Deux jours…Deux jours s’étaient écoulés depuis que le Maître des Potions, Severus Rogue, avait tenté une petite incursion au sein de l’esprit du jeune Venceslas Malefoy. Cela faisait deux jours, à présent, qu’il n’avait émis aucune réaction encourageante, restant plongé dans son mutisme et son immobilisme ô combien frustrants pour le directeur des Serpentards, qui s’efforçait, en vain, d’attirer son attention ou de le ramener sur Terre. Peine perdue…Venceslas était loin, bien loin, et Rogue n’avait pas la moindre idée de la manière de le sortir de cet état catatonique. Les potions ne le ramenaient pas et Severus n’était pas certain que plonger à nouveau dans l’esprit du garçon lui serait bénéfique. Ainsi, le professeur était bloqué. Bloqué, agacé et frustré. Sa collègue, Pomona Chourave, avait rendu visite à Venceslas, alors que celui-ci se reposait sur le petit lit que Rogue avait conjuré pour lui. Caresses, douces paroles et gentilles attentions n’avaient pas été suffisantes pour le ramener. Comme à son habitude, le Professeur des Potions s’était constitué un masque inexpressif, légèrement sarcastique, pour tromper sa collègue, mais il avait bien tort de la sous-estimer. Bien qu’elle ignorait ce qui s’était exactement passé, elle se doutait que l’entrevue avec Dumbledore et Severus avait profondément perturbé son élève qui, déjà, lui avait paru fort fragile et ses yeux, si pétillants d’habitude, lançaient des éclairs furieux à son collègue. Si le directeur de Poudlard n’avait pas explicitement signalé à la demoiselle qu’il tenait à ce que Venceslas demeure aux côtés du Professeur de Potions, nul doute qu’elle aurait arraché l’enfant des cachots pour le garder auprès d’elle et tenter de le réconforter, de le guérir… Mais Severus était le seul à même de parvenir à un tel résultat, même s’il ne savait pas encore de quelle façon il allait s’y prendre. Le souvenir de Venceslas continuait à le hanter et le ramenait à une lointaine époque, faisant écho à son enfance qui, bien que différente, avait, elle aussi, été placée sous l’égide de la souffrance… Distraitement, le Professeur caressa les cheveux de l’enfant, qui n’eut même pas un frémissement en réponse à ce contact. Il restait avec lui autant que faire se peut, le confiant aux soins d’un elfe de maison de sa confiance lorsqu’il lui fallait aller en cours. Après tout, c’était de sa faute si l’enfant était actuellement dans cet état…Cela n’était qu’une erreur de plus à réparer, dans le lourd chemin de sa sombre existence…Il espérait qu’il y parviendrait assez vite et cette pensée-là n’avait pas été suggérée uniquement par égard pour Venceslas. Severus craquait. La loyauté inhumaine des Poufsouffles et leur acharnement l’épuisaient durant les cours qu’il partageait avec eux.
« Où est Ven ? », « Comment va-t-il ? », « Pourquoi n’est-il pas allé à l’infirmerie ? », « Est-ce que vous l’avez enfermé dans un frigo pour le conserver en vue d’empêcher l’espèce humaine de s’éteindre quand les extra-terrestres débarqueront ? »…
Cette dernière phrase était signée Jeremiah Hampton. Qui d’autre ? Qui d’autre que cet agaçant Poufsouffle, faisant la compétition avec les frères Weasley en terme de blagues stupides, pouvait lancer une phrase pareille ? Severus l’avait à nouveau croisé lorsqu’il s’était rendu à l’infirmerie pour demander des conseils à Poppy Pomfresh sur un éventuel remède à l’état de Venceslas. Après cette question idiote, le jeune homme s’était montré beaucoup plus sérieux et avait insisté pour que le Maître des Potions lui permette de l’aider à prendre soin du garçon lorsque l’infirmière lui permettrait de sortir. Rogue n’avait pas refusé. S’il préférait ne pas avoir des tas d’élèves de première année autour du garçon, prenant le risque de l’étouffer de leur affection presque agressive, il pensait que Jeremiah Hampton pouvait éventuellement être d’un grand soutien. Après tout, le Poufsouffle avait dû apprendre à gérer ce genre de cas depuis bien longtemps… L’horloge se fit entendre, sonnant l’heure du repas pour Venceslas. Un repas fait de potions nutritives, que Severus lui forçait à prendre…Le Professeur des Potions n’aimait pas cette heure. C’était le seul moment où Venceslas émettait une réaction…Et, Merlin, celle-ci était violente… Rogue ignorait ce qui poussait le jeune garçon à hurler de la sorte, s’agitant comme un possédé, alors qu’il tentait seulement de lui faire avaler cette potion qui lui permettait de garder un corps sain. Qu’importe les mots rassurants ou les ruses, Venceslas ne se calmait pas et, même s’il n’avait pas la force de s’enfuir, il se montrait suffisamment remuant pour que le professeur Rogue se retrouve obligé de lui jeter un sort afin de le paralyser et de le nourrir un tant soit peu. Ceci fait et, le sort levé, Venceslas retournait à son état catatonique et tout redevenait comme avant. Severus espérait qu’il y ait un changement, que Venceslas émette une autre réaction, crie quelque chose de significatif, qui lui permettrait de l’aider, de