Une légère grimace déforma l'expression de Venceslas, alors que le jeune sorcier, en compagnie de ses camarades, s'était aventuré à l'extérieur afin de se rendre en cours de vol. Sa main était plaquée sur son front, le tenant comme si sa vie en dépendait. Un affreux mal de crâne l'avait saisi dès qu'il avait quitté le château et ne voulait plus le lâcher, s'agrippant à lui comme la pauvreté sur le monde. Le Poufsouffle ignora le regard inquiet de ses amis, décidé à assister à ses leçons comme le ferait n'importe quel élève. Il avait déjà passé suffisamment de temps à l'infirmerie… S'il continuait ainsi, il allait inquiéter plus qu'il n'était nécessaire les professeurs et autorités de Poudlard, ce qui, inévitablement, l'empêcherait de se montrer discret, comme il était censé le faire. Si cela venait à arriver…Son père… Venceslas déglutit et crispa sa main sur son front, en sueur. Il ne voulait pas y penser. Il ne devait pas le faire. La terreur le saisissait à cette simple idée et il était important qu'il surmonte ce sentiment ou qu'il puisse, tout du moins, l'enfouir au plus profond de lui. Il savait que son regard exprimait déjà son angoisse et il devait apprendre à cacher tout ce qui pourrait se retourner contre lui, un jour ou l'autre. Venceslas ferma les yeux, se nourrissant de la brise qui régnait en cette journée ensoleillé. Il aimait le vent…En tendant l'oreille, il avait l'impression que ce dernier cherchait à lui souffler quelque chose, des paroles qu'il était le seul à percevoir, un secret qu'il ne partagerait avec personne. Pas même avec Natschel, même s'il tenait énormément au serpent. Actuellement, il aurait aimé pouvoir faire comme ce dernier et paresser sous sa couette, à regarder le plafond, avant de s'endormir d'un sommeil de plomb, éloigné de tout cauchemar. Mais Venceslas savait pertinemment qu'il ne pouvait pas se le permettre…Il n'était pas un simple serpent, il était leur Prince. Le fils du Seigneur des Ténèbres, le descendant de Salazar Serpentard…Une vie lascive n'était pas faite pour lui. Définitivement pas. Le vent s'était fait sifflant. Rouvrant les yeux, Venceslas put voir, à l'expression de leurs camarades, qu'ils n'étaient guère emballés par ce qu'il appréciait, craignant que le temps ne vienne à jouer en leur défaveur durant leur premier cours de vol. Eux qui attendaient, avec tant d'impatience, de pouvoir s'essayer à cette discipline… Venceslas, lui, s'en fichait éperdument. Se réjouir pour une chose aussi…stupide ? Ce n'était pas son genre. De toute manière, ce n'était pas comme s'il avait l'habitude d'être enjoué pour quoi que ce soit. Les cours, les loisirs, les vacances…Pour lui, c'était du pareil au même. La seule chose qui tranchait, dans cette existence, c'était les moments qu'il était obligé de passer avec son père. Ca et le destin qui l'attendait. Cette épée de Damoclès qui trônait au sommet de son crâne… Venceslas eut un sursaut quand une main se posa sur son épaule. Celle de Susan…La jeune fille lui indiqua qu'ils étaient arrivés et qu'il n'avait plus à déambuler comme il le faisait jusqu'à présent. Visiblement, le sorcier était plongé si profondément dans ses pensées qu'il n'avait pas réalisé le lieu où il se trouvait. Venceslas toussota, tentant de reprendre contenance, honteux de ses égarements. Il devait être conscient, en permanence, de ce qui l'entourait…Jusqu'ici, il parvenait très aisément à concilier ses pensées volatiles et son attention. Mais, entre ses camarades, les bouleversements que causait son arrivée à Poudlard, sans oublier son cher père, Venceslas avait perdu beaucoup de sa maîtrise dans cette pratique. Vraiment, il devait se ressaisir… Le cours de Vol était en commun avec les Serdaigles. Ceux-ci semblaient quelque peu angoissés, bien