Même si Venceslas s’était finalement "éveillé", prenant à nouveau conscience du monde qui gravitait autour de lui, il n’était pas prêt à reprendre les cours et à retrouver ses camarades. Muré dans un silence digne d’une tombe, le jeune garçon passait le plus clair de son temps libre dans les appartements de Severus Rogue qui, pour l’instant, semblait être la seule personne que Venceslas acceptait à ses côtés.
Il avait catégoriquement refusé de revoir ses amis ou même de leur transmettre des nouvelles, effrayé à l’idée de leur faire du mal, malgré lui ou même de son plein gré, sous l’égide d’un Voldemort dont la présence se faisait de plus en plus forte en son âme. Une voix sifflante, désagréable, à peine supportable…
Venceslas avait l’impression de l’entendre à chaque instant et, quand bien même ne prononçait-il aucune parole, le jeune garçon avait l’impression d’avoir la bouche sèche de toute salive à force de répondre mentalement à son père, de le supplier et de supporter les migraines incessantes qui l’envahissaient.
Penché sur un livre de métamorphose, le Poufsouffle travaillait sur un sort particulier, permettant la transformation d’une souris en tabatière. L’idée était ici de comprendre les étapes mêmes du sortilège et d’établir de quelles différentes manières ledit sort pouvait échouer. De retour à Poudlard et pleinement conscient du monde réel, il était maintenant temps pour lui de reprendre ses études, autant qu’il le pouvait. Une bonne partie de la journée, Venceslas était donc attablé au bureau du Professeur Rogue, occupant une place somme toute minuscule, et s’efforçait de rattraper son retard tout en poursuivant le programme. Trois jours s’étaient écoulés depuis son retour et, dès le départ, le garçon s’était montré étonnamment motivé par son travail scolaire, passant des heures à lire et à relire ses grimoires poussiéreux, penché sur des parchemins qu’il grattait à une vitesse impressionnante.
La vérité était que Venceslas avait trouvé dans ce travail acharné une nouvelle échappatoire, lui permettant d’occulter légèrement la présence de Voldemort en son être et le sombre destin qui lui était réservé. Le Poufsouffle avait peur. Très peur. L’heure approchait car son père regagnait en force, s’abreuvant du sang de licorne. Une pratique si noire qu’elle avait plongé le garçon dans un dégoût si profond qu’il en aurait rejeté le contenu de son estomac…Mais il s’était vite ressaisi, serrant les dents pour ne rien laisser paraître, car Rogue veillait au grain.
Le Maître des Potions attirait la sympathie autant que la méfiance pour le jeune Poufsouffle, qui craignait qu’il ne parvienne à abaisser ses fragiles défenses d’Occlumens s’il venait à se montrer trop ouvert envers lui. Pour cette raison, Venceslas fuyait son regard, craignant qu’il ne perce la présence de Voldemort ou ne capte une pensée qui pourrait le trahir. Entre Severus et lui s’était installé un véritable jeu du chat et de la souris. Le Prince des Ténèbres n’appréciait guère d’être une victime, courant pour préserver son secret, mais il n’avait pas d’autre choix.
Tiraillé entre sa destinée et ses désirs, le jeune garçon était perdu, hésitant sans cesse, mais il était néanmoins sûr d’une chose : quelque puisse être la décision qu’il prendrait concernant son avenir, personne ne devrait être au courant de son ascendance. Pour tous, il devrait rester le rejeton des Lestrange, un gamin paumé à l’esprit défaillant, qui ne présentait aucun danger immédiat. Justin, Ernie, Hannah, Susan, Jeremiah, Cedric…Que penseraient-ils de lui s’ils savaient ? Et la famille Weasley ? Et Harry Potter ? Harry, lui qui était l’ennemi principal de son père …Comment pourrait-il continuer à le regarder avec des yeux emplis de gentillesse et d’affection, tout en sachant que son paternel était l’homme qui avait causé la mort de ses parents, voilà une décennie de cela ?
