« Eh, Venceslas. Tu es de retour sur Terre ? Le train s'est arrêté. »
Difficilement, le jeune garçon s'extirpa de sa rêverie, saisit sa malle et sortit du train, suivant son cousin et ses gardes du corps jusqu'à l'extérieur. Il croisa brièvement Ron et Harry, qui lui adressèrent un sourire compatissant.
« Je rêve ou un Weasley vient de te sourire, cousin ? S'alarma Drago devant ce fait inacceptable. »
Ven haussa une nouvelle fois les épaules, une réponse qui ne satisfit pas du tout le jeune Malefoy :
« Venceslas Black-Serpentard, murmura-t-il si bas que même le Prince des Ténèbres peinait à l'entendre, dois-je te rappeler qui tu es ? Tu n'as pas à traîner avec la racaille, encore moins à lui être sympathique.
-Oh, il y a un géant là-bas. Tu penses qu'il mesure combien ? »
Drago grogna, exaspéré que chacune de ses tentatives de discussion avec son cousin n'aboutisse jamais. Mais, cette fois, Venceslas ne sortait pas sa réflexion de nulle part. Il y avait effectivement un géant qui les avait rejoints. Du moins, une personne de très grande taille.
« C'est Hagrid, le garde-chasse. Comme nous n'avons pas fait nos courses ensemble, au Chemin de Traverse, tu ne l'as probablement jamais croisé.
-Hmm…Je ne savais pas que Poudlard engageait des géants.
-Ce n'est pas un géant, si tu avais retenu tes leçons, tu saurais que les géants mesurent deux à trois fois sa taille !
-Grammaticalement parlant, on peut utiliser le terme « géant » pour parler d'une personne de très grande taille. Déclara Venceslas d'un ton absent. »
Drago leva les yeux au ciel, puis laissa tomber. Autant se résigner : il ne parviendrait jamais à avoir une conversation constructive avec son cousin. Hagrid leur hurla de le suivre, ce qu'ils firent. Drago était clairement excité, bien qu'il déployât des efforts immenses pour le cacher, tandis que Ven cherchait à calculer la taille exacte de leur guide. Est-ce qu'il répondrait à sa question s'il le lui demandait ? Il pourrait se vexer… De toute façon, il marchait bien trop vite pour que les courtes jambes du petit garçon puissent seulement espérer le rattraper. Il remettrait cette interrogation à plus tard…Si jamais il venait à s'en souvenir… Très vite, ils arrivèrent devant un grand lac, sur lequel flottait un nombre impressionnant d'embarcations. Avant qu'il n'ait eu le temps d'opter pour la sienne, Ven fut entraîné par Ron et Harry dans celle qu'ils avaient choisie, en compagnie d'un garçon à la peau d'ébène et aux yeux brillants de curiosité. Ven prit à peine garde au regard furieux de son cousin. Après tout, ce n'était pas comme s'il avait autorité à exiger de lui quoi que ce soit. Il n'était rien de plus que son serviteur…Un serviteur peu docile, toutefois. Il faudrait qu'il y remédie… Par magie, les barques glissèrent sur l'eau gelée du lac. Alors que tous les regards étaient braqués sur le château de Poudlard qui, petit à petit, se révélait dans toute sa majesté, Ven gardait les yeux résolument fixés sur l'eau. Elle était complètement noire, impossible de voir ce qu'il pouvait s'y tramer. Son cousin lui avait dit qu'un calmar géant y séjournait. Avait-il menti aussi sur ce point-là ? Hmm…
« Ven, lève un peu la tête ! S'exclama Ron, enthousiaste. Tu ne vois pas à quel point c'est beau ? »
Venceslas obéit, plus par automatisme que par réelle curiosité. Tout ça ne l'impressionnait guère. Pourquoi ? Parce que c'était exactement ce à quoi il s'était attendu. Un peu d'originalité n'aurait pas fait de mal…Rien d'autre qu'un vieux château-fort illuminé…Quelle déception. Ils finirent par poser pied à terre, au grand soulagement de leur camarade, Dean, s'était-il présenté, qui souffrait du mal de mer. Ou, plus exactement, du mal de tout ce qui le transportait sur une quelconque étendue aqueuse, avait corrigé dans son esprit un Ven qui se voulait pointilleux. Ce fut à cet instant que Venceslas fut saisi par le bras et amené à l'écart par un Drago visiblement hargneux.
