Sa jambe inutile traînant sur le sol tel un poids mort, Jeremiah avançait d'un pas boiteux, le visage enlaidi par une grimace douloureuse. L'Elasticus qu'il avait produit s'était révélé trop puissant et le jeune homme avait été incapable de maîtriser son saut.
Certes, il avait pu refermer sa main sur la clé providentielle, déclenchant des "hourras" chez les trois Gryffondors, mais il avait payé le prix fort. Ne pouvant maîtriser sa chute, il avait rencontré le sol avec violence, sa jambe droite se retrouvant à former un angle des plus inquiétants...
La petite Granger avait fait de son mieux pour l'aider, mais elle restait une élève de première année, malgré ses aptitudes hors-normes, et elle avait donc été incapable de le soigner comme il l'aurait souhaité.
Lui, de son côté, ce type de sortilèges, ce n'était pas vraiment son truc. Flitwick lui avait par ailleurs déclaré, lors d'un cours consacré aux sorts de soin, qu'il avait l'écriture parfaite pour devenir Médicomage, mais certainement pas les compétences qui allaient avec. Jeremiah avait alors été pris d'un incompréhensible fou rire, entraînant Cedric dans cette hilarité inexplicable.
Jeremiah prit une pause, les yeux brouillés de larmes, le visage blême. La douleur était purement insupportable. Bien que casse-cou, le jeune homme ne se rappelait pas avoir déjà souffert autant durant sa courte vie. S'il avait déjà eu des membres cassés, ceux-ci avaient été immédiatement pris en charge par Pomfresh ou un service d'Urgences. Jamais il n'avait eu à se traîner de la sorte, en quête désespérée d'aide...
S'asseyant un bref instant en s'efforçant de ne pas accroître sa souffrance, Jeremiah maudit Harry Potter, Ronald Weasley et Hermione Granger, leur souhaitant mille retenues pour s'être aventurés dans cette galère.
Après s'être emparés de la clé et s'être occupés un minimum de sa pauvre jambe, les trois enfants avaient détalé en direction de la salle d'échecs, Hermione lui criant, en dernière recommandation, d'essayer de joindre Dumbledore ou un professeur.
Jeremiah eut un rire sombre.
« Et comment j'suis censé rejoindre Dumbledore et compagnie, hein ? En volant ? Avec quoi ? »
Il marmonna sarcastiquement, tout en se relevant lentement, qu'il aurait dû penser à apporter sa poudre de fée. Une fois sur ses pieds...enfin, sur son pied...Jeremiah se remit en route, cherchant à retourner à la salle du Filet du Diable.
Cette fichue plante, il allait la brûler, la torturer, la réduire en miettes...Ce n'était pas un comportement très Poufsouffle, mais Jeremiah avait besoin de décharger sa colère sur quelque chose.
A cause de ces petits idiots, il était dans l'incapacité totale de sauver Venceslas. S'ils n'avaient pas eu la brillante idée de prendre Severus Rogue pour un méchant sorcier et de se lancer bêtement à sa poursuite, il aurait pu accompagner l'homme dans sa quête et venir en aide à son ami.
L'enfant avait besoin de lui. Jeremiah savait quoi faire et quoi lui dire pour le rassurer, le maintenir dans ce monde et attirer quelque peu son attention plus que volatile. Eux trois n'y connaissaient rien. Ils n'étaient que des gamins, sans la moindre expérience.
Ils n'auraient pas ce ton doux qu'il savait avoir pour le jeune garçon, ils n'auraient pas les mots qu'il avait besoin d'entendre...Ils n'étaient pas lui. Ils n'étaient pas Jeremiah et, celui dont Venceslas avait besoin, c'était bel et bien de lui. Pas d'eux.
« Le Survivant...Quel adulte sera suffisamment sensé pour lui expliquer qu'un gamin de onze ans n'a pas à être un héros ? »
Ils s'étaient vraiment comportés comme des abrutis, tous les trois. De vrais Gryffondors ! Dans une telle situation, un Poufsouffle n'aurait pas agi de cette façon.