Le visage de Luna parvint alors à Venceslas et ce dernier sentit une étrange chaleur le parcourir. Il s’efforça de se concentrer à nouveau sur ses devoirs, l’esprit occupé par le souvenir de la fillette. Elle avait été la première à attirer son attention de cette manière, s’exprimant avec une spontanéité désarmante, parlant de choses si féeriques, si incroyables… Luna était différente, à sa manière. Venceslas l’avait tout de suite ressenti et il avait eu l’impression d’être compris. Le jeune garçon avait souvent rêvassé en regardant la lune, pensant qu’il serait peut-être plus à sa place sur cet astre que sur Terre. Et voilà qu’il rencontrait enfin une personne dont l’univers ne semblait pas si éloigné du sien…et cette personne se prénommait Luna. Facétie du destin ? Cela ne serait pas impossible.
L’esprit de Venceslas semblait maintenant loin de tout, emporté par la vision de la petite Lovegood, qu’il avait dû quitter bien trop vite. Il n’avait pas eu le choix…Il aurait pu lui faire du mal, tout comme à la famille Weasley. Il ne l’aurait pas supporté…
Il lui fallut un sifflement de Natschel, inquiet à l’idée que son ami puisse à nouveau sombrer dans un état comateux, pour revenir à la réalité. Il adressa un sourire rassurant, quoique maladroit, au serpent, avant de se détacher de ses devoirs et de faire les cent pas, nerveux. Il n’arrivait plus à se concentrer, à présent. Toute la gravité de sa situation actuelle le frappait à nouveau et il se sentait prisonnier d’une réalité trop lourde pour ses frêles épaules. Bientôt, son père passerait à l’action…Il lui fallait juste récupérer de la force, aidé en cela par le meurtre d’une licorne, créature divinement belle dont le sang lui permettrait temporairement de recouvrer un pouvoir suffisamment puissant pour passer outre tous les pièges que leur réserveront leur accession à la pierre philosophale.
De son côté, Venceslas était supposé retrouver sa voix aussi vite que possible, afin d’être en mesure d’incanter à nouveau. Mais comment faire ? Il ignorait la raison pour laquelle sa gorge restait désespérément serrée, l’empêchant de prononcer la moindre parole, tout juste de laisser échapper quelques gémissements lorsque la douleur se faisait insupportable ou la peur trop présente. Potions et sortilèges divers de la part de Pomfresh n'avaient rien pu y faire. Venceslas demeurait désespérément muet. Comment ? Pourquoi ? Le jeune garçon ne trouvait aucune réponse à ses questions. Mais il n’avait pas le temps de réfléchir plus longtemps à ce sujet. Des bruits de pas s’étaient faits entendre, signe du retour du Professeur Rogue dans ses appartements. Aussitôt, Ven s’était précipité sur son livre de métamorphose, tentant de faire croire qu’il était plongé dans ce sujet sans interruption aucune depuis des heures. Il s’efforça de ne pas frémir quand la porte s’ouvrit et quand, devina-t-il, le regard de Severus se posa sur lui.
« Vous n’êtes pas discret, Monsieur Malefoy. La prochaine fois que vous tenterez de m’abuser, essayez au moins de ne pas courir avec la lourdeur distincte d’un pachyderme. Ainsi, vous n’insulterez pas mon intelligence autant que vous le faites déjà. »
Les joues de Venceslas s’empourprèrent significativement. Lentement, d’un geste craintif, il se leva de sa chaise et rejoignit le Professeur, le regard rivé vers le sol. Cette vision fit soupirer le Maître des Potions, qui s’empressa de déclarer d’un ton agacé :
« Pour la centième fois, Monsieur Malefoy, je n’ai pas l’intention de décortiquer votre esprit jusqu’à y trouver le renseignement que je cherche. Cessez immédiatement ces simagrées ! »
Les propos de Severus ne décidèrent nullement Venceslas à lever les yeux vers lui, ce qui, le jeune garçon le savait, devait exaspérer au plus haut point l’ancien Mangemort. Il ne pouvait pas se permettre de prendre le moins de risques. Venceslas ne devait avoir confiance en personne, afin de continuer à faire de sa véritable identité un secret bien gardé.