« Tu n'écoutes rien de ce que je te dis ?
-Je ne crois pas avoir à le faire, Malefoy. Siffla Venceslas. Jusqu'à preuve du contraire, tu es mon subordonné et tu me dois obéissance. Pas l'inverse. Et je t'ordonne de me laisser en paix. »
Frappé aussi bien par le ton froid et arrogant de son cousin que par la lueur malsaine qui brillait dans ses yeux ocre, Drago n'avait pu que s'exécuter. Et Ven, un sourire moqueur aux lèvres, était allé rejoindre les traîtres à leur sang et Sangs-de-Bourbe. Il avait souri…Drago n'avait pourtant jamais vu autre chose qu'une parfaite indifférence ou une curiosité simplette s'afficher sur son visage. Voire, parfois, une légère trace de mépris…Mais là, il se montrait carrément…railleur. Voilà une chose à laquelle le jeune Malefoy n'avait pas été habitué. Est-ce que cela faisait partie des informations qu'il devait rapporter à son père dès que possible au sujet de son cousin ? Cela méritait réflexion. Durant ce temps, ils étaient arrivés devant une grande porte de bois. Il n'y avait personne pour les accueillir. Drago avait donc décidé de mettre à profit ce temps pour se faire connaître auprès de ses futurs congénères. Et quoi de mieux que de s'adresser à la célébrité nationale, ce cher Potter, qu'il avait croisé dans une boutique sans même le reconnaître ? A présent, il allait rattraper le temps perdu. Il saurait bien faire comprendre à ce Potter qui il valait mieux fréquenter… Sans adresser un seul regard à son cousin, qui était plongé dans la passionnante contemplation du plafond, il s'était dirigé vers Harry Potter et s'était introduit en ces termes :
« Est-ce Harry Potter lui-même qui partage nos rangs ? »
Il avait savouré quelques instants les effets de sa phrase, heureux que l'attention soit à présent concentrée sur leurs deux personnes. Il fit signe à ses acolytes de s'approcher, avant de se présenter :
« Voici Crabbe et Goyle. Moi, je suis Drago Malefoy. »
Sur ces termes, il avait adressé un regard dédaigneux à Weasley, qui lui-même l'observait avec un mépris non dissimulé.
« Je vois que tu t'es trouvé bonne compagnie. Crois-moi, tu ne pouvais tomber sur personne plus misérable. »
Drago offrit une main tendue au jeune garçon, avant de continuer son discours :
« Je saurais te conseiller sur les meilleures relations à entretenir. Marché conclu ? »
Poliment et froidement, Harry Potter avait refusé sa proposition. Un rire singulier se fit entendre. A dire vrai, cela ressemblait plus à un sifflement qu'autre chose. En tout cas, cela avait une résonance réellement…effrayante. Ven…riait. Ricanait. Il se moquait de lui. Le Prince des Ténèbres le méprisait. Non. Son abruti de cousin se payait de sa tête. Il ne voulait pas voir les choses autrement. Pas alors que la fureur envahissait chaque parcelle de son âme et de son corps.
« Tu as un problème, cousin ?
