On ne pouvait imaginer ce qu'était la véritable souffrance si l'on n'avait pas subi un Doloris, en particulier de la part du Seigneur des Ténèbres. Ce matin, alors qu'il déjeunait à la table des Poufsouffle, comme à son habitude, Venceslas mesurait douloureusement les conséquences de son échec de la veille. Le sortilège de torture portait bien son nom latin, Venceslas était effectivement affreusement endolori, son corps parcouru de courbatures dignes d'un lendemain de match de Quidditch. Il fit craquer ses articulations avant de boire son jus de citrouille d'une traite, baissant les yeux lorsque son regard croisa celui d'Hermione, qui en profita pour lui adresser un sourire timide et reconnaissant. Il ne voulait plus avoir de contacts avec elle...Il avait fait une erreur en la sauvant. Une grave erreur. Elle était une née-moldue, une Sang-de-Bourbe, faisant partie de ces misérables créatures auxquelles son père tentait d'inculquer un peu d'humilité par ses méthodes pour le moins...expéditives. Et lui, le fils de Lord Voldemort, il...il lui avait sauvé la vie au lieu d'accomplir sa mission correctement, comme il aurait dû le faire. Sa diversion aurait dû être plus efficace, pour permettre à son père de se lancer à la poursuite de l'artefact qui lui permettrait de retrouver sa puissance d'antan. Au lieu de cela, il s'était comporté comme le dernier des imbéciles, en héros stupide et inutile. En prime, sa vie avait dû être sauvée par Harry Potter. Harry Potter ! Le meurtrier de son père, le Survivant ! Venceslas se frappa le front de la paume de sa main, désespéré par sa destinée à l'humour bien étrange. Il ne prêta pas attention aux regards étonnés que lui lancèrent ses camarades à son geste, trop occupé à réfléchir sur ce qui allait constituer son avenir proche. Ce soir, il lui faudrait affronter Albus Dumbledore, l'un des plus grands sorciers de ce siècle, le seul être en ce monde que Lord Voldemort avait appris à craindre. Bien sûr, il ne l'aurait jamais avoué, surtout pas à son fils qu'il méprisait au plus haut point, mais Venceslas le savait et le sentait. Dumbledore n'était pas un simple sorcier pour le Seigneur des Ténèbres, c'était un adversaire redoutable, une tête qu'il fallait faire tomber au plus vite pour lui permettre d'accéder au pouvoir sans craindre une concurrence trop menaçante. Et il allait devoir lui faire face...Comment pouvait-il seulement espérer résister à sa legilimancie ? Il n'avait que onze ans et sa puissance était loin de faire le poids face à celle que possédait son adversaire. Venceslas poussa un soupir, espérant pouvoir fuir cette confrontation qu'il craignait presque autant que les punitions de son père. Il savait qu'il ne pourrait y échapper éternellement, mais s'il pouvait retarder l'échéance... Brusquement, une masse lourde s'abattit sur la place vide qui se trouvait devant lui, provoquant un sursaut chez le jeune garçon. Jeremiah...Mais pourquoi, oui, pourquoi avait-il fallu que le sorcier prenne place en face de lui ? Venceslas ignorait les conséquences du sortilège d'Amnésie qu'il avait jeté sur son aîné la nuit dernière, alors qu'il le surprenait, une fois de plus, hors de son lit. A coup sûr, le né-moldu l'aurait attiré dans ses bras pour le préserver de la solitude et le Prince des Ténèbres n'aurait pas été en mesure de retrouver son père. Peut-être que son sortilège s'était dissipé...Et s'il se rappelait de tout ? S'il le soupçonnait de quelque chose ? Et si...?
"Nom de Zeus...J'ai un mal de crâne à donner la migraine à de l'aspirine...Raaaah..."
Jeremiah s'allongea à moitié sur la table, massant sa pauvre tête en geignant et en se plaignant allègrement. Cedric ne tarda pas à le rejoindre, un sourire aux lèvres :
"Je t'avais bien dit d'éviter le whisky pur-feu, Jay. Mais, comme d'habitude, tu ne m'as pas écouté...