plus que les Poufsouffles qui, bien qu'apeurés, manifestaient une excitation puérile face à cette leçon qu'ils allaient entamer. Quoi de plus normal ? Comme Granger, d'après ce que Ven avait entendu de la Gryffondor, la plupart de leurs connaissances provenait des livres…On ne pouvait apprendre à voler en se contentant de bouquiner. Il y avait beaucoup de choses que les livres ne pouvaient nous enseigner…Venceslas le savait depuis des années. Il aurait été bien faible, aujourd'hui, et des plus ignorants, s'il s'était contenté d'ouvrages pour parfaire son savoir magique. Rien ne valait l'expérience…Aussi douloureuse soit-elle. Venceslas secoua la tête pour chasser ses pensées et demanda à Justin, son voisin de droite, ce qu'il était censé faire présentement. Celui-ci lui expliqua charitablement qu'ils étaient censés tendre leur main droite au-dessus de leur balai magique, qui était à leurs pieds, et de crier « Debout ! » afin que ce dernier vienne se loger dans leur paume. Venceslas haussa un sourcil, intrigué et sceptique, des sentiments qui se renforcèrent quand Justin s'y essaya et que le balai se contenta de décoller de quelques centimètres avant de revenir à sa place initiale. Le jeune garçon haussa les épaules et tenta quand même le coup. Prenant une profonde inspiration, il chercha à rassembler son autorité et lâcha d'une voix sifflante et glaciale, qui donna des frissons à tous ceux qui se trouvaient à sa proximité :
« Debout ! »
Le balai n'esquissa pas le moindre mouvement. Venceslas fut quelque peu surpris par cette absence de réactivité. Pourquoi ne bougeait-il pas ? Il avait fait un mouvement pour Justin et il ne daignait pas en faire un pour lui ? Il était le Prince des Ténèbres ! Il allait quand même réussir à se faire obéir d'un stupide balai !
« Debout ! Debout ! DEBOUT ! »
Venceslas commençait à être exaspéré. Il baissa les yeux et s'aperçut que l'herbe sur laquelle le balai reposait s'arrachait méticuleusement, dans un mouvement magique. Mauvais signe…Sa magie lui échappait…Cela ne devait jamais arriver ! Il se força à retrouver son calme, espérant que personne ne l'avait vu. Pourquoi cela ne marchait pas ? À présent, tout le monde avait réussi à faire en sorte que leur balai aille dans leur main. Tous, sauf lui. Le professeur Bibine, une étrange femme aux allures d'aigle, l'encouragea à tenter le coup à nouveau. Mais Venceslas sentait que quelque chose n'allait pas… Il avait fait preuve d'autorité, comme les autres, peut-être même plus. N'importe lequel de ses serviteurs aurait plié devant cette manifestation…Mais…ce balai… Mû par une inspiration soudaine, Venceslas s'accroupit et, ignorant les regards interloqués de ses camarades et de son enseignante, souffla d'une voix plus douce :
« Ecoute, je… »
Il était en train de parler à un balai…Dans d'autres circonstances, il aurait trouvé cela particulièrement stupide, mais, pour le coup, cela lui semblait naturel. Il continua donc, ne cherchant pas ses mots, les laissant couler sans contrôle de sa part :
« Je sais qu'on a mal démarré...Je ne sais pas trop comment me faire obéir de toi, alors je… »
Venceslas se frotta la nuque, massa son front douloureux et reprit plus doucement encore :
« J'aimerais bien que…que tu acceptes de faire comme les autres…Comme ça, on pourra continuer le cours. Tu veux bien ? Si je dis « Debout », tu viendras dans ma main ? »
Le balai tourna sur lui-même, déclenchant quelques exclamations de surprise. Venceslas se releva alors et lâcha un « Debout » interrogatif, sans autorité aucune. Le balai alla aussitôt se loger dans la paume de sa main, semblant caresser cette dernière dans un mouvement rotatif. Le Poufsouffle leva alors les yeux vers ses observateurs, s'étonnant de leur regard surpris.
