Un silence tendu s'était propagé dans les rangs, devant ce spectacle troublant. Ven, en dépit de sa chétivité et de son jeune âge, respirait la puissance et un certain charisme, tandis que le professeur, un sourire assuré aux lèvres, commençait le décompte :
« Un… »
Ven raffermit un peu plus sa prise sur le professeur, cherchant le piège. Il devait y avoir quelque chose là-dessous. Des années de cohabitation avec les Malefoy, à se conformer à leur éducation si particulière, lui avait appris que rien ne se faisait sans raison cachée.
« Deux… »
Venceslas perçut un léger mouvement de baguette. Il comprit alors. Quirrell se préparait à lancer un charme de protection. Et, au vu du regard qu'il lui adressait, il le testait probablement et cherchait à savoir s'il s'en rendrait compte. Il l'avait fait.
« Trois. »
Ven ne broncha pas. Les autres commencèrent à discuter, intrigués par son comportement.
« Eh bien, Monsieur Malefoy, vous croyez-vous si brillant pour ne pas prendre la peine d'écouter mes cours ou même de tenter de lancer ce sort en informulé ? Désolé de vous décevoir, mais…
-Expelliarmus ! Clama alors le jeune garçon. »
Le professeur Quirrell lâcha sa baguette et recula d'un pas, sous les regards impressionnés des autres élèves. Quelques secondes s'écoulèrent. Puis il éclata de rire :
« Vous avez réussi à me surprendre, Monsieur Malefoy ! Très ingénieux, vraiment. Typiquement Serpentard. »
Sa dernière remarque déclencha un concert de grimaces. Leur camarade était un Poufsouffle. Sous prétexte qu'il était un Malefoy, il n'avait pas à être considéré comme un Serpentard.
« Toutefois, vous devez savoir que dans un véritable duel, vous seriez mort, Monsieur Malefoy. Mort ou, tout du moins, désarmé. Comprenez-vous votre erreur ? »
Venceslas continua à fixer le professeur de son regard ocre et impassible, rassemblant en son être toute sa froideur pour ne pas céder à la soumission naturelle que Monsieur Turban lui inspirait. Il haussa ensuite les épaules et déclara d'une voix morne :
« Vous avez-vous-même déclaré que nous n'étions pas en duel officiel, Professeur. C'est pour cette raison que je me suis permis d'attendre la fin du décompte afin de vous désarçonner. Dans le cadre d'un véritable duel, je n'aurais pas patienté le temps de votre petit discours pour m'occuper de votre cas. »
Semblant décider que la conversation était terminée, Venceslas détourna le regard et alla rejoindre ses camarades, qui restaient estomaqués par l'insolence dont venait de faire preuve le jeune homme. Le sourire qu'étira Quirrell sur ses lèvres ne fit que les surprendre un peu plus. Pourquoi réagissait-il de cette manière ? Ils n'eurent pas le temps de s'interroger plus à ce sujet. Déjà, le professeur les répartissait en groupe de deux et les invitait à s'entraîner au sortilège du Désarmement.