-Un problème ? Il y a bien le fait que je me demandais si Hagrid dépassait les deux mètres quarante ou si le calmar du lac accepterait une petite discussion avec moi, mais sinon il n'y a rien. Merci de t'en soucier. »
Sa remarque déclencha de petits rires. Venceslas, lui, affichait un air parfaitement innocent. Mais Drago en était persuadé. Il avait sciemment détourné la conversation. Ce n'était pas une de ses absences habituelles. Il se fichait de lui ! Il pensait en avoir le droit ? On ne se moquait pas impunément d'un Malefoy, tout fils de Seigneur des ténèbres qu'on pouvait être ! Drago s'était apprêté à dégainer sa baguette, mais un raclement de gorge l'en avait empêché. Un professeur était arrivé. Drago abandonna la partie. Pour l'instant. Il trouverait l'occasion de se venger…En toute discrétion. Il ne faudrait pas que son père vienne à être au courant… Le professeur, quant à elle, se présenta sous le nom de Minerva McGonagall, enseignante en métamorphose et sous-directrice de Poudlard. Elle énuméra chacune des maisons de Poudlard, Poufsouffle, Serdaigle, Gryffondor et Serpentard, avant d'entamer un bref discours de bienvenue. Elle respirait l'autorité et la sévérité et chacun des élèves était fortement impressionné par la prestance de cette femme. Tous, excepté Ven, trop occupé à suivre le parcours d'une mouche. Allait-elle s'égarer dans cette toile d'araignée, là-bas ? Visiblement, non. Pas de chance, petite fille d'Arachné… McGonagall avait froncé les sourcils devant ce manque d'attention mais n'avait fait aucune remarque, jugeant que ce jeune garçon était probablement trop stressé pour parvenir à se concentrer sur ses mots. Si elle avait su qu'il accordait plus d'importance à la trajectoire de vol d'une mouche qu'à ses propos, elle n'aurait sans doute pas été aussi indulgente. Bénissons l'ignorance, elle préserve de bien des maux. Le professeur demanda alors aux élèves de première année de bien vouloir rentrer dans la Grande Salle, afin de pouvoir procéder à la répartition dans chacune des quatre maisons. Dans un brouhaha stressé et stressant, les élèves s'empressèrent d'obéir et purent observer avec curiosité le couvre-chef miteux qui trônait au centre de tous les regards, sur un tabouret non moins défraîchi. Ven, lui-même, se montra intrigué devant ce spectacle. Eh bien ? Allaient-ils devoir métamorphoser le chapeau pour être réparti ? La métamorphose n'avait jamais été vraiment son fort…Il préférait les enchantements. Et la magie noire. Fait tellement étonnant de la part du fils du Seigneur des Ténèbres et de sa plus fidèle subalterne, il était extrêmement doué dans sa pratique, là où il ne témoignait que des capacités, certes, puissantes, mais pas inhabituelles dans les autres domaines magiques. Le jeune garçon eut la surprise de voir le chapeau s'entrouvrir, laissant une sorte de bouche se dessiner sur son tissu. Puis il chanta, d'une voix fausse, des paroles qui n'évoquaient rien aux oreilles distraites de Venceslas. Mais ce dernier était tout de même captivé. Ils étaient arrivés à l'étonner…Chapeau, c'était le cas de le dire. Eux qui avaient pourtant si mal démarré, avec ce château si cliché…
Le Choixpeau, car c'était ainsi qu'on l'appelait, termina de chanter, et des applaudissements nourris saluèrent sa performance. Ou la fin de celle-ci, comme le faisait Ven. Certes, il appréciait les surprises, mais celle-ci était un peu…dissonante. Un à un, par ordre alphabétique, les élèves de première année furent appelés. Ven en profita pour décrocher quelque peu, promenant son regard sur la table des professeurs. L'un d'eux parvint à capter son attention. Plutôt jeune, un turban violet enroulé autour de son crâne…et qui le fixait visiblement. Une sensation étrange se propagea dans le cœur du garçon. Un mélange de crainte et de déférence. Il eut tôt fait de se détourner de cet homme, préoccupé par les sentiments qu'il faisait naître en lui. Lui, apeuré ? Lui, soumis ? Le Prince des Ténèbres ne l'était jamais. Mais cet homme…Pour quelque raison que ce soit, il ne parvenait pas à le considérer comme il le faisait habituellement, avec mépris ou même indifférence. Pourquoi ? Le nom de « Granger, Hermione » se fit entendre et Ven en profita pour reporter son attention sur autre chose. Il fut quelque peu étonné de constater que celle-ci avait été envoyée à Gryffondor. Lui qui pensait qu'elle irait à Serdaigle… En tout cas, elle avait vraiment l'air heureux. Tant mieux pour elle. Ven, lui, attendait avec ennui que son tour vienne. Aucune surprise. Il irait à Serpentard, comme son père avant lui, comme sa filiation avec le grand Salazar le voulait… Il observa Londubat être réparti à Gryffondor, soutenant le regard mi-furieux mi-intrigué qu'il lui lança avant de rejoindre la table des lions. Il bailla lorsque son cousin, Drago, fut immédiatement envoyé à Serpentard. Rien de follement surprenant. Enfin, ça allait être son tour…
« Malefoy, Venceslas ! »
Sa nomination, comme celle de son frère d'adoption, avait déclenché une vague de murmures. Pas étonnant. Les Malefoy étaient toujours sujets de curiosité et d'interrogation, partout où ils allaient. La plus grande famille sorcière de Grande-Bretagne, reconnaissable à leurs cheveux d'un blond pâle et leur peau d'albâtre. Lui, avec sa chevelure brune, devait quelque peu détonner… Il enfila le Choixpeau, avec un soupir d'ennui.