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
Un silence régna sur l'assemblée durant quelques minutes. Hannah allait l'interrompre, mais Mrs Bibine fut la première à intervenir, les sommant de chevaucher leur balai. Venceslas enfourcha le sien, essayant d'ignorer les regards posés sur sa personne. Il n'avait rien fait d'inattendu, non ? Rien qui puisse sortir de l'ordinaire ? Il n'allait pas attirer l'attention pour ça, n'est-ce pas ? Un coup de sifflet retentit et tous tapèrent du pied pour s'envoler. Le vent était plus fort que jamais, Venceslas avait l'impression de n'entendre que ce dernier dans ses oreilles sensibles. Il regarda en bas alors que le balai s'élevait, sans qu'il n'ait à faire quoi que ce soit de particulier pour le manipuler, comme si ce dernier agissait de sa volonté propre. Une idée complètement stupide, hein ? Après tout, ce n'était qu'un balai, et défraîchi, avec ça… Le sol était de plus en plus éloigné. Jetant un œil à ses camarades, Venceslas put constater que, malgré l'adrénaline, certains d'entre eux semblaient sensibles au vertige. Ernie, en particulier… Il s'agrippait au manche de son balai, les doigts crispés sur le bois, comme si sa vie en dépendait. Venceslas vola jusqu'à lui, sans vraiment le vouloir. Son Etoile Filante se mouvait en faisant fi de ses désirs ou, plutôt, en semblant deviner ce qu'il souhaitait, au plus profond de lui…Étrange. Vraiment étrange… Susan, Hannah et Justin avaient eu la même idée que lui et avaient rejoint leur camarade, trop sensible, alors que Mrs Bibine s'était élevée à son tour, criant les consignes à suivre d'une voix de stentor. Rien de trop compliqué à suivre…Si l'on pouvait comprendre ses dires… Venceslas, lui, ne percevait rien. Même le sifflement du vent s'était tu à ses oreilles. Il n'y avait plus que le silence, un silence angoissant, percé par un bourdonnement permanent, qui résonnait dans son crâne… D'un geste lent, le Poufsouffle tourna la tête vers ses camarades, alors qu'il sentait ses doigts se relâcher, quittant le confort rassurant du manche à balai. Les lèvres de Susan et Hannah étaient ouvertes dans un hurlement muet, la panique se dessinant sur leurs traits. Justin, lui, s'était précipité sur Venceslas, la main tendue vers lui. Lorsqu'il arriva à la hauteur du Prince des Ténèbres, ce dernier se sentit basculer…littéralement. Son corps quitta le bois et commença à chuter, alors que les doigts de Justin effleuraient la peau de Venceslas sans parvenir à la saisir. Curieux comme le temps peut sembler s'écouler lentement, dans des instants aussi cruciaux, aussi…mortels… Le silence continuait à régner en maître. Seule la gifle du vent, qui s'était fait violent en raison de la vitesse de la chute, permettait à Venceslas de se sentir vivant, de ressentir son corps, son être. Le bourdonnement résonnait de plus en plus fort, à tel point que le Poufsouffle dut porter ses mains à ses tempes et planter ses ongles dans son épiderme, espérant que la douleur ferait tout cesser. Mais cela ne fit qu'empirer. La vue de Venceslas se troubla. Et, alors que le sol se rapprochait dangereusement, le Prince des Ténèbres sentit une souffrance aiguë s'étendre dans son dos. Il comprit qu'il ralentissait, comme porté par une force inconnue. La chute fut quand même rude. Sa rencontre avec le sol fut brutale, le pauvre garçon se retrouvant balloté à quelques mètres de son point d'atterrissage, roulant sur la terre dure. Il s'arrêta finalement, le souffle court, son regard voilé lui dévoilant le ciel et un certain nombre de silhouettes volantes, qui s'efforçaient d'atterrir aussi vite que possible. Sa tête se tourna sur le côté, dans un mouvement las, et Venceslas aperçut, à ses côtés, son balai volant, abîmé par la chute. Il était courbé, comme s'il avait dû supporter une charge trop importante…Était-ce lui qui… ? Venceslas n'eut pas le temps de s'en inquiéter. Alors que les élèves et que le Professeur Bibine arrivaient à ses côtés, le silence prit fin. Et le bourdonnement prit fin, laissant place à un cri victorieux, glacial et implacable…
*Mon fils…ENFIN ! Je te tiens…*
Les yeux de Venceslas s'écarquillèrent brusquement, alors que Susan s'agenouillait à ses côtés, prenant sa main en espérant qu'il la presse à son tour. Il se redressa brutalement et un hurlement à geler le sang dans les veines glissa sur ses lèvres, alors qu'il sentait clairement Voldemort s'infiltrer dans son corps, prendre possession de ses muscles, de sa chair, de son sang…de son âme…Puis la douleur cessa, aussi vite qu'elle était venue. Venceslas resta figé quelques instants, le regard fiévreux. Un murmure s'extirpa de sa gorge, si bas que sa camarade fut la seule à l'entendre :
« Je n'veux pas…Pitié…Pardon… »
Un spasme parcourut son corps et Venceslas rendit le contenu de son estomac sur le sol. Le sang se mêla à la bile, alors que le jeune garçon s'effondrait, perdant connaissance. Les ténèbres l'engloutirent. La voix sifflante résonna à nouveau dans son crâne, avant que Venceslas ne s'enfonce plus profondément dans les ombres…
*Nous sommes liés…Pour l'éternité…Mon fils…*
AAAAAA
« …plaît, Rolanda, retournez à vos cours ! Vos élèves vous attendent !
