Tegan & Sara - Where does the good go
12. Des gens biens ?
Affectez au moins l'apparence de la vertu. William Shakespeare
Les souvenirs de Jenny avaient beau remonter à vingt ans, ils ne la trahissaient pas : sa tante, qui s'appelait encore Sally Vaughan à l'époque, avait bien travaillé comme sage-femme pour l'association Save Children de 1989 à 1993. Elle l'avait brusquement quittée pour l’Hôpital général de Charlestown.
La mort de la jeune Uliana avait eu lieu dans cet intervalle et, sans raison apparente, Sally avait jugé utile de conserver une vieille coupure de presse au sujet du drame. Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? se demandait inlassablement Peter. Il n'en avait — pour le moment — pas la moindre idée mais il fallait qu'il le découvre.
— Je pense qu’on devrait se concentrer sur la piste de la Sheridan Brothers, annonça Jenny.
— Pour quelle raison ?
— J'ai contacté le cabinet Allen & Roth et obtenu un rendez-vous avec plusieurs avocats du cabinet.
— Quelle date ?
— Aujourd’hui même.
Peter haussa un sourcil.
—Si vite ? Ma foi, ils ont l’air très pressés de nous rencontrer ces avocats surpayés.
— N’est-ce pas ? Quand j’ai demandé à la secrétaire si c’était habituel d’obtenir un rendez-vous aussi rapidement avec des associés du cabinet, elle a eu l’air très gênée et ensuite, elle a dit qu’elle avait du travail et qu’elle devait raccrocher.
Perplexe, Peter passa une main dans ses cheveux châtains.
— Alors, ta tante et Ned étaient sérieux avec cette histoire de procès au civil …
— La question c’est : avaient-ils seulement les moyens de l’être ? Avaient-ils les moyens d’intenter un procès ? se demanda Jenny.
— Dans ce genre d’affaire, il y a plein d’avocats qui se rémunèrent en prélevant un pourcentage des dommages et intérêts s’ils gagnent le procès et rien dans le cas contraire.
La jeune femme secoua la tête.
—Je ne parlais pas de moyens financiers. Enfin si, mais pas seulement … Je me demande surtout s’ils avaient des preuves concrètes contre Linda Thompson. Après tout, on l’a déjà accusée et elle a gagné son procès au pénal.
— Ta tante et son mari avaient peut-être d’autres preuves.
— Lesquelles ? fit Jenny d’un ton dubitatif.
— Je ne sais pas mais on ne peut pas exclure l'idée qu'on ait cherché à les faire taire pour les empêcher de porter plainte. Une manière de tuer l'initiative dans l'œuf.
Jenny fit la moue avant de se laisser tomber sur le lit.
— C'est un peu tiré par les cheveux quand même. La vice-présidente, enfin l’ancienne vice-présidente de la Sheridan Brothers, Linda Thompson, est une banquière et une femme d'affaires, pas une mafieuse. Franchement, tu l'imagines engager quelqu'un pour se débarrasser de tante Sally et Ned ?
— Franchement ? Oui, je peux l'imaginer, certifia le jeune détective. J'ai eu à faire à elle et à certains de ses amis il n’y a pas si longtemps que ça et quand ils se sentent menacés, ils sont capables de tout. Crois-moi.
— Si tu le dis ... C'est quoi tout ça ? lui demanda-t-elle en désignant d'un signe de tête les papiers éparpillés autour de lui sur le lit.
— Les relevés téléphoniques du bar de ta tante et son mari. Je voulais vérifier cette histoire de dispute au téléphone qu'a surprise la serveuse.
— Est-ce que tu as trouvé l'appel dont elle nous a parlé ?
— Je crois. Il y en a un qui correspond, la semaine précédant leur mort et l'incendie. Il a duré environ trois minutes. L'ennui c'est qu'il a été passé depuis une cabine téléphonique de Binghamton. C'est assez loin d'ici, non ?
— Pas tellement. C’est à environ deux heures, deux heures et demi de Charlestown, estima-t-elle. Est-ce que tu as trouvé d'autre appel intéressant ?
— Oui. Un appel reçu en fin d'après-midi, moins d'une heure avant l'heure supposée de leur décès. Il n'a duré que quelques secondes, ce qui au début m'a fait penser que c'était juste un faux numéro. Mais maintenant, je m'interroge. Et si quelqu'un les avait appelés juste pour s'assurer qu'ils étaient bien chez eux ?