Eh bien, eh bien, qu'avons-nous là ? C'est un dur fardeau qui pèse sur tes épaules, Venceslas Jedusor.
Jedusor ?
Le nom de famille de ton père. Le tien. Tu es une personne peu banale, tu le sais ?
On me le répète depuis ma naissance, vous savez.
Je ne pensais pas à ton statut. Je songeais plutôt à qui tu étais. A ta personnalité.
Les murmures s'amplifièrent. Tous s'étaient attendus à ce que le Choixpeau répartisse immédiatement le Malefoy à Serpentard. Pourquoi n'était-ce pas le cas ?
Tu es brillant. Trop pour ton propre bien. Tes idées filent si vite dans ton esprit que tu es incapable de te fixer durablement sur quoi que ce soit, excepté si cette chose te semble réellement mémorable. Il te faudra du temps avant de t'habituer à cette école et son fonctionnement. Du temps et de l'aide.
Je n'ai besoin de l'aide de personne.
Ah, cette pointe de fierté…Teintée d'arrogance. Un réflexe conditionné par ton éducation, n'est-ce pas ? En vérité, tu aimerais vraiment que les autres cherchent à te comprendre. Qu'ils expriment le désir de te connaître, de te venir en aide si tu en as besoin. Le piédestal sur lequel on t'a élevé était bien trop haut pour te permettre de te lier amicalement à quelqu'un. C'est une erreur que j'aimerais t'offrir de réparer.
Vous avez terminé ? Contentez-vous de dire Serpentard et je pourrais enfin penser à autre chose. Votre voix m'agace considérablement.
Tu as l'air si sûr que je te répartisse à Serpentard…
« Ce n'est pas le cas ? »
Ven, cette fois-ci, s'était exprimé à voix haute, ce qu'avait noté une McGonagall quelque peu intriguée. Qu'est-ce que le Choixpeau et cet étrange garçon étaient en train de manigancer ?
Bien sûr, tu es le candidat parfait pour cette maison. Ton ascendance, le caractère que l'on t'a doucement imposé…Cependant, ce n'est pas toi. Je le sais.
Qu'en savez-vous ?
J'ai été conçu ainsi, Venceslas. Je peux lire en toi, comme je l'ai fait pour nombre d'autres élèves avant toi. Tu n'as aucun secret pour moi.
…Vous n'allez rien dire à Dumbledore à mon sujet ?
Je n'ai pas pour habitude de divulguer les mystères des élèves qui défilent sous moi. Je n'ai pas été créé pour ça.
Une bonne chose de dite. Au moins, il n'aurait pas de problèmes de ce côté-ci…
Tu as besoin de ce que l'on ne t'a jamais offert. De l'amour et de la considération pour la personne que tu es, et non ce que tu représentes. C'est pourquoi je vais te répartir à…
« POUFSOUFFLE ! »
Un silence pesant s'installa dans la Grande Salle. Tous étaient sous le choc face à cette nouvelle, en particulier Drago, qui avait déjà réservé à son abruti de cousin une place à la table des Serpentard, Severus Rogue, qui était persuadé d'avoir les deux Malefoy sous sa tutelle durant ces sept années scolaires, et Neville Londubat, qui observait Venceslas avec des yeux de merlan frit. Le fils de Bellatrix Lestrange…à Poufsouffle. Il devait rêver… Ven, lui, se contentait d'afficher un air vaguement étonné.