le comprendre…Rien de tout cela. L’esprit de Venceslas restait enfermé dans son crâne, reclus en compagnie de ses noirs secrets, et il n’y avait aucun avancement de quelque sorte que ce soit. Le directeur des Serpentards fit tourner sa baguette entre ses doigts, examinant la possibilité d’une tentative de legilimancie. Il n’eut toutefois pas le temps d’y réfléchir plus, quelqu’un ayant décidé de toquer à sa porte à un bien mauvais moment. Severus lâcha un sifflement agacé avant de se décider à ouvrir, l’importun se montrant quelque peu insistant. Bien qu’ayant opté pour l’idée de claquer la porte au nez de cet imbécile qui venait ainsi le troubler, Rogue n’en fit rien, désarçonné par la nature de cette visite, surprise qu’il ne montra qu’au travers d’un haussement de sourcil. Quirinus Quirrell…Qu’est-ce qu’il faisait là, lui ? Le tremblant professeur de Défense contre les Forces du Mal jeta un coup d’œil, qu’il estimait sûrement discret, dans le bureau de Rogue, avant de bégayer, comme à son habitude :
« V-Vous…V-Vous ne v-venez pas m-manger dans l-la Grande S-Salle ? V-Vous n’étiez p-pas là h-hier…
-Quirinus, n’essayez pas de me faire croire que ma présence vous a manqué. Vous ne convaincrez personne.
-M-Mais e-enfin, j-je vous a-assure que… »
Un hurlement les interrompit. Severus s’éloigna précipitamment de Quirrell, dont le regard inquisiteur ne quittait pas le professeur des Potions, et se précipita au chevet de Venceslas. Ce dernier s’était accroupi sur le lit, recroquevillé sur lui-même, et plantait ses ongles dans son crâne, criant des paroles que le professeur reconnut comme « Je ne veux pas ! ». Il martelait ces mots jusqu’à se casser la voix, se griffant comme un dément, les yeux écarquillés de terreur. Severus voulut saisir ses mains pour l’empêcher de se faire mal, mais il ne parvint pas à l’approcher, comme si un mur invisible les séparait tous deux. Un autre accident magique…Venceslas les accumulait, d’après ce qu’il avait entendu de lui, et ce n’était pas une bonne chose, loin de là. Il s’épuisait, magiquement et physiquement, et le Professeur Rogue ne savait pas ce qu’il pouvait faire pour lui. Alors qu’il tirait sa baguette afin de réduire le mur magique à néant, les hurlements du garçon s’accentuèrent et Severus sentit que Quirrell s’était approché d’eux. Trop approché…
« Dehors ! DEHORS ! »
Le Maître des Potions pointa sa baguette sur son collègue, mais ce dernier s’était éclipsé sans dire mot, un étrange sourire aux lèvres. Mais que se passait-il, enfin ? Severus n’eut pas vraiment le loisir de trouver une réponse à cette question. Le mur se brisa dans un bruit étrange, alors que Quirrell venait de quitter la pièce, fermant la porte derrière lui, et Venceslas se réfugia sous les couettes, un faible gémissement s’extirpant de ses lèvres. Rogue poussa un soupir, peu habitué à effectuer ce genre de tâches, et s’assit sur le lit, cherchant à dégager le Poufsouffle de son refuge improvisé pour lui permettre de se blottir contre lui. Il n’était pas seul…Même s’il n’avait pas l’air d’en avoir conscience, Venceslas était loin d’être seul… Rogue ne mesurait pas entièrement la lutte que le jeune garçon avait engagée, mais il se promit de ne pas le laisser affronter cela sans son soutien. Ce n’était qu’un enfant… Venceslas s’agrippa à sa robe de sa petite main, glissant son pouce à ses lèvres dans un geste réconfortant. Ce n’était pas le comportement normal pour son âge, mais Severus voyait en cela une amélioration. Venceslas bougeait, remuait et ses yeux reflétaient une expression, même s’il aurait préféré y voir autre chose que de la peur. Et ce, juste après la visite éclair de Quirrell… Le professeur se promit de confronter son collègue dès qu’il le pourrait, avant de baisser les yeux en entendant un sifflement pour le moins étrange. Il tira sa baguette d’un geste rapide, prêt à faire disparaître le serpent qui venait de faire son apparition, mais un autre sifflement se manifesta. Un sifflement qui ne provenait pas du reptile… Celui-ci ignora Rogue avec superbe, mais le professeur ne prêtait plus la moindre attention au serpent. Il fixait Venceslas d’un regard indéfinissable, mélange d’étonnement, de curiosité et d’inquiétude. Il ne s’était pas trompé en affirmant avoir entendu un sifflement de sa part, lorsque Venceslas s’était retrouvé confronté au miroir du Riséd. C’était difficile à croire, mais, d’après la scène à laquelle il assistait, Severus ne pouvait que confirmer la folle théorie qui s’était installé dans sa cervelle : Venceslas Malefoy était un Fourchelang. Un don si rare…Le dernier en date n’était autre que Lord Voldemort, lui-même. Le Professeur Rogue eut un rictus, fixant les deux protagonistes de cette affaire hors-norme, alors qu’un dialogue dont il ne comprenait pas le sens s’installait dans cette pièce. Il rajouta le mystère « Fourchelang » à la liste des autres étrangetés de l’énigmatique Venceslas Malefoy, gardant un œil méfiant sur le serpent, qui ondulait au sol de sa grâce inhumaine.
