôt bi, même si là, tout d'suite, j'ai une nette préférence pour les hommes... un homme pour être précis, répondit-il en plongeant son regard d'encre dans les yeux océan de Lucas. Ça te dérange ?

Le blond ne se dégagea pas de l'emprise du Nippon même si cette promiscuité ne lui était pas familière et le troublait un peu visiblement. Il fit une petite moue de la bouche et se mit à réfléchir sérieusement sur la question puis, après un bref haussement d'épaules, il lâcha :

- Pas vraiment. Je t'aime bien comme tu es, que tu sois gay ou hétéro, ça ne change pas grand-chose... Tu es toi, conclut le jeune homme.

- Merci, murmura-t-il sincèrement touché par ces paroles.

Kyo se rapprocha de Lucas, se pencha vers lui sans doute pour lui faire un câlin... c'est du moins ce que croyait le blond... mais au lieu de ça, des lèvres douces vinrent doucement se poser sur les siennes. Totalement surpris, le Français resta quelques dixièmes de secondes pétrifié. Ce ne fut que lorsqu'il sentit la langue de Kyo tenter de s'immiscer au-delà de la barrière de ses lèvres qu'il réagit brusquement en le repoussant fermement.

- Tu es peut-être gay, mais moi je suis hétéro, dit-il sur un ton de réprimande sans pour autant pouvoir s'empêcher de sourire, amusée par la mine boudeuse que lui offrait Kyo en retour.

- On y va maintenant ?

Kyo soupira malgré son sourire aux lèvres.

- On y va.

 

Lucas

La journée a été g-é-n-i-a-l ! ça faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé. Le parc d'attraction était immense et, même si la plupart des gens nous regardaient d'une drôle de tête (notre âge peut-être ou parce que nous étions deux hommes...), je remettrais ça volontiers ! Grand huit, montagnes russes, maison de l'horreur... j'avais l'impression de retourner en enfance et d'oublier tous mes soucis. Nous avons aussi fait un saut dans l'un de ces fameux photomatons japonais appelé « purikura ». Ces machines sont incroyables ! Non seulement ça nous prend en photo (évidemment sinon ce ne serait pas un photomaton) mais on peut choisir le décors, rajouter des couleurs et des accessoires mais aussi écrire dessus ! Au bout d'une demie heure pendant laquelle je m'étais extasié devant cette cabine de technologie, j'ai senti que Kyo en avait marre alors j'ai abandonné cette merveille à contrecoeur. Kyo a été adorable lui aussi : il ne s'est jamais plaint et faisait tous mes caprices. J'en étais presque gêné mais sur le moment, je m'amusais trop pour me préoccuper de ce genre de détails.

Nous sommes rentrés de notre petite escapade vers 20h30, lorsque Kyo remarqua que mon ventre criait famine et encore une fois, je m'étonnai de la prévenance de mon ami. Faisait-il toujours attention aux autres de la sorte ? Je l'ignorais. Cela faisait à peine quelques semaines que j'avais rencontré Kyo pour la première fois et, mis à part quelques rendez-vous programmés souvent en dernière minute, je ne le voyais que rarement. C'était dommage mais d'après ce que j'avais compris, Kyo était fort occupé en dehors du lycée... Il ne me parlait jamais de ses activités et prenait toujours soin d'éviter le sujet ou de dévier la conversation quand je l'interrogeais. Qu'avait-il à cacher ? Je n'en avais aucune idée, j'étais curieux... mais je préférais ne pas insister. Le sujet dérangeait visiblement le Nippon et je ne voulais pas m'engueuler avec lui, déjà qu'on ne se voyait pas beaucoup... Cependant, à cause de cela, je ne connaissais pas grand chose de Kyo. Je ne savais pas qui étaient ses amis – ce qui, je dois dire, ne me dérangeait pas trop vu l'accueil qu'ils m'avaient réservé lors de ma venue à l'entrepôt –, j'ignorais ses petites habitudes, son comportement avec d'autres que moi, ses hobbys mis à part écouter des cds du groupe Devil... Parfois, quand je regardais cette silhouette de mannequin si bien sculptée, je me demandais vraiment s'il était mon ami. J'avais l'impression qu'il mettait une certaine distance volontaire entre nous, comme s'il voulait me tenir à l'écart de quelque chose sans pour autant vouloir se passer de ma compagnie.

- Y a quoi au menu ce soir ?

- Mmh laiss'moi r'fléchir, fit Kyo en ouvrant la porte du frigo. J'aurais dû faire les courses... J'pensais pas qu'une p'tite tête blonde viendrait squatter aussi longtemps chez moi.

Il me fit un clin d'oeil malicieux et je rougis furieusement et baissai les yeux. J'abusais vraiment, il avait raison, mais comment désirer volontairement fausser la compagnie d'un top modèle si agréable à vivre ? Je tentai de me rattraper :

- Tu veux que j'aille faire les courses ? Y a un combini tout près de chez toi à ce que j'ai vu...

