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La fureur du fleuve
Par SarahCollins
Originales  -  Mystère  -  fr
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Réveil brutal

PARTIE II : SALLY QUINN

The Beatles – Yesterday

9. Réveil brutal

Le monde m'est nouveau à mon réveil chaque matin. Colette

Jenny Brian se réveilla doucement, baignant dans une félicité dont elle n'identifia pas immédiatement la cause. Elle entrouvrit les yeux mais il faisait trop sombre dans la chambre pour identifier quoi que ce soit. Elle distinguait à peine le mobilier, le placard contre le mur, le réveil de l'autre côté du lit. Une chose était sûre, elle n'était pas chez elle. Prenant soudain conscience du corps chaud allongé à ses côtés, elle bougea un peu et ne s’arrêta que lorsqu’elle rencontra une jambe.

Elle sourit intérieurement. Elle était là la raison de son bien-être. Peter, son ex-petit ami, son meilleur ami. Elle venait de partager son lit pour la première fois depuis leur rupture, presque dix ans plus tôt.

Alors la soirée de la veille lui revint comme dans un film.

Avec quelques jours de retard et ses plus proches amis, elle avait dignement fêté son anniversaire dans son restaurant préféré. Puis, ils s'étaient tous glissés dans un taxi pour finir la soirée chez Peter. Ils avaient bu quelques verres, pioché dans l'impressionnante collection de vinyles de son ami avant de s'en aller un par un. Par un heureux hasard, Jenny et Peter s'étaient retrouvés seuls chez lui, à moitié allongés sur le canapé. L'alcool – et l'imminent remariage de l'ex-femme de Peter – aidant, ils avaient passé la nuit ensemble.

Elle soupira et roula sur le côté. Il fallait qu'elle rentre chez elle en vitesse, se douche et se change avant de se rendre au travail. Voilà ce que c'était que de faire la fête en semaine à son âge. Les folles soirées de sa jeunesse étaient bien loin !

Elle ramassa ses vêtements éparpillés au pied du lit et venait de se lever quand son téléphone sonna. S'ensuivit une épique bataille pendant laquelle elle tenta de retrouver son mobile sans réveiller Peter ou tomber sur le parquet de la chambre. Elle le trouva au moment même où son compagnon se tournait vers elle, les yeux encore bouffis de sommeil. Elle lui adressa un sourire incertain tout en décrochant.

— Allô ?

Pendant quelques instants, elle écouta sans rien dire. Ses traits délicats et mobiles se figèrent en un masque privé d'expression. Ses yeux clairs se glacèrent. Les monosyllabes qu'elle prononçait ne lui permettaient pas de comprendre de quoi il s'agissait mais son ami paraissait inquiet.

— Très bien, finit-elle par dire d'une voix étonnamment calme. Je serais là cet après-midi. Merci d'avoir appelé.

Elle raccrocha et regarda son téléphone. Elle tenait le drap serré entre ses doigts, plaqué contre sa poitrine, comme une protection entre elle et le reste du monde.

— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda Peter.

Elle détourna les yeux du téléphone et le regarda d'un air hébété. Puis elle s'éclaircit la gorge :

— Le restaurant de ma tante et son mari a brûlé et … la police a découvert deux corps dans leur appartement. Leurs corps. Ils sont morts.

— Mon Dieu, … Jenny, je suis désolé !

Il se redressa et s'approcha mais elle repoussa sa sollicitude d'un geste.

— Je … Il faut que j'y aille. J'ai plein de choses à faire. Rentrer chez moi, me changer, appeler le boulot, aller à Charlestown, énuméra-t-elle en rassemblant le reste de ses affaires.

— Attends un peu … Tu ne veux pas que je t'accompagne ? Je ne suis pas sûr que tu sois en état de conduire.

— Non, non, ça ira, lui assura-t-elle. Je peux me débrouiller seule. J'ai l'habitude.

Elle enfila à toute vitesse ses vêtements et rentra chez elle en taxi.

