Tous deux étaient installés dans un compartiment, à l'intérieur du Poudlard Express, qui les menait à l'école éponyme. Drago n'en était pas vraiment ravi. Son père avait envisagé de les placer à Durmstrang, mais sa mère s'y était opposée, en arguant qu'elle ne voulait pas que son fils soit trop loin d'elle et que son neveu devait suivre sa scolarité sous l'égide de Salazar Serpentard. Lucius Malefoy s'était plié à ses arguments, qui avaient dû lui paraître sensés. Drago, lui, ne retenait de cela qu'une amère déception. Poudlard…Ce berceau de la magie blanche et des bons sentiments…Que pourrait-il seulement y apprendre d'intéressant ? A l'exception de son parrain, le Professeur de Potions Severus Rogue, tous les autres enseignants étaient du côté du vieux fou, suivant aveuglement ses ordres et ses préceptes. Des idiots qui ne pourraient jamais rien lui apporter de bon, il en était persuadé. Le reptile visqueux que Venceslas nommait Natschel alla se lover dans le cou de son maître, au grand dégoût de Drago Malefoy. Certes, les serpents étaient les emblèmes de sa future maison. Mais était-il pour autant obligé d'en fréquenter un en permanence ? D'autant qu'il n'appréciait guère les regards voraces que ce fichu reptile lui adressait parfois…Comme s'il ne le considérait que comme une proie potentielle…Une pensée qui fit déglutir le jeune garçon, qui préféra détourner son regard de son cousin et de son animal.
« Les serpents ne sont pas autorisés à Poudlard. Tu en es conscient ? »
Ven hocha la tête. Puis il siffla quelques paroles à son serpent de malheur, qui ricana aussitôt. Non, Drago n'hallucinait pas. Ce reptile était bien capable de ricaner. Il l'avait entendu plusieurs fois…Et il en avait conclu que Natschel était aussi bizarre et cinglé que son cousin. Ils faisaient bien la paire…
« Si on te surprend avec lui, c'est la famille Malefoy qui sera mise en cause. Je ne prendrai pas la responsabilité de ton idiotie. »
Venceslas plongea son regard ocre dans celui de Drago et ce dernier y lut tout le dédain de ce monde. Il s'apprêtait à répliquer, mais il fut interrompu par l'arrivée impromptue de ses deux « amis ». « Gardes du corps » serait un terme plus exact. Vincent Crabbe et Gregory Goyle. Pas une once de cerveau, mais des muscles et assez de jugeote pour savoir à qui il était bon donner son allégeance.
« Bonjour, Drago. Dirent-ils d'une même voix, en ignorant Venceslas. »
Lucius et Narcissa avaient choisi de garder secret l'ascendance de Ven, se contentant de le déclarer comme le fils de Bellatrix et Rodolphus Lestrange, qu'ils auraient adopté par bonté d'âme. Moins de personnes en sauraient à son sujet, mieux cela vaudrait, avaient-ils dit…Pour les autres, Venceslas n'était rien d'autre qu'un cousin Lestrange, qui vivait aux crochets des Malefoy et abusait grassement de leur générosité. S'ils savaient…
« Crabbe, Goyle. Se contenta-t-il de dire d'une voix lasse. »
Ceux-ci prirent place à leurs côtés, tandis que Drago sortait un livre en vue de se détendre et que Venceslas se levait de son fauteuil et quittait le compartiment. Drago n'y prit pas garde. Il avait sans doute vu un papillon et décidé de le suivre…Tout à fait son genre.
En fait de papillon, c'était un crapaud que Ven avait vu passer à travers la porte vitrée de leur compartiment. Intrigué, il s'était lancé à sa poursuite. Peut-être serait-il une bonne nourriture pour Natschel…Ou constituerait-il un ingrédient correct de potions…A moins qu'il ne l'adopte. Après tout, il n'avait jamais eu d'animal de compagnie autre que Nat. Les chats l'horripilaient et il était allergique aux plumes de chouettes et de hiboux. Au bout du couloir, il avait fini par le saisir et l'avait présenté à son serpent, qui avait déclaré dans un sifflement arrogant :
Moi, me nourrir de cette chose ? Je ne me satisfais que de la nourriture de première qualité, Ven. Tiens-le toi pour dit.