Kyo se mit à rire et s'approcha de moi pour m'ébouriffer les cheveux d'un geste affectueux.

- Hors d'question, t'es mon invité, installe-toi et laiss'faire l'maître de maison !

 

Pour finir, il commanda deux plateaux de sushis qu'un jeune homme vint nous apporter même pas vingt minutes plus tard. Le repas était divin mais la cuisine de Kyo n'en prenait pas ombrage pour autant. Mon esprit divagua soudain sur l'image d'un Kyo en tenue d'Adam simplement vêtu d'un tablier rose, affairé à la cuisine d'où sortait une odeur aussi alléchante que la vision que le jeune homme offrait. Le rouge me monta soudain aux joues et je plongeai mon regard sur mon plateau de sushis déjà bien entamé.

- Qu'est-ce qu'y a ? demanda Kyo en remarquant mon comportement étrange.

Je secouai hâtivement la tête et bégayai :

- Rien, une subite bouffée de chaleur, ça va passer...

Heureusement que l'on n'était pas dans un manga sinon une gerbe de sang aurait déjà coulé de mon nez trahissant mes pensées...

Je me remis doucement de mes émotions et, une fois calmé, je m'inquiétai soudain de ce délire fantasmatique qui ne me ressemblait absolument pas. La compagnie de Kyo m'avait-elle perverti ? Sur cette réflexion inquiétante, je quittai Kyo pour la salle de bain et me rafraichis les idées sous un jet d'eau froide.

 

Kyo avait décidé de me prêter sa chambre durant mon séjour chez lui malgré mon insistance à lui laisser cette dernière. Non seulement je squattais sa maison, mais j'occupais aussi son lit... si ce dernier n'avait pas été si confortable, j'aurais eu des remords. Le Nippon ne voulait pas me dire où il dormait. Je le soupçonnai de coucher sur le canapé du salon mais je ne l'avais jamais surpris. Il se couchait plus tard que moi et s'arrangeait toujours pour être le premier debout. À croire qu'il ne dormait jamais !

Au chaud sous la couette, j'observai une fois de plus les photos accrochées au mur éclairées par la seule lumière de la lune. Je n'arrivais pas à trouver le sommeil... J'avais peur qu'une fois les yeux fermés, les images cauchemardesques de mon professeur de math ou de Rei en compagnie de Keiko hanteraient mes rêves. La veille, j'étais tellement crevé que j'avais dormi comme une masse, mais aujourd'hui, mon cerveau refusait de céder sa place au sommeil.

Des bruits de voix en provenance du rez-de-chaussée me tirèrent du lit. Je descendis à pas de loup l'escalier et remarquai de la lumière au salon. Tel un papillon attiré par une flamme, je me dirigeai vers la pièce pour découvrir Kyo au téléphone. Il se tenait dos à moi, en face d'une immense fenêtre, le regard perdu dans la nuit. La voix du Nippon était plus grave qu'à l'ordinaire, il parlait plus vite sans prendre la peine d'articuler si bien que je ne parvins pas à comprendre la moindre de ses phrases. Poussé par la curiosité, je m'approchai, trop près sans doute, car Kyo se retourna brusquement puis, après quelques mots précipités, il raccrocha avant de me sourire.

- T'dors pas ?

La voix du Nippon avait repris son ton habituel... ou était-ce au contraire une intonation qu'il n'utilisait que devant moi ?

- Et toi ?

Il haussa les épaules mais ne répondit pas.

- C'était qui au téléphone ?

- Curieux ?

- Assez oui...

- Je te le dis si tu m'embrasses, fit Kyo en dardant sur moi un regard plein de malice.

Je virai au rouge pour la seconde fois de la journée.

- Alors ? Poursuivit-il avec un sourire espiègle.

- Non... non merci, répondis-je en tournant la tête pour cacher le feu de mes joues.

Kyo se mit à rire devant mon embarra soudain mais n'insista pas.

- T'veux du thé ? J'en ai un contre les insomnies.

J'acceptai volontiers et pris place dans un des canapés du salon. Je laissai mes yeux errer çà et là dans la pièce tandis que Kyo s'affairait en cuisine. Je finis par rompre le silence qui s'était installé entre nous.

- Tu m'aurais vraiment dit qui c'était au téléphone si je t'avais embrassé ?

Le Nippon revint avec deux tasses brûlantes et m'en tendit une que j'acceptai sans un mot. J'attendis ma réponse.

Qui ne vint pas.

Quelque part, je l'avais toujours su. Derrière le Kyo toujours de bonne humeur et serviable à souhait que je connaissais, se cachait une autre personnalité que le jeune homme refusait de me montrer. Je soupirai puis soudain, une idée lumineuse me parvint à l'esprit. Certes cette idée ne me plaisait pas trop, mais c'était donnant-donnant.

- Ça te dit de faire un... « échange équivalent » ?

Kyo me regarda sans trop comprendre. J'éclairai sa lanterne :

- Tu sais, dans le manga Fullmetal Alchemist – il est connu même en France – si tu veux quelque chose, il faut donner une autre chose de la même valeur...

