Le caleçon de Franck Baudelaire était détrempé, et, à vue de nez, ce qui l’avait mis dans cet état ne provenait pas que de sa vessie. Les malfrats tentèrent bien de négocier, mais les flics, qui savaient, eux, que Franck n’était pas l’un des leurs, ne les avaient pas crus quand ils leur avaient dit avoir un otage, où peut-être qu’ils s’en fichaient tout simplement. Quoi qu’il en soit, ils avaient commencé à canarder la maison, et depuis cinq minutes les balles sifflaient sans interruption autour de Franck, ce qui expliquait qu’il en ait souillé ses dessous.
Sergio, le chien fou de la bande, se mourait déjà sur le sol deux balles dans le corps, une dans sa clavicule droite, l’autre ayant emporté quelques fragments de sa boîte crânienne. Apparemment, du moins aux dires de Fred, deux flics avaient aussi passé l’arme à gauche et un troisième mordait la poussière, ne réagissant que sporadiquement.
Steve, juste avant que ne commence l’escarmouche, avait dit en avoir compté au moins une douzaine ; ce qui faisait que, même en déduisant les trois allongés sur le sol, il en restait encore un nombre trop important, surtout que les bandits, eux, n’étaient plus que trois.
Franck, qui pour la première fois depuis des années était complètement sobre, priait, et ça aussi ça faisait des décennies qu’il ne l’avait pas fait. Il priait donc, et jusque-là cela avait l’air de fonctionner, mais que jusque-là, car, au moment où cette réflexion lui traversait l’esprit, une bille d’acier incandescent en faisait de même dans sa cuisse gauche. La douleur fut vive et remonta dans toute sa jambe, lui faisant monter les larmes aux yeux, tandis que son sang coulait par l’orifice qu’elle avait creusé au passage en un flot ininterrompu et dense.
Pendant ce temps-là la partie tournait de plus en plus mal pour les bandits. Tonio venant de se prendre à son tour une volée de plombs tirée par un fusil à pompe et l’ayant touché droit dans son bide. La blessure était sévère et sans aucun doute à terme elle en serait mortelle, mais pour l’instant le type, qui était costaud, continuait à arroser les policiers ; sa visée s’en trouvait, bien évidemment, moins précise, mais il arriva tout de même à en dégommer deux de plus avant de s’effondrer à son tour ; pourtant il n’était pas encore mort, mais juste évanoui, état où il resta jusqu’à la fin de l’assaut. Et, pour vous dire comment il était résistant, il ne finit vraiment par calancher que dans l’ambulance qui le conduisait à l’hôpital, soit qu’une bonne vingtaine de minutes plus tard.
Steve, rendu complètement dingue par la tournure que prenaient les événements, redoubla alors de vigueur, tirant sans interruption, sauf pour recharger son fusil mitrailleur, et sans même plus se mettre à couvert, comme si maintenant il se moquait définitivement d’y passer aussi. Il était évidant qu’il ne voyait plus d’autre échappatoire que la mort à cette fusillade, mais que quand même il ne comptait pas y rester sans auparavant avoir amené le plus de flics avec lui.
Franck, quant à lui, n’était pas en meilleur état cérébral que le chef des truands. Son cerveau s’étant complètement déconnecté, son regard voilé et figé ne regardant rien, sauf peut-être à l’intérieur de lui-même, mais cela, seul lui aurait pu le dire, si son état végétatif ne l’avait pas rendu dans l’incapacité de le faire. Une chose était sûre pourtant. C’est qu’il ne pensait plus du tout à son ami Greg, et encore moins au fait qu’il aurait pu être en train de boire un coup avec lui au lieu d’être là à compter les secondes qui le séparaient de sa mort programmée...
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