Le soutien des adultes aurait d'abord été sollicité et, si aucun d'entre eux n'aurait daigné lever le petit doigt, la maison toute entière se serait mobilisée pour faire avancer les choses. Quelle idée d'y aller à trois, quelle idée de se croire invincible à onze ans...Mais où avaient-ils donc la tête ?
La jambe de Jeremiah buta sur une dalle et un hurlement de douleur s'extirpa de sa gorge. Les larmes roulèrent sur ses joues, mais il les essuya d'un geste rapide. Pas le temps pour les pleurs.
Il devait réduire en charpie ce Filet du Diable et trouver un moyen de remonter à la surface...Il se débrouillerait ensuite pour trouver un adulte compétent.
Un faible sourire se dessina sur ses lèvres lorsque la plante lui apparut enfin. Tirant sa baguette, il murmura, avant de lancer un Incendio dévastateur :
« Toi, tu vas payer pour tous les autres... »
AAAAAA
L'illusion était si réelle qu'il pouvait presque entendre leurs voix lui murmurer des choses...Face au miroir du Riséd, le regard absent, Venceslas était immobile, recroquevillé sur lui-même, hanté par les visions qui s'imposaient à lui, les visions d'un avenir qui ne serait jamais le sien.
Des parents aimants et normaux, ressemblant étrangement à Molly et Arthur Weasley, ses amis à ses côtés, un destin dénué des ténèbres qui composaient pourtant l'entièreté de son existence...
Le reflet se transformait et se fixait, au gré des rêves incontrôlés de Venceslas, des désirs de plus en plus puissants et impérieux qui commençaient à s'emparer de son cœur.
Auparavant, il n'avait jamais vraiment souhaité quoi que ce soit, acceptant cet avenir qui avait été décidé pour lui et la responsabilité qui lui incombait.
L'idée qu'il puisse ne pas devenir le Prince des Ténèbres ne l'avait jamais effleuré, comme si ce titre faisait partie de lui et qu'il lui était tout simplement possible d'être Venceslas sans être le Prince. C'était une chose à laquelle il n'avait pas réfléchi une seule fois, au cours de son existence troublée.
Et aujourd'hui, alors que son père était sur le point de revenir à la vie, alors que la destinée qui avait été choisi pour lui se mettait en place, Venceslas n'était plus sûr de rien. Un doute perfide s'était insinué peu à peu dans son cœur et explosait en ce jour, le rendant incapable de satisfaire Lord Voldemort.
Il ne souhaitait pas la Pierre Philosophale. Non. Ce qu'il voulait, c'était une famille et une vie semblable à celle de ses amis, sans soucis ni responsabilités.
Il aimerait pouvoir être un petit garçon normal avec un esprit dégagé, tout comme il souhaiterait ne pas savoir et connaître toutes ces choses qu'un enfant de son âge ne devrait même pas être en mesure d'appréhender : la souffrance à l'état pur, la mort, le poids du destin...Et tous ces fardeaux que ses épaules frêles étaient incapables de supporter, ces secrets qu'il devait garder...
Il s'en rendait compte, à présent, alors que son âme était happée par le pouvoir enjôleur du miroir : tout cela, c'était bel et bien ce que son cœur souhaitait véritablement. Il ne voulait pas de ce père qui le torturait ni de cette mère dont il n'avait que des souvenirs purement désagréables...Il voulait vivre et non plus survivre dans la peur.
Le reflet se troubla un instant, laissant apparaître une autre vision, alors que la conscience qui s'était manifestée à lui chuchotait à son oreille des propos tentateurs. Il n'était pas fait pour une existence normale. Certes, il était Venceslas Serpentard-Black, Prince des Ténèbres, et il avait été conçu pour servir Lord Voldemort. Mais fallait-il qu'il devienne son pantin ? Fallait-il qu'il le laisse le manipuler ?
Ce n'était pas ce qu'on lui avait appris. Ce n'était pas l'avenir auquel il pensait qu'on le destinait. Il devait reprendre en main les Mangemorts et imposer un nouveau règne à la Grande-Bretagne Sorcière et moldue, un règne noir. Il était un Prince qui devait devenir Roi. Et maintenant ? Maintenant, qu'était-il sinon un pitoyable esclave, pleurnichard et égaré ?
Ce bonheur qu'il entrevoyait était possible, il commençait à le croire. Mais pas si les choses ne changeaient pas. Pas si...
