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Pain melon
Par Ein
Originales  -  Romance  -  fr
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Rencontre

Edit: Chapitre corrigé par Atsuna ! Merci =3

Chapitre 2 : Rencontre

 

Lucas

La lumière du matin me réveilla plus tôt que je n'en avais l'habitude. J'avais oublié de fermer les rideaux hier soir avant de m'endormir... Je me souvins de cette affreuse soirée et voulus me rendormir aussitôt. Après tout je n'avais pas cours, j'avais donc tous les droits de profiter d'une grasse matinée. Je me rendis soudain compte que j'étais au bout de mon lit et manquai presque de tomber par terre, mais aussi et surtout qu'une masse inconnue me pesait sur le ventre. J'ouvris les yeux subitement et portai mon regard sur l'OPNI : objet pesant non identifié. Je découvris avec horreur un bras hâlé et visiblement musclé qui se rattachait à la dernière personne que j'aurais voulu voir en ce moment précis : Rei était couché à plat ventre sur mon lit et dormait paisiblement à mes côtés. Je manquai de crier mais me retint de justesse. Que faisait ce type dans MON lit ??? Dégoûté, je déplaçai le bras sur le côté et me libérai de cette étreinte non désirée. Une fois libre, je me redressai et sortis du lit...

M'apprêtais à sortir...

L'OPNI maintenant identifié me repoussa violemment sur mon lit tandis que Rei marmonnait un baragouin incompréhensible en se serrant contre moi. J'éclatai :

- KISAMAAAA !!!! (enfoiré)

La seule injure en japonais qui me vint à l'esprit. Je poursuivis en français sans m'arrêter de crier :

- Dégage ! Sors de mon lit !

Rei se réveilla en sursaut non seulement à cause de mes cris, mais aussi parce que j'étais en train de le tabasser à mort. D'un coup de pied brutal, je le projetai hors de mon lit et il tomba à terre avec un bruit mat. J'étais désormais debout sur mon matelas, complètement hors de moi, toisant de toute ma hauteur l'odieux individu qui s'était introduit dans mon lit. Je remarquai soudain sa quasi nudité, cet enfoiré ne portait qu'un simple boxer !!! Tandis que je lui sortais toutes les insultes de mon répertoire japonais, Rei sembla enfin revenir à la réalité et cria à son tour :

- URUSAI ! (l'équivalent de « ta gueule », « la ferme », etc ^^)

Visiblement il n'aimait pas être réveillé de la sorte, bien fait pour lui ! Ça lui apprendrait à dormir dans le lit d'un autre sans sa permission. Je sautai du lit sans pour autant arrêter mes insultes bruyantes tandis que Rei s'asseyait péniblement à même le sol. Je le contournai rapidement pour me diriger vers la salle de bain et m'enfuir au plus vite de cette chambre lorsque soudain, une main m'attrapa la cheville. Pris dans mon élan, je trébuchai et me retrouvai face contre terre.

- Lâche-moi ! Hanasu ! (lâcher)

Je me retournai sur le dos, toujours prisonnier de la poigne de fer du japonais et tentai de lui mettre mon deuxième pied dans la figure. Rei esquiva sans mal mais me lâcha. Parfait, c'est ce que j'espérais ! Je me redressai rapidement, mais visiblement pas assez pour échapper au Japonais qui me repoussa par terre et s'installa sans aucune gêne à califourchon au-dessus de moi. Il me regarda d'un air triomphant et posa ses deux mains à plat contre mon torse m'empêchant ainsi de me redresser. Je lui répétai une nouvelle fois ma liste d'injures japonaises tout en me débattant de mes deux mains libres. Rei eut un soupir exaspéré puis sourit, se pencha vers moi...

et m'embrassa.

Ses lèvres se plaquèrent contre les miennes trop soudainement pour que je puisse réagir et sa langue se glissa entre mes dents que je n'avais pas pris la peine de serrer tellement j'étais abasourdi par ce qui se passait. Sa langue dansa dans ma bouche à la recherche d'une partenaire qu'elle ne trouva pas. Reprenant rapidement mes esprits, je tentai de me dégager en tournant la tête et en le repoussant de mes mains, mais Rei ne me laissa pas faire. Il attrapa mon visage d'une main et mon poignet droit de l'autre pour m'empêcher de trop gesticuler tout en approfondissant son baiser. Sa langue caressait la mienne sans que je le veuille, je n'arrivais pas à le repousser. C'était dégueulasse, je ne voulais même pas y penser, rien que de savoir que je me faisais embrasser par un mec me donnait la nausée. De ma main libre, la gauche, je griffai jusqu'au sang l'avant bras droit qui m'emprisonnait le visage sans résultat. Rei poursuivait sa tâcha avec un plaisir non dissimulé et je sentis avec horreur le sexe du Japonais se durcir contre mon ventre...

La porte s'ouvrit soudain laissant apparaître une Shizuka sans doute affolée par mes cris quelques secondes plus tôt. Rei stoppa son baiser et se redressa avant de sourire à sa mère :

- Ohayô Kâsan. (Salut, M'man)

Elle ouvrit la bouche, la referma visiblement surprise par la scène qu'elle découvrait à l'instant. Puis soupira, le sourire aux lèvres, tout en passant une main gênée dans ses cheveux décoiffés :

- Ah, désolée, je croyais que vous vous disputiez... Pardon de vous avoir interrompus.

Sur ce, elle referma la porte derrière elle, me laissant seul avec ce type, encore trop sonné par ce qui venait de se passer. J'aurais voulu la rappeler, lui crier que Rei était en train de me violer ou presque, mais aucun son ne parvenait à sortir de ma gorge. C'était donc si normal au Japon ce genre de scènes pour que Shizuka ne réagisse pas plus ? Quel pays de tarés ! En voyant mon air totalement abasourdi et dépassé par les événements, Rei éclata de rire et, après un second baiser furtif sur les lèvres, il se releva et sortit de ma chambre sans un mot de plus.