AAAAAA
Cela faisait deux jours…Deux jours de brouillard et de souffrance, deux jours que Venceslas avait traversés sans trop savoir comment…Il avait mal au ventre, froid et la gorge nouée. Qu’il ouvre ou ferme les yeux, il voyait toujours la même chose : des souvenirs. Des souvenirs qu’il ne voulait pas revivre, qu’il avait enfoncé profondément en son être, derrière une barrière éthérée, un masque qui, finalement, était devenu son vrai visage… Venceslas voulait s’enfuir, mais il n’y arrivait pas. Parfois, il voyait le monde extérieur…Il voyait une silhouette floue et sombre, voulant lui faire avaler de force une potion dont il ignorait la nature. Le Prince des Ténèbres le refusait, bien évidemment, même s’il savait que c’était inévitable… Il n’aimait pas cette potion, ce goût âcre et amer…Sa gorge était si serrée que le flot la brûlait, mais il ne parvenait pas à recracher ce liquide répugnant. Son corps n’était plus le sien, ayant cessé de lui obéir, et Venceslas se retrouvait à la merci de la silhouette sombre. Son père ? Un Mangemort quelconque ? Il l’ignorait… Le jeune garçon ne savait plus où il en était. Que ce soit le lieu où il se trouvait, l’époque à laquelle il était ou quoi que ce soit dans le genre…Rien ne lui permettait de se situer clairement. Ses souvenirs l’assaillant, Venceslas avait l’impression d’être revenu à ce temps où il était soumis aux caprices et à la folie de sa mère, supportant comme il pouvait la violence destructrice qui émanait d’elle. Venceslas ne voulait plus penser à cette période…S’il l’avait enfoui si profondément, ce n’était pas pour rien…
*Pitoyable enfant...Tu ne sais rien faire d’autre que pleurnicher ou te morfondre sur ton sort…*
Venceslas écarquilla les yeux en entendant cette voix résonner dans son crâne. Il voulut lui répondre, lui prier de le laisser en paix, mais Lord Voldemort, car c’était bien lui, ne lui en laissa pas le temps.
*Le jour approche…Je ne te laisserais pas m’échapper, Venceslas. Je vais te le faire comprendre…*
Le jeune garçon sentit une douleur pareille à nulle autre assaillir son pauvre crâne. Les yeux exorbités, les lèvres ouvertes dans un cri muet, Venceslas plaqua ses mains sur sa tête et y planta ses ongles pour faire sortir la souffrance de son être.
*Quelle ingratitude…Tu me désobéis, tu attires l’attention de Dumbledore et, en plus, tu cherches à me fuir. Je t’ai donné vie et puissance. Et c’est comme cela que tu me remercies ? Toi qui devrais me servir ! Toi qui devrais les tuer !*
La douleur s’accentua encore et la gorge de Venceslas se délivra, lui permettant de hurler toute la souffrance qui régnait en son être. De toutes ses forces, il repoussait cette voix qui le torturait, mais celle-ci semblait gagner en force et chacune de ses tentatives ne faisait qu’affermir la présence du Seigneur des Ténèbres en son âme. Cette voix qui lui disait de faire les pires choses…Qui lui montrait les pires horreurs…Ses amis, morts, tous morts…de sa main…
« JE NE VEUX PAS ! »
Venceslas refusait les images qui s’imposaient à lui et, surtout, l’idée de supprimer ceux qui lui étaient chers.