« Oh… »
Sans se précipiter, il ôta le Choixpeau et alla rejoindre ses camarades à la table qui lui avait été assignée. Ainsi, il était un blaireau…Lucius n'allait pas vraiment être ravi. Au moins, il s'agissait d'une véritable surprise. Il ne s'y attendait pas du tout. Être dans une autre maison que Serpentard…Serdaigle, à la limite. Voire même Gryffondor, si le destin s'était montré cruel. Mais il avait plutôt envisagé de se montrer ironique…Lui, le Prince des Ténèbres, était officiellement un élève de la maison de la guimauve et des bons sentiments. Voilà qui allait lui faire gagner en crédibilité…
Un applaudissement unique brisa le silence qui s'était pesamment installé dans la salle, tandis que Venceslas s'asseyait enfin à sa table. Il provenait d'un garçon, un élève de quatrième année, très propre sur lui et visiblement fort apprécié dans sa maison.
« Bienvenue chez les Poufsouffle, Ven. Je m'appelle Cédric Diggory. »
Venceslas s'était contenté d'un signe de tête pour toute réponse, cherchant des yeux certaines personnes. Harry et Ron l'observaient avec un sourire désolé, sur lequel se lisait une part d'hilarité, Neville restait sous le choc, incapable d'accepter ce qui se déroulait ses yeux, Hermione lui adressait un grand sourire, Drago semblait avoir avalé de travers, tout comme Rogue…Et ce professeur au turban violet…Il ne le quittait pas des yeux. Une expression indéchiffrable s'était affichée sur son visage, à mi-chemin entre l'incompréhension et la réflexion. Ven détourna son regard, encore habité par ces étranges sentiments. Il plaça le mystère « Turban violet » en tête de ses interrogations existentielles…du moins, jusqu'à ce qu'elle daigne lui sortir de la tête, ce qui risquait d'arriver prochainement. Déjà, Ven ne songeait plus au déshonneur certain qu'il venait de faire subir à la famille Malefoy et jouait négligemment avec le couteau doré qui avait été placé face à lui. Pourquoi leurs assiettes étaient-elles vides ? Allaient-ils pouvoir commander toute la nourriture désirée, une fois la répartition terminée ? Hmm…Ven avait toujours rêvé de goûter des cuisses de grenouille. Les français avaient un goût si…spécial. Harry et Ron furent tour à tour envoyés à Gryffondor, rien de surprenant de ce côté-là. Puis le directeur prononça un discours, duquel Ven retint seulement quelques détails : « Forêt interdite », « couloir du troisième étage », « mourir dans d'atroces souffrances »…Intéressant. Peu structuré, à moins que ce soit son inattention qu'il faille mettre en cause, mais intéressant. Puis des plats apparurent sur chacune des tables. Venceslas dut remettre à plus tard ses envies de grenouille, se servant à la place une part conséquente de tarte aux pommes.
« Euh, Ven…Tu ne prends pas de plats principaux ? Avait demandé Cédric, un peu inquiet.
-J'aime les pommes. »
Puis Venceslas s'était tu, comme si cette simple phrase suffisait à tout expliquer. Manifestement pas aux yeux des autres, puisqu'un élève de première année s'était approché de lui et avait déclamé ces mots :
« Mais, enfin, comment peux-tu ignorer ce rituel qui régit chacun des repas que nous, respectables anglais, prenons chaque jour ? Le repas d'un gentleman correct se doit de commencer par l'entrée, puis le plat principal et enfin le dessert. On ne peut pas y déroger, c'est tout bonnement inconcevable ! C'est…
-Merci, Ernie, ce sera tout. L'avait coupé une autre élève de la même année. Ne fais pas attention à lui, il adore se faire remarquer pour tout et n'importe quoi.
-Susan ! Je suis très sérieux !
-Ravie de te rencontrer, Ven. Je suis Susan Bones. Et ce bavard incorrigible, c'est Ernie Macmillan. Tu m'excuseras de ne pas t'appeler Malefoy, j'ai un peu de mal avec… »
Elle adressa un regard furieux à Drago, qui hésitait visiblement à crier au scandale et traîner son cousin jusqu'à la table des Serpentards.
« …les autres membres de ta famille. Termina-t-elle alors. Tu sais que tu es l'attraction de cette répartition ? Ton nom est presque autant sur les lèvres que celui de Harry Potter. Chapeau, tu as failli damer le pion à notre célébrité de l'année ! Tu es vraiment quelqu'un, toi…»
Venceslas haussa les épaules. Cela lui passait au-dessus de la tête. Ce que les autres pensaient de lui…Il s'en fichait éperdument. Il y avait foule de choses bien plus intéressantes…Comme cette fourmi qui avait décidé de se promener sur sa tarte aux pommes. Allait-il la tuer ou se contenter de la dégager ? Sous les regards étonnés de ses congénères, Ven se saisit de son couteau et invita la petite fourmi à se promener sur le plat de la lame.
