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au 31 Mai 21 :
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Ezéchiel [Sous contrat d'édition]
Par Natalea
Originales  -  Fantastique  -  fr
16 chapitres - Complète - Rating : K+ (10ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
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2. Premier Rêve

L'homme marche le long d'un grand boulevard, en pleine lumière. Le ciel est blanc d'ivoire ; il se meurt d'une pluie drue, battante, chaotique. De monstrueux éperons de verre surgissent du sol autour de lui et brisent l'horizon.

L'homme se trouve dans une ville anarchique, dans une rue anarchique, où l'accouplement de centaines de milliers de sons ne donne naissance qu'à un immense hurlement : celui de l'agglomérat humain. La foule est grouillante ; pour lui, chaque visage ressemble au précédent, dans un monde où tout apparaît sans couleur et sans goût.

S'il devait décrire son état d'esprit à cet instant, l'homme visualiserait sans doute un serpent. Vif, horriblement calme, ce mélange cristallisé autour d'un noyau glacé de fureur dure.

L'homme déteste cette ville où les égouts vomissent leurs fluides dans une série de borborygmes abjects. Il déteste cette ville et pourtant il y reste ; il arpente ses rues comme on explore les pensées d'un vieil ennemi, tout simplement parce qu'il sait à quel point cette ville et lui se répondent. Leurs âmes sont jumelles ; leurs cœurs battent à l'unisson, et ce flot de détritus que la pluie a fait ressortir au grand jour, c'est le même sang noir et vicié que celui qui parcourt les entrailles de son corps.

L'homme remonte le boulevard à contre-courant. Les autres, les fantômes, tous s'écartent sur son passage. Ils jettent un regard hésitant vers le trottoir d'en face, mais l'homme les a déjà dépassés. Il ne sera bientôt plus pour eux qu'un mauvais souvenir, une impression vague et diffuse d'avoir croisé un prédateur ce jour-là, qui n'aura pas voulu d'eux.

L'homme s'enfonce dans le ventre de métal bétonné et s'y abandonne totalement.

Petit à petit, l'espace se réduit. Les boyaux se rétractent ; les parois s'élèvent pour emprisonner le ciel. L'atmosphère devient irrespirable ; la pluie et le froid aiguisent les sens.

L'homme met la main sur sa proie dans une ruelle, entre deux immeubles prêts à s'épauler l'un l'autre à tout moment. C'est un très jeune garçon. Il a rabattu la capuche de son sweat pour se protéger de l'averse, mais l'ombre ne suffit pas à dissimuler les cernes qui rongent son visage. Il a l'allure maladroite, folle et empressée ; ses yeux roulent dans leurs orbites à la recherche du chasseur qui sait se cacher de lui.

Dans les faits, certains pourraient dire que l'homme et sa proie ont le même âge. L'homme pourrait même être plus jeune. Pourtant, il a cette aura indéfinissable accrochée à ses pas, à son ombre ; rien de plus qu'une volonté terrifiante qui défierait quiconque de le qualifier d'enfant.

La proie ne possède pas cela. À l'heure où le chasseur la regarde, elle n'est déjà plus rien. Pour lui, elle n'a jamais rien été.

L'homme s'avance ; le garçon l'aperçoit, mais il est trop lent. L'homme l'empoigne à deux mains et le plaque contre le mur, avec toute cette fureur contrôlée qui réside en lui. Un immense tatouage dévore son avant-bras droit.

Le gosse s'étouffe dans l'étreinte de l'homme. Le choc vient de bloquer sa respiration ; il tente d'accrocher le regard de son adversaire, mais il est bien trop grand pour lui. À défaut, sa voix se noue et glapit :

— Vous êtes Ézéchiel ? J'ai l'argent ! J'ai l'argent, je vous dis !

— Ça, ce n'est pas mon problème.

L'homme ne dit pas un mot de plus. Il saisit le garçon par les épaules et fracasse sa tête contre le mur de béton. En temps normal, un coup d'une telle violence suffirait à assommer n'importe qui. Mais l'adolescent a la malchance de rester conscient. Alors, l'homme abat son poing sur lui, encore et encore, jusqu'à ce qu'il s'effondre face contre terre, le visage en charpie.

L'homme glisse un doigt contre le cou de sa victime, ne perçoit que le silence de la mort. Il laisse une empreinte de sang sur la peau du garçon, mais cela n'a pas d'importance. Déjà, l'adrénaline reflue. La pluie lave l'hémoglobine sur ses mains, nettoie les blessures qu'il s'est infligées ; son cœur reprend rapidement son rythme englacé. Tout n'est que détachement. Les contours du réel fondent autour de lui ; tout devient flou, si ce n'est la douleur cuisante dans ses jointures écorchées. Rien qu'il ne puisse supporter. Déjà le monde s'efface ; ce qu'il lui reste d'émotions meurt ; il peut rentrer en paix.

Puisque rien n'a d'importance.

 

 
 
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