Le visage de Peter, inquiet et tourmenté, s'imposa à son esprit. Il s'était montré plein d'attentions, désireux de l'aider mais elle l’avait repoussé. Alors, il s'était éloigné pour lui laisser un peu d’espace. Il s'était contenté de la regarder rassembler ses effets personnels, un air de plus en plus perplexe sur son visage affable.

Elle comprenait sa réaction. Il devait s'interroger. Qui ne le ferait pas en découvrant que la femme qu'il avait aimée pendant quatre ans avait un glaçon à la place du cœur ? Depuis le coup du fil du policier de Charlestown la prévenant du drame, elle n'avait pas versé une larme. Elle n'avait fait que s'agiter. Oui, voilà qui devait le faire réfléchir.

Jenny avait bien vu qu'il semblait ébahi par son comportement, qu'il ne comprenait pas. Plus d'une fois, elle avait voulu se tourner vers lui pour lui crier : « Ne me regarde pas comme ça. Tu réagirais comme moi s'il s'agissait de ta tante. Ne me juge pas ! ». Mais elle n'avait rien dit. Elle n'avait guère envie de lui expliquer le pourquoi du comment de ses relations avec tante Sally, la femme qui l'avait pourtant pratiquement élevée.

La jeune femme régla le prix de la course et s'engouffra dans son immeuble. Elle ne croisa personne : il était encore très tôt, même pour Manhattan.

Arrivée chez elle, elle ne perdit pas une minute. Prise d'une nouvelle crise de frénésie, elle se déshabilla, prit une rapide douche, se rhabilla, sortit son vieux sac de voyage des profondeurs de son placard. Elle y jeta pêle-mêle quelques vêtements et sa trousse de toilettes.

Sans même prendre le temps de souffler ou d’avaler quelque chose, elle attrapa son sac et quitta son appartement. Telle une tornade, elle dévala les escaliers, se demandant si elle avait emporté assez d'affaires. Elle ne comptait pas rester plus longtemps que nécessaire à Charlestown de toute façon, se dit-elle alors qu'elle se glissait derrière le volant de sa voiture. Juste le temps de régler les affaires en cours et s'occuper des funérailles.

Jenny sursauta. Les funérailles ! Zut, elle avait complètement oublié d'emporter des vêtements noirs pour l'enterrement. Comment avait-elle pu ne pas y penser ?

Et son travail ? Elle avait aussi oublié de les prévenir de son départ précipité.

Elle fouilla dans son sac à main, à la recherche de son téléphone portable et remarqua que ses mains tremblaient.

— Jenny, calme-toi, s’intima-elle à haute voix.

Elle ferma les yeux et se força à prendre de longues et profondes inspirations. Mais c’était peine perdue.

Rouvrant les yeux, elle croisa son reflet dans le rétroviseur. Elle ne se reconnut pas. Cette femme aux cheveux blonds encore mouillés et à l'air hagard, était-ce bien elle ? Elle contempla son visage au teint pâle, pour une fois dépourvu de tout maquillage, dépouillé. Elle se sentit mise à nue. Ses lèvres se mirent à trembler et brusquement, sans pouvoir se contrôler, Jenny fondit en larmes.

OooOo

L'inspecteur Howard Ackles, le policier enquêtant sur la mort de sa tante et son mari, avait une cinquantaine d'années. De petits yeux cobalt, maussades et dubitatifs, dominaient son visage large et rond. Il regarda Jenny s'installer en face de lui, de l'autre côté de la table.

Revenir à Charlestown dix-sept ans après son départ était une expérience surréaliste mais surtout, bien plus douloureuse qu'elle ne l'aurait imaginé. Si elle-même était plutôt satisfaite du chemin parcouru au cours de ces années et de la femme qu'elle était devenue, elle ne pouvait pas en dire autant de la ville.

Elle n'avait jamais vraiment aimé Charlestown, pour être honnête. Forcée d'y vivre après la mort accidentelle de ses parents, elle l'avait toujours vue comme une sorte de purgatoire ou de prison à ciel ouvert mais lui reconnaissait un certain charme. Mais la localité, qui commençait déjà à dépérir lorsqu'elle était partie sans un regard en arrière, n'en avait plus beaucoup de charme, c'était le moins qu'on puisse dire.

