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La fureur du fleuve
Par SarahCollins
Originales  -  Mystère  -  fr
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    Chapitre 18     Les chapitres     2 Reviews     Illustration    
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Voleurs d'enfance

Michael Jackson - Childhood

18. Voleurs d'enfance

 

L’enfance. Elle n’est donnée qu’à quelques-uns. Breda M. Spaight

Jenny se serait volontiers accordé une grasse matinée, et même une grasse journée en l’absence de Peter, mais elle dut abandonner ce séduisant projet.

On toquait à la porte.

Elle grogna, roula littéralement sous la couette dans l’espoir de décourager cet inopportun visiteur mais c’était peine perdue. 

Elle poussa un gémissement à fendre l’âme, à moitié étouffé par l’oreille et finit par sortir du lit. Elle ne portait qu’un vieux t-shirt à l’effigie de David Bowie et un short pour dormir mais n’avait ni le courage ni le temps de s’habiller un peu plus convenablement, aussi s’enroula-t-elle dans la couette avant d’aller ouvrir.

Elle n’avait vu la jeune femme qui se tenait sur le pas de la porte qu’une seule fois, ce qui expliquait le temps d'arrêt qu'elle marqua sur le pas de la porte. Sans parler du fait qu’elle était encore à moitié, voire au trois quarts, endormie.

— Ah, vous êtes la serveuse du Quinn’s, c’est ça ? finit-t-elle par se rappeler après un moment d’incertitude assez gênant. Carol. Désolée, je ne suis pas très bien réveillée.

La jeune fille aux cheveux bruns hocha vigoureusement la tête, un sourire incertain dansant sur ses lèvres fines.

— Oh, je vous en prie, entrez, l’invita Jenny qui recula de quelques pas tout en tentant de ne pas se prendre les pieds dans son épaisse couverture. Excusez ma tenue, je ne m’attendais pas à recevoir de la visite aujourd’hui.

— Non, c'est cool, dit Carol en refermant la porte derrière elle. C’est de ma faute, de toute façon. Je suis vraiment navrée de venir vous déranger comme ça sans prévenir. J’aurais dû appeler.

— Ne vous en faîtes pas, ce n’est pas grave, la rassura Jenny.

Elle lâcha sa couette pour ôter les notes de Peter d’une chaise et faire un peu de place à la nouvelle arrivante.

— Asseyez-vous. Je suis désolée, je n’ai rien à vous proposer à boire.

­— ça ne fait rien.

— Bien, tant mieux alors … Comment vont vos parents ?

— Bien, merci.

Elle ne cessait de croiser et de décroiser les jambes sous sa robe légère et même sans avoir l’expérience de Peter dans l’art de cuisiner les gens, Jenny pouvait facilement voir que la jeune fille en face d’elle était très nerveuse. Que se passait-il encore ? se demanda-t-elle.

Elle mourrait d’envie d’interroger Carol mais comme elle n’avait pas la moindre idée de ce qui avait bien pu l’amener ici, elle se tut et attendit patiemment qu’elle se jette à l’eau.

— Je sais que vous devez vous demander ce que je fais ici et à vrai dire, je ne le sais pas vraiment moi-même. Maintenant que je suis devant vous, je me sens un peu bête mais vous avez dit que tout pouvait être important et donc, je me suis dit qu’il fallait quand même que …

— Oh là, on se calme, l’arrêta gentiment Jenny qui repensa à la conversation similaire qu'elle avait eue avec la mère de Carol. Je pensais ce que je vous ai dit l’autre jour, à propos des choses insignifiantes au premier abord qui peuvent s’avérer importantes par la suite mais si ce n’est pas le cas de ce que vous avez à me dire, … eh bien, tant pis. En tout cas, je ne vous en tiendrai pas rigueur, d’accord ?

Carol hocha la tête.

— Bon. Je suis en dernière année d’étude de cinéma à NYU. Je passe la semaine à New York et mes week-ends et les vacances ici. En fin d’études, juste après la cérémonie de remise de diplômes, tous les étudiants sont censés présenter un mini-film ou documentaire à propos du sujet de leur choix. Et moi, j’ai choisi la ville de Charlestown.

— D’accord, déclara Jenny, qui ne savait que penser de cette conversation. Euh, c’est un bon choix je suppose, c’est votre ville natale et tout ça.