-Epargne-moi tes jérémiades d'épouse moraliste, Ced ! grogna Jeremiah en lui jetant un regard noir. Je n'ai pas encore vidé ma réserve personnelle, j'te rassure..."
Quand Jay lui grommela un "B'jour" d'une voix rocailleuse, Venceslas fut des plus embarrassés, ne sachant plus où se mettre. Visiblement, le Poufsouffle était dans un sale état et c'était certainement de sa faute. Au moins, il ne semblait pas se rappeler de leur brève rencontre, c'était déjà ça...
"Enfin, j'crois...J'ai aucun souvenir de la journée d'hier. Pfiuut, tout a disparu de ma mémoire ! Balayé, envolé ! La dernière chose dont je me rappelle, c'est d'avoir mis le feu par mégarde à la robe de Quirrell..."
Cedric haussa un sourcil à sa remarque, affichant une expression inquiète, et renseigna son camarade d'une voix emplie de sollicitude :
"Cela s'est déroulé trois jours auparavant, Jay. Tu ne t'es pas contenté d'oublier ce qui s'est passé la veille...Ca ne peut pas être à cause d'une cuite au whisky..."
Cedric posa sa main sur le front de Jeremiah et fut surpris par la chaleur qu'il dégageait. Aussitôt, il le prit par le bras, soutenant son poids de ses muscles sculptés par le Quidditch, avant de l'emmener à l'infirmerie, sans laisser le temps à son camarade de protester.
Un silence tendu s'était installé à la table des Poufsouffle. Venceslas, plus encore que n'importe lequel de ses congénères, était envahi par une sourde angoisse. Il avait raté son sortilège et celui-ci avait eu des effets secondaires. Il ne s'était pas contenté d'effacer le souvenir de leur rencontre...Il avait balayé trois jours entiers de la mémoire de Jeremiah ! Trois jours ! Et...il avait peut-être causé des dégâts irrémédiables... Venceslas sauta de son banc, le coeur serré, et quitta ses camarades sans un regard envers eux, ne répondant pas à leurs appels inquiets. Il n'en pouvait plus...Entre son père, la pression qui pesait sur ses frêles épaules, la famille Malefoy, ses professeurs, Dumbledore, Zacharias Smith et, maintenant, Jeremiah...Combien de temps encore allait-il pouvoir supporter tout cela ? Il se sentait fatigué...Las face à toutes ces choses auxquelles il devait faire face, sans avoir la permission de pouvoir, ne serait-ce qu'un court instant, être un enfant comme les autres. Venceslas interrompit sa course devant la classe de potions, salle dans laquelle il allait avoir cours d'ici une petite demi-heure. Il se recroquevilla devant la porte, dissimulant sa tête dans le creux que ses genoux formaient, collés à sa poitrine. Il ne lui fallut que quelques instants pour s'endormir profondément, harassé par ces nuits sans sommeil, ces épreuves et la souffrance que son père lui faisait endurer.
En arrivant devant sa classe, Severus Rogue s'attendait à tout, sauf au spectacle auquel il assistait présentement. Il n'aurait jamais cru voir, un jour, un descendant Malefoy dans un état aussi...pathétique. Ses cheveux mi-longs collés à la figure par la sueur, le pouce aux lèvres et le visage baigné de larmes, Venceslas somnolait dans le couloir, appuyé contre ce mur qui lui servait de refuge. Durant quelques secondes, le professeur de Potions resta figé, observant de son regard noir cet élève qui, jusqu'alors, n'avait semblé manifester qu'une arrogance typiquement Malefoyienne et une distraction passablement agaçante. Puis il se reprit et se pencha pour secouer le jeune garçon afin de le réveiller, grimaçant quand la douleur qui s'était emparé de sa jambe s'éveilla face à cette gestuelle. Fichu chien...Saleté de Quirrell...Et Dumbledore qui ne voulait toujours rien faire à ce sujet... Venceslas finit par ouvrir les yeux, après quelques tentatives s'étant soldées par un échec. Le rouge lui monta aux joues et il essuya rapidement ses paumettes et ses yeux, n'osant pas regarder le professeur Rogue en face.