Quant à moi, je restai allongé pendant plusieurs minutes sur le parquet de ma chambre, encore sous le choc. J'étais tombé sur un pays de malades et je voulus soudain retourner en France malgré la promesse que je m'étais faite de ne jamais y remettre les pieds.

 

oOo

 

Je descendis à la cuisine après une douche rapide : le tête-à-tête avec Rei m'avait donné des sueurs froides et j'avais préféré me rafraichir les idées sous un jet d'eau puissant. Shizuka s'affairait derrière ses fourneaux, elle était seule. Ouf. Dès qu'elle m'aperçut, elle m'adressa un sourire resplendissant et me demanda ce que je désirais au petit-déjeuner. Je rougis en me souvenant qu'elle m'avait surpris dans une position peu avantageuse. Elle devait certainement se faire des idées mais je n'avais aucune envie d'aborder le sujet pour m'expliquer. Je l'informai donc seulement que les toast et la confiture déjà installés sur la table me conviendraient parfaitement.

- Je suis ravie que tu t'entendes si bien avec Rei dès ton arrivée.

Je manquai de m'étouffer avec mon toast et toussai violemment. Mourir à cause d'une tartine grillée et d'un peu de confiture à la fraise aurait vraiment été ridicule. Sans faire attention au spectacle peu ragoutant que je lui offrais, elle poursuivit.

- Rei n'est pas facile à vivre tous les jours, il n'en fait qu'à sa tête et je n'aime pas trop ses fréquentations mais j'ai beau me plaindre, il ne m'écoute jamais...

Elle soupira. Je compatis. Vivre au quotidien et élever un môme du genre Rei ne devait pas être de tout repos. Je lui fis un sourire encourageant... qu'elle interpréta tout autrement.

- J'espère que vous resterez bons amis !

Puis elle ajouta avec un sourire malicieux :

- ou plus, si affinité...

Je rougis encore, précipitai un toast en bouche pour éviter de répondre tandis que la calligraphie sur le pot de confiture m'intéressait soudainement. Shizuka rit de mon attitude mais n'ajouta rien. Je lui en fus reconnaissant. Comment lui avouer qu'en réalité son fils n'était qu'un pervers vicieux qui s'était introduit délibérément dans mon lit pendant que je dormais ? Comment lui avouer que ce même pervers m'avait embrassé et m'aurait sans aucun doute violé si elle n'était pas venue l'interrompre ? Comment lui avouer que je détestais cet être répugnant qu'elle avait pour fils et que, rien qu'à l'idée de le revoir, j'en avais la nausée ? Définitivement, je ne pouvais pas. Je préférai donc me taire, lui laissant un espoir factice plutôt que de lui mettre la cruelle vérité sur son fils en face.

 

oOo

 

Shizuka m'avait informé que mon père était déjà parti au travail et que Rei était en cours (les Japonais ont cours le samedi matin uniquement). Elle ne commençait son boulot qu'à 9h30, ce qui lui laissait le temps de ranger un peu la maison avant de s'en aller. Je m'étais étonné qu'elle travaille, elle aussi, étant donnée la situation confortable dans laquelle ils vivaient. Lorsque je lui en avais fait part, elle avait ri et m'avait répondu qu'elle n'avait pas réussi à perdre cette habitude. Avant de se remarier avec mon père, elle devait subvenir à ses besoins et à ceux de son fils, puis, après leur union, elle ne pouvait plus s'imaginer en mère au foyer. Shizuka avait cependant allégé son horaire, elle partait la dernière et rentrait la première afin de prendre soin de ses deux hommes... « enfin trois maintenant », avait-elle ajouté avec un petit clin d'œil.

Il était maintenant 10h12 à ma montre, j'étais seul... enfin.

Profitant de mon répit, sans personne dans les pattes, je décidai de visiter cette nouvelle maison de fond en comble. Je commençai par le rez-de-chaussée, plus grand encore que je ne l'avais pensé. Je pris mon temps afin de me familiariser avec mon nouvel environnement, puis montai au premier étage où se trouvait la salle-de-bain commune, ma chambre, une deuxième chambre d'ami... mais surtout celle de Rei. Mon père et Shizuka disposaient de l'entièreté du troisième étage. Je passai rapidement en revue la deuxième chambre d'ami inhabitée et donc impeccablement rangée puis m'attaquai au repas principal : la chambre du malade mental prénommé Rei. Je me demandais quel genre de chambre il pouvait bien avoir, j'étais curieux, je devais l'avouer, curieux et impatient de franchir le battant de la porte en bois identique à la mienne. Pourtant, placé juste devant elle, la main sur la poignée, j'eus soudain un doute... et si Rei n'était pas au Lycée ? et s'il se trouvait derrière cette porte ? Je secouai la tête pour chasser cette idée peu réjouissante de ma tête. Rei était en cours, Shizuka me l'avait affirmé. Respirant un bon coup, j'ouvris la porte...

 

 

Rei

Les cours venaient de se terminer, la matinée avait été longue et chiante. Rei avait pensé plus d'une fois à sécher le lycée, ce n'était pas comme s'il en avait besoin : ses notes, même sans étudier vraiment, étaient largement au-dessus de la moyenne. Cependant, sans son quota de présence, bons résultats ou non, il n'aurait d'autres choix que de redoubler, ce qui était totalement exclu. Rei en avait par-dessus la tête des cours et, plus vite il quitterait le lycée, mieux il se porterait. Il abandonna son groupe sans regret et pris rapidement le chemin du retour. Les membres de sa bande passeraient certainement le reste de l'après-midi et une bonne partie de la nuit dans des bars, boîtes de nuit à fricoter avec des filles... Rei avait mieux à faire.