Venceslas n'avait pas insisté, se contentant d'observer d'un regard intrigué le crapaud. Etait-il vrai que leur peau donnait des boutons ? Ou que leur langue pouvait s'étirer pour attraper des mouches ou des libellules au vol ? C'était fascinant… Alors que Ven commençait à oublier qu'il avait entre ses mains cet animal, une voix le sortit de ses rêveries :
« Tu l'as trouvé ? C'est fantastique ! Neville va être ravi. »
Cette voix était celle d'une fillette de son âge, aux cheveux ébouriffés et aux yeux brillants d'intelligence. Ce fut empli de curiosité qu'il se tourna vers elle. Elle avait l'air bien différente de son cousin…Plus enjouée, plus intéressante…
« Viens avec moi ! Merci de l'avoir trouvé, Neville était tellement inquiet. »
Neville…Ce prénom lui rappelait un souvenir. Celui de ses parents, torturant avec un plaisir sadique deux adultes, qui les suppliaient de les épargner au nom de leur fils et restaient cois sur tout autre sujet. Un fils qui s'appelait Neville… Ven secoua la tête. Une coïncidence, sûrement…Ce que lui confirma d'un discret sifflement Natschel, qui s'était caché sous ses vêtements à l'approche de la petite fille.
« Au fait, moi c'est Hermione. Hermione Granger. Et toi ? »
Que devait-il faire ? Répondre ? Se taire ? Habituellement, il n'avait pas à se présenter. Ses parents d'adoption le faisaient pour lui et il se contentait de rester silencieux, un silence méprisant et souverain. Mais là…S'il ne parlait pas, elle s'inquiéterait et se montrerait plus curieuse. S'il parlait trop…
« Ven. Murmura-t-il brièvement en détournant le regard.
-Pardon ? Je n'ai pas entendu…
-Je m'appelle Ven. Articula-t-il alors, dévoré par la gêne. »
Il n'avait pas l'habitude de ce genre de contact. On ne s'adressait pas à lui sur ce ton. S'il daignait répondre, on ne lui demandait pas de répéter. On se contentait de le laisser en paix ou, si son secret était connu, de s'incliner. Hermione, elle, ne faisait partie d'aucune de ces catégories. Elle était différente. Une différence qui le terrifiait autant qu'elle l'intriguait. Une différence qui parvenait à retenir quelques temps sa volatile attention, un exploit qui n'avait pas souvent eu lieu.
« Ven ? C'est un prénom étrange. Un diminutif ? »
Le garçon se contenta de hocher la tête, trop désarçonné pour déclarer quoi que ce soit. Ses paroles n'étaient jamais remises en question, on ne l'interrogeait pas si son trouble était visible. Mais elle, elle le faisait. Sans timidité aucune.
« Ah, voilà le compartiment. »
Elle ouvrit grand la porte et s'exclama de sa voix enjouée :
« Neville, Trevor a été retrouvé ! »
Le garçon joufflu qui se trouvait à l'intérieur du compartiment se leva aussitôt. Son visage était rongé par l'inquiétude. Il s'avança vers Venceslas et reprit son crapaud, non sans l'avoir amplement remercié au préalable. Une situation qui semblait bien plus normale au Prince des Ténèbres qui, déjà, reprenait confiance tandis que son attention se dirigeait à nouveau vers autre chose. Combien pouvait-il y avoir de compartiments dans ce train ? Il pourrait traverser le couloir et les compter, un par un…
« Eh bien, Ven, assieds-toi avec nous ! »
Ou il pourrait rester, quelque peu forcé, avec ces enfants qu'il ne connaissait ni de Morgane ni de Merlin. Le décompte des compartiments attendra… Venceslas s'assit donc, sous les regards curieux de Neville et Hermione.