« Qu'est-ce que tu… ?
-Je vais créer un numéro de fourmis savantes. Déclara-t-il, très concentré. »
Sa remarque, si sérieusement proférée, avait déclenché une série de fous rires. L'ambiance commençait peu à peu se détendre…
« T'es super original, tu sais. Au fait, moi, c'est Justin. Justin Finch-Fletchey. Avait déclaré un autre élève de son année. »
Ils ont l'air sympathique…Mais je me demande comment ton paternel d'adoption va réagir à la nouvelle…
Ven, lui, ne se le demandait pas, contrairement à Natschel, qui lorgnait avec envie les plats disposés sur la table. Le serpent aurait adoré avoir un couvert, avec une souris recouverte de milieu en son sein…Miam… Venceslas savait déjà ce qui l'attendrait, demain matin, à son petit-déjeuner…C'était si prévisible… Le jeune garçon croqua à nouveau dans sa tarte aux pommes, affichant un air profondément las. Cela l'ennuyait déjà…
AAAAAA
« VENCESLAS MALEFOY, TU AS JETE LA HONTE ET L'OPPROBRE SUR NOTRE NOM DE FAMILLE ! QUAND JE PENSE QUE NOUS T'AVONS RECUEILLI, NOURRI, LOGE, OFFERT L'IMMENSE HONNEUR D'ARBORER NOTRE PATRONYME ! POUFSOUFFLE…COMMENT AS-TU… ? »
Ven, indifférent à la lettre rouge qui proférait ces reproches d'une voix de stentor, tartinait tranquillement son toast avec une généreuse portion de beurre, sous les regards complaisants de ses camarades, tous impressionnés par son stoïcisme. Mais ils se trompaient lourdement sur son compte. Venceslas ne ravalait pas ses sentiments. Non. Cette Beuglante ne lui inspirait rien d'autre qu'un profond ennui. Son tuteur aurait pu être un peu moins prévisible…Et éviter aussi cette petite lettre blanche, jointe discrètement à la beuglante, et qui certifiait que chacune des paroles déclarées peu délicatement par la lettre était destinée à conserver sa couverture. Mais que, toutefois, ils devraient avoir une sérieuse discussion quant à cette…déviance. Mortellement prévisible. Lucius l'était tant que cela commençait à sérieusement agacer le jeune garçon. Comment son père avait-il pu faire de lui un de ses plus proches fidèles ? Ennuyeux au possible, ne dérogeant jamais à ses codes de conduite…Peut-être était-ce le genre d'hommes qui plaisait au regretté Seigneur des Ténèbres…Aucune surprise, pas de risque de trahison. Rien d'excitant. Rien qui attirât l'attention de Ven, qui préférait se concentrer amoureusement sur son tartinage de toasts. Miam.
« Susan, je peux avoir le jus de citrouille, s'il te plaît ? Demanda-t-il alors que la voix de Lucius s'égosillait sur ce que devait être un bon Malefoy, ce qu'il n'était visiblement pas.
-Heu…Bien sûr… »
La fillette lui avait passé le pichet, déconcertée par son manque de réactions. A sa place, elle aurait sans doute déjà fondu en larmes. Que ses parents, même adoptifs, le traitent de cette manière, simplement parce qu'il n'était pas allé dans la même maison qu'eux… Cédric Diggory, après s'être perdu quelques instants dans la contemplation de cette beuglante vraiment bruyante, avait posé une main réconfortante sur l'épaule de son jeune condisciple.
« Tu sais, Ven, tu n'as pas à dissimuler ce que tu ressens de cette manière. Tu as parfaitement le droit de craquer, ça n'est absolument pas…
-Tu crois que je pourrais demander à avoir des toasts beurrés pour le repas de midi ? L'avait interrompu Venceslas. »
La question désarçonna Cédric, qui perdit sa belle assurance et répondit d'un ton un peu bafouillant :
« Heu…Je ne pense pas. Je veux dire…Ce n'est pas vraiment approprié pour cette partie de la journée.