"Puis-je savoir pour quelle raison avez-vous jugé que ce mur des cachots constituerait un oreiller satisfaisant, Monsieur Malefoy ?"
Venceslas se mordit la lèvre, indécis sur la conduite à tenir. Il marmonna, le regard fuyant, qu'il avait passé la nuit à réviser son cours. Son mensonge était des plus malhabiles, ce que Rogue souligna immédiatement :
"Il semblerait que, non content de jouer les héros à la manque auprès de Miss Granger, vous vous croyez permis à me prendre pour un imbécile, Monsieur Malefoy. Cette école n'est pas le manoir luxueux dans lequel vous avez l'habitude d'évoluer. Il y a des règles à respecter, Monsieur Malefoy, et vous ne m'apitoierez pas par votre comportement grotesque comme vous le faites si bien avec votre directrice de maison ou vos généreux tuteurs."
*Des tuteurs, eux ? De futurs serviteurs, oui...*
Venceslas s'aperçut du haussement de sourcil de Rogue et, effrayé, monta en hâte ses protections d'Occlumancie. Il n'avait pas perçu cette pensée, n'est-ce pas ? Il ne savait rien ?
"Je ne sais pas à quel jeu vous jouez, Monsieur Malefoy, mais soyez averti d'une chose : je ne suis pas dupe. Je garde un oeil sur vous et croyez bien que je vais m'assurer que le directeur en fasse de même."
Des pas se firent entendre, signe que les autres élèves allaient arriver, et Rogue lâcha dans un dernier murmure :
"Je vous escorterais jusqu'au bureau du professeur Dumbledore, ce soir. Il serait dommage que vous veniez à manquer, par mégarde, le rendez-vous qu'il vous a fixé..."
Avec un rictus, Severus Rogue l'invita alors à prendre place. En sueur, tremblant de tous ses membres, Venceslas avait bien des difficultés à dissimuler l'angoisse qui s'était emparée de lui, ce qu'Ernie, son partenaire pour ce cours, ne manqua pas de remarquer.
"Qu'est-ce qui t'arrive, Ven ? On dirait que tu viens de voir le Sinistros..."
Le Prince des Ténèbres songea que son camarade était proche de la vérité, avant de secouer la tête et de lui adresser un sourire maladroit.
"J'ai...J'ai mal digéré quelque chose..."
Ernie le toisa quelques instants, avant de pousser un soupir et de lui tapoter l'épaule d'un geste fraternel et amical :
"Tout va bien aller pour Jeremiah. Tu le connais...Il a sûrement fait une drôle d'expérience, à l'image de sa tentative d'exorcisme, et il a besoin d'un peu de repos. A moins qu'il n'ait simplement une forte fièvre..."