-Je ne partirais pas tant que je ne saurais pas ce qui est arrivé à Venceslas Malefoy ! Je suis son enseignante, c'est mon devoir de…
-Vous n'êtes en rien responsable de son état ! Rolanda, vous avez des responsabilités envers les autres étudiants, ne l'oubliez pas. Je vous promets de vous contacter dès qu'il y a du mieux. Maintenant, sortez d'ici ! Ce garçon a besoin de silence et de repos… »
Des pas résonnèrent, le bruit s'atténuant au fur et à mesure que la personne s'éloignait. Venceslas ne consentit à ouvrir un œil que lorsque le silence fut installé de nouveau, la douleur régnant dans son crâne lorsque les sons se faisaient trop forts, trop…bruyants. Il se sentait faible…si faible… Mrs Pomfresh se précipita à son chevet dès qu'il donna un signe de vie, lui faisant ingurgiter toutes sortes de potions. Venceslas se laissa docilement faire, n'osant plus esquisser un geste. Il était à l'infirmerie…Encore… Il se souvenait à peu près de ce qu'il s'était passé. Voldemort…Son père était entré en contact avec lui, par la pensée, et…son corps n'avait pas su le supporter…Il n'avait pas pu endurer la présence puissante et profondément noire de son paternel. Il n'était pas assez puissant pour cela, d'où sa réaction. Mais…Comment expliquer ça à Pomfresh ? Et aux autres ? Il avait échoué. Il s'était encore fait remarquer…Son père allait le tuer et il était loin de songer à cela légèrement. Il en était vraiment capable…Il ne lui était pas assez utile pour que Lord Voldemort puisse penser que son existence était indispensable. Un accident était si vite arrivé…
« Albus ? Vous, ici ? »
Venceslas tourna la tête, le corps parcouru de frissons. Non, non, non…Pas Albus Dumbledore. Pas le directeur de l'école…Pas l'ennemi de son père…Il n'était pas prêt à l'affronter, à dissimuler ce qu'il était à ce personnage…Dans cet état, c'était impossible. Espérant échapper à cette rencontre, Venceslas geignit de douleur, en rajoutant quelque peu dans la souffrance qu'il ressentait actuellement. Mrs Pomfresh réagit aussitôt :
« Il n'est pas en état de vous parler. Revenez plus tard, ce n'est pas le moment !
-Je pense, au contraire, qu'il n'y a pas de meilleur instant que celui-ci. N'est-ce pas, Venceslas ? »
Le directeur s'assit sur le lit du jeune garçon, laissant de côté les remontrances de l'infirmière, qui tentait désespérément d'éloigner l'homme pour permettre à son patient de se reposer. Lui, de son côté, s'efforçait d'éviter le regard de Dumbledore. La légilimancie s'effectuait par un contact visuel…Son occlumancie était trop faible pour résister aux assauts du directeur. Pris d'une inspiration subite, Venceslas gémit à nouveau, demandant de quoi couvrir ses yeux. La lumière le faisait terriblement souffrir…Les ténèbres lui firent bientôt place, l'infirmière apposant un cache-yeux magique, censé soulager la douleur et permettre, petit à petit, à ses globes oculaires de s'acclimater à une luminosité plus forte. Venceslas était loin d'être rassuré par ce noir, qui lui donnait l'impression de sombrer là où il ne pouvait se défendre, là où il n'était qu'un petit garçon faible, soumis à toutes les forces dangereuses de ce monde…Mais il devait préserver son esprit de Dumbledore. Il le fallait absolument ! Venceslas ne sut si le directeur était, ou non, contrarié par son initiative. La manière dont il s'adressait à lui était très douce, comme il l'avait lui-même fait avec son balai, et, malgré lui, le jeune garçon se sentit en confiance, en territoire connu :