Peu importait cette part de lui qui voulait, au fond, se livrer au Professeur et se décharger, ne serait-ce qu’un peu, du poids qu’il était obligé de supporter…Il ne devait pas l’écouter. Cela causerait sa perte…Il le savait et son père le lui confirmait incessamment. Il ne pouvait pas en parler…
« Très bien, Monsieur Malefoy. Continuez à jouer les idiots, comme vous savez si bien le faire. Ce n’est pas cela qui vous permettra de mener à nouveau une existence normale. Vous fuyez la confrontation. C’est un comportement de lâche. »
Venceslas se crispa quelque peu sous les paroles venimeuses du Professeur. Il alla chercher un parchemin et écrivit dessus la réponse qu’il souhaitait lui fournir :
"Je n’ai pas été réparti à Gryffondor, mais à Poufsouffle."
Severus déchiffra l’écriture brouillonne du jeune garçon, avant de pincer ses lèvres, contrarié :
« Je ne crois pas que les Poufsouffles aient pour caractéristique d’être lâches, Monsieur Malefoy. Voulez-vous que je fasse parvenir vos pensées courtoises et admirables à vos camarades ? »
Venceslas écarquilla les yeux aux propos de l’homme et se retint de justesse de lever un regard horrifié vers lui. Contrôle, il devait garder le contrôle… Pourquoi cela était-il devenu si compliqué avec le temps ? Autrefois, le Prince des Ténèbres ne perdait jamais son calme, de quelque façon que ce soit. Parce que…parce que l’univers dans lequel il gravitait lui était étranger et hors d’atteinte…comme s’il l’observait à travers une bulle…
Cette bulle était douce et protectrice. Venceslas voulait la retrouver. Il fut aidé en cela par le classement nébuleux que Severus faisait de ses ouvrages. Comment les rangeait-il ? Venceslas ne comprenait absolument pas son organisation. Toujours était-il que le simple fait de l’avoir remarqué avait fait de cette observation une priorité. Il devait ranger ces livres… Il ne pouvait pas les laisser dans cet ordre incompréhensible.
Détachant complètement son attention de Rogue, Venceslas entreprit de sortir un à un de la bibliothèque les livres du Professeur. Il s’était fait imperméable aux appels de l’homme, qui tentait désespérément d’entrer à nouveau en contact avec lui, et semblait plongé dans son petit monde à lui, loin de toute considération humaine.
AAAAAA
Rogue soupira, alors qu’il voyait, une fois de plus, son "protégé" se réfugier dans son univers, l’empêchant obstinément de tenter la moindre communication avec lui. Venceslas le fuyait et cela ne cessait d’exaspérer Severus, qui commençait sérieusement à perdre patience.
Les premiers temps, il était parvenu à entretenir des embryons de discussion avec le garçon, à propos de son séjour chez les Weasley ou de ses études. Mais Venceslas s’était renfermé sur lui-même dès que le professeur en était arrivé à un sujet problématique : son mutisme. Et tout ce qui entourait ce mystère. Des questions, encore des questions, toujours des questions… Venceslas semblait aussi réticent que Drago, si ce n’est plus, à dévoiler quoi que ce soit à propos de lui-même.
Le temps passant, Rogue songeait de plus en plus à rompre la promesse qu’il avait dû faire au jeune garçon pour que celui-ci accepte leur cohabitation et à explorer l’esprit de ce dernier. Même si Dumbledore y était opposé…
D’après le directeur, il devait parvenir à gagner la confiance du garçon. Celui-ci avait même soutenu que cela était de la plus haute importance et qu’il ne pouvait pas se risquer à la perdre, en aucune façon. Une fois de plus, comme par le passé, Severus avait la désagréable impression que Dumbledore en savait beaucoup plus sur lui et le conservait dans l’ignorance pour mieux le manipuler à sa guise. Qu’y pouvait-il ? Pas grand-chose, pour le moment. Dumbledore avait au moins raison sur un point : s’il soumettait Venceslas à la légilimancie et que celui-ci s’en apercevait, il perdrait définitivement sa confiance et l’opportunité de percer ses mystères. Il ne pouvait pas prendre ce risque…
Conscient que Venceslas allait probablement mettre ses appartements sens dessus dessous en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, Rogue se résigna à l’arrêter de la seule manière qui permettait de l’extirper de ses manies incompréhensibles et toujours plus envahissantes.