Ernie ne semblait pas convaincu par ses propres paroles et le sentiment de malaise qui étreignait le jeune garçon ne fit que se renforcer. Son regard se faisait vide, lointain, et il ne répondait plus aux propos ou aux signes de son camarade, perdu dans les méandres de son esprit, cherchant à échapper à cette peur trop profonde, trop puissante... Leurs parchemins sur l'asphodèle furent rendus au début de cours, comme convenu. Venceslas ne perçut même pas le regard menaçant que Zacharias portait sur lui, trop préoccupé pour seulement penser à ce dernier. Après tout, il n'était guère plus qu'un problème mineur, parmi toutes les choses qu'il avait à gérer...Et puis, il n'avait pas l'intention de dénoncer ses pratiques. Ne pas se faire remarquer...C'était l'essentiel...Ne pas se faire remarquer... Cette fois encore, les actions de Venceslas furent des plus machinales pour la préparation de leur mixture et Ernie dut se montrer d'une vigilance extrême pour éviter que la potion ne leur explose à la figure. Mais il ne fut pas assez attentif...Tendant des orties à Venceslas pour qu'il les coupe, le Poufsouffle ne s'était pas rendu compte que son camarade les avait attrapé à pleine main. La piqûre suprit le Prince des Ténèbres, qui lâcha l'entièreté des feuilles d'ortie à l'intérieur de la potion. Les conséquences ne furent pas longues à se manifester. La potion se mit à bouillir, répandant une fumée âcre, à l'odeur répugnante. Ernie recula dans un réflexe, mais Venceslas ne broncha pas. Soit il n'était pas incommodé par la senteur, soit il était trop plongé dans son monde pour réaliser ce qui était en train de se passer...Justin, qui était tout proche d'eux, se jeta sur le garçon, quelques secondes avant que le chaudron n'explose. Bien vite, il fut couvert de furoncles et emmené à l'infirmerie prestement. Venceslas n'avait pas bougé. Recroquevillé au sol, il s'était à nouveau endormi, comme si de rien n'était. Ce fut à cet instant que Rogue, qui, bien que furieux, n'avait pas perdu son sens de l'observation, remarqua les nombreuses cernes qui creusaient ses yeux, jusqu'ici dissimulées par les cheveux derrière lesquels il avait pris l'habitude de se cacher, depuis qu'il avait remarqué les signes évidents d'épuisement qu'il présentait. Il intima aux élèves de sortir, clamant que le cours était terminé, avant de réparer les dégâts à l'aide de sa magie. Ceci fait, il secoua violemment le garçon pour qu'il s'éveille, le toisant d'un regard qui poussa Venceslas à se ratatiner sur lui-même, intimidé :
"Cela ne peut plus attendre, Monsieur Malefoy. Vous rendez-vous seulement compte que vous avez failli attenter à la vie de vos camarades ? Votre inconscience aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus lourdes..."
Venceslas ne sut quoi dire. Il tremblait comme une feuille, paniqué, conscient qu'il venait de se faire remarquer de la manière la moins souhaitable.
"Je vous emmène voir le directeur. Immédiatement."
Oubliant toute sa langueur, toute sa terreur, Venceslas se redressa et hurla un "Non !" horrifié. Une force étrange renversa le professeur Rogue en arrière, alors que le Poufsouffle s'enfuyait en courant. Severus n'eut pas le temps de se relever pour l'arrêter que, déjà, le Prince des Ténèbres se trouvait bien loin...
Il courait, courait à perdre haleine, traversant les couloirs à vive allure, ignorant où il se rendait, ce qu'il allait advenir de lui. Venceslas fuyait pour ne pas affronter ce qui, inévitablement, allait se produire. Il ne voulait pas voir le directeur, il ne voulait voir personne ! Il voulait juste...être seul... Le jeune garçon ouvrit une porte et s'enferma dans la première salle venue, le souffle court, les yeux humides. Il allait se recroqueviller et pleurer à chaudes larmes lorsqu'un détail attira son attention. Il renifla et sécha ses pleurs comme il put, intrigué par l'objet qui se trouvait dans cette pièce. C'était un immense miroir, qu'on pouvait aisément qualifier de magnifique. Serti d'or, il montait jusqu'au plafond, reposant sur deux pieds griffus des plus imposants. Venceslas s'approcha, curieux face à cet artefact qu'il ne s'attendait guère à trouver dans une pièce comme celle-ci. Il tomba en arrière en découvrant son reflet, les yeux