Greg Cornebuse roulait depuis bien trop de temps pour que sa vessie, qu’il retenait depuis son départ, ne tienne plus longtemps. Il s’arrêta donc sur le bas-côté de la RN10, qu’il avait empruntée une heure plus tôt à Bordeaux, pour s’en retourner dans son village basque d’Ustaritz. Il ne roulait pas vite, ne poussant que rarement le compteur de sa Clio à plus de 80 km/h. Il sortit précipitamment de son véhicule, puis se soulagea contre un arbre.
Greg Cornebuse était un type de trente-cinq ans qui écrivait de temps à autre un bouquin qui ne valait jamais plus qu’une lecture. Un écrivaillon comme beaucoup qui passait plus de temps à se saouler dans le bistro de son village ou vautré sur son canapé, une bouteille à moitié vide entre les mains, que devant sa machine à écrire. Un auteur qui n’écrivait que quand l’inspiration arrivait à percer le brouillard de son cerveau. Il ne gagnait pas des milles et des cents, ses oeuvres n’atteignant jamais le niveau de vente d’un best-seller, mais ça lui permettait, tout de même, de vivre sans avoir à travailler à côté et, surtout, ça lui payait de quoi se bourrer la gueule tous les jours ; ce qui pour lui était l’essentiel.
Sa braguette refermée sur un pénis soulagé, il regarda l’heure à sa montre qui lui indiqua qu’il était 21 heures. Il remonta alors dans sa voiture et repartit, une clope tout juste allumée aux lèvres. Il revenait de chez son éditeur à qui il venait de remettre son dernier manuscrit qui, comme les précédents, parlait de voleurs et de meurtriers. Ce dernier lui promit de le lire avant la fin de semaine prochaine et de lui rapporter en suivant ses impressions et s’il était partant pour l’éditer ou pas. Greg ne s’en faisait pas trop à ce sujet, car, si ce n’était pas l’un de ses meilleurs, c’était loin d’être le pire ; du moins, c’est ce qu’il en pensait.
Il attrapa une bière dans le pack qu’il s’était acheté avant de quitter Bordeaux, la décapsula et jeta nonchalamment cette dernière par-dessus son épaule, où elle alla résonner contre une des deux bouteilles vides qui y traînaient déjà. Et, tout en la portant à ses lèvres, il se demanda s’il allait arriver à temps pour pouvoir rejoindre son collègue de comptoir avant que ce dernier ne soit trop bourré pour pouvoir trinquer avec lui... |