« Tu sais, Venceslas, tes camarades sont très inquiets pour toi. Tu as de très bons amis…Ils n'auraient pas hésité à donner leur vie pour empêcher ta chute. Mr Finch-Fletchey était prêt à se jeter de son balai pour te sauver et il n'aurait pas hésité à le faire, si Mr Macmillan ne l'en avait pas empêché… »
Sans savoir pourquoi, Venceslas sentit son cœur, pourtant bien lourd, s'alléger quelque peu à ses paroles. Justin aurait vraiment fait cela pour lui ? Lui qui le connaissait à peine ? Venceslas secoua faiblement la tête, cherchant à remettre de l'ordre dans ses pensées. Il l'aurait fait pour n'importe qui d'autre…C'était l'esprit Poufsouffle. Toujours prêt à se sacrifier pour n'importe qui…Loyauté, fidélité et camaraderie à tout épreuve. De parfaits serviteurs… Venceslas ne put s'empêcher de se reprocher ses pensées. Il ne voulait pas assimiler Justin et les autres à ses esclaves, comme la famille Malefoy. C'était…différent… Dumbledore reprit, peu de temps après son geste, posant sa main ridée sur la sienne :
« Cette réaction que tu as eu, elle n'était pas seulement physique. Tu n'es pas malade, Venceslas, mais tu souffres. Tu souffres profondément et tu essaies de faire en sorte que personne ne le sache. Mais, ce faisant, tu blesses tes camarades, tu les inquiètes, eux qui ne veulent que ton bonheur… »
Venceslas essaya de retirer sa main, mais, malgré sa douceur, Dumbledore la tenait fermement, comme si un contact physique était nécessaire pour qu'ils puissent établir un dialogue. Une sourde angoisse avait remplacé la confiance du jeune garçon. Il n'aimait pas du tout cette emprise qu'avait le vieux sorcier sur lui…Il avait l'impression que cette peau qui se trouvait entre les doigts du directeur était en train de se calciner…Mal…Il avait mal… Pourtant, il ne pouvait se dégager. Il avait le sentiment d'être paralysé…Obligé de subir ses paroles, obligé de l'écouter, obligé d'être à ses côtés…
« Il est des plaies qu'il est nécessaire d'ouvrir à nouveau pour pouvoir les soigner, le sais-tu ? Venceslas, mon garçon, tu ne dois pas lutter seul. Nous sommes là, Venceslas. Et nous t'aimons. »
Venceslas se tendit à ce dernier mot, crispé comme jamais. Il sentit quelque chose en lui crépiter, avant de s'enflammer avec force, son sang pulsant dans ses veines et dans ses tempes. De la colère…De la rage…De la haine…Il ne savait pas d'où lui venait tout ce flot d'émotions. Mais il était présent et il ne demandait qu'à s'exprimer, le plus violemment possible. Des fracas divers résonnèrent à ses oreilles et le lit sur lequel il se trouvait se mit à trembler brutalement. Des éclats de voix se firent entendre et la main de Dumbledore quitta la sienne. Sa respiration, qui s'était emballée, se calma immédiatement. Mais le bruit continuait, assourdissant. Tout semblait se briser autour du Prince des Ténèbres et le lit tremblait, tremblait…
*Calme-toi. Détache-toi…Détache-toi des choses…Comme tu l'as toujours fait…*
Venceslas se figea quand la voix de Voldemort se fit à nouveau entendre, ne parlant que pour lui. L'adrénaline baissa considérablement et le silence prit à nouveau place, uniquement percé par la voix colérique de Pomfresh, qui sommait à Dumbledore de quitter immédiatement les lieux et de laisser tranquille son patient. Une voix à laquelle Venceslas accorda soudainement beaucoup moins d'attention, sa concentration s'étant centrée sur les formes qu'il devinait à travers son cache-yeux. Les ombres formaient des motifs, pour le moins intrigants. Était-ce un hippogriffe, ici ? Et là, n'était-ce pas un centaure qui ruait et cabrait, dans toute sa sauvagerie ?