*Naïf enfant…T’attacher à des Sang-de-Bourbe et des traîtres à leur sang…Tu savais comment cela allait se terminer. Tu le savais…*
Un bruit sourd se fit entendre. Une porte qui se claque…et la voix se tut, petit à petit, alors que Venceslas sentait une onde de chaleur infiltrer son corps, en lieu et place de la froideur qui y régnait jusqu’alors. Instinctivement, il était allé se réfugier sous la couette, mais la silhouette sombre l’en avait tiré pour le serrer dans ses bras. Il faisait bon être là…Venceslas avait toujours ces horribles visions et la peur que la voix de son père ne se fasse entendre à nouveau, mais…il se sentait beaucoup mieux. Il s’agrippa à la robe noire contre laquelle il reposait, plongeant son pouce à ses lèvres, comme s’il allait s’endormir. Ce qu’il ne fit pas. Un sifflement lui parvint, un sifflement qu’il pensait ne plus jamais entendre…
Ven.
Natschel…Natschel était là…Voyant l’homme sombre sortir sa baguette, Venceslas siffla au serpent de s’enfuir. Le geste fut suspendu et le reptile ignora fièrement le sorcier, concentrant son attention sur l’enfant.
Tu vas bien ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? Qu’est-ce que tu fais chez Rogue ?
Venceslas haussa un sourcil. Il se frotta les yeux d’un geste lent et maladroit et commença enfin à distinguer les traits de la silhouette sombre. Il ne pensait pas qu’il s’agissait du Maître des Potions…
Je ne sais pas. Je suis fatigué et j’ai mal à la tête. J’ai des difficultés à parler…
Sa voix ne sortait que faiblement, comme s’il ne parvenait guère plus qu’à hurler pour s’exprimer.
Je suis désolé, Ven. Si j’avais été là, peut-être que…
C’est moi qui te demande pardon. Je…J’aurais dû t’écouter. T’avais raison depuis le début et…
Un sanglot lui échappa. Venceslas se blottit contre Severus et se mit à pleurer, soufflant des « Pardon » en anglais d’une voix cassée. Pardon pour ce qui s’était passé, pardon pour être ce qu’il était, pardon pour…exister. Il ne sut combien de temps il passa à pleurer et à s’excuser, sous les sifflements réconfortants de Natschel et en la présence rassurante du professeur, mais…cela lui faisait du bien. Pouvoir déverser les larmes qu’il ne pensait même pas retenir, savoir qu’il n’était pas seul…Tout cela le rassurait et le réconfortait. Epuisé, il finit par s’endormir contre Severus, qui se chargea de le coucher plus confortablement. Venceslas était revenu…Quel soulagement…
AAAAAA
Il avait fallu un certain temps à Venceslas pour retrouver un semblant de vie normale, après son expérience malheureuse. Longtemps, ses nuits furent peuplées de cauchemars, lui rappelant ce qu’était, autrefois, son existence et il se retrouvait bien souvent à se réveiller dans un état proche de l’hystérie. Ses camarades étaient inquiets pour lui, mais le Poufsouffle ne disait rien à son sujet. Finalement, il obtint de Mme Pomfresh des potions de Sommeil sans rêve, après s’être effondré d’épuisement durant un contrôle, et ses nuits furent alors beaucoup plus tranquilles. De temps en temps, la voix de son père se manifestait à lui, mais, hormis durant les cours, Venceslas ne le voyait plus en personne et certainement pas en privé. De même, Rogue semblait avoir décidé de le laisser tranquille, pour une raison qu’il ignorait…Le Poufsouffle n’allait pas s’en plaindre. Au moins, pendant ses leçons, le Professeur était bien plus « sympathique » avec lui qu’il ne l’avait été jusqu’alors et ses erreurs n’étaient pas punies par des retraits de points immédiats. Sa vie était devenue beaucoup plus simple…Tellement, tellement plus simple… Puis les vacances de Noël étaient arrivées. Alors que Drago retournait dans sa famille, lui-même avait décidé de rester. Son père profiterait sûrement du fait que le château était vide pour ses plans et le garçon devait rester, si Lord Voldemort venait à avoir besoin de lui… Venceslas ne voulait pas spécialement lui obéir, préférant la compagnie de ses amis à la souffrance que le Seigneur des Ténèbres lui faisait subir, mais…mais il restait son fils. Et il ne pouvait pas abandonner en un claquement de doigts tout ce qui constituait sa vie, sa destinée. Même si cela lui déplaisait, Venceslas restait le Prince des Ténèbres. Le jeune garçon eut cependant la déconvenue de voir ses camarades quitter un à un le château de Poudlard pour les vacances, demeurant l’un des rares Poufsouffles à séjourner à l’école de sorcellerie pour Noël. Lui qui s’était habitué à vivre entouré, à graviter au milieu de toutes ces personnes bruyantes et joyeuses…Il était seul. Incroyablement seul. Assis sur un canapé, enroulé dans sa couette, Venceslas fixait d’un regard distrait les flammes de la cheminée, tentant d’éloigner les sombres pensées qui commençaient à s’emparer de lui. Heureusement, Natschel était à ses côtés et comblait ce sentiment d’intense solitude qui l’envahissait. Venceslas parvenait à se détendre et même à rire un peu, grâce aux vantardises du serpent. Quand il se décida finalement à sortir de sa salle commune pour le repas, il se rendit alors compte que deux autres personnes de sa connaissance étaient restées à Poudlard…
« Ven ! Ca faisait longtemps, vieux ! Tu ne retournes pas chez les Malefoy pour Noël ? »
Ronald Weasley et Harry Potter…C’était le premier qui s’était exprimé de cette manière, là où le deuxième s’était manifesté plus discrètement, lui faisant un signe de la main. Venceslas les rejoignit pour manger, un sourire maladroit aux lèvres. Natschel était niché sous ses vêtements, conformément à la promesse que le petit serpent avait faite au jeune garçon, et s’efforçait de rester silencieux, craignant que Potter ne vienne à le comprendre.