- J'connais. Et ?

- Et puisque je te demande un renseignement, je veux bien te renseigner à mon tour, sur ce que tu veux...

Les yeux du Nippon s'agrandirent quand il comprit où je voulais en venir.

- Ta journée de jeudi dernier, souffla-t-il.

Je hochai la tête.

- Mais comme c'est une grosse info, je veux de ta part plus que le simple nom de la personne que tu avais au téléphone.

Le visage de Kyo se ferma soudain.

- Qu'est-ce que tu veux savoir ? Demanda-il d'une voix plus dure.

- Tout. Tout ce que tu me caches.

Kyo ne dit rien et pinça ses lèvres. Je savais que j'en demandais beaucoup, trop peut-être, mais si le jeune homme voulait vraiment savoir ce qui s'était passé ce fameux jour, il accepterait le marché.

 

Kyo

La proposition, bien qu'elle lui coûtât beaucoup, restait alléchante. Comment se priver lorsque l'on tend devant vos yeux une délicieuse pâtisserie... même si la pâtisserie en question devait avoir un goût amer pour Lucas. En tout gourmand qui se respecte, Kyo accepta donc le marché proposé par le Français. Il devrait en payer le prix, certes, mais la marchandise offerte en retour valait bien ce petit sacrifice.

- Ok, tu commences, fit Kyo d'un air décidé.

Lucas secoua la tête négativement, ce qui énerva passablement le Nippon, mais il n'en fit rien paraître.

- Toi d'abord.

- Hors de question, répliqua le Japonais, bien décidé à ne pas lâcher l'affaire. Qu'est-ce qui m'dit qu'tu vas t'nir parole une fois que j't'aurai dévoilé tous mes secrets ?

- Tu as ma parole, tu ne me crois pas ? Répondit Lucas en plantant son regard azuré dans les yeux sombres de Kyo.

Le Nippon rompit rapidement le contact visuel. Si le Français le prenait par les sentiments, Kyo allait craquer... hors de question.

- Qu'est-ce que ça te change de commencer ?

- Qu'est-ce que ça t'change à toi d'commencer ? Répondit Kyo au tac-au-tac.

Lucas parut embarrassé.

- On dirait que t'as même pas envie d'me raconter ce qui t'es arrivé.

- J'en ai pas envie.

- Alors pourquoi ce marché ?

- Curiosité. Je veux savoir ce que tu me caches.

- Pourquoi ? Qu'est-ce que ça peut t'faire que j'aie des secrets ?

Lucas se tut et but une gorgée de son thé. Kyo l'observa en silence en attendant qu'il réponde, mais le silence s'épaissit.

- Bon, on n'a qu'à l'faire au Janken (pierre-papier-ciseau) : celui qui gagne choisit qui commence.

Lucas acquiesça en silence.

 

- Yatta (youpi) ! J'ai gagné !

Le cri triomphal de Kyo résonna dans la pièce tandis qu'il éclatait d'un rire enfantin.

- À toi l'honneur, Lucas, poursuivit-il avec un large sourire.

Seul le silence lui répondit. Le Nippon détailla le Français. Il semblait mal à l'aise. Ses doigts serrés autour de sa tasse de thé tremblaient d'émotion, ses lèvres étaient pincées tandis que son regard fixait aveuglément le liquide mordoré. Kyo sentit son coeur flancher. Voir Lucas aussi fragile entachait sa récente victoire et effritait toutes ses résolutions. Il soupira.

- Donne-moi une bonne raison, une seule et j'commencerai à ta place.

Lucas leva les yeux de sa tasse, le regard soudain pétillant d'espoir. Kyo voulut fuir ce regard, trop tard, il était déjà conquis. Comment résister face à de tels yeux ?

- Je... J'ai peur de craquer et de ne pas tenir toute la soirée si je commence par te raconter... murmura-t-il faiblement.

Kyo se sentit fondre.

- Ok c'est bon, je commence... fit-il avec une mine boudeuse.

Il devra patienter un peu avant d'avoir son gâteau... tant pis. Plus l'attente était longue, plus le plaisir était grand, non ?

Il soupira.

- Alors, qu'est-ce tu veux savoir ?

 

Lucas

- Alors, qu'est-ce que tu veux savoir ?

Je soupirai. Merci mon Dieu, même si je ne crois plus en toi ! Si j'avais dû commencer par raconter ma journée de jeudi, je me serais certainement mis à pleurer avant d'avoir pu écouter le récit de Kyo.

- C'était qui au téléphone ?

- Jin Kawamura. T'l'as déjà vu, j'crois, à l'entrepôt... Pas très gros, plutôt svelte, il porte des lunettes...

L'image fugace de ce jeune homme s'empara de mon esprit. Le « gentleman », comme je l'avais appelé lorsque je l'avais vu pour la première fois... Le dompteur du fauve Aoki.

- Je vois qui c'est... Un ami ?

Kyo hocha la tête.

- Tout ceux... tout ceux de l'entrepôt son tes « amis » ?