*Bien…Très bien…Laisse-toi emporter par tes vaines pensées. Jusqu'à ce soir…Nous nous retrouverons, mon fils…*
Le rire de Voldemort se fit entendre avant de s'éteindre progressivement, tandis que Venceslas basculait dans le sommeil, épuisé par l'effort magique qu'il venait de fournir, sans même s'en rendre compte. L'infirmerie était dévastée. Et Poppy Pomfresh allait avoir beaucoup de travail pour réparer les dégâts…
AAAAAA
La nuit était tombée depuis bien longtemps lorsque Venceslas ouvrit brusquement les yeux, comme mu par une force invisible. Les ténèbres étaient toujours présentes, provoquant un début de panique chez le garçon, avant que celui-ci n'ait la présence d'esprit de retirer son cache-yeux. Il ne faisait pas nuit noire. Une pleine lune brillait dans le ciel, ronde et lumineuse. La première pensée de Venceslas alla à ses camarades, qui devaient sans doute l'observer à l'aide de leurs télescopes. Une moue déçue s'étira sur son visage. Il aurait bien aimé aller au cours d'astronomie, lui qui se sentait si proche des étoiles et de ces espaces pourtant si lointains…Mais il avait autre chose à faire. Et nulle place pour ses désirs inintéressants. Aujourd'hui, après qu'une semaine se soit écoulée, il allait retrouver son père…Le jeune garçon déglutit. Il posa ses pieds dans les chaussons qui l'attendaient au sol et se retrouva sur ses jambes, quelque peu flageolant. Il n'était pas en état pour un entraînement ou une punition douloureuse…Mais son père s'en fichait, de toute manière. Il avait intérêt à être présent ou…ou il allait probablement le regretter affreusement… Venceslas vérifia que Mrs Pomfresh n'était pas dans les parages, baguette en main, avant de se décider à quitter l'infirmerie. Hors de question de se faire repérer…Il devait être discret… Alors qu'il évoluait dans les couloirs, quelque chose frôla ses jambes. Pris de panique, Venceslas murmura le premier sort qui lui vint à l'esprit. Un « petrificus totalus » franchit le seuil de ses lèvres et le sorcier put alors voir Miss Teigne, la chatte de la concierge, s'effondrer au sol, toute raidie. Il avait intérêt à ne pas traîner dans les parages…Rusard allait lui faire la peau, sinon… Enfin, il parvint à la porte du bureau du Professeur Quirrell. Celle-ci s'ouvrit dès qu'il se trouva devant elle, comme s'il était attendu, ce qui était probablement le cas. Venceslas entra aussitôt, sursautant quand la porte se ferma derrière lui. Son père l'attendait, possédant complètement le Professeur Quirrell, qui ne devait plus avoir la moindre place pour manifester un minimum de libre arbitre. Venceslas déglutit face à la froideur qui se dégageait des traits serpentins de son paternel, sentant des tremblements s'emparer de son faible corps. Il le ressentait, au plus profond de lui-même. Voldemort était furieux… Le Seigneur des Ténèbres prit la parole, alors que Venceslas sentait le peu de courage lui restant fondre comme neige au soleil :
« Tu m'as déçu, Venceslas. »
Le jeune garçon vit son père pointer sa baguette sur lui. Devinant ses intentions, il s'agenouilla et se prosterna plus bas que terre, soufflant dans une supplique :
« Pardon, père… »
Un sort jaillit de la baguette de Voldemort et un cri de souffrance déchira le silence. Venceslas sentit une plaie s'ouvrir dans son dos, inondant son pyjama d'un sang frais. La tête lui tourna et il fallut l'intervention du Seigneur des Ténèbres pour que le Prince ne sombre pas dans l'inconscience, faisant disparaître la plaie et la souffrance en un mouvement de poignet.
« Si faible…Ne t'ai-je pas déjà dit de m'appeler Monsieur ? Crois-tu pouvoir posséder la faveur de me nommer « Père », toi qui es incapable de m'obéir correctement ?
-Monsieur…Je suis désolé…J'ai essayé d'être discret, je vous jure…
-Oh, tu as essayé ? Charmant, c'est si délicat de ta part, Venceslas… »
Lord Voldemort marchait d'un pas imposant, s'approchant de plus en plus de la silhouette voûtée de son fils. Celui-ci releva la tête et recueillit avec violence le pied du Seigneur des Ténèbres dans son visage. Un craquement se fit entendre et, lâchant sa baguette, Venceslas porta ses mains à son nez, qui s'était fait sanguinolent.