« On vous juge trop jeunes pour apprendre autre chose que de la simple théorie. Sachez une chose, chers élèves : pour mourir, personne n'est jamais trop jeune. »
Puis le professeur se tut, commençant à parcourir la salle de classe et conseillant d'une voix experte les élèves sur le maniement de leur baguette. Venceslas, qui avait pour partenaire Justin Finch-Fletchey, ne semblait pas très décidé à répondre aux exhortations de son adversaire, qu'il était censé désarmer. Il avait ramassé une araignée au sol et s'amusait à la faire circuler entre ses doigts, affichant un air pour le moins distrait. Quelque peu agacé, Justin décida finalement de jeter le sort de désarmement à Venceslas. Ce dernier, bien que semblant absent, avait une conscience claire de la situation. Un pas sur le côté lui permit d'éviter le faible jet rouge de son camarade, qui alla s'échouer et se dissoudre contre un mur. Justin haussa un sourcil face à cet état de fait. Il lança d'une voix intriguée :
« Ven, tu es vraiment là ou tu l'as évité par pur hasard ? »
Le Prince des Ténèbres leva les yeux vers son camarade, un regard qui foudroya le Poufsouffle sur place. Il n'avait jamais été confronté à pareille chose…Les yeux ocre de Venceslas s'étaient plongés dans le sien, semblant lire jusqu'aux tréfonds de son âme juvénile, comme s'il s'infiltrait dans ses veines, dans son corps…dans son être tout entier. Un frisson parcourut Justin quand un mince sourire se dessina sur les lèvres fines de son adversaire. Puis Venceslas retrouva son expression absente et, dans le même temps, lança à son tour le sortilège de Désarmement, récupérant sans difficulté la baguette de son camarade. Il la fit rouler entre ses doigts d'un geste adroit, avant de la rendre à Justin, lui soufflant de sa voix sifflante :
« Tu t'es déconcentré. Tiens plus fermement ta baguette, elle est précieuse. »
Le Poufsouffle reprit sa baguette, jetant un regard à son camarade dont l'attention venait d'être détournée par une mouche qui s'était déposée sur sa peau. Visiblement, à la vue de l'expression concentrée qu'il présentait au monde, Venceslas s'était mis en tête de la dresser… Justin décida de tester à nouveau son camarade et constata, décontenancé, que celui-ci évitait avec facilité le moindre de ses sorts de désarmement, sans même lui accorder un regard. Comment faisait-il cela ?
« Venceslas ? »
L'enfant ne releva pas la tête à cette appellation. Il semblait complètement plongé dans son monde intérieur…Pourtant…Pourtant… Justin n'eut pas l'occasion de s'interroger plus à ce sujet, puisque les groupes furent changés et que le Poufsouffle se retrouva en compagnie de sa camarade, Susan. Celle-ci observait également le jeune Malefoy, d'un air intrigué, dévorée par la curiosité. Justin comprit alors qu'il n'était pas le seul à être perturbé par l'étrangeté de Venceslas, ce que Miss Bones confirma, en lâchant d'une voix exaltée :
« Tu as vu ça ?
-Comment j'aurais pu ne pas le voir, Susan ? Soupira le jeune garçon à sa question. »
Susan lui donna une tape sur le crâne, toussotant d'un air gêné quand Quirrell la surprit et lui adressa un regard des plus éloquents. La demoiselle devait se faire plus discrète…Elle reprit d'une petite voix, tandis que son camarade se frottait la tête en grognant :
« Je croyais qu'il était complètement à l'ouest, mais…
-On dirait que non. »
Justin jeta à nouveau un coup d'œil à Venceslas, qui interrogeait présentement le Poufsouffle avec qui il faisait équipe, Ernie, sur la réglementation concernant la dégustation des toasts beurrés en-dehors du petit-déjeuner. En dépit de sa surprise et de sa méfiance, Justin eut bien du mal à se retenir de rire, tout comme Susan, qui se mordait les lèvres pour ne pas s'esclaffer.
« Il est…spécial, en tout cas.
-Il n'a pas l'air méchant. Reprit Susan avec un sourire. En tout cas, il est drôle ! »
Quand le professeur les réprimanda pour leur manque de participation à l'exercice, Susan et Justin laissèrent de côté le mystère « Venceslas » et revinrent à la pratique du sortilège de désarmement. Le cours se déroula sans aucune autre anicroche jusqu'à ce que la fin de la leçon soit finalement arrivée. Les Poufsouffles sortirent avec un certain enthousiasme, aussi satisfaits qu'étonnés par leur premier cours, bien plus actif qu'il n'était censé l'être.
« Monsieur Malefoy ! »
Venceslas avait été entrainé vers la sortie par Justin, Susan et Ernie, qui semblaient avoir décidé de l'intégrer dans leur petite équipe. Tous les quatre se figèrent quand Quirrell rappela leur camarade.