- Moui, on peut dire ça comme ça.

Je lui jetai un regard interrogateur, il s'expliqua :

- Disons qu'on fait partie d'la même bande.

- Une bande ?

- Ouais, tu sais, une bande d'amis...

Je l'observai, sceptique.

- Bon d'accord, on est un peu plus qu'une bande d'amis...

Il se tut, je patientai. Je n'aimais pas le terme « bande » qui me rappelait amèrement Rei. D'après Keiko, il était le leader d'un groupe appelé Neverland... Kyo en faisait-il partie ?

- Quel genre de bande alors ?

Kyo parut embêté. De quoi avait-il peur ? Que je le juge ? Que je prenne peur ? Je bus une gorgée de mon thé. Il avait refroidi...

- Ce serait un peu gros d'dire qu'on ressemble davantage à une sorte d'organisation, mais c'est presque ça... à une échelle réduite du moins. Ma bande a choisi un territoire, à savoir notre école et ses alentours principalement, et on... « s'arrange » pour qu'il n'y ait pas de désordre.

- Vous faites la loi, quoi, pareil que dans les mangas ! C'est dingue ! Ça existe vraiment ?

Kyo hocha la tête, un peu hésitant. Il semblait être sur ses gardes, on aurait dit qu'il s'attendait à ce que je me sauve en courant d'un moment à l'autre. Je lui souris pour l'apaiser.

- Donc Jin, Aoki, Dai et tous ceux qui étaient à l'entrepôt jeudi font partie de ta bande ?

- Oui, répondit-il, un peu surpris sans doute que je connaisse ces noms.

- Vous êtes combien au juste ?

- J'dirais une bonne vingtaine de membres actifs, puis quelques euh... « sous-fifres » qui nous aident d'temps à autre quand on a b'soin d'mains.

- Et toi, tu fais partie des membres actifs ?

Nouvelle hésitation puis il hocha la tête.

- Comment s'appelle ta bande ? Demandai-je soudain le coeur battant.

- Mikazuki.

Je poussai un soupir de soulagement. Pas de Neverland, pas de Rei.

- Tu connais une bande qui s'appelle Neverland ?

Le regard de Kyo se fit plus dur.

- Ouais... On est en quelque sorte « rivaux ». Neverland est l'autre « grosse » bande avec laquelle on s'partage la ville.

J'éclatai de rire. Génial, d'un côté Rei, de l'autre Kyo... Le choix n'était pas difficile à faire. Si je n'étais pas enchanté de savoir que Kyo faisait partie d'un « gang de rue », savoir qu'il n'était pas dans le camp de Rei me faisait vraiment du bien. Avec un peu de chance, Mikazuki écraserai Neverland et Rei finirait hors jeu. Ce scénario me plaisait bien.

- Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?

Je secouai la tête négativement en tentant de reprendre mon sérieux. J'étais vraiment bien tombé, moi.

- C'est quoi ton rôle dans la bande ? demandai-je en ignorant la question de Kyo.

Je ne comptais pas lui dire tout de suite que je vivais sans le vouloir avec le chef de la bande adverse.

Le Nippon parut une nouvelle fois hésiter. Avait-il honte de ce qu'il était ? Il avait affirmé plus tôt qu'il était un membre actif et non pas un sous-fifre, je n'aurai donc pas l'occasion de me moquer de lui... Alors que craignait-il ?

- Je... en fait...

Je patientai tant bien que mal. Qu'allait-il me sortir ? « Secrétaire » ? « Stagiaire » ? J'essayai de trouver tous les postes qui pourraient me faire éclater de rire et ainsi expliquer la soudaine gêne de Kyo mais aucun d'eux ne me satisfaisait.

- en fait ? Insistai-je en voyant que Kyo ne se décidait à poursuivre.

- Je suis... enfin tu vois, le...

- Le ?

- Leader.

Un ange passa. Il était sérieux ? Je l'observai quelques secondes. Il avait l'air on ne peut plus sérieux... Mon hilarité reprit de plus belle, nerveusement, cette fois. La vache ! J'étais vraiment bien tombé, moi ! Rei et Kyo, deux leaders de gangs qui se disputent un même territoire... et moi au centre. Ça ressemblait vraiment à un scénario de manga, là.

- Lucas ! S'énerva Kyo en me voyant plié en deux.

Je gloussai de plus belle. Mes abdominaux me faisaient mal.

- Je suis sérieux !

Je tentai de me ressaisir.

- Je sais.

- Pourquoi tu ris alors ?

On inspire, on expire... ouf, ma crise de fou rire était passée.

- Tu m'expliques ?

Je secouai la tête.

- C'est moi qui pose les questions pour le moment. Je te dirai plus tard.

Kyo soupira, un peu exaspéré sans doute, mais je n'avais pas l'intention de le lâcher de si tôt. J'avais encore des questions à lui poser.

- Comment tu peux être le chef d'une bande alors que t'es arrivé ici il y a seulement quelques mois ?

