Depuis près d’un quart d’heure que Greg Cornebuse avait franchi le seuil de cette charmante demeure, il n’en revenait toujours pas de la chance qu’il avait d’être tombé sur de si agréables jeunes filles. Et, à présent qu’il était confortablement assis dans l’un des somptueux fauteuils de style Régence du salon, un verre d’un cognac de grande marque et d’au moins trente ans d’âge à la main, il était presque heureux d’avoir crevé et de n’avoir pu changer sa route faute d’en avoir une de secours sous la main.

 Il avait appris, dans ce laps de temps, beaucoup de choses. Comme, par exemple, le fait que les deux filles s’appelaient Catherine et Marina de la Bourdon et étaient âgées, réciproquement, de dix-neuf et vingt et un ans ; que leurs parents, dont le père descendait d’une vieille et riche famille de nobles, étaient partis pour la nuit laissant leurs deux filles seules sans aucun moyen de locomotion, même pas un vélo ; et que, pour combler le tout, le patriarche, ne voulant pas être dérangé pendant ses vacances, n’avait pas succombé à ses trois femmes qui lui avaient demandé de faire brancher une ligne téléphonique.

 Greg se trouvait donc-là, sirotant paisiblement son verre tout en se demandant s’il allait accepter leur proposition de lui offrir le gîte pour la nuit, ou s’il allait tout simplement reprendre sa route, en espérant que la prochaine maison serait aussi occupée, mais cette fois-ci par des gens ayant soit un véhicule, soit un téléphone, voir les deux. Marina lui avait expliqué qu’il y en avait justement une à environ trois kilomètres, mais qu’elle ne pouvait dire avec certitudes si elle était habitée actuellement ou pas ; et sa soeur l’avait approuvée avec d’amples hochements de tête. Elle avait ensuite réitéré d’une voix suave sa proposition de le loger jusqu’au lendemain matin, moment où leurs parents étaient censés rentrer ; sa soeur approuvant toujours en secouant la tête, mais de manière plus rapide que précédemment, ce qui ne donnait aucun doute au fait que cette perspective l’excitait au plus haut point. “ Elle doit être muette. ” Se pensa Greg tout en l’observant minutieusement et de façon peu discrète avant d’en faire autant avec sa soeur. “ Elles sont plutôt bien foutues et je ne dirais pas non si elles voulaient me faire une petite gâterie ; ce qu’elles ont l’air d’être toutes prêtes à faire, soit dit en passant. Vu comme ça, ça serait con de pas accepter leur proposition. ” Il n’arrivait pourtant pas à être complètement convaincu que ça soit la meilleure idée, un mauvais pressentiment le traversant subitement alors qu’il observait les sourires qui illuminaient d’étrange façon leurs deux visages. Mais, malgré cela, il finit par leur dire qu’il acceptait leur généreuse proposition. Et, tout en levant son verre, une autre pensée le traversa :

“ Si j’arrive à me les faire toutes les deux, j’en connais un qui ne voudra jamais me croire et qui va m’en faire une jaunisse. ”

 Il sourit à cette idée, et porta son verre à ses lèvres...