« Vous autres, vous pouvez vous rendre à votre cours. Je ne souhaite m'entretenir qu'avec votre camarade. Il y a quelques points sur lesquels il nous faut discuter… »
Justin, Susan et Ernie se concertèrent du regard. Ils donnèrent une accolade d'encouragement à leur camarade. Sans doute allait-il se faire reprocher son attitude pendant le cours… Puis ils le quittèrent pour se rendre en Histoire de la Magie, non sans inquiétude pour Venceslas, qui était à présent en tête-à-tête avec le professeur Quirrell.
Tous deux étaient retournés dans la classe et Venceslas s'était alors réfugié dans un coin, tandis que l'adulte fermait la porte à clé, avant de jeter un sort de silence sur ladite porte. Voilà qu'il se retrouvait seul avec Monsieur Turban, qui plus est sans possibilité de s'échapper. L'apprenti sorcier glissa sa baguette entre ses doigts, prêt à s'en servir contre cet homme, le seul à parvenir à l'impressionner. Même Dumbledore n'avait pas su lui faire un quelconque effet, se contentant de paraître à ses yeux, comme un vieux fou accro à la musique… Une fois que Quirrell se fut assuré qu'ils étaient bel et bien seuls dans cette pièce, dépourvue du moindre tableau vivant, le professeur se retourna vers son élève. Il présenta au jeune Malefoy un sourire et il lui fit signe de s'approcher. Venceslas se contenta de pointer sa baguette sur le sorcier, sifflant à ce dernier, les sourcils froncés :
« Que me voulez-vous ? »
Un éclat de rire se fit entendre. Mais ce n'était pas la voix du professeur Quirrell…et…ses lèvres étaient closes. Alors…qui… ?
« Je suis déçu, mon enfant. Es-tu donc incapable de percevoir la présence de celui qui t'a conçu ? »
Venceslas se figea à ses propos tandis que, dans un geste lent, le professeur défaisait son turban et lui présentait son dos. Un frêle son s'extirpa de la gorge serrée du jeune garçon, alors qu'il faisait face à un spectacle si ahurissant qu'il parvenait à contenir son entière attention :
« P…Papa ? »
Lord Voldemort…Il était de retour…Visage du passé s'agrippant avec force à la vie, profitant du corps de la personne que l'on soupçonnerait le moins d'exercer pareille activité. Son père…Il…Il était…vivant… L'appellation « Papa » avait tiré une grimace de la part du mage noir, qui avait alors repris son fils d'un ton implacable :
« Je n'ai pas l'intention de jouer les pères emplis d'amour pour toi. « Monsieur » sera largement suffisant. »
Venceslas baissa sa baguette et, inclinant la tête, répondit dans son sifflement habituel :
« Très bien, Monsieur… »
Il n'osa pas lever les yeux vers lui. Il n'avait pas de souvenirs de son père, à l'exception de ce qu'on lui avait raconté à son sujet. Mais…ce qu'il ressentait au fond de lui ne le trompait pas. Il n'avait pas été impressionné par l'homme au turban, par Quirrell, comme il le pensait…Mais bel et bien par son père, tapi dans l'ombre, dont la présence avait été si forte pour Venceslas, relié par le sang au plus puissant des mages noirs de ce siècle.
« Je dois dire que j'ai été plutôt…étonné…par la personne que tu es devenu, mon fils… »
Venceslas releva la tête, pouvant observer à loisir le visage serpentin de son paternel, et murmura d'un ton interrogatif :
« Vous voulez parler de ma répartition à Poufsouffle ? »
Voldemort afficha un air contrarié face à l'interruption de son enfant.
« Visiblement, ton éducation est à refaire…Lucius Malefoy me déçoit profondément. »
Quirrell se retourna alors, commandé par la volonté du Seigneur Noir, et lança un maléfice cuisant à Venceslas. Ce dernier gémit de souffrance et porta une main à son cou, douloureusement touché par le sort. Il toussa, peinant à respirer, alors que sa gorge lui semblait avoir été brûlée au second degré. Mais il ne pleura pas. Aucune larme ne coula sur son visage. Quirrell se retourna encore, laissant place au sourire satisfait du Lord.