— Oui. Bref, l’idée c’était de filmer des habitants dans des lieux assez représentatifs de la ville et le Quinn’s faisait partie des lieux que j’avais choisi il y a quatre ans, expliqua Carol d’un ton un peu plus assuré. J’ai toujours trouvé que c’était l’un des endroits les plus fascinants de Charlestown, même si peu de personnes seraient d’accord avec moi. D’un côté, la clientèle et les propriétaires appartiennent à la classe moyenne et certains clients sont même plutôt pauvres mais de l’autre, l’établissement se situe dans l’un des quartiers les plus cossus de la ville et est donc fréquenté par les habitants de ce quartier. C’est toute la complexité de Charlestown résumée dans un seul endroit. C’est un paradoxe intéressant, vous ne trouvez pas ?

— Oh oui, très.

— L’ennui, c’est que je voulais faire un docu plus qu’un film, vous voyez ? Quelque chose d’authentique et de vrai. Et ça aurait été difficile d’obtenir ça si les gens avaient su qu’ils étaient filmés donc j’ai décidé d’opérer en caméra cachée.

­— Ma tante le savait ? demanda Jenny qui connaissait déjà la réponse.

Carol secoua la tête en rougissant.

­— Non mais elle a fini par le découvrir il y a deux ou trois mois. Elle a trouvé les caméras, enfin uniquement celles que j’avais cachées dans les toilettes pour femmes. Heureusement, j’ai pensé à récupérer les autres, sinon, elles auraient brûlées dans l’incendie et je n’aurais plus eu de film du tout ! Enfin, non pas que ce soit ce qu’il y a de plus important bien sûr, ajouta-t-elle sous le regard glacial de son interlocutrice.

— J’imagine qu’elle vous a passé un sacré savon quand elle s’est rendu compte de votre petit manège ? demanda froidement Jenny.

— Justement non. Je veux dire, j’ai bien vu qu’elle était super énervée et je crois que c’est uniquement parce qu’elle est amie avec mes parents qu’elle ne m’a pas virée sur-le-champ mais en-dehors de ça ... Elle a réagi de manière plutôt calme je trouve.

Jenny se retint de répliquer qu’à son avis, la jeune étudiante s’en était tirée à très bon compte. Si quelqu’un avait découvert ce qu’elle faisait dans le dos des clients du Quinn’s, c’était Sally qui aurait payé les pots cassés.

— Et ce qui est vraiment bizarre c’est qu’elle m’a rendu les bandes et plus tard, en les examinant pour faire le montage de mon projet d’étude, je me suis rendu compte qu’il manquait une partie du film.

— Comment ça ? Enfin je veux dire, comment vous le savez ?

— C’est évident. À un moment du film, une femme entre dans les toilettes, il y a une coupure brusque, l’image disparaît et est remplacée par un écran noir pendant quelques secondes et ensuite, ça reprend avec une autre femme. C’est assez grossier …

— Vous pensez que c’est ma tante qui a fait ça ? Mais pourquoi Diable aurait-elle supprimé une partie de vos bandes ?

— Aucune idée mais quelqu’un l’a fait et je ne vois pas qui ça pourrait être, en-dehors Sally.

Elle n’avait pas tort, dut reconnaître intérieurement Jenny.

— Je sais que ça semble très bizarre mais je suis sûre de ce que j’avance : il manque une toute petite partie des bandes qui date de septembre 2010. Votre tante l’a effacée. Je pensais que vous voudriez le savoir.

OooOo

Arrivé à la station-essence, Peter arrêta son éternelle Corvette rouge et descendit de voiture. Il laissa son véhicule au soin du pompiste et entra dans le magasin. Sans se presser, il flâna entre les rayons, à la recherche d’un en-cas pour sa « virée » à Binghamton.

Chargé de quelques sodas, plusieurs paquets de chips et diverses friandises, il se plaça dans la file d’attente, en essayant de ne pas penser à ce que Jenny dirait si elle le voyait se gaver de sucreries ainsi.

Il s’inquiétait pour elle à vrai dire : ces dernières semaines avaient été extrêmement éprouvantes. Elle devait non seulement faire son deuil, admettre que le meurtrier soit toujours en liberté, endurer les rumeurs sur la thèse de la police – celle du meurtre-suicide – mais aussi accepter le passé peu glorieux de sa tante à Save Children. Et maintenant, il y avait ce chantage auquel on l’avait soumise peu de temps avant sa mort. Cela faisait beaucoup pour une seule personne, même pour quelqu’un d’aussi fort et « dur à cuire » que Jenny.