« Merci encore pour mon crapaud. Je m'appelle Neville Londubat. Et toi ? »
Plus de doute possible. Ce garçon était bien l'enfant que ces aurors évoquaient…Le fils des gens que sa mère avait torturé sans remord aucun….Quelle étrange situation. Comment réagirait-il s'il lui donnait son nom actuel, Venceslas Malefoy ? Ferait-il le rapprochement ou non ? Et, si tel était le cas, se jetterait-il sur lui afin de se venger de ce que sa mère et son prétendu père avaient fait aux aurors Londubat, lui lancerait-il un sort ou se comporterait-il d'une toute autre façon ? Ven jugeait cette question suffisamment intéressante pour daigner s'exprimer quelque peu :
« Venceslas Malefoy. »
Un froid s'était installé dans le compartiment. Au vu du regard que lui lança Neville, nul doute qu'il avait su faire le rapprochement avec sa mère. Qu'allait-il faire ?
Tu cherches les ennuis, Ven. Un de ces jours, tu vas vraiment finir par les trouver…
« Ton vrai nom, c'est Lestrange, hein ? »
Venceslas hocha la tête, sous le regard étonné d'une Hermione quelque peu déboussolée par la situation présente. Si elle n'avait pas tilté au nom « Malefoy », elle était probablement une née-moldue. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il était particulièrement doué pour s'adresser aux bonnes personnes…
« Je ne sais pas qui tu es vraiment, ou ce que tu vaux, mais je te garderais à l'œil. Continua Neville avec une assurance que Ven ne s'attendait pas à lui trouver. A ta place, je ferais très attention. »
Venceslas releva à peine l'avertissement, son esprit entièrement accaparé par l'ombre qui était passée devant la fenêtre de leur compartiment. Etait-ce une chauve-souris ? Mais les chauves-souris dorment le jour, non ? Ou alors il s'agissait d'un corbeau…A moins que…
« Ven, qu'est-ce qui se passe ? »
Pour toute réponse, Venceslas haussa les épaules, avant de se désintéresser de cette mystérieuse ombre et de se concentrer quelques instants sur Trevor, qui semblait bien décidé à aller explorer une nouvelle fois l'extérieur du compartiment. Ven le signala à Neville d'un simple geste, tandis qu'Hermione décidait de changer de sujet afin de détendre un peu l'atmosphère :
« Ce que je suis impatiente d'arriver à Poudlard ! Vous pensez être dans quelle maison ? Peut-être à Serdaigle…Mais Gryffondor me plairait bien !
-Gryffondor, ce serait bien. Mais j'irais sans doute à Poufsouffle. Soupira Neville, sans confiance aucune. »
Puis il adressa un regard lourd de reproches à Ven :
« Serpentard t'accueillera sans doute, Malefoy. Avec les serpents de ton espèce, tu te sentiras à ton aise, non ? »
Si tous étaient comme son cousin, probablement que non. Mais, en tant qu'héritier de Salazar et fils du Seigneur des Ténèbres, il voyait difficilement dans quelle autre maison il pourrait finir…Et s'il était à Gryffondor ? Ses parents d'adoption mourraient d'une crise cardiaque. Et lui ? Eh bien, il s'interrogerait sûrement sur le nombre de pierres qui composaient les murs de Poudlard…A moins qu'il ne cherche cette chambre des secrets dont sa mère lui avait parlé et que son père d'adoption avait évoqué durant l'une de leurs conversations…Uniquement accessible à l'héritier de Serpentard, avaient-ils dit. Il y avait peut-être un trésor ?
