Note : L'illustration d'origine appartient à Pananada (Zerochan) et le montage est de moi.
Drago Malefoy avait terriblement savouré, durant les premières années de sa vie, le fait d'être le principal centre d'attention de ses parents. Leur fils unique…Le seul à qui ils daignaient offrir leur affection, de quelque manière que ce soit. Très dégoulinante, de la part de sa mère, et froide et fière, du côté de son père cette fois-ci. Cependant, il n'avait absolument pas pris la peine de s'en combler suffisamment, en enfant gâté qu'il était.
Aujourd'hui, à à peine six ans, il mesurait douloureusement cette perte, alors que cet être faisait son entrée dans sa vie.
« Voici Venceslas Serpentard-Black. Le fils du Seigneur des Ténèbres et de ta tante, Bellatrix. N'ayant plus de tuteur, il va intégrer la famille Malefoy et nous allons nous occuper de lui. J'ose espérer que tu sauras prendre soin de celui qui est à présent ton petit frère. »
Son petit frère…Lui, Drago Archeonis Malefoy, unique héritier de cette illustre famille, avait à présent…un frère ? Il devait se tromper…Ce n'était pas vrai. Ça ne pouvait pas être réel. Et pourtant, ça l'était. Cet être que son père observait avec déférence, ce Seigneur des Ténèbres en puissance…Il ne l'imaginait pas. Il était bien ici, à le contempler de son étrange regard ocre, dans lequel ne transparaissait aucune émotion. Le dénommé Venceslas s'inclina devant Drago Malefoy, sans dire un mot. Un comportement que réprimanda immédiatement Malefoy Senior :
« Vous n'avez pas à vous rabaisser devant vos serviteurs, Prince des Ténèbres. »
Venceslas nouvellement Malefoy ne répondit pas, se contentant d'hocher la tête sans même chercher à croiser le regard de son père d'adoption. Drago, lui, fulminait. Quoi ? Il se comportait mal et son père ne le punissait pas ? Ne se mettait pas en colère ? Se contentait de lui parler doucement, comme s'il était lui-même coupable ? Drago serra les poings. C'était injuste…Anormal…Un Malefoy ne courbe pas la tête. Et surtout pas devant un enfant qui lui paraissait aussi idiot qu'inintéressant. Fils du Seigneur des Ténèbres ? A part ses yeux, il n'avait rien de sa prestance, d'après ce que Papa lui avait raconté à son sujet.
« Drago, mène-le donc à sa chambre, celle qui jouxte la tienne. Un elfe viendra vous chercher prochainement, Venceslas. Ma femme, Narcissa, n'a eu d'autre choix que de s'absenter, excusez-la, mais elle est vraiment honorée de vous rencontrer. »
Nouveau silence, nouvel hochement de tête. Pestant à voix basse, Drago finit par guider l'intrus jusqu'à sa chambre, dans laquelle il l'invita à entrer avant de lui claquer la porte au nez, sans mot dire. Venceslas ne s'offusqua pas de ce comportement. En vérité, il s'en fichait éperdument. Comme de tout ce qui lui arrivait… Une nouvelle famille, une nouvelle maison…Rien de tout cela ne lui importait. Que son père soit mort, sa mère en prison, que son cousin et frère adoptif le déteste singulièrement… Dans l'esprit du jeune garçon, tout cela était balayé par des considérations beaucoup plus importantes. Comme le fait que le jaune doré de ce plafond était d'un mauvais goût certain…Ou que son cousin aurait certainement hurlé s'il avait seulement aperçu le petit serpent qui s'était glissé dans la pièce par la fenêtre…Un serpent auquel le garçon siffla de s'installer confortablement sur le lit, tandis qu'il sortait une baguette de la poche de sa cape de soie et amenait une souris de l'extérieur par un adroit sort de lévitation. Sans gêne aucune, le Prince des Ténèbres déposa la souris terrifiée sur sa couverture et contempla pensivement le serpent en faire son repas.