« Au moins n'es-tu pas aussi faible que les blaireaux de ta maison… »
Voldemort toisa son fils d'un regard perçant, tandis que ce dernier essayait d'oublier la terrible douleur qui l'assaillait. Le Seigneur des Ténèbres n'y était pas allé de main morte…Mais…s'il pleurait…ce serait pire encore…
« Mon retour est proche, fils. Bientôt, le nom de Voldemort sera sur toutes les lèvres et la crainte qu'il inspire renaîtra de plus belle… »
L'héritier de Serpentard étira un autre sourire, avant de s'approcher de Venceslas, qui massait son cou en grimaçant :
« J'ose espérer que, d'ici-là, tu seras devenu digne de ma personne. Tu n'as pas été conçu pour m'humilier par ta médiocrité. Suis-je bien clair ? »
Venceslas hocha la tête, murmurant un « Oui, monsieur » du bout des lèvres.
« Très bien. A défaut de t'avoir offert une éducation solide, Lucius a-t-il au moins pris la peine de t'enseigner l'Occlumancie ?
-Oui, Monsieur. Je…Je peux aisément dissimuler mes pensées les plus secrètes… »
Interdire l'accès à son esprit lui était, pour le moment, impossible, mais il parvenait au moins à noyer ce qui devait l'être derrière des pensées superficielles. Son cerveau en était rempli, jusqu'à se retrouver au bord de l'implosion.
« Parfait. J'aurais regretté de devoir te jeter un sort d'Oubliettes. Je déteste m'expliquer plusieurs fois. Par ailleurs, ce sort précis, saurais-tu t'en servir ?
-Oui, Monsieur. »
Il ne précisa pas qu'il était incapable de faire oublier quelque chose en particulier et que, la plupart du temps, il se retrouvait à effacer le souvenir d'une journée, d'une semaine…voire d'une année, pour son premier cobaye à avoir bénéficié d'un sort à peu près réussi. Il était conscient que cela ne serait pas la chose à faire. Avouer ses faiblesses à Lord Voldemort, ce serait…
« Aurais-tu peur de moi, fils ? »
Venceslas porta un regard décontenancé sur son père, secouant vivement la tête :
« Non, Monsieur. Je…Je suis votre héritier. Je vous suis dévoué, je vous respecte et vous m'impressionnez, mais je n'ai pas peur de vous. Je ne suis pas un lâche. »
Lord Voldemort eut un rire qui glaça le sang de Venceslas dans ses veines. Puis il s'approcha de lui, murmurant à son oreille :
« Pourquoi trembles-tu, alors ? »
Venceslas releva la tête d'un geste brusque et s'exclama :
« Je ne tremble p… ! »
Sa baguette lui échappa des mains et tomba au sol d'un bruit sourd. Le jeune garçon se pencha pour la récupérer, avant de se figer dans son geste. Il n'avait pas fait preuve de maladresse. Il…Ses doigts…ils étaient parcourus de frissons…Non, plus que ça. Ils…tremblaient…comme le reste de son corps… Venceslas tomba à genoux, ses propres jambes étant incapable de le soutenir plus longtemps.
« Je…je n'ai pas…
-Si, mon fils. Tu as peur du Seigneur des Ténèbres. Et c'est exactement ce que j'attends de toi… »
Lord Voldemort s'éloigna, tandis que Venceslas restait au sol, incapable de comprendre son père ou sa propre réaction face à ce dernier.
« Tu ne me quitteras jamais, de cette manière. Tu me seras toujours fidèle…Les plus lâches de mes Mangemorts sont ceux en qui je porte le plus de confiance… »
Il ajouta alors, tandis que Venceslas, après avoir repris sa baguette, s'efforçait de se relever, en dépit de ses tremblements, qui se rapprochaient à présent de spasmes d'angoisse :
« Nous n'avons pas le temps de discuter davantage. Je te recontacterais quand le moment sera venu. Bien évidemment, ma présence ici devra rester secrète…Y compris pour Lucius. Je me méfie de lui…Il n'a pas semblé proclamer sa fidélité à mon nom et à ma cause depuis ma disparition… »
Voldemort lâcha un sifflement désapprobateur, avant de pointer sa baguette sur son fils, faisant disparaître les traces du maléfice cuisant.