Peter comprenait qu’aujourd’hui, elle ait préféré rester à l’hôtel plutôt que de s’infliger le voyage jusqu’à Binghamton.

D’autant plus qu’il devinait sans que son amie n’ait besoin de l’exprimer à haute voix qu’il devait être extrêmement pénible de se retrouver confrontée aux conséquences des funestes actions de sa tante. Elle n’en était pas responsable mais elle semblait éprouver une certaine honte et devoir affronter un jeune homme dont la vie avait été brisée par une adoption désastreuse n’aurait fait que renforcer ce sentiment.

Mais c’était peut-être là-bas, à Binghamton, que se trouvait la réponse, la clé de l’énigme.

C’était en tout cas depuis cette ville qu’avait été passé le fameux appel durant lequel, à bout de nerf, Sally Quinn avait crié qu’elle n’allait pas pouvoir payer indéfiniment. Elle parlait – ou plutôt – se disputait avec celui qui la faisait chanter.

Et contre toute attente, il se trouvait que le jeune Sean Vogel …

— Monsieur Westerfield ? l’interpella-t-on.

Peter se retourna et se retrouva nez à nez avec le secrétaire de Save Children, Andre Gold.

— Oh, bonjour Andre, le salua-t-il. Comment allez-vous ?

Le jeune homme se contenta d’un haussement d’épaules. Peter comprenait. Comme Jenny, il avait dû traverser de pénibles moments dernièrement, avec la mort de Mark Simmons dans des circonstances controversées et toujours non élucidées et la fusillade essuyée par sa veuve. Sans parler des rumeurs autour de l’association Save Children.

Se rappelant soudain l’âge d’Andre, Peter réalisa qu’à l’instar de Daniel Ariyoshi, il n’était peut-être même pas au courant desdites rumeurs. A moins que …

—Est-ce que vous avez entendu parler d’un documentaire sur Save Children ? lui demanda-t-il alors que la file avançait toujours aussi lentement.

— Ah, ne m’en parlez pas !

— Pourquoi pas ?

— J’ai rencontré la réalisatrice il y a quelques semaines. Raquel Payton, fit-il avec une moue de dégoût.

— Le courant n’est pas passé entre vous ?

— C’est le moins qu’on puisse dire. Elle m’a abordé à la sortie du boulot et n’a pas arrêté de me poser des questions tordues sur les Simmons et SC. Elle voulait me faire dire d’horribles choses sur eux.

— De quel genre ? s’enquit Peter, qui avait une petite idée de la réponse.

— C’était à propos de … d’adoptions illégales et d’enfants maltraités.

— Et vous pensez qu’elle mentait ?

— Bien sûr ! s’enflamma Andre pendant que Peter déposait ses articles sur le tapis déroulant. Elle n’enquêtait qu’à charge, elle menait une vraie cabale. 

— Vous n’avez pas un peu l’impression d’exagérer Andre ?

Il paya ses articles et les fourra dans sa sacoche de cuir.

— Non, je n’exagère rien du tout. Tenez : quand je lui ai proposé de m’interviewer pour son documentaire à la noix, elle a immédiatement refusé. Et vous savez pourquoi ?

— Non, pourquoi selon vous ?

Le jeune détective attendit Andre pendant qu’il payait son casse-croûte : un sandwich et une canette de soda.

— Parce qu’elle ne voulait pas entendre parler d’une adoption réussie au sein d’une famille aimante et tout ce qu’il y a de plus équilibrée, lui répondit le jeune homme quand ils furent à l’extérieur du magasin. Tout ça grâce aux Simmons. Cette Payton ne cherchait pas la vérité, elle menait une véritable vendetta contre SC.

Visiblement, Andre ne connaissait pas non plus la vérité sur ses « bienfaiteurs ». Avant que Peter n’ait pu décider s’il devait ou non la lui dévoiler, le jeune homme s’était éloigné après un petit salut de la main, lui laissant une drôle d’impression.

Il haussa les épaules et monta dans sa voiture. Direction Binghamton. Il venait à peine de démarrer quand son téléphone sonna. Il activa son kit main libre et décrocha.

— Monsieur Westerfield ? Jack Kerrigan à l’appareil, l’avocat du cabinet Allen & Roth. Votre amie Jenny m’a donné votre numéro de téléphone. Je ne vous dérange pas j’espère ?

— Non, pas du tout.