-Oh. Tant pis. »
Et il avait englouti son toast, tandis que la beuglante terminait son discours et se consumait. Poussière tu es née, poussière, tu es redevenue…
Ven, ou l'art de sauter du coq à l'âne…Fais attention, ils finiront par te laisser de côté si tu te comportes de cette manière.
Venceslas l'ignora superbement, trop préoccupé par sa dégustation. Ce n'était pas comme s'il était en mesure de changer…Il n'arrivait pas à contrôler le défilement trop rapide de ses pensées, encore moins à les faire taire.
Tu as pensé à ma souris ?
Le Prince des Ténèbres profita du brouhaha créé par la distribution des emplois du temps pour lui répondre laconiquement :
Sous mon oreiller.
Le serpent siffla joyeusement et quitta sa cache, se faufilant discrètement hors de la Grande Salle. Ven, quant à lui, saisit son emploi du temps et constata qu'il commençait sa journée avec Défense Contre les Forces du Mal. C'est-à-dire avec Monsieur Turban, alias Quirrell. Une grimace s'étira sur ses lèvres. Ce professeur ne lui inspirait pas confiance. Pire, il réussissait à l'effrayer. Ce n'était pas normal… Cédric interpréta d'une mauvaise façon son trouble et lui déclara d'une voix rassurante :
« Tu verras, ses cours sont très tranquilles. Il est arrivé à la fin de l'année dernière, pour remplacer notre ancienne prof. Elle avait décidé de s'exiler dans les montagnes tibétaines « afin d'élever son âme aux confins de la spiritualité » nous avait-elle dit. Une cinglée. Quirrell…Il est spécial, mais pas méchant. Au pire, tu pourras toujours t'endormir pendant son cours. »
Cédric jeta un petit coup d'œil à l'emploi du temps de son cadet :
« Finalement non. Réserve-toi des heures de sommeil pour le cours de Binns. Ces deux-là à la suite…Je te plains sincèrement.
-Eh bien, Céd, où est passé Monsieur « J'suis tellement sérieux qu'on devrait m'appeler Sirius Black » ? S'était exclamé alors une voix enthousiaste. »
La voix d'un jeune homme de l'âge de Diggory, à la chevelure si décoiffée qu'elle semblait n'avoir jamais croisé un peigne de sa vie et couvert de bijoux ésotériques de toute sorte, avait retenti alors qu'il s'était empressé de faire une accolade quelque peu brutale à son condisciple.
« Jay, c'était vraiment de mauvais goût.
-Quoi, c'est vrai, nan ? Eh, tu dois être le petit Malefoy ! T'as fait sensation hier, grâce à toi, les blaireaux sont sur le devant de la scène ! »
Sans lui demander son avis, le dénommé Jay avait saisi la main de Ven et l'avait agité de toutes ses forces, à tel point que le jeune garçon avait craint, l'espace d'un instant, que son bras ne se soit démis. Cédric avait soupiré devant ce spectacle :
« Ven, voici Jeremiah Hampton, dit Jay. Si tu as un problème…Ne viens surtout pas le voir.
-Quoi ? T'es injuste avec moi, Céd !
-Dois-je te rappeler que le dernier élève qui est venu quérir ton aide est resté à moitié fou pendant une semaine, proférant des insultes et des sentences religieuses diverses en riant sardoniquement ?
-J'avais regardé l'Exorciste…Ca m'avait donné une idée.
-Une mauvaise idée. Rectifia Cédric en soupirant, secouant la tête d'un geste las. »
Visiblement, Jeremiah devait être né-moldu. Il avait l'air…bizarre. En tout cas, plus qu'il ne l'était lui-même…
« Bon, je t'emprunte Cédric pour les cours, mon p'tit Ven. Si jamais il te prend une envie d'invoquer les esprits, tu sais à qui t'adresser !
-Jay, on vit dans un château hanté, peuplé de fantômes.
-Et alors ? Bon, à plus, le mioche ! »
Jeremiah avait alors traîné Diggory derrière lui, laissant un Ven quelque peu dérouté. Au moins, cet énergumène ne sortirait pas de sa mémoire volatile, il en était convaincu. Susan, qui avait semblé un peu intimidée par ses deux aînés, s'était alors penchée vers Venceslas :
« On va au cours ensemble ? »
N'ayant pas trouvé de raison existentielle pour se détourner, Ven avait accepté et suivi la petite fille, qui paraissait assez sûre d'elle quant à sa destination. Les autres élèves de leur année avaient fait de même, craignant de se perdre.