Venceslas fut tiré de sa transe et de ses pensées contradictoires et complexes par une douleur incommensurable. Il poussa un cri sauvage, ses ongles griffant le sol, ses yeux s'écarquillant dans une expression de souffrance.
« Comptes-tu encore me décevoir, Venceslas ? J'attends que tu fasses honneur au titre de Prince des Ténèbres et ce n'est pas en laissant ce miroir s'emparer de toi que tu seras en mesure de le faire. Me suis-je bien fait comprendre ? »
Un sanglot échappa au garçon, son corps secoué par des spasmes douloureux. D'une voix tremblante, il souffla un « O...Oui maître... » à l'adresse de son père, avant de retourner au miroir. Sa conscience se faisait plus présente que jamais, impérieuse et séductrice, une voix divine qui l'incitait à réfléchir sur lui-même et ce destin qui était le sien.
Avant que Voldemort ne l'interrompe, Venceslas avait laissé ses pensées s'égarer sur un chemin qu'il n'avait encore jamais réellement emprunté, un chemin sombre et ô combien délectable. Prince voué au règne, il n'était plus prêt à laisser son père diriger sa vie comme il l'entendait. Il pourrait...Il pourrait prendre sa place...
Cette Pierre philosophale qu'il lui réclamait...Elle lui donnerait des pouvoirs considérables, elle lui offrirait cette force qu'il ne possédait pas suffisamment, la puissance dont il avait besoin pour s'imposer. Il serait immortel.
Venceslas réalisa soudainement ce que son père était : un esprit du passé. Un esprit qui s'accrochait désespérément au corps de Quirrell, pour redevenir le Seingeur d'antan. Le Professeur n'était qu'un humain et Ven, lui, était un Prince, une entité supérieure. Il pourrait le tuer...A qui Voldemort se raccrocherait-il, quand son hôte aurait trouvé la mort ?
L'idée fit son chemin dans son esprit, à tel point que le reflet du miroir se transforma complètement. Venceslas n'était plus un enfant normal. Il était un Seigneur puissant et respecté. A ses pieds reposait le cadavre de Lord Voldemort et il tenait dans sa main cette Pierre Philosophale que son père cherchait tant.
Sa mère apparut dans son dos et posa une main douce sur son épaule, le fixant avec un regard admiratif. Il était cet homme puissant que Bellatrix voulait qu'il soit. Elle était fière de son fils, fière de cet enfant qu'elle avait conçu dans un amour à sens unique, un amour particulièrement destructeur...
Venceslas commençait à se réjouir de cette vision lorsqu'une pensée angoissante s'empara de lui : où étaient ses amis dans cette vision du bonheur ? Où étaient-ils alors qu'il se trouvait au sommet, régnant sur toutes choses ?
Ils n'étaient pas là. Ils n'étaient pas là et ils ne le seraient jamais. Justin, Ernie, Susan, Hannah, Jeremiah, Harry, Ron, Hermione, Luna...Aucun d'eux ne faisait partie de ce futur royal. Eux et lui étaient ennemis, destinés à se tuer, car défendant des valeurs et une idéologie opposées.
Mais s'il ne prenait la place de son père, il resterait sa marionnette, son jouet, son esclave. Ses amis ne feraient pas non plus partie de cet avenir.
La peur dans son essence la plus pure s'insinua dans son cœur, alors que des sentiments et des pensées inédites se mêlaient dans un imbroglio incompréhensible et souvent contradictoire : il aimait ses parents et les détestait. Il voulait leur plaire et vivre sa propre vie. Il voulait garder ses amis à ses côtés et les tenir éloignés pour leur propre sécurité.
Il voulait...Il voulait tant de choses. Mais que voulait-il au final ? Que voulait-il réellement ?
Le reflet du Miroir du Riséd était flou et fluctuant, incapable de se fixer sur quoi que ce soit, alors que Venceslas était dans l'incapacité de gérer l'entièreté des pensées qui traversaient son pauvre crâne.
Il plaqua ses mains sur sa tête en gémissant douloureusement. Plus encore que les pensées, ce fut le flot d'émotions qui le noya à cet instant précis, le plongeant dans une folie incontrôlable.