« Je voulais rester à Poudlard. C’est mieux, ici, et les Malefoy me préfèrent ailleurs que chez eux, de toute façon. »
Ce n’était pas tout à fait vrai…Ils auraient sans doute été ravis d’offrir un repas de la haute gastronomie et un cadeau somptueux au Prince des ténèbres, afin de se faire bien voir. Mais Venceslas en avait décidé autrement et ils n’avaient aucune prise sur ses choix.
« C’est sûr ! Tout plutôt qu’un Noël en compagnie de ces coincés prétentieux ! Drago n’arrêtait pas de se pavaner à l’idée de pouvoir passer les fêtes avec sa famille…Sombre abruti…
-Il n’y a pas beaucoup de Poufsouffles qui sont restés, on dirait. Pourquoi ne viendrais-tu pas dans notre salle commune, pour les vacances ? proposa Harry avec un sourire. »
Venceslas réfléchit à son offre, tout en écrasant de sa fourchette les petits pois qui se trouvaient dans son assiette, formant une bouillie très peu appétissante. Ca ne semblait pas une mauvaise idée...Cela l’éloignerait de ses mauvaises pensées et, qui plus est, cela lui permettrait d’espionner un peu Harry Potter pour le compte de son père. Après un silence qui avait quelque chose de pesant, il hocha la tête, à la plus grande joie de ses camarades.
« Parfait ! s’écria Ron. Hermione est partie chez ses parents, on va pouvoir se retrouver un peu entre mecs !
-Nain serait un terme plus approprié…
-…pour parler de « mecs », il faudrait un peu de…virilité. »
Ronald fusilla du regard ses deux frères, les jumeaux Weasley. Ceux-ci, tout en s’asseyant à table, scrutèrent avec curiosité Venceslas, leur regard rendant mal à l’aise le jeune garçon. Alors que, pour dissimuler sa gêne, le Poufsouffle avait commencé à engager une bataille épique entre ses petits pois, concentré sur sa tâche, les jumeaux se présentèrent à lui :
« Eh bien, eh bien, le Malefoy qui ne ressemble pas à un Malefoy…
-…Nous avons beaucoup entendu parler de toi. M’man a suggéré qu’on t’invite pour les vacances d’été, histoire de te sortir de ta délicieuse famille.
-Moi, c’est Fred…
-…et moi, c’est Georges. Enchanté ! »
Tous deux prirent les mains de Venceslas et les secouèrent avec force, prenant le jeune garçon par surprise.
« V…Venceslas ! Euh…enchanté…
-N’accepte aucun cadeau de leur part. l’avertit Ron. Surtout pas de trucs qui se mangent, sinon, il va t’arriver de drôles de choses. »
Fred et Georges ricanèrent et répliquèrent à celui-ci :
« Quoi ? Tu n’as pas apprécié ce jour où Maman a pu te faire des couettes et t’appeler « Ronnette » ? »
Ron devint rouge comme une pivoine, alors qu’Harry retenait avec difficulté le rire qui menaçait d’éclater. Venceslas, lui, imita l’hilarité de ses camarades, s’arrêtant net lorsque le cadet des Weasley lui adressa un regard noir. Il toussota, un peu perdu sur l’attitude à adopter, avant de replonger dans son assiette pour retourner à sa bataille de petits pois. Il jeta un bref regard à la table des professeurs avant de les baisser, le corps parcouru de frissons. Il ne voulait pas voir Quirrell…Là, il commençait tout juste à se sentir bien…Il ne voulait pas le voir…
« Alors, Ven ? T’en dis quoi ? »
Perdu dans ses pensées, le Poufsouffle n’avait pas vraiment suivi la conversation. Il chercha une réponse intelligente à donner, mais ses cordes vocales agirent plus rapidement que sa cervelle et il ne put lâcher qu’un « Hein ? » ahuri et légèrement aigu, tirant un rire à ses camarades. Patiemment, Harry lui réexpliqua le sujet de la discussion :
« Tu sais, venir chez les Weasley pour l’été.