Pointant sa baguette sur l’enfant, Severus marmonna une formule. Progressivement, Venceslas cessa de dévaliser sa pauvre bibliothèque et se recroquevilla à même le sol, se frottant les yeux. Un bâillement se tira de sa gorge et le jeune garçon plongea dans un profond sommeil, glissant son pouce à ses lèvres pour le suçoter. Severus changea ses vêtements en un pyjama confortable et le souleva pour l’installer dans le lit. Cependant, alors qu’il s’apprêtait à le lâcher, la main libre du garçon se crispa sur ses vêtements, comme pour lui signaler qu’il ne voulait pas être seul. Un sifflement menaçant se fit entendre quand le Professeur des Potions chercha à détacher cette petite main, le serpent de l’enfant surgissant du refuge qu’il avait choisi pour le défier d’oser laisser Venceslas seul alors qu’il ne semblait demander qu’un peu de présence.
Rogue haussa un sourcil, fixant le reptile d’un regard sceptique :
« Je pourrais effacer ton existence d’un simple coup de baguette magique et j’ai en ce lieu de quoi guérir du poison de plus de mille morsures différentes. Penses-tu vraiment m’impressionner ? »
Le Professeur de Potions commençait à se demander s’il perdait l’esprit, à parler ainsi à un serpent, lorsque celui-ci se mit à onduler de manière hésitante, comme s’il avait compris ce que Severus venait de lui dire. Un dialogue à sens unique…Parfait. Après tout, il ne se lassait pas de ce type de conversations avec Venceslas…Pourquoi ne pas rajouter en plus de cela un serpent qui pouvait le comprendre entièrement sans que lui-même ne puisse saisir le moindre de ses sifflements ?
Ces derniers temps, Rogue avait l’impression d’être contrarié en permanence et ce n’était pas le nombre pharaonique de points que Gryffondor venait de perdre, grâce à la stupidité de Potter et de ses acolytes, qui allait parvenir à le détendre, quand bien même cette nouvelle était parvenue à lui arracher un sourire satisfait. La victoire pour la maison de Serpentard était proche…
Difficile, néanmoins, de s’en préoccuper durablement quand on avait à gérer un petit être comme Venceslas... Le garçon occupait une place importante dans l’esprit de Severus et ce, depuis leur premier cours. Venceslas était intriguant, déconcertant, mystérieux… Et, plus que tout, il possédait en lui cette détresse qui renvoyait le maître des potions à sa propre enfance et aux malheurs passés. Il ne voulait pas que Venceslas emprunte le chemin qui avait été le sien… Né Lestrange, entouré par la famille Malefoy, il avait sans doute peu de chance de prendre un bon chemin en grandissant.
Après tout, même Sirius Black, qui se plaçait à l’encontre de la réputation ténébreuse de sa famille, membre de la maison Gryffondor, avait succombé à ses vieux démons et avait commis un crime suffisamment horrible pour l’envoyer à Azkaban. Même bien entouré, comme Venceslas l’était par ses camarades, il avait toutes les chances de basculer du mauvais côté…Et Severus voulait éviter cela. Face à un malheur qui lui semblait trop proche du sien, difficile de rester indifférent. Alors, le maître des potions s’acharnait à comprendre, à décortiquer le comportement nébuleux du garçon, à vouloir essuyer les larmes qu’il avait vu couler déjà trop de fois…
Ce fut aussi pour cette raison qu’il se résolut à garder Venceslas contre lui et à abandonner l’idée de le déposer dans le lit froid qu’était le sien. La menace du serpent n’y était pour rien. Il suivit ce dernier des yeux alors qu’il rampait à ses côtés, son regard doré posé sur l’enfant plongé dans un profond sommeil. L’animal était fidèle, en tout cas. Et il semblait d’une loyauté à toute épreuve… Venceslas n’aurait pas pu imaginer meilleur familier.
Severus s’assit à son bureau, calant le garçon contre lui, et s’efforça, dans cette position pour le moins incongrue, de terminer de préparer les sujets des examens à venir. Celui des élèves de première année était déjà fixé et allait porter sur la potion d’Amnésie, dont ils allaient devoir être en mesure de détailler les propriétés, entre autres questions, avant de la préparer dans un temps limité.