Se détachant du miroir, il se releva d'un bond et, dans une course désordonnée, se jeta sur Quirrell, baguette tirée. Le sortilège de mort franchit le seuil de ses lèvres alors qu'il pointait sa baguette sur l'homme qui dirigeait son existence, mais rien ne se produisit.
D'un sortilège, Quirrell le repoussa et Voldemort se chargea alors de lui faire comprendre son erreur :
« Pauvre fou...Es-tu donc si faible pour te montrer incapable de résister aux sortilèges de Dumbledore ? Le miroir a fait de toi un imbécile... »
Le tourbillon d'émotions qui envahissait Venceslas disparut rapidement, laissant la place à un unique sentiment : la peur. La peur véritable...
Il croyait pouvoir vaincre Voldemort, il pensait le défaire aussi facilement...La réalité s'imposa à lui dans un craquement douloureux, alors que, d'un geste de baguette, Voldemort brisait les doigts de sa main droite, le forçant à lâcher son précieux instrument magique.
Un hurlement déchirant fit son chemin au travers de la gorge du jeune garçon, sa respiration se brisant sous les sanglots, alors qu'il ne pouvait que fixer du regard la conséquence pour le moins fâcheuse de son attitude follement rebelle.
Ses doigts étaient tordus vers l'avant ou vers l'arrière, ses phalanges minutieusement brisées, donnant à sa main l'étrange apparence d'une pieuvre aux cinq tentacules.
Venceslas cria une nouvelle fois en voyant que l'un de ses os s'était fait saillant, transperçant l'épiderme pour se révéler dans un amas de chair rougeoyante. D'une voix instable et délirante, il appela sa mère, sanglotant abruptement face au rire de Lord Voldemort :
« Enfant stupide ! Si cette chère Bellatrix avait été à mes côtés, elle t'aurait probablement forcé à dévorer cette main qui a commis l'impardonnable... »
Le Seigneur des Ténèbres attira à lui son fils d'un geste de sa baguette, le forçant à le regarder dans les yeux :
« Convaincs-moi de ne pas te tuer, Venceslas...Convaincs-moi de ne pas te plonger dans la mort après avoir subi plus de souffrances que ton esprit morcelé n'est capable de l'imaginer... »
Un autre sanglot secoua Venceslas, ses yeux s'écarquillant en révélant toute l'étendue de la souffrance et de la terreur qui le torturaient actuellement.
Rien...Il ne trouvait rien à lui dire. Rien pour le persuader qu'il devait vivre, qu'il serait utile...Il n'était qu'un imbécile, doublé d'un arrogant. Il avait vraiment cru qu'il pourrait détruire son père et prendre sa place...Il l'avait vraiment cru.
« Je...Je ne te tra...trahirais p-plus jamais...j-je le jure... »
Pour la première fois de sa vie, Venceslas eut réellement peur de mourir. Il eut peur de quitter cette existence fragile et instable qui était la sienne, peur de rejoindre cette grande inconnue qu'était la Mort...
Il n'avait vécu que onze années. C'était peu, c'était tellement peu...Il ne voulait pas partir comme ça, pas sans avoir revu ses amis. Il voulait retrouver Jay et les autres, il voulait retourner en cours, se tromper et s'améliorer...Il voulait...
« Je ne veux pas m-mourir...P-Papa... »
Un peu d'amour...C'était tout ce que Venceslas demandait, à cet instant. Un peu d'amour et de pitié...
Voldemort allait-il l'épargner ou le tuer ? L'enfant n'eut jamais de réponse à cette question, car, à cet instant précis, tous les protagonistes de cette histoire furent réunis, entrant au sein de la salle finale dans un grand fracas.
AAAAAA
Plus que jamais, Severus détestait Gryffondor et tous ses représentants, en particulier cet imbécile arrogant qu'était Harry Potter. Il n'avait pas pu empêcher les enfants de rejoindre la partie d'échecs qu'il était sur le point de commencer.
Avant même qu'il n'ait pu tirer sa baguette pour les expédier loin du danger, les trois enfants, profitant de l'effet de surprise, s'étaient précipités sur le plateau et avaient pris la place de différents pions.