La réponse de Jenny se borna à un mouvement de tête.
— C'est un numéro masqué en plus, donc doublement suspect, ajouta le jeune détective.
Elle garda le silence, signe que quelque chose n'allait pas.
Peter voulut tendre la main vers elle, au propre comme au figuré, et la réconforter mais il s'abstint. Il ne savait pas quoi lui dire. Il avait peur de mal faire, peur que son geste soit mal interprété.
Alors il ne fit rien et feint d’être absorbé par l'étude des relevés téléphoniques.
OooOo
Quelques heures plus tard, les deux amis étaient de retour à New York, dans les locaux du cabinet d’avocats Allen & Roth.
Assis derrière la longue table de conférence, Peter observait le reflet que lui renvoyait la surface lisse et translucide.
Jenny se leva pour aller se poster près de la fenêtre. Elle observa la rue en contrebas. Les taxis. Les écoliers dans les uniformes stricts des écoles les plus élitistes du pays. Les gratte-ciels qui perçaient la cime du ciel. C’était un sacré cliché mais c’était sa ville. New York. Manhattan.
Elle esquissa un sourire presque malgré elle, heureuse d’être de retour dans le seul endroit où elle s’était jamais vraiment sentie chez elle.
Bien sûr, Miami était aussi chez elle mais elle n’en gardait que des souvenirs flous, noyés dans un océan de tristesse et de regrets. Il lui avait fallu un peu de temps pour comprendre qu’en réalité, elle ne voulait pas se souvenir. Elle ne voulait pas se remémorer ce époque-là. Où elle débordait d'optimisme. Heureuse, parfaitement et entièrement. Ce temps où ses parents étaient encore de ce monde. Où elle menait une vie insouciante et se croyait à l’abri de tout malheur.
Elle ne réalisa même pas qu’elle pleurait avant que Peter ne l’appelle d’une voix pleine de sollicitude.
— Jenny ?
Il se leva à son tour et vint la rejoindre, près de la large fenêtre. Il posa une main sur son épaule, mais elle resta tournée vers l’extérieur, vers le ciel bleu et rieur, promesse de jours meilleurs. Elle ne voulait pas qu’il la voie pleurer, elle ne savait même pas pourquoi. C’était ridicule, ce ne serait pourtant pas la première fois.
Il était debout, dans son dos, mais même sans le voir, elle devinait qu’il cherchait les mots justes pour la réconforter. Juste quelques instants. Elle l’entendit prendre sa respiration mais au même moment, la porte de la salle de conférence où on les avait fait patienter s’ouvrit.
Jenny essuya précipitamment ses yeux et reprit sa place. Peter n’eut d’autre choix que de l’imiter.
Herbert Allen, l’un des associés du cabinet, entra, immédiatement suivi d’un autre avocat.
Ils s’installèrent à leur tour. Ils les saluèrent d’un bref signe de tête, accompagné de sourires mielleux.
Peter ne perdit pas de temps en faux semblant et autres politesses.
— Nous aimerions savoir si Sally Quinn ou son mari Ned vous avait engagés pour intenter une action en justice contre Linda Thompson, annonça-t-il sans préambule.
— Mme Quinn nous avait effectivement contactés avant son décès. Nous vous présentons toutes nos condoléances, ajouta Allen à l’intention de Jenny.
Elle hocha la tête.
— Vous l’avez reçue ?
— Pas moi, reconnut Allen.
— Dans ce cas, enchaîna Peter sans lui laisser le temps d’approfondir, il serait peut-être plus judicieux qu’on rencontre les avocats qui ont reçu Sally Quinn.
L’avocat brun choisit ce moment pour intervenir. Mais Jenny ne manqua pas de noter qu’Allen lui avait d’abord adressé un discret signe de tête.
— J’étais présent lors de cette rencontre, déclara-t-il d’un ton solennel. Je me présente : Bradley Cummings. Vous savez, je comprends que toute cette histoire vous intéresse, surtout à la lumière du drame qui vous a récemment frappé, mais vraiment, je crains il n’y ait pas grand-chose à dire.
— Laissez-nous en juger.