Alors qu’il écrivait quelques hypothèses concernant le sujet des élèves de troisième année, le regard de Severus s’égara sur le parchemin que Venceslas avait commencé à remplir pour son cours de métamorphose. Il l’attira à lui et commença à le parcourir des yeux, grimaçant devant l’écriture presque illisible du garçon.
Force était de constater que, libéré de la pression que lui imposait Zacharias Smith en lui confiant ses devoirs, Venceslas avait un fort potentiel intellectuel. Ses réflexions sur le sortilège de métamorphose étaient d’une pertinence appuyée, surtout pour un élève de son âge, et avaient le mérite d’être originales. Severus ne put empêcher de sourire en voyant que Venceslas avait émis l’hypothèse qu’un sortilège mal utilisé pourrait causer un cancer à la souris, en emplissant ses poumons de tabac. Où allait-il chercher une idée pareille ? Concrètement, ce n’était pas incorrect. Après tout, les élèves cherchaient à transformer la souris en tabatière et l’opération pouvait échouer de bien des manières. Mais Severus était persuadé que, jusqu’ici, aucun élève n’avait pensé à fournir une telle réponse…Difficile de savoir, en revanche, ce que le Professeur McGonagall pourrait penser de ce type de théories. Tout cela n’était pas très académique ni orthodoxe.
Mais Venceslas était loin d’être un enfant orthodoxe. Il suffisait de baisser les yeux vers lui pour s’en rendre compte. Recroquevillé en position fœtale, adoptant des mimiques puériles, il pouvait cependant se révéler d’une intelligence étonnante, comme il le lui avait prouvé lors de son premier cours, en lui fournissant une réponse juste et originale à sa question concernant l’aconit. Il avait cherché à le tester et il avait été surpris. Venceslas semblait posséder ce don rare de parvenir à le déconcerter, lui qui avait pourtant l’habitude de se montrer impassible face à tout événement inattendu…
D’un geste machinal, il caressa les cheveux du jeune garçon, avant de se concentrer à nouveau sur ses examens. Il ne devait pas oublier son travail… Ce faisant, il ne constata pas que l’expression de Venceslas changea du tout au tout, perdant son aspect paisible pour revêtir une inquiétante frayeur…
AAAAAA
Venceslas avait peur. Très peur. Les premiers instants de son sommeil s’étaient pourtant révélés agréables. Après s’être endormi malgré lui, le jeune garçon avait rêvé de ses amis et des instants qu’il avait partagés ou partagerait avec eux. Il n’y avait pas de Prince des Ténèbres, pas de Voldemort…Juste lui. Venceslas Malefoy. Un Poufsouffle parmi tant d’autres, sans histoire, possédant le droit de rire et s’amuser comme le ferait n’importe quel enfant. Mais le rêve s’était transformé en cauchemar. Son père le surveillait…et il profitait de chaque instant de vulnérabilité pour profiter de son fils…
Ainsi, son père était debout devant lui, un rictus aux lèvres, baguette à la main. Venceslas ne pouvait pas fuir. Il avait cette impression terrible d’être prisonnier, retenu captif dans une cellule de cachot, semblable à celle qu’il avait habité durant son enfance auprès de Bellatrix. Maltraitance, malnutrition, haine… Les souvenirs revinrent le hanter avec brusquerie et Venceslas ne put que les subir, à défaut de les supporter.
« Ceci sera ton avenir, mon enfant, si tu demeures dans cette indécision qui semble malheureusement faire pleinement partie de ta personnalité. Ce n’est pas une chose que tu désires, n’est-ce pas ? »
Venceslas parvint à articuler un "Non" étranglé, les larmes aux yeux. Il avait peur…Il avait tellement peur…Et pourtant, au fond de lui, il souhaitait désespérément rendre fier ce père qui n’avait jamais été là pour lui, ce modèle inaccessible auquel sa mère avait toujours voulu qu’il ressemble… Devenir le Prince des Ténèbres, le digne successeur de Lord Voldemort, était le but qui lui avait été assigné après la mort supposée de celui-ci. À présent, il devait rejoindre son père dans sa quête en vue de retrouver la puissance qui était sienne. Et quelle place était-il supposé avoir ? Que voulait-il faire ?