« Tu sais où on va ? Demanda Justin, un peu inquiet.
-J'ai demandé au professeur Chourave où se trouvait la salle quand elle nous a distribué les emplois du temps. »
Un soupir de soulagement accueillit sa déclaration. Ils ne seraient pas en retard à leur premier cours, en commun avec les Serdaigles… Cours qui ne fut pas des plus mémorables. Du moins, jusqu'à son milieu. A cet instant, Quirrell, le regard fixé sur Ven, leur avait demandé de ranger leurs affaires et de sortir leurs baguettes. Il avait regagné en assurance, perdant ce bégayement qui lui semblait pourtant si caractéristique.
« Le sort que je vais vous apprendre pourrait un jour vous sauver la vie. Il est nécessaire pour chacun de vous de le connaître. Il est heureusement suffisamment basique pour que vous, élèves de première année, soyez en mesure de le lancer. Il consiste à désarmer à son adversaire. Quelqu'un saurait-il m'en dire la formule ? »
Une série de mains s'était levée dans les rangs bleu et bronze, tandis que, hésitante, Susan avait levé la sienne et qu'Ernie en avait fait de même, droit et fier. Quirrell avait promené son regard sur chacun d'eux, avant de s'arrêter sur Venceslas, qui faisait tournoyer sa baguette entre ses doigts habiles et se demandait combien de tours d'affilés il serait en mesure de faire. Sept, huit…
« Monsieur Malefoy, votre réponse. »
Déconcentré, Ven fit tomber sa baguette au sol. Il la ramassa, agacé. Dire qu'il pensait arriver à dépasser la dizaine…
« Monsieur Malefoy, si mon cours ne vous intéresse pas, vous pouvez tout aussi bien prendre la porte. Savez-vous seulement quelle question je vous ai posé ?
-Sort de désarmement. Expelliarmus. Se contenta de déclarer d'un ton froid le garçon, avant de tenter à nouveau ce qu'il considérait comme son exploit du moment. »
Devant cette insolence, tous s'attendaient à ce que Quirrell le réprimande, ou, tout du moins, lui fasse une quelconque remarque sur son attitude. Ce ne fut pas le cas.
« Exact. Cinq points pour Poufsouffle pour cette réponse juste et concise. Effectivement, la formule « Expelliarmus » vous permet de désarmer votre adversaire. Selon la force que vous soufflez dans votre sort, vous pouvez tout aussi bien simplement vous emparer de sa baguette que projeter votre ennemi, contre ce mur, par exemple. Indiqua-t-il en pointant du doigt ledit mur. »
Les élèves se mirent à parler avec animation, visiblement excités par cette perspective. Un sort offensif, dès leur premier cours, voilà qui était inattendu ! Puis Quirrell réclama le silence, avec une autorité inattendue de la part de ce professeur timide et bégayant.
« Une démonstration serait des plus productives. Monsieur Malefoy, au lieu de jouer stupidement avec votre baguette, montrez que vous savez vous servir de celle-ci en vous mesurant à moi. »
La proposition inopinée de son professeur parvint à faire redescendre le garçon sur Terre. Le Prince des Ténèbres saisit sa baguette avec force et se plaça face à son enseignant, pointant son arme sur ce dernier avec assurance. Son regard, ocre, alla se planter dans celui de son professeur. Et bien que celui-ci, pour une raison inconnue, l'impressionnât et le troublât, Ven ne le montra pas, affichant la plus parfaite concentration.
« Nous ne sommes pas en duel officiel, alors je ne vous demanderais pas d'observer les règles de rigueur, Monsieur Malefoy. A trois, vous allez tenter de me désarmer par ce sort. Prononcez distinctement la formule, évitez les moulinets inutiles et surtout restez fixé sur votre objectif. »
Un silence tendu s'était propagé dans les rangs, devant ce spectacle troublant. Ven, en dépit de sa chétivité et de son jeune âge, respirait la puissance et un certain charisme, tandis que le professeur, un sourire assuré aux lèvres, commençait le décompte :
« Un… » |