Il jeta un nouveau coup d’œil vers son supérieur puis prit une profonde inspiration avant de se lancer :
— Votre tante a contacté notre cabinet. Nous l’avons reçue et nous avons écouté ce qu’elle avait à nous dire. Après la faillite de la banque Sheridan Brothers et les difficultés dans lesquelles cela l’avait plongée, elle était bien décidée à récupérer son argent ou au moins, à traîner ceux qu’elle estimait coupables devant la justice. Le président de la banque étant mort, il restait l’ancienne vice-présidente …
— Linda Thompson, compléta Peter.
— Tout à fait. Nous l’avons mise en garde, en lui rappelant que Mme Thompson venait d’être acquittée au pénal et qu’il allait falloir des preuves nouvelles et solides pour intenter une action au civil.
— En avait-elle ?
Cummings haussa les épaules.
— C’est ce qu’elle a prétendu lors de notre premier et unique rendez-vous.
— Mais vous ne l’avez pas cru ? devina Jenny.
— Rétrospectivement, j’ai l’impression qu’elle essayait surtout de nous convaincre de prendre son affaire et qu’ensuite, elle comptait sur nos détectives pour se charger de trouver des preuves.
— Est-ce que ce n’est pas de cette façon que vous opérez d’ordinaire ?
— Si, mais il faut quand même partir d’un point de départ solide. On ne peut pas lancer des accusations à l’aveugle et sans la moindre preuve, engager d’énormes frais pour le cabinet en espérant avoir raison, expliqua Cummings.
Jenny se tourna vers Peter.
— Alors, ma tante a débarqué dans votre cabinet comme ça, a accusé Linda Thompson de délits d’initiés et elle pensait vous convaincre de l’aider. Pardonnez-moi mais j’ai du mal à le croire. Ce n’était pas vraiment pas son genre de se montrer aussi présomptueuse !
Cummings grimaça. Il s’apprêtait à répondre mais Herbert Allen, silencieux depuis un bon moment, le devança.
— Comme vous l’a dit maître Cummings, votre tante prétendait posséder des preuves mais nous n’en avons jamais vu la couleur. Dans ces conditions, nous ne pouvions pas accepter son affaire. C’eut été bien trop risqué, tant pour nos finances que notre réputation.
— Quel genre de preuve était-ce ? voulut savoir Peter.
Allen esquissa un geste qui ne dissimulait rien de son dédain.
— Je n’en ai pas la moindre idée, votre tante n’ayant pas eu l’obligeance de nous le signifier lors de ce rendez-vous.
Il regarda sa montre et reboutonna sa veste. Puis, il se leva, intimant d’un seul regard à Cummings de faire de même. Celui-ci l’imita aussitôt.
— Navrés, mais nous sommes attendus au tribunal. Une affaire importante.
— Bien entendu, nous comprenons, acquiesça Peter d’un ton affable.
Il se tourna vers le plus jeune avocat.
— Une dernière question, toutefois … Sur le papier que nous avons retrouvé dans les affaires de Sally Quinn, elle avait écrit un autre nom juste en-dessous du vôtre.
— Ah oui ? Lequel ? demanda Allen.
— Celui d’un certain John J. Kerrigan. Est-ce un des avocats qu’elle a rencontrés ?
— Ah oui, en effet. Mais maître Kerrigan n’est pas disponible aujourd’hui.
Il amorça un mouvement vers la porte, un air faussement contrit sur son visage ridé.
— Un autre jour peut-être ? Nous pourrions reprendre rendez-vous ? suggéra Peter.
— J’en doute. Maître Kerrigan ne se trouve pas à New York pour le moment. Il est en voyage d’affaires.
Et sur ces mots, il quitta la salle de conférence, l’autre avocat sur ses talons.
OooOo
Jenny ne dormit pas bien cette nuit-là, partagé entre le goût d’inachevé que lui laissait leur rencontre avec les deux avocats et l’appréhension devant une possible nouvelle piste. Dans quelques heures, Peter et elle allaient rencontrer les dirigeants de l'association Save Children, pour laquelle sa tante avait travaillé.
De manière confuse et imprécis, elle sentait que cette rencontre pouvait se révéler décisive. Mais quel rapport pouvait-il bien y avoir entre la mort de tante Sally et Ned et ses anciens employeurs, qu'elle n'avait sans doute plus vus depuis vingt ans ? Peut-être cherchait-elle désespérément à s’accrocher à la moindre petite lueur d’espoir, indépendamment de sa pertinence ?