Il rangea comme à son habitude sa moto sous le carport de la villa et pénétra dans la grande bâtisse. Le rez-de-chaussée était vide. Il monta quatre à quatre l'escalier qui menait à l'étage et ouvrit la porte de la chambre du blond. Vide. Lucas était-il sorti ? Le Nippon espérait bien que non, il venait d'abandonner une virée avec sa bande pour passer l'après-midi avec le blondinet. La plupart des filles qu'il fréquentait seraient vertes de jalousie... les garçons aussi d'ailleurs. Rei était en effet bisexuel, homme ou femme, tout lui convenait et le choix qui s'offrait à lui chaque soir était grand. Cependant, depuis l'arrivée du Français, rien n'était plus pareil. Obsédé par cette tête blonde et ces yeux bleu océan, le japonais n'avait pas été satisfait de sa dernière partie de jambes en l'air. Ses partenaires d'une nuit lui avaient paru insipides et insignifiants par rapport à Lucas qui hantait sans cesse ses pensées. Rei en était malade, jamais auparavant le désir de posséder quelque chose ne l'avait autant perturbé... Rei voulait Lucas, il le voulait et il l'aurait. Rien n'échappait jamais à ce beau ténébreux. Une fois qu'il avait jeté son dévolu sur un objet ou une personne, il était certain de l'avoir. Ce n'était ni l'argent, ni le charme qui lui manquait. Rei avait toutes ses chances de l'emporter, il était confiant... trop peut-être... mais comment ne pas l'être lorsque jamais rien ne lui avait échappé ? Il était toujours parvenu à ses fins.

Et Lucas ne ferait pas exception...

 

S'il avait su ce qui l'attendait, peut-être aurait-il abandonné l'idée courir après Lucas... Mais inconscient encore des événements qu'allaient traverser ces deux jeunes hommes d'ici quelques semaines, guidé seulement par ses sentiments encore confus et son désir inextinguible de possession, Rei monta les quelques marches qui le séparaient du jeune Français... Il ouvrit la porte de sa chambre.


 

Lucas

Je ne pus retenir un long soupir de soulagement en constatant l'absence de vie dans la pièce. Je laissai le temps à mon cœur de retrouver un rythme normal et en profitai pour observer l'intérieur. La chambre de Rei ressemblait à n'importe quelle chambre d'adolescent. Devais-je m'en étonner ? Au fond de moi peut-être m'attendais-je à quelque chose d'insolite... après tout, Rei était mentalement dérangé.

La pièce comprenait un lit, double, une armoire, des étagères et un bureau sur lequel traînaient plusieurs magazines de motos. Sur les murs étaient postés çà et là quelques vieux posters, sans doute datant de la période pré-adolescente du Nippon qui ne s'était finalement pas résolu à les retirer. Je m'approchai de l'unique fenêtre et observai le dehors. Bien que nos deux chambres fussent l'une à côté de l'autre, nous avions deux vues totalement différentes. Ma chambre donnait sur le jardin, la sienne sur la rue. J'avais du mal à imaginer Rei dans cette chambre, elle paraissait trop normale, trop... banale pour un individu tel que ce beau ténébreux dément.

Perdu dans mes pensées, je sursautai en entendant la porte s'ouvrir. Un frisson de sueur me parcourut l'échine. La maison était censée être vide... mon cœur s'accéléra. Je me retournai, prêt à subir le pire des supplices. Je ne me faisais aucune illusion sur la personne qui se trouvait à l'embrasure de la porte...

L'abominable vérité ne tarda pas à se dévoiler.

- Eh bien voilà un petit fouineur... qui l'aurait cru !

Un sourire sadique se dessina sur les lèvres de mon bourreau. Je n'avais pas tout compris mais j'avais capté l'essentiel. Je déglutis péniblement. Je voulais fuir, loin et ne plus jamais le revoir. Mais comment faire alors qu'un monstre bloquait l'unique porte de sortie ? J'étais cuit, pris au piège... et j'étais le seul fautif. Qu'est-ce qui m'avait pris de vouloir explorer cette chambre ? C'était de l'inconscience, de la folie !!! À croire qu'après quelques heures à peine passées sous le même toit que cet individu, j'avais été contaminé par sa démence !

- Que me vaut l'honneur de cette visite... inespérée ?

Rei ferma la porte qui claqua d'un bruit sourd. Tout espoir de fuite s'était envolé, j'étais fait comme un rat. Le Nippon semblait bien s'amuser, ce salaud. Je voyais l'étincelle de plaisir pervers qui brillait dans ses prunelles sombres, la commissure de ses lèvres s'élargir au fur et à mesure qu'il prononçait ses paroles pleines d'ironie malsaine.

- Tu as perdu ta langue ?

Il avança lentement en prenant soin de me barrer le passage. Inutile de courir vers la porte, je le savais, Rei m'attraperait sans problème à la moindre tentative d'évasion. Je me contentai donc de me coller le plus possible au mur en priant pour que quelqu'un vienne nous interrompre comme la dernière fois.

- Oh je vois, frustré de notre dernière rencontre ? Il est vrai que ma mère nous a interrompu au mauvais moment... cependant, toi, moi, dans cette pièce alors que la maison est vide... Nous avons tout le loisir de poursuivre là où nous en étions arrivés. N'est-ce pas ?

Bien que peu accoutumé à la langue japonaise, je saisis néanmoins l'essentiel de sa tirade. Je rougis de colère, il éclata de rire se méprenant sans doute sur l'origine de ma subite couleur. Dans un japonais approximatif, je criai :

- Ne prends pas tes désirs pour la réalité, enfoiré. Laisse-moi passer !

J'avançai de quelques pas, tentant de le contourner. Ma colère m'avait fait oublier que je n'avais aucune chance de parvenir à fuir. Rei m'attrapa aisément par le bras et me plaqua avec violence dos à la porte fermée.

- Lâche-moi ! dis-je en essayant de lui échapper vainement.

- Tsss où comptais-tu aller comme ça ? Je n'en ai pas fini avec toi...