-M’man serait ravie de t’accueillir au Terrier, ajouta Fred. Elle adore que la maison soit remplie d’enfants…
-Je… »
Venceslas se frotta la nuque, un peu embarrassé. A ce moment-là, pas de doute, Lord Voldemort serait revenu. Il se serait emparé de la pierre philosophale, artefact dont il lui avait expliqué les propriétés lors d’une de leurs conversations mentales, et le Seigneur des Ténèbres aurait alors retrouvé toute sa puissance. Et lui…lui serait à ses côtés, pour le servir et devenir celui qu’il désirait qu’il soit. Venceslas sentit une boule se former dans sa gorge et il manqua pleurer, ses émotions ayant tendance à se manifester de manière extrême, ces derniers temps. Mais Natschel veillait sur lui et il se chargea de le rassurer par de bas sifflements. Venceslas toussota pour les dissimuler quand Harry commença à le regarder d’un air méfiant, avant de trouver une réponse à leur question.
« Je ne sais pas encore…C’est loin, les vacances d’été. Peut-être que le calmar m’aura mangé d’ici-là… »
Comme d’habitude, sa réponse fut à côté de la plaque et, comme d’habitude, ses camarades en choisirent de rire et de se moquer gentiment de lui.
« T’es pas assez gras pour lui ! Rétorqua Georges avec un sourire malicieux. Regarde, t’es tout petit et tout maigre ! Ils ne te donnent pas à manger, les Malefoy ?
-Euh…si…bien sûr… »
Venceslas se sentait un peu mal à l’aise avec ce sujet. Percevant son embarras, Harry se hâta de changer de sujet et le reste du repas se déroula dans la convivialité la plus joyeuse.
AAAAAA
Ce fut avec l’estomac plein et les yeux papillonnants de fatigue que Venceslas quitta le banquet qui avait eu lieu pour Noël. Il ramenait avec lui quelques souris blanches, apparues par magie, qu’il avait réussi à attraper et qu’il comptait donner à Natschel en guise de cadeau de Noël. Il regagna le dortoir de Gryffondor en compagnie d’Harry et de Ron. Il avait passé les plus belles vacances de son existence…Aucun adulte ne venait empoisonner sa vie, il pouvait profiter des fauteuils de la salle de commune, manger des sucreries toute la journée et s’amuser de choses idiotes, comme les stratagèmes de ses camarades pour que Malefoy ou Rogue soient renvoyés. Il apprit qu’il était d’une nullité affligeante aux échecs et laissa Ron savourer ses nombreuses victoires, Harry n’étant pas meilleur que lui. Bref, Venceslas avait pu être autre chose que le pion de Lord Voldemort, pendant quelques jours. Il avait même pu être…un enfant. Un enfant comme tous les autres… Venceslas n’avait jamais pensé, en rejoignant ses camarades dans la salle commune, que des cadeaux autres que les présents intéressés des Malefoy puissent l’attendre. Et pourtant… Pourtant, il y avait un certain nombre de petits paquets, portant son prénom sur une étiquette, n’attendant que lui pour les ouvrir. Venceslas resta figé devant cette vue, comme abasourdi. Des cadeaux…Il avait des cadeaux… Alors que Ron et Harry déballaient leurs propres présents, Venceslas en fit de même, d’une main tremblante et peu assurée. Le premier, qui venait de Susan, était un Rappeltout. Pour que tu n’oublies jamais que nous sommes tes amis…Avait-elle écrit dans la lettre qui accompagnait le cadeau. Venceslas saisit l’objet d’un geste maladroit et empli d’émotions, le serrant contre son cœur. Le deuxième présent était celui de Justin. C’était une espèce de ballon ovale de couleur brune, d’une sorte que Venceslas n’avait jamais vu. Un ballon de rugby, disait la lettre de Justin. D’après le né-moldu, ce sport-là était encore mieux que le Quidditch et il avait bien l’intention de l’apprendre à son camarade. Venceslas eut un sourire face à l’attention. Il grimaça, en revanche, devant le troisième cadeau, celui de Hannah. Un livre de Gilderoy Lockhart…Il fallait vraiment qu’elle lui offre un livre de Gilderoy Lockhart ? Venceslas reçut une tape réconfortante de la part de Ron et des quolibets de Fred et Georges lorsqu’ils virent ce cadeau précis, mais il n’y prêta guère attention, se demandant comment il allait pouvoir éviter l’interrogatoire en règle de sa camarade à propos de son sorcier favori. Il poussa un soupir et se décida à ouvrir les autres présents. Celui d’Ernie, heureusement, lui remonta un peu le moral et lui tira un sourire. Le sorcier maniéré lui avait offert une magnifique plume de paon, ensorcelée pour éviter les taches d’encre, une maladresse que Venceslas ne commettait que trop souvent. Il reçut également un pull de la part de Mrs Weasley, tricoté à la main. De la couleur des Poufsouffles, il seyait parfaitement au petit garçon, qui s’amusait du grand V que la mère attentionnée avait cousu à son attention. C’était tellement gentil de sa part… Le dernier cadeau qu’il ouvrit était celui de Jeremiah. Venceslas, qui avait retenu ses larmes jusqu’ici, ne put qu’éclater en sanglots devant le présent. C’était un album massif, remplis de photos moldues et sorcières que son aîné avait dû prendre pendant l’année. Des photos de Poufsouffle, de tous les amis de Venceslas et même de quelques professeurs dans des situations pour le moins ridicules. Un rire échappa au jeune garçon en découvrant la photo volée de Severus Rogue, alors que ce dernier faisait face à un chaudron explosé, les cheveux hirsutes, couvert d’une potion visqueuse. La dernière photo fut celle qui l’émut le plus. Elle le représentait en train de dormir, dans les bras de Jeremiah, heureux et relaxé. Derrière la photographie, le né-moldu avait griffonné quelques mots :
De la part de ton grand frère adoré.