- En fait, Mikazuki existait avant sous l'nom de Hakumei. Y avait un autre leader, mais pour le reste, les membres sont presque les mêmes. L'ancien leader s'appelait Masao Sawanobori, c'était une brute épaisse sans cervelle qui menait sa bande par la force et écrasait tous ceux qui s'trouvaient sur son chemin. Peu après mon arrivée dans cette ville, j'ai fait la connaissance de Jin. À l'époque, il faisait déjà partie de Hakumei mais il n'aimait pas son leader, ni la façon qu'il avait de diriger la bande. On s'est rencontrés dans un bar en centre-ville. J'étais un peu bourré et je me suis frotté sans le vouloir à quelques gars de Neverland. J'étais nouveau ici, j'connaissais pas encore les bandes mais j'ai pour principe de me défendre quand on m'attaque. Quand les trois gars de Neverland que j'avais « bousculés » se sont jetés sur moi, je leur ai répondu par mes poings. Sans me vanter, je me débrouille pas mal d'ce côté-là... Jin a assisté à la scène et il est venu me voir après. J'étais tellement bourré que je ne me souviens plus ce qu'il m'a dit, mais il a pris mon numéro d'portable et m'a rappelé le lendemain. On a fait connaissance... C'est lui qui a eu l'idée d'la « mutinerie » au sein de Hakumei. Faut dire que ça n'a pas été très compliqué de renverser le pouvoir, la plupart des membres en avait marre de leur leader... les autres se sont fait écraser. La seule difficulté c'était qu'ils m'acceptent comme nouveau leader... ça a été dur, surtout que je ne faisais pas partie de la bande et que je venais à peine d'arriver en ville. Mais Jin les a convaincu. Ce mec sait vachement bien argumenter quand il faut. Puis pour ceux qui ne voulaient pas écouter ses arguments, avec quelques coups bien placés, on en parlait plus...

Kyo se tut après sa longue tirade et me laissa le temps de digérer tout ça. J'imaginais mal Kyo en leader violent, moi qui l'avais toujours connu souriant et doux comme un agneau ! Il cachait bien son jeu.

Je l'observai en silence, mes yeux fixés sur ce jeune homme qui m'apparaissait soudain comme un parfait inconnu. Ses mains longues et fines avaient déjà frappé plus d'une personne, son visage avait déjà exprimé de la colère et ses traits s'étaient déjà durcis... Il y avait toute une partie de ce jeune Nippon que je ne connaissais pas et pourtant, lorsque j'observais cette attitude si tendre et parfois si espiègle qu'il m'affichait sans arrêt, je refusais de croire que tout ce qu'il m'avait montré n'étaient que mensonges...

- Qu'est-ce qu'il y a ? fit Kyo nerveusement.

- Rien, je me demandais juste quel était le vrai toi... Le leader qui n'hésite pas à utiliser ses poings ou l'ami attentionné que j'ai toujours connu.

Le visage du Nippon se ferma brusquement.

- Je suis moi, je ne t'ai jamais menti, j'ai toujours été sincère lorsqu'on était ensemble... Je t'ai peut-être caché que j'étais le leader d'une bande mais ça ne change rien, je suis toujours le même...

- ça ne change rien, vraiment ? Si mon père m'avouait qu'il était en fait un évadé de prison et qu'il était en cavale, ça ne changerait rien non plus ? Si ma belle-mère m'avouait avoir tué quelqu'un, je la regarderais toujours de la même manière ?

- Je ne suis pas un criminel ! S'écria Kyo avec un air de chien battu.

Un sourire attendri se dessina sur mes lèvres.

- Je sais, je te charrie... Désolé.

Kyo tourna la tête. Je m'approchai de lui et le pris dans mes bras.

- Pardon...

Il y eut un silence puis...

- Si tu restes comme ça, je vais me faire des idées...

Je rougis brusquement en comprenant que mon geste pouvait être ambigu et m'écartai rapidement.

- Je... désolé.

Kyo se mit à rire de mon embarras soudain et m'ébouriffa les cheveux.

- D'autres questions à poser ?

Je réfléchis quelques instants puis demandai :

- Vous êtes tous bi dans ta bande ?

À la référence indirecte à l'agression dont j'avais été victime jeudi dernier, Kyo éclata de rire.

- Non non, t'inquiète ! Jin est totalement hétéro, Dai est gay et Aoki... bah, il saute sur tout ce qui bouge... Mais t'inquiète pas, si jamais tu as envie de revenir à l'entrepôt – et sache que tu seras toujours le bienvenu – Je leur ai bien fait comprendre qu'ils n'avaient plus intérêt à toucher le moindre de tes cheveux.

- Tu m'en vois rassuré ! Je ne l'oublierai pas, si jamais l'envie me reprend... Au fait, cet entrepôt c'est en quelque sorte votre QG ? Comme une base militaire ?

Kyo pouffa de rire et acquiesça.

- En quelque sorte oui... On traine là-bas la plupart du temps. Autre chose ?

- Le coup de téléphone, c'était pour quoi ?