Le cavalier pour Ronald Weasley, la tour pour Hermione Granger et le fou pour Harry Potter...Une place ô combien appropriée, ne pouvait s'empêcher de penser Severus en étirant brièvement un rictus sarcastique.
Il laissa cependant bien vite le cynisme dont il était si friand s'évanouir, au profit d'un mélange d'inquiétude, de nervosité et de colère. Ces trois gamins étaient dans ses pattes et il n'allait probablement pas pouvoir s'en débarrasser de sitôt.
Pourquoi ce fieffé idiot d'Hampton ne les avait-il pas retenu ? Lui n'était pas présent, ce qui signifiait qu'il devait avoir ce morceau de cervelle dont ne disposaient pas les trois Gryffondors, mais il aurait pu avoir l'intelligence de retenir ses cadets.
Au lieu de cela, le maître des Potions devait maintenant se préoccuper du devenir de ces stupides enfants, l'empêchant de concentrer l'entièreté de son esprit sur Venceslas.
Lui qui escomptait se servir des autres pièces en guise de bouclier pour mieux atteindre le roi, il lui fallait maintenant repenser toute sa stratégie. Même si l'envie ne manquait pas, il ne pouvait pas envoyer les enfants vers le danger de cette façon...Ce serait...
« Cavalier en H3 ! »
Contournant le pion qui se trouvait devant lui, le cheval marbré de Ronald le mena jusqu'à la case en question, hérissant le Professeur.
« Je ne vous ai pas autorisé à prendre des initiatives, Mr Weasley ! Les instructions viendront de moi et personne d'autre ! Me suis-je bien fait comprendre ? »
Pour toute réponse, le Gryffondor eut un sourire narquois et donna une autre instruction à une pièce. D'un ton un peu craintif, Hermione indiqua au professeur :
« Ronald est un très bon stratège, Monsieur, et les échecs sont sa spécialité. Vous pourriez peut-être...
-Miss Granger, dois-je vous rappeler que votre ami et vous n'êtes que des enfants suffisamment idiots pour penser pouvoir faire face au danger qui nous attend ? Je ne laisserais pas votre camarade borné détruire la seule chance que nous avons de sauver Mr Malefoy. »
Weasley fronça les sourcils aux propos de Rogue et répliqua d'une voix hargneuse :
« Je n'ai pas confiance en vous, vous êtes comme ces Serpentards ! Tour en A... »
Un sortilège de silence habilement exécuté parvint à le faire taire. L'espace d'un instant, Rogue crut voir une expression de soulagement s'étaler sur le visage de Harry Potter. Le fils arrogant de James Potter était-il donc capable de bon sens en se remettant à un adulte responsable ? Rien n'était moins sûr...
Reprenant le contrôle de la partie, Severus agit avec minutie, les menant peu à peu à la victoire tout en protégeant les enfants. Ceci fait, il décida, à regret, de lever le sortilège de Silence. Rouge de colère, Weasley souligna d'un ton furieux :
« J'aurais pu faire bien mieux que vous ! En envoyant ce pion en D4, vous nous avez fait perdre du temps et...
-Dix points de moins pour Gryffondor pour l'imbécillité dont vous avez fait preuve, Mr Weasley. Continuez à vous exprimer aussi sottement et je ferais en sorte que votre maison termine l'année avec un score négatif. »
Si cette menace fit taire Ronald, elle agaça cependant Harry Potter, qui répliqua d'une voix aussi agacée que craintive :
« On n'a pas de temps à perdre ! Ven nous attend et Quirrell va donner la Pierre Philosophale à Voldemort, si on continue à se disputer aussi bêtement ! »
Harry se tourna vers ses amis et leur déclara d'un ton empli d'une autorité et d'un charisme étrangement naturels :
« Allez chercher Dumbledore. Dans son état, Hampton n'a probablement pas réussi à remonter à la surface. Prenez les balais, retrouvez le directeur et revenez vite. »
Ni Ron ni Hermione n'eurent le cœur ou le courage de protester, que ce soit en raison de l'urgence de la situation ou de l'aura dont disposait actuellement leur ami.