Venceslas n’avait jamais reçu de cadeaux. Ou, tout du moins, de présents qui n’étaient pas destinés au Prince des Ténèbres…Lui, le petit Venceslas Malefoy, n’avait jamais été gâté pour lui-même. Et maintenant…Maintenant, c’était arrivé. Bien qu’il savait que cette réaction était stupide et ridicule, le jeune garçon ne put s’empêcher de sangloter, pleurant toutes les larmes de son corps, sous les yeux d’un Ron et d’un Harry médusés, qui ne savaient guère comment réagir face à pareille attitude. A force de blagues et de petites attentions, Venceslas retrouva le sourire et sécha peu à peu ses pleurs. Alors que les jumeaux s’éloignaient, profitant du calme de Venceslas pour ce faire, sans doute en vue de concocter une nouvelle blague, Harry ouvrit alors son dernier cadeau. Et la stupeur prit la place de toute autre émotion.
« Une cape d’invisibilité ! s’exclama Ron, abasourdi. »
Venceslas voulut ajouter quelque chose, mais une voix bien familière vint perturber le fil de ses pensées, alors qu’il observait son camarade en plein essai.
*Voilà qui est intéressant…Potter dispose d’une cape d’invisibilité. C’est sans doute le vieux fou qui lui a fait parvenir…*
Venceslas se mordit la lèvre lorsqu’il comprit que son père allait se servir de cette information contre son camarade. Mal à l’aise, il demanda à aller se coucher, à la grande surprise de Ron et Harry. Il ne répondit pas à leurs interrogations ou protestations, se hâtant de rejoindre son lit et oublier la culpabilité qui commençait présentement à l’envahir. A l’aide des sifflements réconfortants de Natschel et de la potion de Sommeil sans rêves qu’il engloutit, Venceslas parvint à s’endormir et à oublier, pendant quelques temps, les dilemmes et affres de sa sombre existence.
AAAAAA
« Réveille-toi ! Réveille-toi ! »
Brusquement, Venceslas se retrouva secoué dans son sommeil. Il entrouvrit des yeux marqués par la fatigue, peinant à émerger du repos profond dans lequel il était plongé. Harry Potter s’agitait à ses côtés et tentait de le réveiller, un Ron Weasley encore tout endormi à ses côtés.
« Il faut que tu viennes voir ma famille ! Réveille-toi ! »
Harry l’aida à se lever et Venceslas se retrouva sur pieds, les yeux papillonnants. Il fallut que ses camarades l’aident à enfiler son peignoir pour qu’il parvienne à les suivre dans une tenue correcte, avec une lenteur assez marquée. Le chemin qu’il empruntait lui semblait familier, mais Venceslas était trop fatigué pour réfléchir à ce fait étrange. Il avait juste envie de retourner se coucher…la potion lui donnait follement envie de dormir. Harry planta Ron devant un objet que Venceslas peinait à distinguer en raison de l’épuisement. Il se recroquevilla dans un coin et commença à se replonger dans le sommeil, jusqu’à ce qu’Harry le tire par le bras pour le lever.