« Ven ? »
Venceslas revint à la réalité, par la voix d'Hermione qui l'observait avec inquiétude :
« Tout va bien ? Tu avais l'air…absent. »
Venceslas hocha la tête, sans piper mot. Hermione profita de ce silence pour continuer :
« Tu as de jolis yeux. Je n'avais jamais vu pareille couleur. C'est magique ? Héréditaire ? »
*Un peu des deux…Songea Ven en tentant de se remémorer du visage serpentin de son père.*
Il savait que son paternel était devenu ainsi à la suite d'un rituel magique compliqué. Visiblement, cela l'avait lui-même affecté…
« Tu ne peux pas répondre, Malefoy ? Demanda Neville d'une voix énervée. »
Non…Pas alors que Trevor sautillait sur les genoux de Londubat. Ses bonds étaient vraiment grands…Est-ce qu'il serait capable de faire un saut périlleux ? Avec un peu d'entraînement…
« Malefoy, tu es avec nous ?
-Tu as envisagé d'apprendre des tours à ton crapaud ? Il saute vraiment bien. »
Ven était retombé dans ses vieux penchants, face à toutes ces choses qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'observer et qui excitaient sa curiosité jamais rassasiée. Il ne prêta guère attention aux regards médusés que lui adressèrent Hermione et Neville, se contentant de fredonner en rythme avec les bonds de l'animal. C'était compliqué…Il n'était pas vraiment régulier…Pas moyen de tenir un tempo plus de quelques secondes…
« Si notre conversation ne t'intéresse pas, Malefoy, tu n'es pas obligé de rester.
-Neville ! Il est peut-être simplement timide !
-Mais…il nous ignore depuis tout à l'heure. Il nous méprise et… »
Venceslas se leva. Le crapaud ne l'intéressait plus. Il se demanda si Crabbe, Goyle et son cousin avaient changé de place dans leur compartiment. Est-ce qu'ils jouaient aux échecs ? Drago en était fan et il avait envisagé d'apprendre les règles à Crabbe et Goyle, après qu'il eut constaté que Ven était incapable d'y jouer, trop peu attentif pour un jeu stratégique de cette envergure.
« Ven, tu peux rester, tu sais. Neville… »
Venceslas ne la laissa pas terminer et sortit du compartiment, se précipitant jusqu'à celui de son cousin avec une curiosité certaine.
« Tu l'as vexé. Constata Hermione, un peu peinée. »
Neville ne répondit rien, torturé par divers sentiments. Ce garçon…le fils des bourreaux de ses parents…Il ressemblait tant à sa mère et paraissait en même temps si différent. Comment devait-il se comporter avec lui ?
Ven, lui, était à mille lieues de ce genre de préoccupations. Il avait déjà oublié la raison qui l'avait poussé à quitter ce compartiment-là et essayait de rattraper la vendeuse de bonbons, qu'il avait ratée en raison de son agitation. Drago lui avait dit, une fois, que dans certaines dragées surprises, on pouvait avoir un goût sang de gobelin. Venceslas n'avait jamais goûté à ce genre de saveurs. Ce devait vraiment être curieux. Ven finit par atteindre son but alors que la vendeuse s'était arrêtée devant un compartiment. Un compartiment qui abritait l'un des sorciers les plus célèbres de son siècle : Harry Potter. Le meurtrier de son père. En vérité, Venceslas ne savait pas trop quoi penser à son sujet. A le voir ainsi, il n'avait pas vraiment l'air d'un tueur. Il semblait même gentil. Le Prince des Ténèbres ne s'attarda pas sur lui très longtemps, préférant acheter enfin à la vendeuse les dragées tant voulues. Il s'apprêtait à repartir quand Harry, ainsi que le garçon roux qui l'accompagnait, l'arrêta :
« Tu ne veux pas venir avec nous ? Tu dois t'ennuyer, tout seul. »
Venceslas réfléchit pensivement à cette proposition. Après tout, il pouvait très bien dévorer l'intégralité des dix paquets de dragées surprises qu'il avait acheté avec ces garçons. Ce serait moins désagréable qu'en marchant…et ils ne les lui prendraient pas, comme le feraient probablement Crabbe et Goyle. Il acquiesça et s'assit à leurs côtés.