écarquillés. Ce qu'il voyait dans ce miroir, c'était...impossible. Irréalisable. Certes, il s'y reflétait, comme dans n'importe quel miroir, mais...autour de lui, il y avait Bellatrix Lestrange et Lord Voldemort. Tous deux semblaient tellement différents de l'image qu'il avait d'eux, d'habitude...Ils le serraient dans leurs bras, l'embrassaient, le chouchoutaient, comme Lucius et Narcissa le faisaient avec Drago. Lui n'avait jamais connu cela... Derrière ses parents, tous ses camarades étaient présents. Ils l'observaient avec un regard rempli d'amitié, lui faisant des signes, cherchant à le faire rire ou à attirer son attention d'une quelconque manière. Susan, Ernie, Justin, Hannah, Jeremiah, Cedric, Harry, Ron, Hermione...ils étaient tous là. Différents, voués à devenir un jour ses ennemis, mais...réunis autour de lui. Comme si ce destin de Prince des Ténèbres n'existait pas... Venceslas plaqua ses mains sur le reflet, cherchant désespérément un moyen de les rejoindre, une manière de s'enfuir vers ce lieu de vie où tout semblait si simple, si pur, si...parfait. Mais cela n'était pas possible. Les larmes roulèrent sur ses joues alors qu'il s'asseyait en tailleur face au miroir, hypnotisé par le reflet idyllique qu'il lui renvoyait. Une vie sans soucis...Une vie emplie d'amour...Que désirer de plus ? S'il avait levé les yeux quelques instants, Venceslas aurait pu apercevoir cette étrange inscription, écrivant en toutes lettres : "riséd elrue ocnot edsi amega siv notsap ertnomenej", ce qui signifiait "Je ne montre pas ton visage mais de ton cœur le désir". Il aurait sûrement compris le pouvoir de ce miroir et s'en serait détaché, mais...il était déjà trop tard. Ces derniers temps, l'existence de Venceslas s'était faite insupportable de souffrances, d'épreuves et de pression. Il n'était qu'un enfant...Il avait atteint ses limites... Venceslas voulait rester et se noyer dans ce reflet utopique, jusqu'à ne faire plus qu'un avec lui. Et c'est ce qu'il fit. Les heures défilèrent sans que le garçon ne s'en rende compte. Il ne réalisait pas que les professeurs et ses camarades devaient probablement être à sa recherche, que Quirrell avait forcément eu vent de sa disparition et que son père lui ferait payer cette erreur très chèrement. Le jeune garçon était obnubilé par son reflet et ne bougeait pas d'un pouce, le regard fixé sur la vision d'une vie utopique que lui offrait le miroir. Il ne réalisait pas qu'il pleurait, pas plus que le fait qu'il éprouvait une grande fatigue, commençait à avoir faim ou froid. Il n'eut pas une seule réaction. Du moins, jusqu'à ce que le calme hypnotique dans lequel il était plongé se trouve rompu... Le professeur Chourave l'avait retrouvé. Il ne le comprit que lorsque des mains le saisirent par la taille et tentèrent de l'éloigner de cette malédiction. Il hurla à gorge déployée et se débattit comme un diable, tendant la main vers ce miroir dont la vision idyllique s'éloignait inexorablement. Il voulait retourner devant ce miroir, il voulait encore se nourrir de cette vie qu'il pensait ne jamais pouvoir avoir et qui, pourtant, se déroulait sous ses yeux avides.
"Monsieur Malefoy, revenez à vous ! Je ne vous veux aucun mal !"
Venceslas leva les yeux vers elle et le professeur ne put que se figer devant l'expression qu'arborait son élève. Folie...il n'était que folie furieuse...Elle en était certaine, il l'aurait tué pour retourner à ce miroir, s'il en avait eu les moyens...Un sifflement suraigu s'échappa des lèvres du jeune garçon et Chourave eut toutes les peines à raffermir sa prise, alors que la magie du Prince des Ténèbres cherchait à l'aider à se libérer de cette entrave qu'elle représentait. La porte de la salle s'ouvrit à la volée et Rogue, attiré par les hurlements possédés de Venceslas, intervint alors, tirant sa baguette de sa poche et lançant un sort au Poufsouffle. Ce dernier cessa alors de se débattre, son corps se ramollissant, ses paupières se faisant lourdes...si lourdes... Il eut juste le temps d'entendre le professeur de Potion reprocher à sa collègue d'avoir agi comme une Cracmol sans cervelle, avant de sombrer dans un profond sommeil. Un sommeil sans cauchemars ni rêves, dont son corps, comme son âme, avait désespérément besoin.