- Quelques soucis relatifs à la bande, rien d'grave...

- Bien sûr, c'est pour ça que Jin t'appelle en plein milieu de la nuit, rétorquai-je pas le moins convaincu.

Un sourire se profila sur les lèvres de Kyo.

- Pour Jin, peu importe l'heure, le jour comme la nuit, quand il a un truc à te dire, il n'hésite pas à te réveiller ou à te déranger. Parfois j'ai l'impression que ce type ne dort jamais, je te jure ! Je l'ai jamais vu pioncer !

- C'est quoi son rôle dans ta bande ?

- En gros ? J'dirais que c'est mon second. Il s'débrouille pas mal en bagarre, plutôt l'genre tout en finesse, rapide et efficace, mais c'est surtout un pro d'l'informatique, il est super intelligent et il te trouve en moins de deux tout ce que tu lui demandes.

- Un super larbin quoi.

Kyo éclata de rire.

- Un conseil : répète jamais ça devant lui ! Sauf si tu veux t'retrouver avec la langue arrachée et les yeux hors de leurs orbites... On dirait pas comme ça mais c'est un super sadique quand il veut !

Je déglutis péniblement. Les apparences étaient vraiment trompeuses...

- L'interrogatoire est terminé ?

Je me triturai les méninges à la recherche d'une autre question. Vite, il fallait que je trouve, que je fasse trainer les choses... mais ça ne servait pas à grand-chose de retarder le moment fatidique, je devrai tôt ou tard dévoiler à mon tour mon secret.

Je soupirai et secouai négativement.

- Plus de questions, tu peux souffler.

- Ouf ! Votre sentence, monsieur le juge ?

- Une peine de travaux forcés pour le restant de ta vie et ça commence tout de suite : va me refaire du thé, fis-je d'un ton exigeant en secouant ma tasse vide.

Kyo s'en alla dans la cuisine en éclatant de rire.

 

oOo

 

- À ton tour maintenant !

Je frissonnai. Je ne pouvais plus faire marche arrière maintenant. Il fallait que je lui dise, que je revive la scène mentalement... Cette maudite journée me donnait envie de vomir.

Le silence s'installa tandis que Kyo s'asseyait confortablement pour écouter tranquillement mon récit. Je pris une longue inspiration puis commençai mon récit...

 

Au lieu de commencer par ma journée du jeudi, je débutai avec mon arrivée au Japon sans omettre cette fois les agissements pervers de Rei. Je poursuivis avec la soirée au parc où j'échappai pour la première fois à Aoki et Dai, puis je relatai brièvement mon quotidien au lycée... Je lui racontai Keiko, l'impertinence incessante de Rei, puis j'arrivai à la journée fatidique...

Je me tus quelques secondes, le temps d'avaler une gorgée de mon thé. Compréhensif, Kyo patienta sagement jusqu'à ce que je reprenne.

Je recommençai par Nanahara-sensei, puis Keiko et Rei sur mon lit et enfin l'entrepôt. Vers la fin de mon récit, ma voix était devenue basse, rauque et tremblante, de violents frissons me parcouraient de temps à autre et je m'arrêtais souvent mais Kyo ne m'interrompit à aucun moment. Je lui en fus reconnaissant. S'il m'avait arrêté, j'aurais fondu en larmes et je n'aurais plus réussi à continuer. Bien que je me forçai à fixer l'intérieur de ma tasse, je sentais Kyo tendu. Quand j'eus enfin fini, je m'autorisai à lui jeter un regard. Sa mâchoire était contractée, ses poings fermés et ses yeux sombres recélaient une lueur meurtrière. Je frissonnai. Même si cette colère ne m'était pas destinée, à ce moment, je reconnus pour la première fois le leader de Mikazuki.

 

Les larmes arrivèrent sans que je ne m'en rende compte, ce fut Kyo qui, m'enlaçant subitement, me tira de mon état léthargique. Je me laissai aller à pleurer dans ses bras chauds et réconfortants. Toute la nervosité que j'avais accumulée, toutes mes tensions, toute ma détresse, je l'évacuai en gouttes humides et salées sur la chemise de Kyo jusqu'à ce que je finisse enfin par m'endormir.

 

Kyo

Kyo souleva tendrement le corps inerte de Lucas et le porta jusqu'à sa chambre. À bout de nerf, le Français s'était réfugié dans profond sommeil. C'était compréhensible, revivre mentalement cette affreuse journée, mais surtout la raconter à voix haute, avait dû être éprouvant pour le jeune homme. Kyo écarta une mèche blonde du front de Lucas tout en observant le bel endormi d'un oeil amoureux. Il avait l'air si pur quand il dormait, si innocent !

Tellement d'ailleurs qu'il attirait toutes sortes de pervers...

Son regard se fit plus dur. Sasagawa Rei, le leader de Neverland, n'était autre qu'un excité en manque de sexe, sadique et cruel... Kyo se chargerait personnellement de son cas mais il y avait plus important...