Tenant toujours fermement mon bras de sa main droite, il me prit le menton de sa main libre et plaqua son visage contre ma figure, collant ses lèvres aux miennes. Je tentai au mieux de résister en essayant de le repousser de ma main libre et en serrant les dents de toutes mes forces. Ce pervers n'obtiendrait rien de ma part. Je sentais sa langue essayer de franchir mes barrières sans résultat. Cette minuscule victoire m'encouragea, je n'avais pas totalement perdu contre lui, je ne devais pas laisser tomber les bras et trouver un moyen de me sortir de ce pétrin au plus vite. Pendant que mon cerveau chauffait à chercher comment m'échapper, Rei commençait à s'énerver. Voyant que son assaut n'aboutissait à rien, le Nippon s'impatienta et se servit de sa main agrippée à mon menton pour briser mes défenses et me forcer à desserrer les dents. Je ne pus rien faire, la langue de ce pervers franchit la barrière de mes lèvres et pénétra à l'intérieur de ma bouche. Je la sentais chaude, humide... Je tentai une nouvelle fois de le repousser en vain. Essayer de faire bouger une montagne à mains nues n'aurait pas eu plus de résultat. J'aurais dû faire plus de musculation, même si moi et le sport, on n'était pas trop copains... Mais il était trop tard pour me morfondre.

Si mes biceps étaient inutiles, il fallait utiliser autre chose. J'essayai d'abord de l'écarter en enfonçant profondément les ongles de ma main libre dans son cou et le griffant de toutes mes forces, laissant trois marques sanglantes sur la peau légèrement hâlée du Nippon. Celui-ci ne broncha même pas sous la douleur et se contenta de serrer davantage mon bras droit qu'il retenait prisonnier. Mon cri de douleur s'étouffa dans son baiser. Combien de temps encore allait-il me retenir ainsi ?

La main de Rei me lâcha le menton et alla se glisser sous mon t-shirt...

STOP !!!

Non mais qu'est-ce qu'il croyait faire ce malade ?!?

Sans prendre la peine de réfléchir davantage, j'écrasai de toutes mes forces mon pied sur celui de Rei en espérant que cela le ferait enfin réagir... bingo.

Le Japonais arrêta son baiser et jura en s'écartant un peu de moi. Je pus enfin respirer un peu d'air frais. Ce répit providentiel me donnait enfin une réelle chance de m'échapper. Il n'y avait que le battant de cette porte derrière mon dos qui me séparait de la liberté... Sans attendre plus d'un quart de seconde, je lui balançai sans le moindre état-d'âme mon pied dans son entre-jambe et le poussai en arrière. Profitant de la surprise de Rei, j'ouvris la porte et m'engouffrai dans l'escalier. Je devais fuir, le plus loin possible afin que ce dégénéré ne me retrouve plus jamais. Je claquai la porte d'entrée en me précipitai dehors. Hors de question que je reste une seconde de plus en compagnie de cet aliéné.

 

Rei

Chevauchant sa moto à pleine vitesse au milieu de la ville, les cheveux au vent, Rei était plongé dans ses pensées. Une petite heure auparavant, Lucas lui avait faussé compagnie, le laissant seul dans sa chambre, plié en deux de douleur par le coup bas que le Français lui avait asséné. Mine de rien, ce gamin savait se défendre quand il fallait. Rei sourit en y repensant. Ça ne rendait le jeu que plus intéressant...

Il arriva rapidement au Blood Drop, un bar mal fréquenté choisi par Rei comme « QG général » pour sa bande nommée Neverland (qui n'a pas reconnu le Pays imaginaire de Peter Pan?). La pièce principale ressemblait à n'importe quel bar un peu miteux : un large comptoir derrière lequel s'affairait un homme de la quarantaine, quelques tables, peu de clients... Rei avait pris cet endroit pour son calme, le laxisme du propriétaire qui ne refusait pas de servir de l'alcool à des mineurs... mais surtout pour l'arrière-salle. Avant l'arrivée de Rei, cette dernière n'était qu'un immense débarras poussiéreux, car jamais utilisé. Dès qu'il l'avait vu, le Nippon en était tombé amoureux et l'avait complètement réaménagé avec l'accord du patron. Cette pièce ressemblait maintenant à un petit salon et comprenait, en plus de sofas moelleux, fauteuils confortables et tables, deux billards et un jukebox.

Après avoir salué le patron amicalement, il ouvrit la porte de l'arrière salle et fut directement accueilli plus que chaleureusement par Hiroki Satou, 16 ans, qui lui sauta au cou.

- Tu m'as manqué !!!

Rei soupira. Quand il le voulait, Hiroki était une véritable pile sur pattes... c'était d'ailleurs ce qui avait plu au Japonais même s'il devenait vite exaspérant. D'un geste affectueux, Rei ébouriffa les cheveux d'un blond artificiel du plus jeune et l'embrassa sur le front. Hiroki fronça les sourcils et prit une mine boudeuse.

- Sur le front, seulement ???

Rei leva les yeux au ciel et sourit devant l'impertinence du blondinet puis l'embrassa à pleine bouche. Leurs lèvres s'entremêlèrent, se caressèrent passionnément... Puis l'aîné rompit le baiser, un peu trop tôt au goût du cadet. Rei planta ses iris sombres dans les prunelles du garçon et sourit.

- Sois sage.