*L'aura du survivant...Ne put s'empêcher de penser Severus, les lèvres pincées.*
« N'essayez pas de m'éloigner, Professeur. Voldemort a tué mes parents. C'est à moi de...de faire en sorte qu'il ne puisse plus faire de mal... »
Le professeur de Potions constata le tremblement qui s'emparait de la main de Harry, une main qui serrait pourtant fermement sa baguette.
Lily avait-elle tremblée de cette façon en protégeant son fils de Voldemort ? Avait-elle fait preuve de ce courage devant la peur et la mort, ce même courage qui animait son enfant ?
Severus ne pouvait pas empêcher Harry Potter de le suivre. Quoi qu'il fasse, il en était persuadé, l'enfant trouverait un moyen pour le rejoindre...Le temps pressait...
Avec la désagréable impression de se répéter, le professeur de Potions déclara d'un ton glacial au Survivant :
« Restez en arrière. Ne tentez aucune action imprudente. Si je vous demande de vous mettre à couvert ou de vous enfuir, vous obtempérez sans discuter. »
Il n'attendit même pas l'approbation du jeune garçon pour avancer, ouvrant la porte pour révéler la salle des potions. Il ne jeta même pas un œil à l'énigme, saisissant la fiole de potion entre ses doigts, évaluant son contenu :
« Il y en a juste assez pour nous deux...Ils n'ont dû en boire que quelques gouttes.
-Voldemort m'attend. Il sait que je vais à sa rencontre. Je n'ai pas peur. »
Severus haussa un sourcil face à l'affirmation de Harry Potter. L'enfant borné qu'il était se refusait probablement à avouer qu'il se liquéfiait sous la terreur...
En d'autres circonstances, le maître des Potions en aurait profité pour laisser libre cours à ses sarcasmes, mais il n'avait pas le temps de s'accorder un tel loisir.
Méfiant, Potter s'empara de la fiole pour boire la première gorgée, laissant la seconde à son professeur de Potions. Alors qu'ils traversaient les flammes, une série de hurlements se fit entendre.
Le sang de Severus se glaça dans ses veines lorsqu'il reconnut la voix de Venceslas. Il se précipita aussitôt dans la salle, tombant sur un spectacle désolant.
Le Seigneur des Ténèbres torturait littéralement le pauvre enfant, qui suppliait pour sa vie. Le cœur du Maître des Potions rata un battement lorsqu'il entendit clairement Venceslas appeler le Seigneur des Ténèbres « Papa ». Tout devint subitement clair dans son esprit et les interrogations trouvèrent leur réponse. Mais il ne pouvait pas s'accorder le luxe de réfléchir à cette nouvelle...
Alors qu'il allait interpeller le Seigneur des Ténèbres ou Quirrell pour épargner le pauvre enfant, Harry Potter se révéla plus rapide que lui :
« Voldemort ! »
L'héritier de Serpentard détourna son attention de son fils, relâchant le sortilège qui le maintenait en lévitation. L'enfant s'effondra au sol en gémissant faiblement, se recroquevillant aux pieds de son père.
« Harry Potter...Te voici enfin... »
Severus réfléchit à toute vitesse, tirant sa baguette, alors que le Gryffondor semblait prêt à se jeter sur l'homme. Il allait devoir jouer finement...
D'un coup de baguette, il ligota Harry Potter, qui l'observa avec un regard qui semblait hurler un mot d'une profonde violence : Traître !
Le Seigneur des Ténèbres devait le croire de son côté. Il fallait qu'il pense que Rogue était son serviteur, désireux de l'aider à accomplir son dessein.
« Severus...Mon ami...Tu as profité de la naïveté de Potter. Quelle froide cruauté...C'est bien pour cela que tu étais un de mes mangemorts préférés... »
Il lui fit signe de l'amener à ses côtés, ce que Severus fit, laissant brièvement Harry entre les mains du Seigneur des Ténèbres pour s'occuper de Venceslas. Les doigts brisés, l'expression souffrante, l'enfant n'était plus que douleur et sanglots.
« Maître, votre fils...
-De toute évidence, le sortilège que Dumbledore a apposé sur ce miroir a fait de lui une vermine ingrate. Il ne m'est d'aucune utilité, fais-en ce que tu souhaites. »
Voldemort s'adressa alors à Potter, lui ordonnant d'une voix aussi sèche que méprisante de regarder dans le miroir.