Après un tendre baiser sur le front de Lucas, Kyo sortit de la chambre sans faire de bruit et redescendit au salon. Il attrapa son portable et composa un numéro.

- Mochi mochi ? (allo)

Il était plus de deux heures du matin mais Jin ne mit que quelques secondes à décrocher.

- J'ai un service à te demander.

- Je t'écoute.

- Je veux tout savoir sur un certain Nanahara, professeur au lycée Numaï.

- Pour quand ?

- Demain.

- Ok, ce sera fait.

- Merci.

Il raccrocha. Ce professeur obscène serait le premier à payer pour son crime.

 

Lucas

Je me réveillai d'un sommeil sans rêve dans le lit de Kyo sans savoir comment j'avais atterri là. C'était sans doute la première fois que je dormais aussi bien depuis mon arrivée au Japon et j'avais l'impression d'avoir abandonné un poids, je me sentais plus léger après m'être confié à Kyo. Il m'avait écouté du début à la fin sans m'interrompre, sans me juger et m'avait même réconforté. Je m'étais sans doute endormi dans ses bras, la honte, un vrai gamin, mais tant pis. Ça m'avait fait du bien, c'était le principal.

Je m'étirai sous la couette moelleuse et baillai à m'en décrocher la mâchoire. Je n'avais plus sommeil mais j'aurais bien passé la journée entière au chaud dans ce lit. Nous étions dimanche, il était 10h23, cela faisait maintenant deux jours et trois nuits que je squattais la maison de Kyo. Il était temps que je rentre chez moi...

Chez Rei...

Mon estomac se noua. Finalement peut-être que j'avais encore un peu sommeil, et si je restais ici encore un peu ? Juste un peu...

- Lucas ! Debout ! Tu comptes passer la journée au lit ? Fit Kyo en ouvrant brusquement la porte de la chambre.

Je jetai la couette sur moi et m'y enfouis profondément. Cette perspective me plaisait bien.

- De-bout ! Répéta le Nippon en tentant de m'arracher ma couette.

- Juste encore un peu, répondis-je en serrant l'édredon contre moi.

- Hors d'question ! Rétorqua-t-il en parvenant enfin à ses fins. Y a un superbe p'tit-déj' qui t'attends à la cuisine alors tu bouges ton charmant p'tit cul ou j'te dévore tout cru.

J'entrouvris un oeil et le fixai quelques secondes. Il était sérieux ?

- J'compte jusqu'à trois : un...

Il devait plaisanter... je refermai les yeux.

- Deux...

Ou peut-être pas. Je me levai d'un bond.

- Ok ok ! Je suis debout !

 

Le petit-déjeuner se passa calmement. Nous ne reparlâmes pas de nos confidences de la veille mais aucun de nous n'avait oublié. En effet, Kyo s'acharnait à me faire rire ou sourire et se répandait en gestes tendres comme pour se faire pardonner de m'avoir demandé de ressasser de mauvais souvenirs ou simplement pour me faire oublier. J'appréciai l'attention mais cela me faisait bizarre qu'il soit autant aux petits soins pour moi. Bizarre, mais pas désagréable.

Je lui informai qu'il valait mieux que je rentre chez moi cet après-midi. Le weekend était déjà presque terminé et j'avais suffisamment profité de l'hospitalité de mon hébergeur provisoire même si ce dernier prétendait le contraire.

- T'peux rester ici pour toujours, s'tu veux, ça m'fera d'la compagnie, avait-il affirmé mi-sérieux.

Je me rappelai soudain que son père ne s'était pas montré de tout le weekend mais je secouai la tête négativement.

- Pas question, je t'ai déjà volé ton lit pendant trois jours, je me sentirai mal si tu attrapes des problèmes de dos à force de dormir sur le canapé de ton salon.

- Y a toujours moyen de s'arranger, répliqua-t-il avec un sourire coquin, mon lit est assez grand pour accueillir deux personnes.

- Merci pour la proposition mais sans façon. Je vais rentrer chez moi.

Kyo finit par abandonner avec un soupir. Je remontai dans la chambre pour me changer et revêtir mon uniforme que Kyo avait lavé au préalable puis redescendit. Je n'avais pas de bagage vu que mon sac était resté dans le bureau de Nanahara-sensei... Je devrais donc le récupérer. Rien que d'y penser me donnait la nausée.

 

Je quittai Kyo après le déjeuner (le dîner pour les Belges ^^) le coeur lourd et les pieds trainants. Bien qu'il le fallait, je n'avais aucune envie de rentrer chez moi pour revoir Rei et aucune envie d'aller en cours le lendemain, je désirais seulement faire marche arrière et retourner dans les bras protecteurs de Kyo, dans son lit douillet, à l'abri de toute agression extérieure. Mais ça m'était impossible. J'avais déjà suffisamment fui. Fermer les yeux et se réfugier dans une bulle ne fait jamais disparaître le dehors, il fallait que j'affronte la réalité.

La gorge serrée, j'ouvris la porte d'entrée.

 

- Lucas ! Cria Shizuka en me voyant.