Quand Venceslas revint à lui, il fut étonné de ne pas se trouver à l'infirmerie. Il avait pris l'habitude de se réveiller en ces lieux, tant et si bien qu'il était certain de se retrouver avec un lit à son nom à la fin de l'année. Non, ce ne fut pas les murs blancs sur lesquels ses yeux se posèrent en premier lieu. Ceux-ci étaient beaucoup plus luxueux et colorés, chargés de tableaux représentant des sorciers séculaires ou millénaires. Venceslas se frotta les yeux, l'esprit embrumé par le sommeil, avant de chercher à se lever pour retourner au miroir. Un sentiment d'horreur le frappa lorsqu'il se rendit compte qu'il était incapable de quitter le lit dans lequel on l'avait installé, comme s'il était cloué à ce dernier. Les couvertures le maintenaient dans une position allongée qu'il souhaitait quitter plus que tout.
"Je suis désolé, Venceslas, mais tu ne m'as pas laissé le choix."
Cette voix...Lorsqu'il la reconnut, le jeune garçon eut un sursaut et chercha désespérément à fuir, en vain.
"Tu as fait la connaissance du Miroir du Riséd. Un miroir qui reflète le désir le plus profond de celui qui l'observe..."
La teneur des propos d'Albus Dumbledore étonna Venceslas, qui finit par se calmer, le souffle court. Il se recroquevilla sur le lit, jetant un regard curieux au directeur. Sa gorge était cassée et il ne se sentait pas la force de prononcer le moindre mot.
"Il n'apporte ni vérité ni connaissances sur l'avenir. Ce miroir n'est qu'illusion, une illusion souvent bien cruelle, qui a conduit des hommes à la folie ou à la mort..."
Des rougeurs s'étalèrent sur les joues du jeune garçon quand il saisit qu'il avait été proche de sombrer dans la démence, face à ce miroir trompeur et tentateur. Il se fustigea pour sa propre faiblesse, cherchant à effacer de sa mémoire les images délicieuses que ce reflet lui avait imposé.
"J'avais pour souhait de te poser quelques questions sur ta vie, à Poudlard et en général, mais je pense qu'il nous faudra reporter cette discussion à un futur proche. L'épreuve que tu viens d'affronter a détruit bien des hommes..."
Dumbledore tira sa baguette et l'agita d'un geste gracieux. Venceslas sentit alors les couvertures se relâcher et il put se relever.
"Il fallait que je m'assure que tu aies retrouvé tes esprits avant de te laisser libre de tes mouvements. Tu ne dois pas chercher à revoir ce miroir. D'ici quelques mois, il sera déplacé et tu n'auras plus à y penser."
Le directeur lui signala qu'il pouvait partir et Venceslas s'exécuta aussitôt, cherchant à dissimuler l'angoisse qui s'était à nouveau emparée de lui lorsque la voix de son père avait résonné dans son crâne.
*Retrouve-moi...*
Ce n'était pas une demande. C'était un ordre. Mais Venceslas ne souhaitait pas y obéir. Il savait qu'il ne faisait qu'aggraver son cas, mais il ne se sentait pas la force d'affronter son père dans l'immédiat. Alors qu'il cherchait un coin pour s'isoler, il tomba nez à nez avec le professeur Rogue. A croire que celui-ci le suivait à la trace...
"Monsieur Malefoy..."
Venceslas déglutit et souffla d'une voix cassée, sa gorge douloureuse le faisant souffrir :
"Je...Je n'ai pas le temps, Professeur...je dois...je dois aller chasser des papillons !"
A peine eut-il prononcé ces paroles que Venceslas maudit sa stupide capacité à sortir des phrases extravagantes et passablement idiotes à tout bout de champ. Pourquoi n'avait-il pas simplement dit qu'il comptait faire ses devoirs ?
"Je suppose que les papillons sauront se passer de votre remarquable présence durant quelques courtes minutes, Monsieur Malefoy."
Venceslas baissa les yeux, essayant de dissimuler le fond de ses pensées au redoutable Maître des Potions. Celui-ci haussa un sourcil face à son attitude, avant de lâcher d'un ton méfiant :
"Vous avez sifflé, Monsieur Malefoy. Sifflé comme un serpent..."