— Après ma conversation avec Jenny, j’ai mené ma petite enquête au cabinet. Toute cette histoire me semblait bizarre. Je ne comprenais pas pourquoi mes patrons auraient refusé une affaire aussi juteuse, expliqua-t-il. Et j’ai fini par découvrir la vraie raison pour laquelle le cabinet ne voulait pas s’occuper de Sally et Ned Quinn.

Aux aguets, Peter vérifia que son kit main libre était parfaitement en place.

— Vous vous souvenez qu’après mon rendez-vous avec les Quinn, Herbert Allen, l’un des associés du cabinet, est venu me voir pour s’assurer que je laissais bien tomber l’affaire ?

— Oui.

— Eh bien, figurez-vous que c’est l’oncle de Linda Thompson, révéla l’avocat.

Peter siffla à l’évocation du nom de la vice-présidente de l’ancienne banque de Sally Quinn.

— J’ai eu une réaction à peu près similaire. Il m’a fallu du temps pour le découvrir, Allen n’étant pas du genre à parler de sa famille, surtout avec des subalternes comme moi, plaisanta Kerrigan. Je ne sais même pas s’il a des enfants par exemple. En plus, madame Thompson est sa nièce du côté maternel et elle porte le nom de son mari. Il ne s’est jamais vanté de son lien avec elle même si elle est l’une des banquières les plus célèbres du pays.

— Et maintenant qu’elle est plongée dans les ennuis judiciaires jusqu’au cou, il a encore moins de raison de le faire, souligna Peter.

C’était un euphémisme. Depuis le début de la crise économique et la faillite de la banque Sheridan Brothers, son ancienne vice-présidente Linda Thompson était devenue le symbole médiatique d’une cupidité aveugle et dévorante qui avait coûté à d’honnêtes citoyens leurs jobs et les économies de toute une vie.

— Maintenant que j’y pense, ça explique tout, reprit Kerrigan. Herbert Allen n’allait pas laisser ses propres employés traîner en justice la fille de sa sœur. Et je pense qu’il était prêt à aller loin pour la protéger.

— C’est-à-dire ? demanda Peter qui fusilla du regard l’arrière de la voiture qui venait de le doubler sans ménagement.

—Je viens juste de récupérer avec l’aide d’un collègue informaticien un e-mail que m’avait envoyé Sally Quinn. Il date du lendemain de notre entretien au cabinet.

— Comment se fait-il que vous n’y accédiez que maintenant dans ce cas ?

— Mon collègue pense que ma boîte e-mail a été piratée afin que je ne reçoive pas certains messages. Dans le mail en question, madame Quinn m’expliquait qu’elle avait un enregistrement d’une conversation téléphonique entre Linda Thompson et son courtier en bourse, seulement quelques heures avant la faillite de la banque, rapporta l’avocat. Elle me disait qu’elle m’enverrait l’enregistrement dans un second mail.

— Mail que vous ne n'avez jamais reçu, je suppose ? devina le détective.

— Vous supposez bien. Je n’avais jamais vu cet e-mail. Je pense qu’en l’absence de réponse de ma part, elle a dû se décourager. Ou alors elle me l’a envoyé mais l’enregistrement est en possession de celui qui a piraté ma boîte mail.

Les sourcils froncés, Peter s’engagea sur la bretelle de sortie de l’autoroute. Il avait une autre hypothèse en tête. Il n’avait aucun mal à imaginer Herbert Allen, sentant le danger que courrait sa nièce, renvoyer un e-mail à Sally Quinn pour lui faire abandonner l’idée d’une action en justice. De ce qu’il savait de l’homme et du milieu de requins dans lequel il évoluait, Peter le pensait même capable de la menacer, explicitement ou pas. Toutefois, il garda cette hypothèse pour lui. Non pas qu’il n’eut pas confiance en Jack Kerrigan mais il n’oubliait pas que le jeune avocat travaillait pour Allen. Suggérer devant lui que son patron était impliqué de quelque manière que ce soit dans les meurtres des Quinn était aussi prématuré qu’imprudent.

Aussi Peter remercia Kerrigan pour les infirmations qu’il lui avait fournies et raccrocha. Il se concentra sur la tâche qu’il l’attendait.

Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour retrouver Sean Vogel, l’adolescent adopté par le biais de Save Children et dont le père avait battu à mort la mère sous ses yeux, alors qu’il n’avait que dix ans.

Raquel Payton avait tenu des notes très précises à son sujet et son amie Sophia avait accepté de les lui prêter.