« Je ne t'ai pas donné naissance pour te voir essayer, Venceslas. Tu n'avais qu'une mission, d'une grande simplicité, et pourtant, tu as échoué…Dumbledore s'intéresse à toi. C'est exactement ce que je souhaitais éviter…
-Pardon…Pardon, Monsieur…Je n'ai pas pu supporter… »
Un nouveau coup le cueillit, à l'estomac, cette fois, et Venceslas ne put que s'interrompre, toussant et crachant, incapable de prononcer une autre parole :
« N'as-tu pas apprécié mon cadeau, Venceslas ? Je t'ai offert la chance d'être mon fils et de te racheter, toi qui étais déjà si proche d'échouer, si proche de te faire remarquer…Je t'ai lié à moi, afin que tu puisses bénéficier de mes précieux conseils, de ma présence, toi qui ne peux te débrouiller tout seul…Et comment me remercies-tu ? En faisant de mon don un spectacle remarqué et en compromettant toute mon opération ! »
Voldemort pointa à nouveau sa baguette sur son fils, qui gémit d'avance. Puis il l'abaissa et lui donna un nouveau coup :
« Tu n'es pas digne de recevoir la punition d'un sorcier, Venceslas. Je ne peux te faire souffrir qu'à la manière d'un moldu, car tu ne mérites pas mieux. Le comprends-tu, Venceslas ? »
Des larmes coulèrent sur les joues du jeune garçon. Difficilement, il se releva, le souffle court, tenant à peine sur ses jambes :
« Je…Je comprends…Pardon, Monsieur…Je…Je serais celui que vous désirez…que je sois…Je n'vous décevrai plus…Promis… »
Voldemort le toisa pendant quelques instants, d'un regard insondable. Venceslas avait la désagréable impression qu'il lisait tout ce qui se trouvait en son âme, en son être…Il n'était probablement pas loin de la vérité… Le Seigneur des Ténèbres lança quelques sorts et la douleur reflua, tandis que l'énergie se faisait de nouveau présente. Étonné par ce fait, Venceslas leva un regard surpris vers son père, regard que ce dernier balaya d'un geste :
« Tu es vraiment trop faible, Venceslas. Je crains que ma présence en ton corps, même ténue, ne finisse par te tuer…Je dois t'endurcir et, pour cela, j'ai besoin que tu sois en forme. »
Lord Voldemort tourna autour du jeune garçon, qui avait baissé les yeux vers le sol, attendant le verdict de ce dernier.
« Le sang de Bellatrix t'affaiblit considérablement et t'éloigne de la noble lignée des Serpentard. Ta chère mère est, en vérité, un poison nocif…Je n'ai couché avec elle pour la simple raison qu'elle était la plus à même à enfanter, nos âmes et notre sang étant compatibles, mais il est évident que ta faiblesse est due à elle. Il faut que je te nettoie de sa présence. »
Venceslas hocha faiblement la tête, attendant le reste des paroles. Il ne savait pas ce que son père voulait dire par-là, mais il avait un mauvais pressentiment. Un pressentiment qui fut confirmé lorsque Voldemort continua, d'une voix glaciale :
« Cette chère Bellatrix a fait ton éducation de la meilleure des manières, jusqu'à ce qu'elle se retrouve à Azkaban. Il est temps pour moi de continuer son œuvre et de prendre la place que j'aurais dû toujours avoir, au lieu d'être obligé de la lui céder par des circonstances…indésirables. »
Le mage noir pointa à nouveau sa baguette sur Venceslas et celui-ci ferma les yeux, conscient que ce que son père allait lui faire était loin d'être un geste d'amour, une attention parentale tout ce qu'il y a de plus normale…
« Regarde-moi, mon fils ! Regarde-moi quand j'apprends à ton corps qui est son vrai maître…Jusqu'à ce que ton âme et ta magie assimile à qui elles appartiennent… »
Le sort « Endoloris » fut prononcé et la pire des douleurs s'empara du pauvre garçon, qui ne put qu'hurler et se contorsionner au sol, pris de spasmes souffreteux, l'esprit déchiré par l'insupportable sensation. Malgré le bruit qu'il produisait, Venceslas pouvait entendre très clairement la voix de son père, alors que celui-ci soufflait d'un ton exalté :
« C'est cela, regarde-moi…La douleur est la meilleure des maîtresses, mon fils. Elle t'apprendra qui il te faudra suivre…Sur qui tu devras prendre exemple…Souffre, mon fils ! Souffre et deviens meilleur ! Deviens celui que j'attends… »
Le reste des paroles de Voldemort se fondit dans un magma inaudible. A nouveau, Venceslas perdit connaissance, s'enfonçant dans cette inconscience, au sein de laquelle il semblait avoir pris l'habitude de se réfugier. Il sentit à peine les bras de Quirrell entourer son corps, pas plus qu'il ne l'entendit révéler à Pomfresh, d'une voix bégayante, qu'il était somnambule et que lui, en pleine ronde, l'avait attrapé alors qu'il rôdait dans les couloirs. Le confort du lit ne lui tira qu'un gémissement de souffrance, tandis que Quirrell retournait à ses appartements. Le jeune garçon ne se tut que lorsque la main de Mrs Pomfresh s'aventura dans ses cheveux, les caressant avec gentillesse. D'instinct, Venceslas glissa son pouce à ses lèvres et le suçota fermement, comme si son existence en dépendait. Poppy eut toutes les peines du monde à le détacher et dut accepter que le jeune sorcier utilise sa couverture comme une sorte de doudou, la serrant contre lui et la mâchouillant désespérément. Elle ne le quitta qu'à contrecœur, murmurant d'une voix triste :
« De quoi avez-vous si peur pour vous réfugier ainsi dans l'enfance, Mr Malefoy ? »
Venceslas n'entendit rien de tout cela. Ses cauchemars laissèrent bientôt place à un sommeil de plomb, son corps engourdi se détendant progressivement tandis que la nuit s'écoulait.