Hiroki reprit sa moue boudeuse, mais cette fois Rei ne s'en formalisa pas. Abandonnant le gamin, le leader s'avança vers le milieu de la salle et salua le reste de sa bande. Sur deux sofas l'un en face de l'autre à chaque extrémité de la pièce, se tenaient Shinji Miwa, classé numéro deux dans la hiérarchie de Neverland et Keisuke Takahashi, numéro trois. Shinji Miwa, 17 ans, était le bras droit de Rei. Toujours au courant de tout, il était une source d'informations fiable et inépuisable. Ses connaissances recouvraient des domaines aussi vastes que variés, ce qui le rendait inestimable au sein de la bande. De plus, ses capacités physiques et ses réflexes n'avaient presque rien à envier à Rei, ce qui faisait de lui un atout de valeur en combat. Keisuke Takahashi, 16 ans, était quant à lui une force brute de la nature. Si son allure n'en laissait pourtant rien paraître avec sa silhouette fine et bien sculptée, il était cependant l'as de Neverland. Sa bestialité au combat et sa violence meurtrière étaient dévastatrices et avaient fait de lui un numéro trois craint par toute la bande. Une fois que la bête était lancée, seul Rei parvenait à l'arrêter. De ce fait, Keisuke vouait une admiration et un respect sans borne envers son chef qui était pour lui l'égal d'un dieu.

Après avoir salué ses deux hommes, Rei alla s'installer confortablement dans un troisième sofa placé entre ses deux ailiers. Hiroki vint rapidement l'y rejoindre et posa sa tête contre l'épaule de son chef.

Cela faisait à peine quelques mois qu'Hiroki avait rejoint Neverland. Rei l'avait déniché un soir dans une ruelle sombre de la ville. Recouvert de sang et de blessures, le gamin regardait d'un air satisfait mais épuisé les trois hommes qui gisaient à terre, inconscients et salement amochés. Lorsque que le chevelu coloré aperçut Rei, il lui lança un air de défi qui plut directement au chef de la bande. Rei était connu et redouté dans toute la ville, il n'acceptait pas souvent d'accueillir de nouveaux venus dans son groupe et ses invitations en personne étaient rarissimes. Aussi, quand le leader proposa à Hiroki de le rejoindre, le gamin accepta sur-le-champ. Il avait toujours admiré ce jeune homme charismatique qui savait imposer sa loi où qu'il allait, sa cruauté envers ses ennemis et la violence qui imprégnait son regard. Rei était une force pure, une bête sauvage, une flamme vive et incandescente qui avait irrémédiablement attiré le petit papillon qu'était Hiroki, quitte à ce qu'il lui brûle les ailes.

- Shinji.

La voix de Rei était sérieuse, grave et posée. L'intéressé arrêta immédiatement de jouer avec la demoiselle assise à côté de lui pour se retourner vers son chef.

- Hier, je suis passé par le parc Mihashi... J'ai dû « évacuer » quelques gêneurs qui traînaient dans le coin. Depuis quand y a-t-il ce genre de petites frappes sur notre territoire ?

Shinji hocha la tête, il voyait tout à fait ce que son chef voulait dire par « petites frappes » et le terme « évacuer » lui étira un sourire. Rei était plutôt du genre expéditif, surtout quand on touchait à ses affaires ou à son territoire.

- Mikazuki (littéralement « croissant de lune »), tu connais ?

Rei fronça les sourcils et se mit à réfléchir... Non, ce mot ne lui disait rien. Il secoua la tête et attendit que Shinji poursuive.

- Mikazuki est le nouveau nom de la bande Hakumei (littéralement « crépuscule »). D'après ce que j'en ai appris, elle s'est complètement réorganisée avec l'arrivée de leur nouveau leader, un certain Kyôichi Sôma, inconnu jusqu'alors. Depuis quelques semaines, cette bande prend de l'assurance, leur nombre s'accroît et ils n'hésitent pas à s'infiltrer en douce sur notre territoire...

Entretemps, un jeune de la bande était venu servir une bière à Rei qui écoutait attentivement les paroles de son bras droit. Il n'était pas au courant de cette nouvelle. Il but une gorgée de sa boisson et réfléchit. Hakumei avait toujours été une bande de gamins, négligeable et faible, leur nouveau chef avait donc dû facilement prendre la tête du groupe... Cependant, le fait que ces mômes aient le culot de franchir les frontières de leur territoire malgré la réputation de Neverland n'était certainement anodin. Hakumei devenu Mikazuki voulait être reconnu comme bande au même niveau que celle de Rei... Ce qui ne risquait pas d'arriver.

- Il faudra s'en occuper. Je ne veux pas de déchets dans notre zone... Shinji, pour demain, je veux toutes les infos possibles et imaginables sur cette bande et particulièrement sur leur leader.

Shinji hocha la tête, ce serait fait. Il ne put néanmoins s'empêcher de s'étonner. Rei n'avait pas pour habitude de s'intéresser de son plein gré aux problèmes de territoire comme il venait de le faire. S'était-il passé quelque chose ? Shinji chassa cette pensée de son esprit. Il n'avait aucune envie de faire le curieux, surtout avec Rei... Bien que bras droit, son indiscrétion pourrait lui être sévèrement punie. Son attention se reporta sur la demoiselle qu'il avait abandonnée un peu plus tôt. Il eut un sourire, les semaines à venir promettaient d'être amusantes...

 

Hiroki s'impatientait. Les histoires de clans ne l'intéressaient pas, seul Rei comptait à ses yeux... et il n'aimait pas quand l'attention de son « maître » était focalisée sur autre chose que lui. Il n'intervint cependant pas pendant la discussion des deux jeunes hommes, attendant sagement son tour plutôt que de se faire étriper par manque de politesse. Dès qu'ils eurent fini, Hiroki passa à l'action, bien décidé de redevenir le centre d'intérêt de son aîné. Il s'installa confortablement sur les genoux de Rei et captura ce visage tant désiré entre ses mains. Autant de sans-gêne aurait pu offusquer plus d'un des membres de la bande, mais personne ne fit la moindre remarque. Depuis qu'Hiroki était entré à Neverland, il avait été le favori de Rei pour des raisons qui se situaient plutôt en dessous de la ceinture... Cette marque d'affection un brin possessive du gamin ne perturba donc pas le petit groupe. C'était normal, après tout, Hiroki était le préféré de Rei...

Enfin, c'est ce qu'ils croyaient.