« La question n’est pas de t’inquiéter à propos de ce que tu souhaites, Venceslas, mais bel et bien ce qui est recommandé pour toi. Ne penses-tu pas ? »
Le Poufsouffle ne répondit pas. La voix faussement suave de son père le faisait trembler de la tête aux pieds et il n’arrivait même plus à réfléchir correctement. Un premier Endoloris le frappa et le garçon se recroquevilla au sol en hurlant, parcouru d’une souffrance indescriptible. Le fixant d’un regard peu amène, Lord Voldemort déclara alors, tout en relâchant son sortilège :
« Je t’ai posé une question, Venceslas. Les Malefoy ne t’ont-ils donc inculqué aucune notion de politesse ? »
Venceslas renifla et parvint à murmurer que son père avait raison, avant de glisser son pouce à ses lèvres pour le suçoter nerveusement. La gifle que lui asséna le Seigneur des Ténèbres l’empêcha de se laisser aller une nouvelle fois à cette manie qui était la sienne :
« Je n’ai pas accepté de partager mon sang avec celui de Bellatrix Lestrange pour donner naissance à un enfant pleurnichard et limité ! Sais-tu à quoi se résume ton existence, Venceslas ? »
Le jeune garçon secoua la tête, perdu. Le Seigneur des Ténèbres le tira par les cheveux pour le forcer à le regarder dans les yeux, lui soufflant d’un ton perfide :
« Tu n’es rien de plus qu’un outil. Le moment venu, tu t’uniras à un être de Sang-Pur et tu formeras une parfaite petite famille, destinée à leurrer le peuple. Joli pantin agité par mes soins, tu me permettras de contrôler les plus hautes sphères de ce pays, tout en pouvant agir à ma guise. Voilà ce à quoi ton existence se limitera, Venceslas. Les mots que tu prononceras seront ceux que j’aurais glissés entre tes lèvres, tes mouvements seront ceux que je t’aurais inspirés…et tu sais très bien qu’il n’en sera pas autrement. »
Venceslas tenta faiblement de protester, mais il ne trouva pas la force de faire. Au fond, il avait toujours su que la destinée qui se présentait à lui était limitée. Pourquoi le Seigneur des Ténèbres lui aurait-il donné naissance, si ce n’était pour le contrôler bien plus encore que n’importe quel être en ce monde ?
Il ne voulait pas connaître la raison pour laquelle son destin était à présent figé, mais son père ne lui laissa pas le choix :
« Qu’es-tu si tu renonces à être le Prince des Ténèbres, Venceslas ? Rien. Tu n’es rien. Toute ton existence, tu la vivras dans le mensonge, craignant que l’on ne découvre que tu partages mon sang. On te rejetterait, on te haïrait, on souhaiterait ta mort, si tel venait à être le cas. Tes camarades n’aimeront jamais qu’une illusion que tu entretiendras. Tu ne pourras vivre dans la vérité qu’en demeurant à mes côtés. En acceptant d’être celui que tu es réellement. En te préparant à cette destinée qui est tienne… »
Chacune des paroles de Lord Voldemort se grava dans son âme en lettres de feu. Venceslas souffrait, physiquement et mentalement, et il ne pouvait que recevoir ce fardeau que lui imposait son père. Il avait raison…Il avait toujours eu raison…Venceslas Malefoy n’était qu’un mensonge. Le Prince des Ténèbres était la vérité. Il ne pouvait pas le rejeter…Il ne pouvait pas…
Le visage de ses amis lui apparut, une pensée que devina immédiatement Voldemort, qui siffla en direction de son fils :
« Tu persistes dans l’ignorance ? Je t’en guérirais par la peur… »
Le décor dans lequel se trouvait Venceslas changea. Voldemort disparut et la cellule dans laquelle il se trouvait sembla se faire plus grande. Mais, en vérité, c’était Venceslas lui-même qui avait rapetissé. Il était à nouveau un petit garçon…et, devant lui, se trouvait Fenrir Greyback. Les babines retroussées, le regard morbide, les crocs révélés, le loup-garou se jeta sur lui. Et Venceslas hurla à pleins poumons.