« Je suis Ron Weasley. Se présenta le rouquin avec un sourire. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un commander autant de dragées…Tu dois être un peu fou. Avec tous les goûts immondes qu'on trouve dedans… »
Ven haussa les épaules :
« Je voulais savoir quel goût ça avait, le sang de gobelin. »
Sa réponse fut accueillie par deux regards interdits. Harry semblait s'interroger quant à sa santé mentale, tandis que Ron se mettait à rire :
« Tu as vraiment l'air spécial, comme gars ! On ne mettrait jamais un truc pareil dans les dragées. La communauté sorcière se mettrait les gobelins à dos si on osait. Qui t'a dit ça ?
-Mon cousin…enfin, mon frère. »
Harry haussa un sourcil devant cette mystérieuse réponse :
« Tu ne t'es toujours pas présenté, au fait. En passant, moi c'est Harry, Harry Potter. »
Le survivant et un Weasley…Après la Sang-de-Bourbe et le Londubat, on peut dire que tu as vraiment le chic pour nouer des relations avec les mauvaises personnes.
Natschel avait sifflé tout bas, mais Ven, après avoir dévisagé Harry, était persuadé que celui-ci l'avait entendu, au vu du regard intrigué qu'il lui avait lancé. Avait-il simplement entendu le sifflement du serpent ? Ou était-il… ?
« Alors ? »
Venceslas sortit de ses questionnements, un peu déçu de ne pouvoir s'y consacrer un peu plus. Puis il se décida à répondre, ayant finalement compris qu'il ne pourrait se permettre d'adopter l'attitude muette et dédaigneuse qu'on lui avait demandé d'afficher jusqu'alors. Autrement, il ne serait jamais en mesure de faire connaissance avec les autres et d'assouvir ainsi sa curiosité insatiable…
« Venceslas Malefoy. Né Black. »
Un demi-mensonge…Après tout, sa mère avait refusé de lui transmettre le nom Lestrange et lui avait donné celui de Black, tandis que son père l'avait affublé du patronyme Serpentard. Mais ce dernier, il n'avait pas le droit de le dire… Sa réponse déclencha une certaine surprise chez les deux garçons. Une surprise teintée d'une légère méfiance. Evidemment. Quel Weasley irait faire confiance à un Malefoy ? Et ne parlons même pas du Survivant…
« Tu ne ressembles pas du tout à Drago Malefoy. Ni même à Lucius et Narcissa Malefoy.
-Mes parents adoptifs. Eluda-t-il en reportant son intérêt sur une coccinelle qui avait pénétré dans leur compartiment par la fenêtre. »
Combien avait-elle de points ? S'il parvenait à tous les compter, il pourrait faire un souhait. Mais qu'est-ce qu'il souhaiterait, au fait ? Hmm…
« Pauvre vieux. Ça doit être l'horreur de vivre au quotidien avec ces cinglés adeptes du Sang-Pur. Enfin, au moins, t'es nourri, logé, vêtu…Bien vêtu, même. »
Ron, qui avait prononcé cette dernière phrase, avait jeté un regard envieux à ses vêtements.
« Ils doivent valoir dix fois plus que ma propre maison…Déclara-t-il en soupirant. »
Ven ne prit même pas la peine d'avoir l'air gêné. A vrai dire, cette interruption l'avait considérablement embêté. La coccinelle s'était envolée et il n'avait pas eu le temps de terminer son décompte. Zut. Harry dut prendre son expression pour de l'embarras, puisqu'il s'empressa de dire :
« J'imagine que rien de tout cela ne doit valoir le fait d'avoir une vraie famille. Sa famille. »
Natschel ricana, un rire qu'il s'empressa d'étouffer lorsqu'il se rendit compte qu'Harry semblait l'entendre. Ven, lui, était trop occupé à réfléchir pour avoir noté ce qui aurait pu être pour lui une preuve du talent noir de son condisciple. Dommage…Au moins, cela promettait d'être intéressant.