Le blond captura une nouvelle fois les lèvres de Rei qui se laissa faire. Un peu d'affection ne lui faisait pas de mal et Hiroki était doué... Leurs langues s'entrecroisèrent, leurs salives se mélangèrent. Rei sentit l'impatience de son cadet et s'étonna soudain du contraste flagrant qu'il y avait entre cette fausse tête blonde et la vraie qui logeait sous le même toit que lui. Rei rompit le baiser sans un mot, Lucas était une nouvelle fois l'objet de ses pensées. Il n'avait pas l'habitude qu'on lui résiste autant... Généralement, lorsqu'un inconscient se risquait à lui tenir tête, Rei n'hésitait pas à l'envoyer à l'hôpital. L'affaire était ensuite réglée... mais Lucas était le fils de Vincent et sa mère aimait Vincent... mais surtout, Lucas était Lucas. Il ne comprenait pas pourquoi, mais Rei n'avait pas envie de jouer avec lui comme avec les autres. Pas d'effusions de sang inutiles. De toute manière, Rei parvenait toujours à ses fins. Il voulait Lucas depuis que ses yeux s'étaient posés sur ces prunelles océan, et il l'aurait... ça prendrait juste un peu plus de temps.

Rei fut soudain sorti de ses pensées par Hiroki qui caressait des doigts le cou de son aîné. Le junior fronça les sourcils.

- C'est quoi ça ?

Rei l'interrogea du regard, il ne comprenait pas la question. Quoi « ça » ? Il passa sa main sur son propre cou et sentit sous ses doigts les zébrures récentes laissées par Lucas en guise d'adieu. Il sourit en repensant à la scène. Encore un peu et il l'avait dans son lit, le petit Français.

- Rei !

Hiroki attrapa la veste de son senpai (terme désignant un aîné), les yeux rageurs. Rei éclata de rire devant la jalousie évidente du faux blondinet.

- Baaaaka (idiot, crétin), c'est mon chat.

Hiroki sembla satisfait de la réponse de son chef et reprit ses caresses et autres petites attentions. Shinji qui avait suivi la conversation du coin de l'oeil fronça les sourcils. Depuis quand Rei avait un chat ? Le leader ne s'occupait jamais de rien hormis sa propre personne et sa bande... Lui cachait-il quelque chose ?

- Shinjiii.

Le regard du numéro deux se braqua sur la demoiselle frustrée par l'inattention de son compagnon.

- Gomen (pardon, désolé) Mitsuki, je suis à toi.

Ses dernières préoccupations s'envolèrent, il avait mieux à faire...

 

Lucas

Comme hier, je courus à en perdre haleine, mais dans le sens inverse cette fois. Ce n'était plus pour rentrer chez moi, mais pour fuir de cette maison qui m'avait accueilli et le dégénéré qui l'habitait. Arpentant les rues encombrées de gens, bousculant de temps à autres quelques personnes, je me réfugiai dans une ruelle sombre à l’abri des regards en espérant qu'Il ne m'ait pas suivi. Je m'appuyai dos contre le mur d'une bâtisse et me laissai glisser sur le sol, complètement hors d'haleine. La ruelle que j'avais choisie était déserte, j'avais pour seuls compagnons quelques poubelles odorantes mais n'y prêtai pas attention.

Ce timbré devenait de pire en pire. Bien que totalement hétéro, je n'avais rien contre les homosexuels, enfin c'est ce que je pensais, mais Lui était un cas à part, une catégorie à lui tout seul : un pervers d'une soif de sexe inassouvie qui surgissait visiblement devant n'importe quel jeune homme normalement constitué. Étant donné que j'étais dans les parages, Il s'en prenait à moi... du moins c'était ma théorie. Encore une chance que mes fesses soient restées intactes... mais à cette allure, ça n'allait pas durer. Je frissonnai de dégoût. Hors de question qu'Il me touche.

Je posai deux doigts sur mes lèvres, les mêmes que Rei avait assaillies d'un baiser quelques minutes plus tôt. Je repensai à ce qui s'était passé dans cette chambre et à ma bêtise d'y avoir mis les pieds. Je m'étais jeté dans la gueule du loup. J'avais eu la chance d'en sortir vivant. Je passai ma langue sur mes lèvres, le goût de Rei y était encore imprégné. C'était la deuxième fois qu'il m'embrassait... et, au fond de moi, je me dis que ce n'était pas si désagréable...

STOP !!!

À quoi est-ce que je venais de penser, là, tout de suite ? « Ça », agréable ?? Je devais être sérieusement atteint. Rei était un virus, une maladie, il fallait que je m'éloigne de lui à tout pris au risque d'être moi-même infecté.

- Est-ce qu'ça va ?

Je sursautai violemment et me retournai vers l'individu qui venait de parler. Ce n'était pas Rei, je l'avais deviné rien qu'en entendant cette voix suave et légèrement moins grave que celle de ce malade. Il m'avait néanmoins surpris, je ne l'avais pas du tout entendu arriver. Je l'observai sans retenue, il devait faire quelques centimètres de plus que moi, les cheveux noirs de jais mi-longs, un visage aux traits parfaitement bien dessinés... À son oreille droite, pendait une croix chrétienne inversée en argent finement ouvragée. Il était vêtu d'une simple chemise blanche cintrée qui moulait une jolie musculature, d'une cravate ébène qui pendait nonchalamment à son cou et d'un pantalon noir. Bien qu'anodine, je sentis au travers de cette simple question tout son charisme et le magnétisme puissant qu'il dégageait. Il aurait certainement pu être mannequin.

Je hochai la tête en réponse à sa question. J'allais beaucoup mieux qu'auparavant mais j'étais encore trop essoufflé pour articuler une parole.

- Je t'ai vu courir comme un dingue, on aurait dit qu't'avais le diable aux trousses...

J'eus un petit rire. Il n'était pas loin du compte. L'inconnu avait un drôle d'accent, il paraissait Nippon de naissance, mais ses intonations ne ressemblaient pas au japonais traditionnel, ce qui me donnait du mal à comprendre ses paroles.