AAAAAA
Un sursaut saisit Severus lorsque le petit être endormi contre lui, jusqu’ici aussi muet qu’une carpe, poussa un cri à glacer le sang dans les veines. Les ongles du garçon s’enfoncèrent dans sa peau alors qu’il s’accrochait désespérément à lui, les yeux révulsés, semblant en proie à une crise face à laquelle le Maître des Potions se trouvait impuissant. Le professeur se leva de sa chaise, renversant cette dernière sous la brusquerie de son geste, alors que Venceslas était en proie à une véritable panique, de plus en plus présente, hurlant sans même se donner le temps de respirer.
Rapidement, Severus envoya un Patronus à Mrs Pomfresh, avant d’essayer de se faire entendre de l’enfant :
« Réveillez-vous, Monsieur Malefoy ! Ce n’est qu’un cauchemar ! Quoi que vous puissiez voir, rien de tout cela n’est réel ! »
L’entendait-il seulement ? Le maître des potions l’ignorait. Chaque seconde écoulée pouvait être fatale au jeune garçon, saisi de fièvre, parcouru de spasmes, plongé dans un état qui ne laissait aucune place à l’erreur de la part de Rogue.
Il n’avait plus le choix. Il lui fallait rompre la promesse qu’il avait faite à Venceslas. Il en allait de la vie de ce dernier… Severus installa comme il put l’enfant sur le lit, avant de le pointer de sa baguette. Ce fut à l’instant même où Pomfresh entra dans ses appartements qu’il prononça la formule de légilimancie et pénétra dans l’esprit de Venceslas…
Il s’était attendu à un lieu confus et difficilement compréhensible, mais ce qu’il découvrit dépassa toutes les estimations que le Professeur Rogue avait pu faire. L’esprit de Venceslas était…chaotique. Ni plus, ni moins. Severus avait la désagréable impression d’évoluer dans un des niveaux infernaux, les pensées fusant à une vitesse irrégulière, parfois aussi rapides que la lumière, parfois plus lentes que des gastéropodes. Le Professeur était submergé d’idées plus ou moins intéressantes, de concepts nébuleux et de phrases incompréhensibles. Il comprenait mieux la raison pour laquelle Venceslas se montrait aussi…volatile. Comment faire autrement, avec un esprit aussi dérangé ?
En vérité, il était inutile pour Venceslas de se faire du souci quant à ce que Severus pourrait découvrir grâce à la légilimancie. Des jours et des jours d’exploration et de reconstitution lui seraient nécessaires pour réussir à comprendre le puzzle qu’était Monsieur Malefoy. Il n’avait pas tout ce temps devant lui… Severus devait trouver Venceslas. Ou, plus précisément, l’endroit dans lequel sa conscience se logeait actuellement. Son regard fut aussitôt attiré par le souvenir le plus sombre, une image entourée de ténèbres, qu’il eut toutes les peines à traverser. Ses propres souvenirs lui sautèrent à la gorge lorsque le professeur s’y essaya et il dut mobiliser toute son occlumancie, sa maîtrise de soi, pour parvenir à chasser cette folie qui voulait désespérément l’empêcher d’avancer.
Une vision d’horreur s’imposa alors à lui, si bien que Severus pensa sincèrement qu’il allait répandre le contenu de son estomac sur le sol. Devant ses yeux écarquillés, il n’y avait que destruction. Carnage. Sang et chair mêlés, dans un amas à peine reconnaissable…
Un loup-garou était penché sur un petit corps et le dévorait avec lenteur, savourant chaque morceau que ses dents pouvaient broyer. Severus grimaça lorsque ses yeux s’attardèrent sur le visage mutilé du petit garçon, qu’il devina être Venceslas. Un souvenir de jeunesse ? Non… À sa connaissance, l’enfant n’était pas un loup-garou. Mais il avait dû connaître Fenrir de très près, Severus pouvant le reconnaître à la perfection…
Tout ceci n’était qu’une illusion. Cette pensée en tête, Severus s’approcha du loup-garou et le poussa, ce qui suffit à l’écarter. Ici, le Maître des Potions était plus fort que n’importe quelle créature. Ce monde n’était pas réel…Il était modulable à souhait. Et Venceslas devait le réaliser pour revenir à lui…
Chassant le dégoût qui s’était instinctivement emparé de lui, Severus prit le petit corps déchiqueté dans ses bras et le serra contre lui, murmurant à l’oreille du garçon :
« Tu n’as rien à craindre. Ce n’est qu’un cauchemar. Je suis venu te chercher. Il ne pourra plus te faire de mal, je te le promets. »
Pas de réaction. L’inquiétude saisit le maître des potions plus qu’elle ne le faisait déjà et il caressa ce qu’il restait des cheveux de Venceslas, continuant à souffler de cette voix douce à laquelle il n’était guère accoutumée :
« Je sais que tu as peur, mais je peux t’aider. Je peux te protéger. Fais-moi confiance, s’il te plaît. Accepte de me faire confiance.