Depuis le drame, le jeune homme était passé de familles d’accueil en cures de désintoxication. Il en était à sa cinquième.

Mais celle-ci était d’un genre particulier, comme le lui avait expliqué la directrice de l’établissement au téléphone. Les participants y entraient de leur plein gré et pouvaient mettre fin à la cure dès qu’ils le souhaitaient. Et revenir ensuite.

C’était d’ailleurs ce qu’avait fait Sean Vogel.

L’adolescent boutonneux l’attendait dans le jardin, allongé sur une chaise longue sous un saule pleureur.

— Bonjour Sean.

Pas de réponse.

— Je suppose qu’on vous a prévenu de ma venue. Je suis Peter Westerfield et j’enquête sur les meurtres de Sally et Ned Quinn.

Comme Sean ne réagissait pas, il explicita sa pensée.

— Sean, ce n’est pas la peine de faire semblant. Je sais que le nom de Sally ne vous est pas étranger. Vous la faisiez chanter, si je ne m’abuse ?

Sean ricana mais son rire manquait singulièrement de joie.

— La faire chanter ? Vous aimez les grands mots, hein ?

— Comment appelez-vous ce que vous lui avez fait dans ce cas ?

— Un juste retour des choses. Récupérer son dû. Choisissez le terme qui vous convient.

— Donc, vous ne niez pas lui avoir extorqué de grosses sommes d’argent au cours des mois précédant sa mort ?

— Non. Après tout ce que j’ai enduré à cause d’elle et de son association de malheur …

— Vous connaissez Save Children ?

— Oui mais pas depuis longtemps. Jusqu’à présent, j’avais toujours pensé que c’était par malchance que j’étais né dans une famille certes très riche mais affublé d’un papa alcoolo et violent et d’une maman poivrote toujours recouverte d’une couche de maquillage. Pour masquer les bleus, précisa-t-il.

— Vous ignoriez votre adoption ?

— Ouais. Je ne ressemble pas à mes parents, c’est vrai, mais dans ce genre de situation, on cherche toujours à trouver des similitudes là où il n’y en a vraiment aucune.

Peter comprenait. Il ne comptait plus le nombre de fois où des connaissances lui avaient dit qu’il ressemblait comme deux gouttes d’eau à son père … avant de se décomposer et d’éclater d’un rire nerveux quand il leur expliquait qu’il avait été adopté à l’âge de dix ans.

— Alors, reprit Sean, imaginez un peu ma surprise quand une certaine Raquel Payton vient me voir pour me parler d’un documentaire auquel elle voudrait que je participe. Au sujet d’une association dont je n’ai jamais entendu parler et qui avait supervisé – encore un grand mot, si vous voulez mon avis – mon adoption. Dont je n’avais jamais entendu parler non plus.

— Donc c’est Raquel qui vous a tout expliqué.

— Elle m’a parlé des méthodes de Save Children. Au début, je n’y croyais pas mais ensuite, j’ai retrouvé un acte de naissance avec le nom de Sally Vaughan comme témoin oculaire de l’accouchement de ma mère. Madame Payton m’a dit que c’était l’une de leurs sages-femmes. Que grâce à elle, les parents adoptants deviennent les parents biologiques en un tour de passe-passe administratif. C’est à cause d’elle … tout ça.

Il engloba d’un geste large toute la résidence.

— Comme elle avait enquêté sur SC, elle avait l’adresse de votre Sally et elle me l’a refilée.

— Je suppose qu’elle ignorait vos intentions quand elle vous a fourni l’adresse ?

— En effet. Je lui ai juste dit que je voulais rencontrer cette Sally Quinn parce qu’elle avait aidé ma mère à me mettre au monde.

Il secoua la tête l’air incrédule, comme s’il n’arrivait pas à croire que Raquel Payton ait pu avaler un aussi piteux mensonge.

— Que s’est-il passé ensuite ?

— J’ai débarqué à Charlestown, j’ai vu le merveilleux bar-restaurant que Sally tenait. Les affaires marchaient. C’était une femme bien sous tout rapport, très appréciée dans le quartier. Et surtout, elle avait un nouveau mari qui visiblement ignorait tout de son passé. Alors je lui ai dit que si elle ne me donnait pas le fric que je lui demandais, son cher époux et tous ses amis découvriraient ce qu’elle avait fait avec Save Children. Qu’elle avait participé à un ignoble trafic d’enfants. Évidemment, elle m’a donné ce que je voulais sans discuter. Oh, elle a bien essayé de m’amadouer avec quelques excuses larmoyantes et tout le bordel ... Mais je ne me suis pas laissé avoir. Il suffisait que je la regarde au milieu de son resto super sympa et que je me rappelle les endroits où j’avais grandi pour me remettre les idées en place, ajouta-t-il.