Remerciements pour ce présent, petit humain, de la part de Natschel. A qui dois-je les adresser ?
Venceslas resta silencieux pendant quelques instants, captivé par le spectacle de ce rongeur, encore vivant, qui remuait sous la peau du reptile. Celui-ci le ramena à la réalité, ce qui permit au garçon de répondre dans un court sifflement :
Ven.
Natschel hocha la tête, ses yeux brillants de curiosité :
Tu es bien moins bavard que les petits d'hommes que j'ai eu l'occasion de croiser durant ma courte vie. Et beaucoup moins braillard, également. Une conversation entre gentleman et gentlesnake te plairait-elle ?
Venceslas haussa les épaules. Il était déjà passé à autre chose, le serpent ne l'intéressait guère plus. Pour le moment, l'enfant essayait de calculer le temps qu'il restait à vivre au petit papillon qui s'était égaré dans une toile d'araignée. Bien évidemment, il fallait aussi prendre en compte les elfes de maison, qui se hâteraient de nettoyer cette dernière dès qu'ils la verraient, mais aussi la vélocité de l'araignée, qui pourrait bien dépasser celle des elfes et qui la pousserait à consommer sa proie dès que possible. Merlin que c'était intéressant…Tout comme cette craquelure bizarre sur l'immense miroir qui ornait l'un des murs de sa chambre. Un miroir qui renvoyait l'image d'un frêle garçon, aux cheveux bruns mi-longs et à la peau d'albâtre, vêtu d'habits noirs, si précieux que le simple fait de les revendre lui aurait permis de s'acheter un pays. Si son physique le faisait volontiers passer pour un enfant de quatre ou cinq ans, son regard, lui, était si perturbant qu'il en devenait intemporel. Il ne semblait pas habité par une quelconque âme, comme si ce garçon n'était rien d'autre qu'une marionnette. Et peut-être qu'il l'était, après tout…
Et ce fut à cet instant précis que, bravement, je me jetais sur ma proie, pour enfin la…Tu m'écoutes, Ven ?
AAAAAA
*Mais quel crétin…songea un Drago désespéré.*
Cela faisait six mois à présent que ce squatteur stupide avait pris place chez eux. Six mois que leur instructeur commun s'arrachait les cheveux à essayer de faire rentrer la moindre notion dans cette cervelle de moineau qu'était le soi-disant héritier du Seigneur des Ténèbres. Si ce dernier avait été encore en vie, il serait mort de honte devant ce qui lui servait de fils, Drago en était convaincu. Aujourd'hui, ils devaient tous deux s'attaquer à des opérations mathématiques. Des choses basiques auxquelles Drago, qui recevait ce genre d'enseignement depuis ses quatre ans, n'avait eu aucun mal à parvenir, tandis que Ven, la plume en main, griffonnait un vague gribouillis sur son parchemin, en sifflant en fourchelang une comptine sorcière. Une comptine que son serpent, Merlin que Drago le haïssait, reprenait en chœur, tout en se promenant joyeusement sur le corps de son maître.
« Monsieur Venceslas Malefoy, un peu de votre attention, est-ce trop vous demander ? »
Ven ne cessa pas de dessiner, mais leva son regard vide vers le professeur et murmura de sa voix atone :
« Monsieur Venceslas Malefoy, c'est long à épeler, non ? Faites comme Natschel, dites Ven. »
Drago leva les yeux au ciel devant cette réponse. Décidément, on ne pouvait rien en tirer. Il était toujours complètement à côté de la plaque, quelle que soit la situation. C'était tellement…exaspérant. Et si humiliant pour ce jeune membre de la famille Malefoy. Voir son nom associé à ce bon à rien…Quelle horreur ! L'instructeur, lui, affichait une mine lasse. Six mois…Six mois qu'il s'acharnait à faire comprendre le moindre enseignement à cet enfant. Il allait lui falloir parler à ses employeurs, les respectés Lucius et Narcissa Malefoy…Venceslas Malefoy souffrait visiblement d'une quelconque pathologie mentale et il n'était pas en mesure d'y pallier.