Venceslas eut un sursaut à ses propos. C'était un détail dont il ne se rappelait pas...S'était-il trahi à ce point lors de sa crise de folie ?
"J'ai bien l'intention de découvrir ce que vous cherchez à nous dissimuler, Monsieur Malefoy. En attendant cet instant, tâchez de faire profil bas et..."
Severus vérifia que personne ne les écoutait, avant de se pencher à l'oreille de Venceslas pour lui murmurer :
"...évitez le professeur Quirrell."
Le maître des potions s'éloigna, laissant un Venceslas passablement ahuri par les propos de ce dernier. Il nota tout de même que le professeur boitait, chose qu'il n'avait pas remarqué jusqu'alors, trop ancré dans sa fatigue et son angoisse. Ainsi donc, Rogue avait des soupçons à propos de son père...Celui-ci ne semblait pas l'avoir entendu. Quirrell devait probablement être concentré sur autre chose, ce qui altérait la connexion que le Seigneur des Ténèbres et son fils partageaient. Venceslas ne sut s'il devait en être soulagé ou inquiété...Pour l'instant, il préféra se focaliser sur sa situation actuelle et ce qu'il allait faire dans les prochaines minutes. L'heure tournait...Il vaudrait mieux qu'il retourne à sa salle commune...
A peine fut-il arrivé à destination que Venceslas se retrouva assailli de toutes parts. Quelqu'un le serra même dans ses bras, un geste que le Prince des Ténèbres interpréta, en premier lieu, comme une menace, avant d'accepter de se détendre en comprenant qu'il s'agissait de Susan :
"On était morts d'inquiétude ! Tout le monde était parti à ta recherche, jusqu'à ce que le professeur Chourave nous dise que tu avais été retrouvé. Tu vas bien ?"
Venceslas hocha timidement la tête, se reposant contre son amie, alors que ses autres camarades cherchaient à leur tour à le réconforter, s'assurer de sa santé ou, tout simplement, signifier qu'ils étaient là, à ses côtés. Justin et Jeremiah manquaient à l'appel. Ernie, dont la peau présentait quelques petits boutons suite à leur catastrophique cours de potions, informa Ven à leur sujet :
"Jeremiah reste en observation cette nuit, Pomfresh cherche à établir la raison pour laquelle il a perdu le souvenir des jours précédents. Il a l'intention de sortir demain pour assister au match de Quidditch. Il dit qu'il ne le manquerait sous aucun prétexte et que ce n'était pas parce qu'il était amnésique qu'il avait oublié les règles de son sport favori."
Un petit rire accueillit la déclaration du Poufsouffle. Leur aîné était vraiment quelqu'un de particulier, c'était sûr.
"Les furoncles de Justin étaient devenus énormes quand il est arrivé à l'infirmerie. Il va y demeurer jusqu'à ce que sa peau ait retrouvé son apparence normale. Mais il va bien, ne t'en fais pas."
Hannah s'approcha du jeune garçon à son tour, caressant ses cheveux d'un geste doux :
"On aimerait bien savoir ce qui t'est arrivé...Tu ne nous dis jamais rien. On s'inquiète pour toi, mais on ne peut rien faire..."
Venceslas marmonna un "Désolé", perturbé par la sollicitude de ses camarades. Il ne s'était pas attendu à cet accueil...Au contraire, il pensait qu'on l'aurait traité comme un pestiféré pour ses erreurs.
"Tu as l'air épuisé. renchérit Susan. Tu restes éveillé très tard la nuit et tu dors pendant les cours. Si tu as du mal avec tes devoirs, tu peux nous le dire, tu sais. On t'aidera..."
La jeune fille s'aventurait sur un terrain dangereux. Ne se sentant pas le courage ni la force de détourner la conversation avec habileté, Venceslas fit mine de défaillir et demanda à aller se reposer. Arrivé à son lit, il se recroquevilla sous la couette, retrouvant avec bonheur et soulagement Natschel. Le serpent lui avait manqué...