« Sa famille…Murmura Ven de sa voix sifflante. »
Une folle psychotique qui croupissait en prison et un mage noir porté disparu depuis maintenant dix ans…Une famille des plus sympathiques, même Ven, perché dans ses hauteurs, s'en rendait compte. Mais c'était la seule à laquelle il n'ait jamais eu droit. Les Malefoy, sa famille ? Ils n'étaient que de simples serviteurs à ses yeux. Ron, devant l'atmosphère lourde, proposa une bataille explosive. Un jeu auquel Ven n'avait jamais excellé. Il était toujours si peu concentré qu'il mettait en permanence un temps fou à se saisir de chaque carte…Ron et Harry avaient tous deux explosé de rire devant sa piètre performance.
« Je n'ai jamais gagné une partie avec tant d'écarts de points. A quoi est-ce que tu pensais pour être aussi absent ? L'interrogea le rouquin, tandis que Harry devait se détourner, trop occupé à rire de la mine couverte de cendres qu'affichait malgré lui leur camarade.
-Une hirondelle était passée devant la fenêtre. Je me demandais à quelle vitesse elle pouvait voler et pourquoi elle n'était pas en migration, comme ses congénères. »
Sa réponse sibylline replongea aussitôt les garçons dans un grand fou rire, que Ven partagea sans réellement comprendre. Qu'avait-il dit de si drôle ? Ils étaient vraiment étranges…
« T'es vraiment bizarre, tu sais. Tu iras probablement à Serdaigle.
-Pourquoi ? C'est la maison des esprits brillants, non ? »
Cela ne lui semblait pas incongru. Après tout, Lucius et Narcissa n'avaient cessé de louer ses capacités mentales.
« Tellement brillants qu'ils finissent par en être aveuglants. Certains sont vraiment étranges, d'après ce qu'on m'a dit. Tu trouveras peut-être d'autres personnes qui se posent ce genre de questions, non ? »
D'autres comme lui ? Qui vivraient dans le même univers que le sien, partageraient son trop-plein permanent d'idées et de réflexion ? Ce serait vraiment possible… ?
« Mais les Malefoy risqueraient de t'étriper si tu allais à Serdaigle. Continua Ron, songeur.
-Pourquoi ? Demanda alors Harry.
-La famille Malefoy est connue, notamment parce que chacun de ses membres, sans exception, est allé à Serpentard. J'imagine que ce devra être pareil pour toi. »
Sûrement…Avec l'ascendance qu'il avait, Ven pouvait difficilement finir ailleurs…
« Je te plains. Les serpents ne sont pas très fréquentables. »
Comment ça, les serpents ne sont pas fréquentables ? Viens ici me le dire, si tu l'oses !
Ven, d'une tape qu'il espérait discrète, fit immédiatement taire Natschel et son orgueil démesuré et tenta de couvrir les sifflements agacés de ce dernier par une quinte de toux. Ce qui ne semblait absolument pas tromper Harry, qui l'observait de plus en plus bizarrement.
« Qu'est-ce que tu as ? Tu m'as l'air...euh...préoccupé. »
En fait, ce n'était pas le mot qu'Harry comptait employer, de prime abord. Le terme « suspect » lui paraissait plus approprié, mais il craignait de braquer leur étrange camarade. Celui-ci continua quelques secondes sa quinte de toux, avant de hausser les épaules.
« Rien. Ça va. Mais il va falloir que je retrouve Drago. Mes affaires sont dans son compartiment. »
Ron fit la grimace :
« Courage. On ne va pas tarder à arriver. »
Ven hocha la tête, leur fit un signe de la main et s'extirpa du compartiment. Il laissa alors échapper un soupir de couloir étant vide de toute fréquentation, Natschel se permit de sortir de sa cache et prit une grande inspiration.