Peter commençait à entrevoir ce qui s’était passé ensuite. Témoin du succès du Quinn’s, Sean avait cru Sally riche, ce qu’elle n’avait jamais été et était encore moins depuis ses ennuis avec sa précédente banque. Rapidement, elle n’avait pas pu payer et désireuse de ne pas révéler son passé à Ned, elle s’était tournée vers l’homme qui l’avait brutalement quittée des années plus tôt.

— Mais ensuite, elle s’est rebellée et vous a dit d’aller vous faire voir.

— En gros, oui.

— Et c’est là que vous avez pété les plombs et débarqué à Charlestown pour lui régler son compte, continua Peter sans le quitter des yeux.

Sean ricana.

— Pourquoi est-ce que j’aurais fait ça ? Les morts paient rarement, vous savez.

— Peut-être mais vous étiez en étiez en colère contre Sally Quinn. Pire, vous étiez fou de rage. Ce n’était plus seulement une question d’argent, mais aussi de vengeance. Surtout de vengeance en fait. Vous vouliez lui faire payer ce qui vous avait été infligé par sa faute.

Sean se contenta de lever les yeux au ciel mais le détective n’en avait pas encore fini.

— Vous n’aviez sans doute pas prévu de tuer son mari mais il a débarqué et il ne vous a pas laissé le choix.

— Ouais, ouais, c’est ça. Vous réalisez que ce que vous dites est ridicule ? Faut vous faire soignez !

— La directrice du centre affirme que vous n’étiez pas là le soir de leur mort, asséna Peter, imperturbable.

— Et alors ? Ce n’est pas un crime que je sache. De toute façon, j’étais juste allé faire un tour.

— Toute la journée ? D’après votre directrice, vous vous étiez enfui et vous avez réintégré le programme plusieurs jours plus tard. Peut-être par culpabilité, Sean ?

Sa seule réponse fut de se lever et de retourner dans la résidence.

Peter réalisa qu’il n’avait même pas eu le temps de l’interroger sur la fusillade au cimetière mais quelque chose lui disait que Sean n’était pas près de répondre à ses questions.

OooOo

Peter était épuisé quand il rentra à Charlestown. Il redoutait aussi de devoir raconter son entrevue infructueuse avec Sean à Jenny. La jeune femme semblait de plus en plus découragée et il ne voulait surtout pas la déprimer davantage mais le fait était qu’il n’avait pas la moindre preuve contre Sean Vogel ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs.

Il salua d’un signe de tête la gérante qui lisait un magazine people titrant sur la énième grossesse non avérée de Jennifer Anniston et monta rapidement à l’étage.

Lorsqu’il entra dans la petite chambre d’hôtel, Jenny était assise sur le lit, emmitouflée dans une vieille couverture bordeaux. Elle tenait une photo entre ses mains tremblantes et de grosses larmes coulaient sur ses joues.

— Peter ? Tu es déjà rentré ?

Peter laissa tomber sa sacoche sur la chaise près de la porte et se précipita vers son amie.

— Jenny, qu’est-ce qui se passe ?

Elle ne répondit rien, trop occupée à tenter d’essuyer son visage.

— Rien, ça va, ça va. Ne t’en fais pas. Comment ça s’est passé avec Sean ?

— Jen, ne me prends pour un imbécile, lui répliqua Peter en lui attrapant les mains. Dis-moi ce qui ne va pas.

La jeune femme prit une profonde inspiration et ferma les yeux. Il saisit la photo qu’elle tenait au creux de sa main droite. Elle l’avait serrée si fort qu’elle était toute chiffonnée. Il la posa à plat sur le lit et la défroissa, dévoilant ainsi l’image d’une jeune fille blonde assisse sur un lit d’hôpital. Entre ses bras frêles, reposait un nourrisson à la peau mate et aux cheveux déjà bien fournis et légèrement crépus. Il lui fallut quelques minutes pour identifier dans les traits fatigués de l’adolescente blonde ceux de Jenny.

Perplexe, Peter leva les yeux vers Jenny.

— C’est ma fille, finit-elle par souffler entre deux sanglots.

 
 
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