— Il y a eu des émeutes, lui expliqua l'inspecteur Ackles, comme s'il lisait dans ses pensées.

De l'autre côté de la rue, la carcasse d'une voiture calcinée rongeait le trottoir.

— J'ignorais qu'elles avaient été si ... intenses.

—Votre tante ne vous avait rien dit ?

— Si, elle m'en avait parlé mais … Nous n'étions pas du genre à nous téléphoner tous les jours, marmonna-t-elle évitant son regard.

En réalité, Jenny n’avait pas vu sa tante Sally depuis plusieurs semaines. Elle était venue la voir à New York en compagnie de son mari mais grippée, elle avait passé la majeure du séjour enfermée dans l’appartement de sa nièce pendant que celle-ci et son mari visitaient la ville.

Lorsque les émeutes avaient commencé, Jenny s'était contentée de prendre des nouvelles de sa tante et de son mari Ned. Une fois rassurée, elle n'y avait plus prêté attention. Quand les médias nationaux avaient commencé à en parler la veille, elle avait immédiatement changé de chaîne. Elle n'aimait pas penser à Charlestown car quelques-uns des plus douloureux souvenirs de sa vie y étaient associés.

— Enfin, c'était il y a quelques jours seulement, ajouta-t-elle, comme pour se justifier.

Nouvel hochement de tête.

— Donc le Quinn's a été brûlé par des émeutiers ? Et d'ailleurs, est-ce que vous êtes sûr qu'il s'agit bien des corps de tante Sally et oncle Ned ?

Il la dévisagea un long moment avant de brièvement hocher la tête. Décidément ! Ce type était-il donc incapable de communiquer autrement que par mouvement de tête ? Ne pouvait-il pas lui parler ?

— Le docteur Lang qui est le médecin légiste de notre juridiction a procédé à une identification dentaire et il est formel : les corps retrouvés dans les décombres du Quinn's sont bien ceux de Sally et Ned Quinn.

Une vision dérangeante de sa tante et son second mari nus et allongés sur une table d'acier oxydant, avant leur autopsie, s'imposa à Jenny. Elle n'avait même pas besoin d'imaginer en réalité. Elle-même médecin légiste, elle ne connaissait que trop bien le processus. Elle secoua énergiquement la tête, pour se remettre les idées en place. Ce n'était pas le moment de penser à cela, de risquer de s'effondrer. Il fallait qu'elle garde les idées claires et la tête froide.

— … pensons qu'ils se trouvaient dans leur appartement, au-dessus du restaurant, quand l'incendie s'est déclaré, disait l'inspecteur Ackles.

— Oui, approuva-t-elle d’une voix énergique, décidée à sortir de sa torpeur. Ça paraît logique puisque vous m'avez dit que le Quinn's était fermé ce soir-là. À cause des émeutes justement.

Elle hésita un instant avant de poser la question qui la taraudait depuis le début de leur entretien. Elle ne voulait pas paraître trop abrupte.

— Est-ce que … Est-ce que vous savez quand je pourrais récupérer les corps pour les funérailles ? Ça ne devrait pas être très long puisque vous avez déjà la cause du décès.

— Justement, en parlant de cause du décès ...

— Oui ? l'encouragea-t-elle.

— Nous l'avons trouvé et ce n'est pas celle que vous pensez. Que nous pensions tous à vrai dire, avoua-t-il.

— Que voulez-vous dire ?

Jenny fronça les sourcils, irritée. Bien sûr qu'ils avaient trouvé la cause du décès. C'était l'asphyxie, puisque Ned et Sally étaient morts dans l'incendie de leur établissement.

— Vous êtes médecin légiste alors je suppose que je peux vous montrer ça.

Et avant qu'elle n'ait pu émettre la moindre protestation, il avait fait glisser vers elle plusieurs photos. De l'autopsie des corps. Ou de ce qu'il en restait plutôt. Mais ce n'était pas le plus choquant. Non, ce qui la stupéfiait, la terrorisait même, ce n'était pas non plus l'état de décomposition des corps. Ça, elle s'y était attendue, elle s’y était préparée même. Mais personne n'aurait pu prévoir ces trous sur le crâne, juste au-dessus de l'oreille pour tante Sally et sur la poitrine pour Ned.