Fiouu…Je commençais à étouffer. Tu ne pouvais pas t'en aller plus tôt, Ven ?
Je ne sais pas. Tout ça…c'était…
Intéressant ? Si, pour toi, ce mot rime avec « incroyablement stupide et dangereux », je crois qu'on va devoir mettre un terme à notre relation. Tu aurais pu me faire repérer ! Ou pire…
Je ne t'ai pas demandé de rester avec moi. C'est toi qui le fais, depuis maintenant cinq ans.
Tu es le seul qui accepte de m'écouter sans broncher. Les miens sont assez peu réceptifs, cela se finit souvent en disputes.
Natschel se tut à la minute où une personne arriva dans le couloir. Une personne que Venceslas avait déjà croisée…
« Ven ? Tu n'étais pas retourné à ton compartiment ?
-J'y allais…Éluda-t-il en tentant de se remémorer ledit compartiment. »
Cette porte là ou celle un peu plus loin ? Impossible de s'en rappeler…
« Neville a encore perdu son crapaud. Ce Trevor est vraiment intenable ! Tu l'aurais vu ? »
Le jeune garçon secoua la tête et Hermione, car il s'agissait bien d'elle, soupira.
« Je vais continuer à chercher. Tu devrais aller te changer, on ne va pas tarder à arriver. »
Venceslas hocha la tête et Hermione partit. Il songea qu'elle était l'une des rares à réussir à capter durablement son attention…Peut-être parce qu'elle lui semblait gentille et intelligente ? Difficile à dire… Déjà, le Prince des Ténèbres retournait dans son compartiment, où Drago, Crabbe et Goyle, déjà changés, s'étaient étalés, visiblement peu soucieux quant au retour de Venceslas.
« Eh bien, ta petite excursion a duré, Cousin. Fit remarquer Drago en cédant de mauvaise grâce une place à ce dernier. Qu'est-ce qui t'a retenu de cette façon ?
-Un crapaud. Répondit Ven en sortant son uniforme de sa malle et en l'enfilant. »
Drago ricana, partagé entre mépris et profonde lassitude. Dire qu'il était censé reprendre le commandement des Mangemorts, à sa majorité…C'était tristement pathétique. Les siens n'allaient pas tenir longtemps, sous une telle égide. Ce fut avec une profonde suffisance que Drago, sans gêne aucune, observa le corps presque entièrement dénudé de son cousin. Il n'avait vraiment rien d'impressionnant. Petit, il semblait n'avoir que huit ou neuf années. Il était si frêle qu'un simple souffle paraissait en mesure de le briser. Misérable. Drago, bien qu'il se refusât à l'accepter, était de mauvaise foi. Sitôt l'uniforme enfilé, et son attitude hautaine à nouveau adoptée, Venceslas arborait parfaitement le titre de « Prince des Ténèbres ». Son regard ocre et sa posture droite lui conféraient une prestance que son physique frêle n'était pas en mesure de faire oublier. Drago et les autres eurent tôt fait de l'ignorer et le reste du voyage se passa dans un calme relatif, ponctué d'inintéressantes discussions que Drago, Crabbe et Goyle partageaient, suffisamment basiques pour que ces gorilles sans cervelle puissent suivre aisément, tandis que Ven laissait son regard se perdre dans la lumière de la lune. Il avait toujours été fasciné par cet astre. Qu'est-ce qui pouvait se trouver dessus ? Une autre civilisation ? Des monstres ? Des humains ? Ou n'était-ce que roches et poussières ? Il ne savait pas pourquoi, mais Venceslas avait la sensation que cette lune splendide et mystérieuse aurait été pour lui la place parfaite où habiter. Peut-être parce qu'en pensée, il s'y trouvait régulièrement…Du moins, c'était ce que son instructeur et Drago lui avaient souvent dit. « Tu es dans la lune »…Peut-être qu'il aurait vraiment aimé y être, en fin de compte…
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