Mon ventre cria soudain famine. Je rougis de cette gêne inattendue, il devait être 13 heures passées et mon estomac me le rappelait sans ménagement. Je lui donnai un coup pour le calmer. L'individu éclata de rire.

- Visiblement t'as faim, ç'tombe bien, moi aussi ! Je t'invite, j'connais un très bon p'tit resto pas trop cher qu'sert des ramen exquis.

Ramen ? J'hésitai un moment, je ne connaissais pas du tout ce jeune homme venu de nulle part, mais il paraissait sympa. De plus, je n'avais rien à faire et tant qu'à me promener dans cette ville, autant être accompagné pour éviter de rencontrer d'autres timbrés comme la veille. J'acceptai donc et l'inconnu me gratifia d'un sourire resplendissant.

Il aurait vraiment pu être mannequin...

 

Le ramen-ya (restaurant spécialisé en ramen) en question n'était pas très grand mais convivial. Visiblement, le jeune homme que j'accompagnais était un habitué des lieux car il salua amicalement le patron (un certain Suzuki-san) et j'appris, par la même occasion, le prénom de l'inconnu qui m'avait ramassé dans la rue : Kyo. Je le laissai prendre commande pour moi et nous nous installâmes dans un coin tranquille.

- Au fait, je m'appelle Lucas.

Mon interlocuteur hocha la tête et répondit avec un sourire.

- Enchanté, moi c'est...

- Kyo.

Il prit une mine étonnée, je lui souris à mon tour et expliquai dans mon japonais approximatif :

- J'ai entendu le patron t'appeler.

- Ah ! OK.

Il sourit encore, puis haussa les épaules comme pour chasser une pensée futile.

- T'es pas Japonais...

- En effet, ça se voit tant que ça ?

- Euh... oui.

Nous nous mimes à rire ce qui détendit tout de suite l'atmosphère.

- Je suis Français, je suis arrivé au Japon hier donc je ne connais pas trop le coin et peu la langue...

- Un Français ! Waaah ç'fait loin !!! C'est classe !

Je rigolai encore une fois.

- Loin oui, mais classe... je ne sais pas trop. Et toi, tu viens d'ici ? Tu as un drôle d'accent...

- Wouaw t'l'as r'marqué ! Sans même être Japonais en plus ! J'viens du Kansai, un peu plus au sud qu'ici.

Le patron en personne vint nous apporter nos bols de ramen que j'observai un instant avec des yeux gourmands. Le tout premier ramen de ma vie ! Je joignis les deux mains comme le voulait la tradition nippone :

- Ittadakimasu ! (formule de politesse prononcée avant de manger)

Mon enthousiasme fit rire Kyo qui prononça tout de même la formule habituelle avant d'entamer son repas. Les pâtes étaient délicieuses ni trop molles, ni trop dures et le bouillon excellent, Kyo n'avait pas menti. Nous continuâmes à bavarder tranquillement tout en savourant notre repas. J'avais toujours un peu de mal avec son accent mais il n'hésitait pas à répéter lorsqu'il voyait que je n'avais pas compris. Kyo était d'une agréable compagnie, en sa présence je me sentais relaxé, complètement détendu et je ne pensai pas une seule fois à Rei durant notre discussion. J'appris qu'il avait 17 ans, tout comme moi et qu'il avait emménagé dans cette ville un mois et demi auparavant. Il allait au lycée Niida contrairement à moi qui venais d'être inscrit au lycée Numaï, à l'autre bout de la ville. J'aurais bien aimé être dans le même lycée que lui, avoir une compagnie amicale m'aurait changé un peu de mon quotidien, surtout que je redoutais avoir cours avec Rei. Kyo aimait la mode, un groupe de musique nommé Devil, les ramen et les pains melons. Je m'étais extasié devant nos points communs et lui racontai tant bien que mal comment j'avais fait la découverte de ces petits pains typiquement japonais (en omettant bien évidemment le sombre épisode qui avait suivi). Je lui avouai cependant ne pas connaître Devil et il me promit immédiatement qu'il me prêterait ses CD. J'acceptai avec joie, car ça signifiait le revoir et peut-être passer une autre après-midi en sa compagnie. Il me demanda ensuite mon numéro de téléphone, je lui expliquai que je ne possédais pas encore de portable, j'avais laissé le mien en France, au bon soin de ma demi-sœur qui s'était fait un plaisir de se l'accaparer. Je lui confiai que je comptais en acheter un nouveau au Japon mais n'avais pas encore eu le temps de m'en occuper.

- Pourquoi ne pas en acheter un maintenant ? J'te montrerai le meilleur magasin en électro, ils ont plein de modèles différents, y'en a pour tous les goûts !

J'acceptai volontiers et nous nous mîmes en route après avoir payé la note. Encore une fois, Kyo tint parole, il avait dit m'inviter, je n'ai pas dû débourser un sou malgré mon insistance pour payer mon repas.

Le long du chemin, nous continuâmes à papoter tranquillement, je voyais qu'il faisait des efforts pour parler plus lentement et sans accent, je lui en fus reconnaissant. Je lui parlai un peu de ma vie en France et de ma mère sans pour autant évoquer les véritables raisons de mon « exil » ici. Je lui affirmai juste que je voulais revoir mon père et que le Japon m'intéressait, d'une pierre deux coups, en somme... j'aurais préféré que ce soit la vérité. À son tour, il m'informa qu'il avait déménagé à cause du boulot de son père, celui-ci travaillait pour une entreprise qui venait d'ouvrir une succursale dans cette région et à laquelle il venait d'être nommé président.

