Franck Baudelaire, toujours assis sur la chaise, crachait son sang par le trou que venait de laisser une de ses dents dans sa mâchoire inférieure quand elle était tombée après que le poing de Tonio l’ait déchaussée.
Quand les deux derniers bandits étaient rentrés, car maintenant il n’y avait plus aucun doute qu’il s’agissait bien d’une bande de criminels, Steve, qui était le chef, déduisit, on ne sait trop pourquoi, que si Franck n’était pas un flic, il se pourrait bien que ce soit un membre d’une bande rivale venu là pour les espionner. Donc, avait-il alors dit, même si sa mort devenait inévitable, effectuer avant un bon interrogatoire ne serait pas plus mal. Ils l’attachèrent donc à sa chaise et Tonio, qui devait être le frère de Sergio, Frranck avait appris depuis que celui qui lui avait ouvert s’appelait ainsi, avait commencé à le corriger, histoire de lui délier la langue, comme il n’arrêtait pas de le répéter tout en lui bourrant la tronche de coups de poing. Bien sûr cela ne servait à rien, Franck n’ayant rien à avouer, n’étant pas celui pour qui ils le prenaient.
Il en était alors là, crachant son sang, les lèvres et les yeux complètement tuméfiés, lorsque se mirent à mugir plusieurs sirènes sortant des voitures de police qui se positionnaient alors devant la maison.
Franck, s’il avait encore eu des doutes quant à ses chances de s’en sortir vivant, aurait été, en attendant le vacarme qu’elles produisaient, complètement convaincu qu’il vivait là ses derniers instants. Mais comme il n’avait jamais eu ce genre d’espoir, il n’en fut pas plus secoué que ça. Et cela, même si au même moment Fred avait meuglé :
“ Je le savais, t’es qu’un putain de poulet ! Je vais te buter sale merde, mais avant je vais tellement te soigner que même ta salope de mère va pas te reconnaître quand on lui demandera d’identifier ton corps de bâtard d’enculé de merde... ”
Ses yeux étaient injectés de sang et il sortit de sous son T-shirt une lame assez conséquente alors qu’il s’avançait vers lui d’un pas rapide et décidé ; et Franck n’aurait sûrement pas assisté au début de l’échauffourée, si Steve ne l’avait pas arrêté en lui lançant :
“ Surtout pas ! Flic ou pas, maintenant c’est un otage et un otage mort, je ne devrai pas avoir besoin de te l’expliquer, ça ne sert à rien.
Sa voix était tranchante, mais calme, démontrant qu’il n’avait pas perdu son sang-froid malgré la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient alors ; puis, réfléchissant assez rapidement, il ajouta :
— Pour l’instant le plus urgent c’est de se barricader, pour pas qu’ils puissent donner d’assaut et se préparer à se défendre. Tonio et toi occupez-vous plutôt de mettre ce meuble devant la porte pour la bloquer. Fred vas dans ma chambre, y a un sac avec quelques armes et munitions, attrape le et dépêche-toi de le ramener. ”
Les trois autres, sans même répondre, se mirent en suivant à exécuter ses ordres, tandis que lui se positionnait prudemment derrière l’une des fenêtres pour pouvoir mieux évaluer la situation et tenter de compter le nombre de flics qu’ils auraient à abattre s’ils voulaient s’en sortir vivants. Et, vu la tête qu’il faisait, cela n’avait pas l’air bien engagé.
Pendant ce temps, Franck, dont le sang avait cessé de couler du trou nouvellement formé dans sa mâchoire, eut une pensée pour son vieil ami Greg avec lequel il aurait bien aimé pouvoir boire un dernier verre avant de voir sa dernière heure arriver... |