Elle se retourna une nouvelle fois, vers la fenêtre de la petite chambre d’hôtel. Le soleil se levait, projetant une lumière dorée sur le lit et e visage de Peter. Le jeune homme dormait paisiblement, son torse se soulevait et s’abaissait à un rythme régulier.
Jenny ferma les yeux et tenta de s’endormir. Seulement, elle ne cessait de penser au dernier week-end passé avec Sally et Ned à New York, en se demandant si elle n’avait pas manqué quelque chose à cet occasion. Un signe si petit soit-il, une infirme indication que quelque chose n’allait pas. Mais elle avait beau chercher, elle ne voyait rien.
Quelques heures plus tard, Jenny retenait à grande difficultés un bâillement pendant que Peter stoppait sa voiture devant les bureaux de Save Children. L'association louait des locaux dans le centre-ville de Charlestown.
— Tout ça a l’air charmant, fit remarquer Peter en claquant la portière.
Devant le bâtiment de style géorgien, une immense photo de parents contemplant avec émerveillement un nouveau-né niché dans les bras de la femme ondoyait au-dessus de leur tête.
Les deux amis entrèrent et se présentèrent à l'accueil. On les introduisit presque immédiatement dans une vaste salle de conférence, au bout du couloir. Elle pensa à leur entrevue la veille à New York avec les avocats du cabinet Allen & Roth.
— M. et Mme Simmons ainsi que M. Ariyoshi ne vont pas tarder, leur annonça la secrétaire.
Elle leur adressa un sourire rayonnant avant de se retirer.
— Les affaires doivent sacrément bien marcher, nota Jenny en laissant ses doigts glisser le long de la table tout de bois lambrissé.
— Les couples en mal d'enfant, ça ne manque pas, murmura Peter d'un air pensif.
La jeune femme savait qu'il pensait à un de leurs amis. Sa femme et lui essayaient d'avoir un bébé depuis des années, jusqu'ici sans succès. Bien qu’elle eut dépassé les trente ans, Jenny ne se sentait pas encore pressée de fonder une famille mais savait que si elle voulait un jour avoir des enfants, elle ne devait pas attendre trop longtemps. Il ne lui restait plus qu'à trouver le père, songea-t-elle avec un sourire narquois. Peter l’interrogea du regard et elle secoua la tête.
Les responsables de Save Children arrivèrent juste après.
— Mark Simmons, je présume, dit Peter en se levant pour serrer la main tendue du fringuant sexagénaire.
— Oui, et permettez-moi de vous présenter Daniel Ariyoshi, notre co-président. Et mon épouse Barbara.
— Mark et moi avons fondé l'association ensemble, il y a près de trente ans ...
— Et je les ai rejoints plus tard, acheva Daniel Ariyoshi avec un grand sourire.
Jenny ne manqua pas de remarquer que Mme Simmons avait l'air irritée par son interruption.
Ils prirent tous place autour de la longue table.
— J'ai été absolument navré d'apprendre le décès de votre tante et son époux, commença Mark Simmons. Et les circonstances ... Mon Dieu, c'est terrible. Sally était une femme exceptionnelle et si pieuse.
— Vous l'avez bien connue alors ? demanda Jenny.
— Eh bien, nous n'étions pas vraiment des amis intimes. Nos relations étaient avant tout professionnelles mais à l'époque, nous étions beaucoup moins nombreux à Save Children et les relations de travail devenaient souvent plus personnelles, plus profondes.
— Nous lui portions une sincère affection, ajouta sa femme.
— Mais vous avez cessé de vous fréquenter quand elle est partie ?
— Oui. Le travail, vous comprenez. Nous étions tous très occupés.
Jenny jeta un coup d'oeil rapide vers Daniel Ariyoshi, qui ne disait rien. Pourquoi assistait-il à leur entretien alors qu'il semblait trop jeune pour avoir travaillé ici en même temps que Sally ? Il ne devait même pas avoir quarante ans.
Comme s'il lisait dans ses pensées, Peter reprit la parole et se tourna vers Ariyoshi.
— Et vous, M. Ariyoshi, avez-vous connu Sally Quinn ? Enfin, Sally Vaughan à l'époque.