-J’peux pas… »
Une voix faible lui était parvenue. Petit à petit, Venceslas semblait guérir de ses blessures et retrouver l’âge qui était le sien. Conscient que ce dialogue établi constituait un premier pas important, Severus continua sur sa lancée :
« Tu peux me faire confiance ! Je ne t’abandonnerais pas. Je suis ici, à tes côtés, et je le demeurerai tant que tu auras besoin de moi. Ven… »
Les petits poings du garçon s’abattirent faiblement sur Rogue, le poussant à se taire :
« C’est pas vrai…J’serais seul…Tout seul…À la fin, quoi qu’il arrive… »
Maladroitement, Severus déposa un baiser sur le front du jeune garçon et le serra contre lui, s’efforçant d’insuffler de la tendresse dans ce geste. Pitié…Pourvu qu’il soit sur la bonne voie…
« Je jure le contraire, Venceslas. Je jure de demeurer à tes côtés jusqu’à ce que tu en viennes à souhaiter l’inverse. Tu ne seras jamais seul. Je t’aiderais…je le jure… »
Severus était perdu. Que dire ? Que faire ? Il avait l’impression d’être enfermé dans un labyrinthe inextricable, confronté à une énigme dont il ne détenait pas la clé. Mais la petite voix de Venceslas le rassura :
« Tu le promets vraiment ?
-Je le jure. »
Et ces trois derniers mots mirent fin à la légilimancie.
AAAAAA
« Severus, comment vous sentez-vous ? »
Le Professeur des Potions avait regagné son corps, le réintégrant si vite que cela en fut presque douloureux. Il posa un regard épuisé sur Pomfresh et ne daigna pas répondre, préférant l’interroger au sujet de Venceslas. Celle-ci lui indiqua du doigt le garçon, qui semblait avoir retrouvé un sommeil apaisé.
« Vous feriez bien d’en faire de même, Severus. Vous êtes livide… »
Elle caressa doucement les cheveux de l’enfant, qui marmonna quelques propos incohérents dans son sommeil :
« Qu’avez-vous vu dans son esprit pour vous retrouver ainsi ? »
Severus essuya son front couvert de sueur, son corps parcouru de légers tremblements. Il répondit vaguement, gardant l’essentiel pour lui-même :
« Suffisamment pour comprendre la raison pour laquelle Venceslas est si différent de ses camarades. »
La réponse ne parut pas satisfaire Mrs Pomfresh, mais elle ne s’en formalisa pas outre-mesure. Elle lui tendit une potion de Sommeil sans rêves :
« Buvez ceci. Vous pouvez faire confiance à cette mixture, je l’ai extraite de votre réserve. Vous avez besoin de repos. »
L’infirmière s’assura que tout allait bien, installant plus confortablement Venceslas dans le lit. Elle souffla à Severus, alors que celui-ci buvait la potion :
« Vous devriez peut-être dormir avec lui. Je crois que Monsieur Malefoy a vraiment besoin de compagnie…
-Je ne pensais pas différemment. »
Il ne fallut que quelques minutes au maître des potions pour s’endormir aux côtés de Venceslas, qui continuait à tenir à la robe de Severus dans sa petite main. Pomfresh ne put s’empêcher de s’attendrir devant son tableau. C’était la première fois qu’elle voyait le garçon dormir aussi paisiblement…
Elle regretta un instant de ne pas avoir apporté d’appareil photo, avant de se décider à partir. Tout irait bien…Oui, tout irait bien…
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