« Bientôt, je serais de retour…Tu reviendras à mes côtés et nous reprendrons ton éducation. D'ici-là, tâche de te faire discret…Fils. »
Lord Voldemort laissa alors la place à Quirrell qui, après avoir remis son turban et retiré les protections qu'il avait installé au préalable, signa un mot d'excuse au Poufsouffle et l'invita à quitter la salle, sans mot dire. Venceslas n'eut pas fait deux pas qu'un vertige le prenait et qu'il se retrouva obligé de s'appuyer contre le mur, le souffle court, en sueur, une expression effarée s'étirant sur son visage enfantin. Un sifflement se fit entendre :
Ven ? Qu'est-ce qui t'arrive, gamin ?
Natschel avait visiblement quitté la chambre de Venceslas pour se dégourdir un peu les pattes qu'il n'avait pas. Et il s'enroulait à présent autour de la jambe de l'enfant, qui avait toutes les peines du monde à tenir debout. Natschel parcourut le corps du Poufsouffle jusqu'à se retrouver au niveau de sa nuque. Venceslas grimaça lorsque la peau froide du serpent entra en contact avec la sienne à cet endroit précis. Voldemort avait effacé le sort, mais la douleur demeurait…comme l'angoisse.
D'aussi loin où les souvenirs de Venceslas pouvaient remonter, le jeune garçon n'avait jamais éprouvé de la peur pour quoi que ce soit, y compris lorsqu'il lui fut demandé de s'exercer à des sorts impardonnables sur des êtres vivants. Il l'avait fait sans hésiter, sans sourciller, absent comme à son habitude. Mais là…en présence de son père…Il avait été incapable de s'échapper, de se réfugier dans ses pensées volatiles...Il avait perdu son sang-froid.
Ven ?
Venceslas déglutit et s'efforça de reprendre son souffle, avant de finalement répondre au serpent, sifflant d'une voix étranglée, au sein de ce couloir désertique :
J'ai rencontré mon père…J'ai rencontré Lord Voldemort…
AAAAAA
Après être parvenu à recouvrir son calme, Venceslas s'était finalement rendu au cours d'Histoire de la Magie, le mot du Professeur Quirrell expliquant son retard, lui évitant toute forme de problème. Venceslas s'installa au fond de la salle, sortant ses affaires, et décida de fuir les regards interrogateurs de ses camarades. Il ne se sentait pas prêt à mentir au sujet de cette entrevue… Le cours était ennuyeux au possible et Venceslas ne parvenait pas à rêvasser, comme à son habitude. La présence de Natschel, dissimulé sous sa robe de sorcier, parvenait à le préserver quelque peu de l'angoisse qui régnait encore en son être, mais il demeurait nerveux. Sa plume parcourait le parchemin avec maladresse, l'encre bavant abondamment. Il n'arrivait pas à suivre. Rien à faire. Venceslas se leva, prit ses affaires et sortit de la salle, sous le regard interloqué des élèves et de son professeur, qui tentait de le retenir par un surpris « Monsieur Malefoy ? ».
Ven ? Qu'est-ce que tu fais, là ?
Venceslas siffla tout bas qu'il avait envie de sortir, courant pour atteindre l'extérieur de Poudlard. Il étouffait ! Il avait besoin d'air ! Besoin de s'échapper, un court moment, de ce lieu qui était le refuge de son père…le refuge de sa peur…
Ven, tu as cours, tu ne peux pas…
Ils n'ont rien dit à ce sujet ! Rien du tout ! »
C'est vrai…Ils n'avaient pas spécifié qu'il était interdit pour un élève de quitter son cours en plein milieu de ce dernier. Pour la majorité des gens, cela semblait l'évidence même. Mais, pour Ven… Le jeune garçon fut attrapé par le bras, alors qu'il atteignait la porte. Il poussa un cri et dégaina sa baguette, la pointant vers son opposant.