— Non. Elle nous avait quittés depuis longtemps quand j'ai commencé à travailler pour l'association.
— Elle est allée offrir ses services de sage-femme à l’Hôpital de Charlestown. C'était plus pratique, une fois que vous étiez venue vivre avec elle, expliqua Mark Simmons.
— Est-ce que le nom de Uliana Golovkina vous dit quelque chose ? demanda brusquement Peter.
— Qui est-ce ?
— Est-ce que son nom vous dit quelque chose ?
— Pas vraiment non.
— C'est une jeune femme qui est morte à Charlestown en décembre 1992. Alors, est-ce que ça éveille quelques souvenirs ?
— Absolument pas, assura Barbara Simmons.
— Quel rapport avec notre association ? s'enquit Daniel Ariyoshi.
Peter prit tout son temps pour répondre.
— Aucun peut-être mais c'est une piste que nous suivons.
— Que vous suivez ? Que faites-vous exactement ? Une enquête sur la mort des Quinn ?
Cette fois, c'était Mark Simmons. Il paraissait surpris.
— C'est exactement ça. Pour quelle raison pensez-vous que nous étions ici ?
Ariyoshi haussa les épaules, les sourcils froncés.
— Nous nous le demandions justement.
— Je pensais que vous vouliez parler du travail de Sally à Save Children, intervint Mme Simmons. Comme vous le savez, elle était sage-femme. Ici, nous recueillons des jeunes femmes, souvent désœuvrées et en mal de repères. Nous leur proposons un hébergement pour la durée de leur grossesse et les mettons en relation avec des couples souhaitant adopter. Sally assurait le suivi de grossesse et s'occupait de l'accouchement, et éventuellement du suivi post-natal.
— Ça m'a l'air d'être un travail des plus gratifiants. Pourquoi ma tante l'a-t-elle quitté ?
— Nous vous l'avons déjà expliqué. Sally voulait ...
Elle s'interrompit et se tourna vers la porte qui venait de s'entrouvrir. Un jeune homme blond passa sa tête bouclée dans l'entrebâillement.
— Ah ! Laissez-moi vous présenter Andre Gold. Un brillant jeune homme qui fait un peu de secrétariat pour nous en attendant de faire sa rentrée à la faculté de droit de Columbia.
— Il a été adopté grâce à nous et a vécu une vie extrêmement heureuse auprès d'une famille aimante. Sans Save Children, pensez-vous que tout cela aurait été possible ?
— Probablement pas, reconnut Peter.
— Les Delaney sont arrivés, annonça le jeune Andre. Souhaitez-vous que je leur dise de patienter encore un peu ?
— Non, nous avions terminé de toute façon, dit Simmons d'un ton péremptoire. N'est-ce pas ?
— Tout à fait, confirma Peter en se levant. Merci infiniment de nous avoir accordé un peu de votre temps. Nous savons à quel point il est précieux. Tu viens, Jenny ?
Ils quittèrent rapidement les lieux.
— Mais à quoi est-ce que tu joues ? lui demanda-t-elle dès qu'ils furent dehors. Pourquoi est-ce que tu as laissé Simmons nous virer comme des malpropres ? On n'a même pas eu le temps de les interroger sur le bébé disparu de Uliana !
— Même s'ils savaient quelque chose à ce sujet, ils ne nous l'auraient pas dit. Mais je me suis rappelé un truc ... Tu te souviens cette liste de noms et de dates dans le box de ta tante ?
— Évidemment.
— Jusqu'ici, on n'arrivait pas à comprendre leur signification. Et si c'était les noms de bébés adoptés à l'époque où elle travaillait pour Save Children ? Ainsi que les dates correspondant à leurs adoptions ?
Jenny le regarda une bonne minute, sans mot dire.
— Je me demande pourquoi on n'y a pas pensé avant.
— Moi aussi. Mais la vraie question, c'est pourquoi ta tante a-t-elle conservé cette liste ?
— Je ne sais pas, peut-être en souvenir du bon vieux temps, hasarda la jeune femme. Elle devait être fière de ce qu’elle avait accompli avec l’association à cette époque.
— Alors ce serait par pur sentimentalisme ? Non, dit Peter après un moment, je crois que c'était pour une toute autre raison. Un peu plus sinistre sans doute. |