Natschel...Ne me quitte plus, d'accord ? Reste avec moi, la journée...Je t'en supplie...
Le serpent siffla quelques paroles rassurantes, avant de se blottir aux côtés de son ami. Venceslas fut soulagé par sa réponse. Il ne serait plus seul à affronter ses problèmes...Non...Natschel serait là...
*Ne crois pas m'échapper plus longtemps, Venceslas...Je t'ai ordonné de venir me retrouver et tu oses me désobéir ?*
La voix de son père se fit assourdissante et le Prince des Ténèbres dut mordre à pleines dents son oreiller pour ne pas hurler face à la migraine qui l'envahissait. Il crispa ses doigts sur les draps, n'entendant pas les sifflements inquiets de Natschel face à son comportement incompréhensible.
*Tu ne cesses de me décevoir. Tu n'es qu'un incapable, une injure à la sorcellerie ! J'ai tellement honte de savoir que tu partages le même sang que moi...*
Les reproches méprisants de Lord Voldemort résonnèrent dans son crâne des heures durant, ne le laissant pas en paix, ne lui accordant pas le moindre répit. Lorsqu'Ernie vint le chercher pour le repas du soir, il trouva un Venceslas trempé de sueur, s'agrippant à son lit comme il le ferait d'un bouclier ou d'une peluche. Natschel se fit aussi petit que possible sous les couvertures, alors que le jeune garçon se levait, essayant de faire bonne figure devant son camarade. Chaque seconde était une torture, un harassement sans nom...Le Seigneur des Ténèbres était bien décidé à lui faire payer son insolence et Venceslas comprenait que désobéir à son père était une bien mauvaise idée. Il ne toucha guère aux plats qui lui furent présentés, grignotant vaguement quelques morceaux de viande, avant de retourner à son dortoir pour se coucher. Sitôt dans son lit, il coupa court à l'incessant flot de reproches de son père, murmurant silencieusement :
*Pardon...Pardon, Monsieur, je ne vous désobéirais plus jamais, je vous le jure. Je...J'ai compris ma leçon...*
La douleur reflua et la voix du Seigneur des Ténèbres se fit alors bien plus supportable pour Venceslas.
*Ne t'avise pas de trahir ta parole, Venceslas. Je me suis montré clément jusqu'ici face à ton incompétence. Crois-moi, tu ne veux pas me connaître lorsque je suis vraiment en colère...*
Venceslas se mordit les lèvres à cette dernière phrase. Alors, le pire n'était pas encore arrivé ? Voldemort pouvait se montrer encore plus cruel envers lui ? Cette perspective lui donna des frissons.
*Je...Je répondrai à vos attentes, Monsieur. Je...Je vais me faire tout petit et vous aider à retrouver votre puissance...Ce n'est plus qu'une question de temps...*
*Ne me déçois pas. C'est tout ce que je te demande.*
La voix du Seigneur des Ténèbres s'évanouit. Venceslas se rendit alors compte qu'il avait cessé de respirer depuis peu et il reprit alors son souffle, le coeur battant.
Demande-moi de le tuer, Venceslas.
Non...
Il te fait souffrir. Il me suffirait de le mordre pour que mon venin se répande...
Venceslas secoua violemment la tête, avant de siffler tout bas :
Il te tuerait. Je ne veux pas te perdre, Natschel. Tu es le seul à savoir...le seul à me comprendre...
Le serpent fixa son ami de ses yeux dorés, avant d'abandonner la partie. Il se lova alors contre son corps, cherchant à lui apporter le réconfort nécessaire, alors que le jeune garçon se laissait aller à un sommeil perturbé, mêlant onirisme et réalité, utopie et cruelle vérité... Le miroir lui avait apporté la pire des malédictions : face au reflet magnifique qu'il lui avait présenté, Venceslas avait commencé à espérer. Mais la réalité l'avait rattrapé...et il devait à présent mesurer douloureusement les conséquences de cet égarement passager...
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