« Monsieur Malefoy, puis-je savoir ce que vous faites dans le couloir à cette heure-ci ? »
Un bref instant, Venceslas avait cru que son père était venu le retrouver et avait décidé de le punir. Pourquoi ? Il n'en savait rien…Pour avoir parlé de lui à Natschel, peut-être…Pour n'importe quel prétexte…La peur le rendait plus irrationnel qu'il ne l'était déjà. Ce n'était pas Voldemort, ni même Quirrell, qui l'avait arrêté. C'était le Professeur Chourave, la directrice de sa maison. Celle-ci avait troqué son habituelle bonhomie pour une expression plus sévère.
« Ne devriez-vous pas être en cours ? Où alliez-vous ?
-Je…euh…Je…Je m'ennuyais…et…
-Vous avez décidé de sécher ? »
La déception s'afficha sur les traits du Professeur Chourave, qui relâcha son élève.
« Dans mon bureau, Monsieur Malefoy. Nous avons des choses à nous dire. »
Le professeur Chourave ouvrit la marche et Venceslas la suivit, d'un pas lent, les yeux baissés vers le sol. Il était censé se faire discret…Son père le lui avait dit…Il avait désobéi…et maintenant…maintenant…
« Monsieur Malefoy ? »
Venceslas s'était figé sur place, assailli une nouvelle fois par des tremblements incontrôlables.
« Je…J'me sens…pas très… »
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Le contenu de son estomac fut déversé le sol et Venceslas s'effondra, le corps secoué de spasmes, perdant connaissance.
AAAAAA
« …Il ne devrait pas tarder à se réveiller. Je vous préviendrais quand… »
Venceslas ouvrit les yeux, avant de les refermer brusquement, la lumière soudaine l'ayant pratiquement aveuglé. Il recommença son geste, plus précautionneux, et put voir l'infirmière, à qui cette voix appartenait, s'adresser au Professeur Chourave. Lorsque les deux femmes s'aperçurent de son réveil, elles se précipitèrent à son chevet. L'infirmière s'enquit de l'état de son patient, qui répondit de manière monosyllabique :
« Fatigué…
-Évidemment, après une crise d'angoisse pareille…J'ai eu toutes les difficultés du monde à vous garder dans votre lit, tant vous étiez secoué ! Nous avions même envisagé de vous attacher… »
Venceslas eut un frisson à cette idée. Il tourna la tête et aperçut, sur la table de nuit à ses côtés, quelques paquets de bonbons et un mot de la part de ses camarades :
« Depuis quand…je… ?
-Cela fait un jour que vous dormez, Monsieur Malefoy. Je vous ai administré une potion de Sommeil sans rêves, une fois votre crise quelque peu maîtrisée. A quoi avez-vous songé pour être aussi effrayé ? »
A mon père. A mon avenir.
Mais il ne pouvait pas le dire…Il avait promis…
Il pouvait toujours se servir de Natschel comme excuse, mais cela signifierait se séparer de son compagnon serpentin et il ne le voulait pas. Le serpent avait probablement réussi à prendre la poudre d'escampette au moment où le Professeur Chourave l'avait rattrapé, étant donné qu'aucune d'entre elles n'y faisait référence…Il finit par souffler un demi-mensonge, d'une petite voix :
« Je…je ne comprenais pas pourquoi…vous étiez en colère et…j'ai eu peur…que vous préveniez ma famille… »
La dernière partie était totalement fausse, mais la première, elle, était vraie. Il n'avait pas saisi en quoi il pouvait avoir tort, dans cette affaire. Rien ne l'obligeait à rester en classe, non ? Le Professeur Chourave le fixa d'une expression étonnée et demanda, d'une voix plus douce que celle qu'elle avait employée lors de leur précédente conversation :
« Vous ne comprenez vraiment pas ?