AAAAAA
Quand Venceslas s'éveilla, le jeune garçon eut une surprise pour le moins inattendue. Ses camarades étaient penchés sur lui, attendant visiblement son réveil. Susan, Ernie, Hannah, Justin…Ils étaient tous là…Les Poufsouffles semblaient s'efforcer de rester calmes, craignant sans doute de perturber leur camarade. Celui-ci se redressa, les fixant d'un regard distrait, ce même regard qu'il possédait avant son arrivée à Poudlard. Il semblait être redevenu le Venceslas qu'il était autrefois, le Prince des Ténèbres…Pas un gamin accro aux sensibleries, pour le moins pitoyable. Il ne prêta pas attention aux regards que s'échangèrent les quatre amis, fixant le mur qui se trouvait derrière eux. Une araignée y tissait sa toile, avec précaution et délicatesse. Combien de temps avant que ce travail minutieux ne soit réduit en poussière ?
« Hem…Ven ? »
Le jeune garçon tourna son regard vers Justin, qui venait ainsi de s'exprimer. Il le remercia sans conviction pour avoir essayé de le sauver, ce qui permit au Poufsouffle de s'enflammer :
« Tu n'as pas à me remercier ! J'ai vraiment été un incapable…Ernie a la force d'une mouche et, pourtant, je ne suis pas arrivé à me défaire de sa prise pour te secourir…
-Hé ! Je ne te permets pas de me manquer de respect ! »
Tandis que les deux garçons se disputaient, Susan s'approcha de Ven, s'asseyant sur le rebord du lit et caressant ses cheveux avec une douceur tout à fait féminine. L'attention du sorcier se fixa un peu plus sur la situation présente, aidée en cela par ce contact amical.
« Tu vas mieux, Ven ? On a eu peur, tu sais… »
Venceslas hocha la tête, conscient de ce fait. Pomfresh vint confirmer son verdict, annonçant qu'il pourrait sortir après un déjeuner solide et assister aux cours de l'après-midi. Ce matin, fort heureusement, pas l'ombre d'un cours… D'après les dires, Rogue s'était absenté pour régler une affaire urgente avec Dumbledore, ce dont ses camarades l'informèrent. Cela avait peut-être un rapport avec la mission de son père, dont il lui avait parlé brièvement lors de leur première entrevue ? Il en ignorait le contenu, mais le directeur devait probablement lui mettre des bâtons dans les roues, même sans être conscient que Lord Voldemort était présent dans le château. Hannah le sortit de ses pensées, soufflant d'une voix joyeuse et curieuse :
« Mrs Bibine demande à te voir, dès que possible. Apparemment, le balai que tu as enfourché est devenu complètement fou et il ne se laisse plus monter par personne d'autre ! C'est complètement fou, hein ? »
Complètement fou, oui…Et loin d'être discret, très loin…Un soupir lui échappa, ce qui déconcerta ses camarades. Ceux-ci furent finalement priés de sortir, pour permettre à Venceslas de prendre quelques potions, qui combattront l'engourdissement qui avait saisi son corps. Pomfresh ignorait qu'il s'agissait des conséquences d'un Doloris, Voldemort ayant pris soin de dissimuler toute trace de sa magie, et pensait qu'il n'y avait là rien de plus que la fatigue causée par une nuit de somnambulisme. Tout en grignotant le déjeuner complet que Pomfresh lui avait servi, Venceslas s'enferma dans son monde, songeur. Il ne réagit pas à la visite de Drago Malefoy, venu le réprimander pour son attitude peu digne. Quel déshonneur que de se salir ainsi, à vomir du sang comme un vulgaire tuberculeux ! C'était très loin de la noblesse Malefoyenne… Pomfresh se chargea de faire sortir le Serpentard et Venceslas continua son repas, comme si rien ne s'était passé. Pourquoi s'en préoccuper ? Il avait mieux à faire… Il était le Prince des Ténèbres. Et, bientôt, il accomplirait de grandes choses…Pour le plus grand bien… La voix de Voldemort avait à nouveau résonné dans son crâne et avait confirmé cette impression. La mission du Mage noir n'allait pas tarder à commencer réellement…et lui allait y prendre part… |