Elle se précipita vers moi et me prit dans ses bras. J'eus soudain envie de pleurer mais retint mes larmes.

- Tadaima... (je suis rentré)

- Okaeri (bienvenue à la maison) ! J'étais terriblement inquiète ! Ne me refais plus jamais ça !

- Gomen (désolé).

Elle soupira puis s'écarta un peu de moi pour m'examiner.

- Tu n'as pas très bonne mine. Tu vas bien ? Me questionna-t-elle en me touchant le front.

- Je vais mieux, lui répondis-je en écartant doucement sa main.

Je tentai un sourire mais fus soudain dérangé par une ombre qui se profilait derrière Shizuka. Je frissonnai en apercevant Rei dans l'encadrement de la porte du salon. Je n'avais aucune envie de le voir celui-là. Je décidai donc de l'ignorer.

- Je vais monter dans ma chambre, je suis encore un peu fatigué.

- Ok. Dis-moi si tu as besoin de quelque chose.

 

Je montai les escaliers, arrivai dans ma chambre et fermai la porte derrière moi. Il n'était pas encore quatre heures de l'après-midi et j'étais déjà fatigué mais la vue du lit me dégoûta profondément. Je me jetai dessus pour enlever ces draps souillés tandis que l'image de Rei surplombant Keiko, nue, me hantait l'esprit.

Le claquement de la porte de ma chambre me fit sursauter. Je maudis ces gens sans gène qui ne savaient pas frapper avant d'entrer et me retournai brusquement. Rei. Aurais-je dû m'en étonner ?

- Où t'étais ? Demanda-t-il avant que je ne puisse ouvrir la bouche.

- En quoi ça te regarde ? Lui répondis-je sur le même ton.

- Joue pas à ça avec moi.

- Jouer à quoi ? Demandais-je innocemment

- Où est-ce que tu étais ? Insista-t-il en m'attrapant les épaules.

Je soupirai. Aucune chance que je puisse le jeter dehors, si je voulais qu'il disparaisse rapidement de ma vue, il fallait sans doute que je lui réponde.

- Chez un ami.

- « Kyo » ? Pendant trois jours ?

J'acquiesçai.

- Satisfait ? Maintenant sors de ma chambre, fis-je en poussant Rei vers la porte.

- Pourquoi t'es pas rentré plus tôt ?

Je me murai dans le silence. Il attendit en me serrant davantage les bras. J'allais attraper des bleus avec la force de cette brute.

- Il s'est passé pas mal de choses...

- Keiko n'est qu'une sale pute, tu l'as bien vu. Tu vaux mieux qu'elle, fit-il soudain agressif comme s'il voulait expliquer son comportement de jeudi dernier.

- Je ne parle pas que de ça !

- Quoi, il s'est passé autre chose ?

Je me mordis la lèvre intérieure, j'avais été trop loin. Aucune envie de raconter ma vie à ce gorille sans une once de sentiments.

- Lâche-moi, tu me fais mal, dis-je pour éviter le sujet.

Rei desserra sa poigne sans me lâcher pour autant.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Lâche-moi, j'ai pas envie d'en parler.

Le Nippon me secoua soudain comme un prunier.

-Dis moi ce qu'il s'est passé ! Cria-t-il.

- ARRËTE !

Merde, je sentais les larmes me monter aux yeux. J'allais me mettre à pleurer devant lui, comme un con, comme une fille, j'allais me taper la honte, mon montrer faible... et Rei y prendrait sûrement plaisir. Allez-vous-en, traîtresses, disparaissez ! Je ne veux pas vous voir, je ne veux pas vous sentir couler sur mon visage, je ne veux pas voir dans ses yeux, la couleur de la victoire et l'étincelle de sa puissance face à ma propre faiblesse.

- DIS-MOI !

 

La porte de ma chambre s'ouvrit violemment.

- REI ! Qu'est-ce que c'est ces manières ! Lâche Lucas tout de suite !

Shizuka. Une larme perla sur mon visage, elle s'en aperçut rapidement et se dirigea vers moi à grands pas.

- Va dans ta chambre Rei et laisse Lucas tranquille !

- M'man va-t-en, c'est entre lui et moi.

- Certainement pas ! Tu files dans ta chambre et tu laisses Lucas se reposer ! Allez ! Ouste !

J'observai la scène en hésitant entre le rire et mes larmes naissantes. La situation était des plus comiques : Shizuka réprimandait son fils de 17 ans comme s'il n'était qu'un gamin de 8 ans et Rei courbait l'échine, la queue entre les jambes (bande de pervers, n'y voyez pas un double sens !). Le jeune Nippon fut rapidement chassé de ma chambre : victoire de la mère sur le fils délinquant. J'avais presque envie d'applaudir.

- Est-ce que ça va ? Demanda-t-elle en se retournant vers moi.

J'acquiesçai en silence mais mes larmes la convainquirent du contraire. Elle m'enlaça tendrement et attendit que je me calme.

 

Pour la première fois depuis mon séjour au Japon, ma mère me manquait...

 
 
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