— Des impacts de balle ? murmura-t-elle, interdite.

Son cœur battait si vite et si fort qu'elle avait l'impression qu'il voulait sortir de sa poitrine.

— Oui, des traces de balle sur les deux corps. Il semblerait que le feu n’a pas tué votre tante et son mari. En fait, ils ont été tués par balle avant l'incendie, déclara l'inspecteur Ackles.

OooOo

Lorsqu'ils arrivèrent devant la petite église quelques jours après, Jenny remarqua la présence des journalistes, agglutinés de l'autre côté de la rue. Mais ils étaient peu nombreux, bien moins en tout que ce à quoi la police s'attendait. Sans doute la mort des Quinn avait-elle perdu en valeur journalistique et en sensationnel maintenant qu'il était avéré qu'elle n'était pas directement liée aux émeutes. Mais cela restait un double meurtre, d'où leur présence aujourd'hui.

Elle aurait tellement voulu être ailleurs, n'importe où plutôt qu'ici. Elle n'était à Charlestown que depuis quelques jours mais déjà, elle avait l'impression d'être revenue depuis des années, voire de n’en être jamais partie.

Peter, sentant probablement sa tension, lui prit la main et la serra dans la sienne. Elle lui adressa un petit signe de tête, secrètement heureuse de sa présence à ses côtés.

Entre les bancs où se serraient les amis et les proches, un tapis rouge sang s’étalait jusqu'à l'autel de marbre surmonté d'une croix argenté.

Peter alla s'asseoir sur le premier banc tandis qu'elle se plaçait derrière les porteurs. Ses yeux bleus brillaient de larmes et brouillaient sa vision. Elle essaya de regarder partout sauf dans la direction des cercueils, pourtant juste devant elle. Derrière les bières recouvertes d'un linceul blanc et posés sur un chariot bas en métal à roulettes, un enfant de chœur blond portait une croix et deux prêtres fermaient la procession.

Jenny finissait le cortège.

Tout le monde se leva. Les porteurs – elle avait réalisé avec horreur qu'elle n'en connaissait qu’un seul, et encore pas très bien – firent silencieusement rouler les cercueils vers l'autel.

Lorsqu'elle le rejoignit au premier rang, Peter lui prit à nouveau la main mais cette fois, il ne la lâcha plus.

Elle la serra en retour et bientôt, ce fut tout ce qu'elle sentit, tout ce qui compta. Cette main chaude et puissante, amicale et rassurante. Elle essayait de suivre la cérémonie, d'écouter le père Shaw mais n'y arrivait pas. À son corps défendant, ses pensées la ramenaient plus de deux décennies en arrière, vers un autre double enterrement. Celui de ses parents. Elle n’était qu’une gamine à l'époque mais s'en souvenait comme si c'était hier.

Les parents de Jenny revenaient d'une conférence à Atlanta, il pleuvait, son père avait perdu le contrôle de leur voiture et ils avaient fini par s'empaler sur un arbre. Ils étaient tous les deux morts avant l'arrivée des secours.

Et Jenny avait dû quitter sa Floride natale pour s'installer à Charlestown, une ville au nord de New York. Elle s'était vite rendu compte qu'à Charlestown, en-dehors d’un prestigieux pensionnat, il n'y avait rien, et elle n'avait même pas pu s'y inscrire dans cette fameuse école hors de prix. Elle avait pris ses quartiers chez tante Sally, la sœur de sa mère, et son premier mari.

Soudain, la cérémonie fut terminée.