« Dumbledore a ses petits secrets, il ne t'a probablement rien dit, Severus...Je peux voir la pierre dans ce miroir et Quirrell... »
Une petite voix se fit entendre, le professeur se manifestant auprès d'une audience qui l'avait partiellement occulté :
« Je me vois vous la remettant, Maître, mais la pierre ne m'a pas été remise.
-Harry Potter est probablement la clé de cette histoire. Mon enfant incapable n'a rien vu qui puisse nous aider... »
Venceslas appela Severus d'une voix faible. Le maître des Potions enjoignit doucement son élève de ne pas parler, murmurant une formule pour réparer sommairement ses os brisés. Le garçon était au bord de l'évanouissement. Craignant que son esprit ne se détruise à nouveau, Severus cherchait désespérément un moyen de le garder auprès de lui, tout en s'efforçant de réfléchir à cette situation désespérée. Comment sauver Potter et Venceslas ? Comment empêcher le pire de se produire ?
Alors que le Gryffondor ânonnait quelque chose à propos de ses parents et du miroir, le professeur de Potions entendit dans un murmure si faible qu'il crut l'avoir rêvé :
« Il a la Pierre...j'ai...j'ai compris... »
Severus tourna aussitôt la tête vers Potter et constata alors que la poche de son pantalon était déformée, une bosse ne se trouvant pas là précédemment étant la cause de ladite déformation.
Voldemort sembla faire la même déduction que son fils, sifflant à un Quirrell contrarié :
« Il ment... »
Severus comprit qu'il devait agir vite. Un sortilège informulé brisa les liens de Harry, qui courut jusqu'à la porte. Un barrage de flammes l'en empêcha.
« Je suis déçu, Severus...Tellement déçu... »
Le Professeur de Potions argua rapidement, torturant sa cervelle dans une réflexion aussi rapide qu'efficace :
« Jamais je ne vous trahirai, Maître ! L'enfant gagne en puissance ! »
Le Seigneur des Ténèbres tenta de s'introduire dans son esprit, cherchant visiblement à déterminer sa loyauté. Severus créa vivement un faux souvenir, qu'il envoya dans un mouvement d'âme subtil à Voldemort. Ce dernier se tourna alors vers Potter, semblant avoir décidé que son mangemort ne l'avait pas trahi, demandant au garçon de le rejoindre, lui promettant mille merveilles.
Le maître des Potions sentit une souffrance insupportable l'envahir lorsque Voldemort projeta l'image de Lily Potter, aux côtés de son mari, jurant qu'il pourrait les retrouver en le rejoignant dans les ténèbres.
Mais personne ne pouvait ramener les gens à la vie. Lily était morte et ne reviendrait plus. Severus le savait pertinemment et il espérait que Potter ne se laisserait pas prendre au piège.
Un « JAMAIS ! » empli de fureur franchit les lèvres du jeune garçon, alors que Quirrell, sous l'ordre de Voldemort, se jetait sur Harry pour le tuer. Alors que Severus pointait rapidement sa baguette sur Potter pour transformer l'une de ses possessions en portoloin, un étrange phénomène se produit.
Chaque parcelle de peau de Quirrell que les mains du Survivant effleuraient se réduisait en cendres, causant une douleur à peine imaginable au professeur de Défense contre les Forces du Mal.
Severus se ressaisit bien vite et, profitant de cette occasion, jeta un Portus sur Harry Potter, réussissant à toucher son pull rouge. Rouge comme Gryffondor, ces imbéciles aussi courageux que stupides...
Mais le portoloin n'agissait pas immédiatement. Alors que Quirrell trouvait la mort, son corps se désagrégeant sous la magie inconnue de Potter, l'âme de Voldemort se matérialisa, cherchant à récupérer cette pierre qu'Harry gardait précieusement. L'enfant disparut au moment même où le Seigneur des Ténèbres immatériel traversait son corps, disparaissant dans le néant, transporté vers l'infirmerie. Ce fut à cet instant précis que Dumbledore arriva dans la pièce, prenant en charge Venceslas.
Il avait réussi...Ils étaient sauvés...Cette fois-ci, Severus Rogue était parvenu à tous les sauver… |