-Non, je vous assure…Je…J'ai pensé que je pouvais partir…Personne ne m'avait dit que… »
Il s'interrompit alors, la gorge sèche, et accepta volontiers le verre d'eau que lui tendit l'infirmière. Pomona Chourave eut un petit soupir et reprit alors, de cette tonalité aimable que Venceslas ne pouvait s'empêcher d'apprécier :
« Nous reprendrons cette conversation plus tard. Vous avez besoin de repos. J'espère que vous serez assez en forme pour assister à mon cours de Botanique, demain matin ! »
Le Professeur le laissa entre les mains de l'infirmière, devant retrouver ses élèves qui l'attendaient. L'infirmière observa longuement son patient, en silence, avant de finalement lui déclarer :
« Je vais vous laisser vous reposer, pour l'instant. J'aurais ensuite quelques questions à vous poser, j'espère que vous ferez preuve d'une entière collaboration, Monsieur Malefoy. »
Celui-ci hocha la tête, sans mot dire, et l'infirmière ajouta :
« Vos camarades trépignent à l'entrée. J'estime que, s'ils ne se montrent pas trop bruyants, vous pourriez les voir un court moment, mais je vous laisse cependant le choix. »
Venceslas réfléchit un court moment, avant de finalement opiner du chef. Il avait besoin de penser à autre chose, d'éloigner son père de ses pensées. Ils seraient parfaits pour cela.
Aussitôt, Susan, Ernie et Justin entrèrent, se précipitant à ses côtés, s'enquérant tous à la fois de son état. Le regard sévère adressé par l'infirmière les incita très vite à se calmer et à laisser la parole à Venceslas, qui leur répondit d'un ton rassurant :
« Je vais bien…J'suis juste fatigué, rien de plus.
-Pourquoi tu es parti de cours, d'un seul coup ? Tout le monde a été surpris ! On ne savait pas où tu étais, on n'a eu aucune nouvelle jusqu'à la fin de l'Histoire de la Magie ! »
Venceslas reporta son regard sur Justin, qui venait de s'exprimer de cette façon, et lui adressa un sourire maladroit :
« Je n'avais pas envie de rester, je m'ennuyais. Donc…
-…tu es parti ? Complétèrent ses camarades à l'unisson. »
Un rire leur échappa et Venceslas se mêla à l'allégresse générale, de manière forcée, sans comprendre le pourquoi du comment.
« Vraiment, toi…Souffla Susan d'une voix amusée.
-Mais ne t'avise pas à recommencer, hein ? Il faut prêter aux professeurs le respect qu'ils méritent ! Un bon élève de Poufsouffle se doit d'assister à chaque cours et de les honorer avec…
-Ernie, arrête, tu es en train de l'endormir… »
La remarque de Justin n'était pas fausse. L'avalanche de paroles de son camarade Poufsouffle, couplée à la voix grandiloquente d'Ernie, avait abruti Venceslas au point de le laisser tout ensommeillé. Ce dernier ne tarda pas à tomber dans les bras de Morphée, sous les rires de ses nouveaux amis, qui furent aussitôt invités à quitter l'infirmerie.
Susan tourna une dernière fois la tête vers son camarade, alors que ce dernier s'enfonçait de plus en plus dans le sommeil. La jeune fille resta estomaquée par sa vision. Quand eux trois se retrouvèrent tous seuls, elle murmura d'une voix inquiète :
« Qui…Qui a encore besoin de sucer son pouce pour s'endormir, à notre âge ?
-Pourquoi tu demandes ça, Susan ? Demanda Justin en haussant un sourcil.
-J'ai vu Venceslas le faire. »
Ernie et Justin s'observèrent mutuellement, avant d'en conclure que ce n'était qu'une autre des bizarreries du jeune Malefoy, qu'il n'y avait pas d'attention à y accorder. Susan ne pipa plus un mot à ce sujet, mais l'idée que ce ne soit qu'une extravagance de plus de la part de Venceslas la laissait sceptique. Elle ne l'avait vu que quelques secondes dans cette position, mais…c'était comme si le Poufsouffle avait besoin de se rassurer, comme si…il réclamait de l'aide… |