Peter l'incita à se lever. Etourdie, Jenny marcha lentement derrière les cercueils. Une nouvelle fois, elle évita de regarder autour d'elle, préférant fixer ses yeux sur la porte à double battant, au fond de l'église. Elle sentait pourtant les regards curieux des amis de Sally et Ned se poser sur elle, lui rappelant, si besoin était, qu'elle demeurait une étrangère dans cette ville. Certains devaient se souvenir d'elle et de ce qui lui était arrivé, des années auparavant. Et les autres … Elle imaginait bien leurs commentaires. Elle ne pleurait pas, avançait machinalement, un pied devant l'autre, le regard vide, sachant qu'elle paraissait froide et indifférente. Son attitude devait intriguer, attirer la méfiance.

Une fois dehors, elle prit ses lunettes noires dans son sac à main. Elle préférait rester à l'abri des regards.

Lorsqu'ils arrivèrent chez les amis du couple qui organisaient la réception après la mise en terre, la table de la cuisine était déjà dressée et débordaient d'assiettes et de plats.

Un brouhaha provenait du salon bondé et Jenny fut accueillie par des poignées de mains et des embrassades. Elle répondit le plus poliment qu'elle put et monta au premier étage, désireuse d'arranger son maquillage avant d'affronter à nouveau les invités.

En sortant de la salle de bain, elle aperçut un homme entre deux âges. Elle le reconnut sans peine. C'était l'inspecteur Howard Ackles.

Elle lui adressa un faible sourire, malgré tout un peu irritée de le voir ici. Elle n'avait parlé à aucun des amis de sa tante des traces de balle. Peut-être était-elle encore trop choquée pour partager cette information pourtant cruciale avec eux. De toute façon, la police les mettrait au courant bien assez tôt.

— Vous avez du nouveau, inspecteur Ackles ?

— Oui, mais je ne suis pas certain que ça vous plaise. Alors, peut-être pourrions-nous attendre demain ...

— Pourquoi ? s'enquit-elle d'une voix que l’épuisement rendait plus agressive qu'elle ne l'aurait voulu. Aujourd'hui, demain ou un autre jour, ils seront toujours morts. Et puis, je suppose que vous vous êtes déplacé pour cela.

— Dans ce cas, ...

Jenny et lui s'assirent sur la banquette de la fenêtre. Elle regardait sans la voir la petite rue en face.

— Je ne sais pas si vous étiez au courant mais Sally et Ned Quinn avaient d'importantes dettes. En réalité, ils n'arrivaient plus à s'en sortir financièrement parlent.

La jeune femme secoua la tête, confuse et un peu gênée.

— Je n'en savais rien, avoua-t-elle à mi-voix.

— C'est bien ce que je pensais.

— Et il y a un rapport avec leurs morts, selon vous ?

— Ce qu'il faut que vous compreniez, mademoiselle Brian, c'est qu'on parle de dettes astronomiques, quasi insolvables. Je n'ai pas encore eu le temps de bien me pencher sur la question mais il semble que la faillite de leur ancienne banque les a mis dans de grandes difficultés financières.

— J'étais au courant pour la banque mais c'était il y a un bon bout de de temps déjà. Presque quatre ans, se rappela-t-elle. Et les rares fois où j'en ai parlé à ma tante, elle me disait que tout allait bien maintenant.

Ackles haussa les épaules.

— Elle voulait sans doute vous protéger en vous épargnant des soucis inutiles.

— Sans doute oui.

Mais le policier continuait d'éviter son regard et elle comprit qu'il n'avait pas encore fini, que le pire était à venir.

— Leurs dettes étaient telles que … Bon, je ne sais vraiment pas comment vous annoncer cela, bougonna-t-il, mais il faut que vous accepteriez l'idée qu'ils aient pu eux-mêmes mettre fin à leurs jours. Pour échapper à leurs problèmes.

Comment ? s'exclama-t-elle en se levant d'un bond.

Au même moment, Gail Sanchez, l'amie de sa tante, les interrompit.

— Jennifer, pouvez-vous m'accorder une minute ? J'ai quelque chose à vous demander.

L'inspecteur Ackles se leva aussitôt, visiblement soulagé.

— Nous en reparlerons plus tard mais pensez à ce que je viens de vous dire, lui dit-elle avant de passer devant la jeune femme.

Celle-ci, pétrifiée, ne lui accorda pas un seul regard.

 
 
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