Le magasin d'électroménagers était immense et s'étendait sur cinq étages dont un presque entièrement dédié à la communication. Le choix de portables était immense et j'eus du mal à choisir. Heureusement, Kyo était bon conseiller et j'optai pour un modèle simple et modeste qui comprenait tout de même un appareil photo et un accès internet rapide... ce qui était très courant dans l'archipel, d'après mon compagnon. Ce dernier m'expliqua comment l'utiliser au mieux, j'avais un peu de mal avec le clavier pour écrire des messages étant donné le syllabaire (ce n'est pas un alphabet) singulier qu'utilisaient les Japonais. Kyo en profita ensuite pour enregistrer son propre numéro dans la mémoire de mon téléphone et pour prendre note du mien.

Il était maintenant 18h30, Kyo avait un rendez-vous avec des amis et, de mon côté, il valait mieux que je rentre. Je n'en avais aucune envie, mais je ne voulais pas inquiéter Shizuka inutilement. Je fis donc mes adieux à Kyo qui me promit de m'appeler bientôt pour les CD de Devil.

Le cœur angoissé, je pris la direction du retour.

 

oOo

 

Je poussai la porte d'entrée avec une anxiété qui me noua le ventre et fus accueilli par Shizuka déjà occupée à la cuisine. Elle m'informa que le repas serait prêt dans une demie heure et que mon uniforme scolaire était arrivé. Elle l'avait déposé sur mon lit et me demanda de l'essayer pour vérifier la taille. Je m'apprêtai à monter les escaliers lorsque mon pied s'arrêta sur la première marche. Impossible d'avancer plus loin. Le cœur battant, je demandai :

- Rei est là ?

Shizuka parut un moment étonnée par ma question mais finit rapidement par sourire et me répondre gentiment :

- Non, il ne rentrera pas ce soir... Il ne te l'a pas dit ? Il dort chez un copain... Tu le verras demain.

Je retins un cri de joie, j'allais enfin avoir une soirée tranquille ! Merci oh merci à toi le « copain » qui avait gracieusement accepté de loger ce fou chez lui ! J'allais pouvoir dormir sur mes deux oreilles pour la première fois depuis mon arrivée au Japon. Je montai quatre à quatre les marches de l'escalier, le cœur plus léger.

Une fois entré dans ma chambre, je découvris mon uniforme scolaire. Il était composé d'une chemise blanche, une cravate bleu marine assortie à la veste de costume et au pantalon droit qui l'accompagnaient. Je n'en avais jamais porté de toute ma scolarité et l'idée d'enfiler la même chose que les autres élèves me laissait un sentiment mitigé. Je l'essayai rapidement, la taille était impeccable. Je m'observai un instant dans le miroir et ce que j'y vis me satisfit. Ma bonne humeur ne m'ayant toujours pas quitté, je descendis à la cuisine pour montrer le résultat à Shizuka qui rayonna de bonheur et me serra dans ses bras. La surprise passée, j'acceptai l'étreinte volontiers. Je n'avais jamais eu l'habitude de ce genre d'effusions de sentiments mais les bras maternels de Shizuka me rappelèrent combien ma mère me manquait.

Je remontai rapidement dans ma chambre pour me changer puis redescendis aider ma belle-mère à dresser le couvert. Elle fut quelque peu surprise par mon aide mais l'accepta avec plaisir. Visiblement, Rei n'était pas familier avec les tâches ménagères alors que de mon côté, je trouvais ça naturel de proposer mon aide. Tout en terminant de préparer le repas, Shizuka et moi bavardâmes sur des sujets variés. Elle me raconta qu'elle travaillait dans une maison d'édition et que ses horaires étaient vraiment souples. Elle aimait son boulot qui lui permettait non seulement de gagner un bon salaire mais aussi d'avoir du temps pour travailler à la maison. Le sujet dévia soudain sur ma mère et ma famille en France. Je lui informai que ma mère s'était remariée avec Daniel qui avait eu une fille d'un premier mariage. Vive les familles recomposées.

- Et le père de Rei, il fait quoi ?

Shizuka lâcha le verre qu'elle tenait en main. Il s'écrasa au sol et éclata en morceaux.

- Olala, que je suis maladroite !

- Attends, je vais t'aider.

Je m'accroupis pour ramasser les plus gros éclats de verre et remarquai la pâleur soudaine du visage de Shizuka. Était-ce un sujet tabou que je venais d'aborder ? Je regrettai ma question mais ne pouvais plus faire marche arrière. Le sol nettoyé, un silence pesant s'installa entre nous. Je décidai soudain de continuer à mettre la table en espérant que l'atmosphère retourne à la normale. Shizuka me rejoignit quelques minutes plus tard. Je gardai le silence, de peur de dire une autre bêtise. Ma belle-mère prit soudain la parole d'une voix peu assurée.

- Le père de Rei travaillait dans les affaires...

Shizuka avait utilisé le passé, cela signifiait-il que son ex-mari était décédé ? Je ne fis pas la deuxième erreur de lui demander des précisions. Je lui souris mais n'ajoutai rien et je lus en ses yeux qu'elle m'en était reconnaissante.

 

Le repas se déroula sans accroc, mon père avait toujours l'air à l'ouest mais Shizuka n'avait pas l'air de s'inquiéter plus que ça. Gardait-il tout le temps cet air hagard et demeuré ? J'eus soudain un peu pitié de ce père que je connaissais à peine. Shizuka tenait le monopole de la conversation et je la secondais plutôt bien. Mon japonais devenait de plus en plus fluide et elle m'en félicita. Je lui racontai ma rencontre avec Kyo et l'achat de mon téléphone portable. Elle se montra ravie et nous nous échangeâmes nos numéros. Elle me donna ensuite celui de mon père qui visiblement, n'avait pas suivi la conversation.

Le reste de la soirée s'écoula sans encombre. J'envoyai un mail à ma mère pour lui raconter quelques anecdotes anodines de mon séjour au Japon puis, après une douche rapide, me couchai tôt, assuré de ne pas retrouver Rei demain matin dans mon lit. Je dormis comme un loir.

 
 
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