« Ron ne les voit pas, mais je suis sûr que toi, tu pourras les voir ! Ils sont tous là ! »
Harry plaça Venceslas en face de l’objet. Le jeune garçon se frotta les yeux, sa vision devint plus claire et…l’horreur de la situation lui apparut alors. Le miroir était là…Le miroir qui avait attiré tous ses malheurs, le miroir qui l’avait fait espérer avec cruauté qu’une vie meilleure était possible, que ses parents pouvaient l’aimer…et cette vie idyllique s’afficha à nouveau devant lui. Une exclamation terrifiée lui échappa et Venceslas fila sans se retourner, ses jambes le portant dans une course effrénée et paniquée. Il ne savait pas où se rendre ou vers qui se tourner…A part Natschel, il n’avait personne à qui parler. Jeremiah n’était pas là pour le réconforter et…il était seul. Tout seul. Soudainement, Venceslas rencontra un obstacle et s’effondra au sol, le souffle court, les yeux pleins de larmes. Quand il les releva, il se rendit compte que ce qui avait arrêté sa course était humain. Et qu’il s’agissait du Professeur Chourave.
« Monsieur Malefoy ? Vous allez b… ? »
Pomona n’eut pas le temps de finir sa phrase. Déjà, Venceslas s’agrippait désespérément à elle. Il marmonna un « Miroir du Riséd » étouffé et la directrice des Poufsouffle comprit immédiatement la nature du désarroi du jeune homme.
« Suivez-moi, Monsieur Malefoy. Vous avez besoin d’un petit remontant. »
Venceslas suivit alors le Professeur Chourave, qui le conduisit dans ses appartements. Arrivée là-bas, elle le pria de s’asseoir dans un des fauteuils qui s’y trouvaient, avant de lui servir un jus de cactus, directement tiré d’une plante de ses serres. Le goût piquant le surprit quelque peu, mais ce n’était pas mauvais. Pomona attendit qu’il se calme, avant de lui demander d’une voix douce :
« Qu’avez-vous vu dans le miroir, Monsieur Malefoy ? »
Venceslas se mordit la lèvre, hésitant. Tandis qu’il reprenait une gorgée de jus de cactus, le professeur Chourave ajouta :
« Vous n’êtes pas obligé de me le dire tout de suite, si vous ne vous sentez pas prêt à cela. Vous…
-J’y vois mes parents et mes amis. Ma…Ma mère prend soin de moi et…et mon père est à mes côtés et…ils m’aiment. On forme une v…vraie famille…On… »
Le reste de sa phrase se perdit dans un pleur. Il se recroquevilla sur lui-même, mais il ne resta pas longtemps dans cette position fœtale. Chourave semblait avoir décidé de lui témoigner plus d’affection que ce qu’un professeur devait normalement lui donner. La directrice des Poufsouffles le serrait contre lui, émue par la tristesse simple et cruelle du jeune garçon.
« Monsieur Malefoy, vous…Vous ne pourrez sans doute jamais former, avec vos parents, la famille dont vous rêvez… »
Même si elle ne savait pas que Lord Voldemort, le simple fait de savoir qu’il était né sous l’égide des Lestrange suffisait à garantir qu’il ne recevrait pas d’amour de leur part.
« Mais vous avez des amis. Beaucoup d’amis. J’ai vu comme vous vous amusiez avec Messieurs Weasley et Potter, la complicité que vous partagiez avec Messieurs Finch-Fletchey et Macmillian, ainsi que Miss Bones et Miss Abbott. Vous avez même réussi à attraper Monsieur Hampton dans vos filets et, croyez-moi, ce n’est pas une mince affaire ! »
Chourave eut un petit rire, avant de reprendre, caressant les cheveux de Venceslas :
« Gardez confiance en l’avenir, Monsieur Malefoy. Vous êtes une bonne personne, promise à un grand destin…Madame Bibine ne cesse de me parler de vous et me harcèle pour que vous puissiez suivre des cours particuliers. Votre talent concernant les balais magiques l’impressionne… »
Venceslas leva un regard surpris vers elle :
« V…Vraiment ?
-Pourquoi mentirais-je, Monsieur Malefoy ? J’attendais que vous retrouviez une meilleure forme pour vous annoncer la nouvelle, mais autant vous la dire tout de suite : Madame Bibine tient à développer le don que vous possédez. Elle pense que vous pourriez même être en mesure de créer vos propres balais, si vous affiniez ce talent… »
Venceslas resta silencieux, affichant une expression songeuse. L’idée ne lui déplaisait pas…
« Ne laissez pas le passé vous enchaîner, Monsieur Malefoy. Devenez celui que vous souhaitez être et rappelez-vous que vous n’êtes pas seul. »
Venceslas hocha la tête, avant de se détacher de son professeur, les joues un peu rouges après cette étreinte qui n’avait rien de professionnel. Après s’être assurée que le garçon irait bien, elle le laissa partir afin qu’il retourne se coucher. Elle ne lui avait pas confié ses inquiétudes, mais Chourave se préoccupait vraiment de son élève. Ses réactions étranges, son rêve le plus profond, son désespoir…Il avait besoin d’aide. Et elle ne savait pas comment la lui offrir…
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