« Monsieur Venceslas Malefoy, essayez seulement de faire ces exercices. Les erreurs n'ont pas à être craintes. Elles font partie de l'apprentissage. »
Le regard de l'enfant s'était à présent tourné vers la fenêtre, les yeux rivés vers le ciel.
« Vous ne trouvez pas que ce nuage a une forme d'hippogriffe ? »
Soupir. Ce n'était pas la peur d'être fautif qui détournait Venceslas de ses obligations. Il était tout simplement incapable de fixer durablement son attention sur un sujet. Comme si rien dans ce monde n'était en mesure d'intéresser ce mystérieux garçon…
« Vous avez raison. On dirait plutôt un sombral…
-Tu ne peux pas simplement faire tes devoirs, Venceslas ? S'agaça alors Drago. »
Il n'avait jamais exprimé son énervement envers son frère adoptif. Son père lui avait dit de le traiter avec respect, alors il avait toujours ravalé sa colère. Mais là…Il était tellement…irritant.
« Mes devoirs ? Je les ai faits. »
Drago secoua la tête, prêt à se jeter à la gorge de cet imbécile :
« Bien sûr que non. Ta feuille est vide.
-Ma feuille ? »
Venceslas mit quelques instants à comprendre :
« Il faut que je remplisse ce parchemin ?
-Evidemment. Répondit Drago avec dédain. »
Venceslas hocha la tête, paraissant réaliser soudainement quelque chose de très important. Sa plume se mit à gratter à toute vitesse le parchemin, cinq minutes durant. Puis il la reposa, se leva et alla observer ce qui lui semblait être un écureuil, perché au loin sur la branche d'un arbre. Intrigué, l'instructeur jeta un coup d'œil aux devoirs du jeune garçon. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit que chacune de ses réponses était juste ! D'une écriture qu'il avait peiné à déchiffrer tant elle était brouillonne, Venceslas avait correctement répondu à toutes les questions posées, si vite que l'instructeur ne put déduire qu'une chose : peu importait à quel point cet enfant pouvait être distrait, c'était également un génie. Une chose que réalisa également Drago. Il comprit que son cousin était bien plus intelligent qu'il ne semblait l'être, peut-être était-il même meilleur que lui… Non. Cet imbécile ne pouvait pas le dépasser. C'était impossible. Pas cet idiot qui semblait incapable de nouer correctement ses lacets si on ne lui intimait pas de le faire. Et pourtant… D'un pas rageur, Drago quitta la salle de classe, tandis que Ven écoutait d'une oreille distraite les histoires de Natschel, qui prétendait avoir dévoré à lui seul un troupeau de chevaux entier et être parvenu à s'enfuir d'un leste glissement. L'instructeur, de son côté, s'était également glissé hors de la classe, décidé à parler à Lucius et Narcissa Malefoy. Venceslas ne pouvait décemment continuer à partager les leçons de Drago. Peut-être réussirait-il à capter son attention avec des problèmes plus compliqués à résoudre…
Aucun des deux parents Malefoy n'avait eu l'air vraiment surpris des propos de l'enseignant qu'ils avaient engagé. Au contraire. Lucius affichait un sourire entendu, tandis que Narcissa se contentait de hocher la tête, comme s'il s'agissait de la chose la plus naturelle au monde.
« Je place ma confiance en vous, Herbert. Vous saurez lui enseigner ce qu'il a à savoir. Oh, et si vous lui appreniez un peu de magie…
-Monsieur Malefoy, il n'a pas encore sept ans ! Comment voulez-vous… ?
-Je ne vous paie pas pour discuter mes décisions, Herbert. Disposez. »
Ce dernier hocha la tête et transplana, songeant que cette famille n'avait pas fini de lui en faire voir de toutes les couleurs. Au moins, son salaire était plus que correct…C'était bien la seule chose qui le retenait auprès de ces riches bourgeois…
AAAAAA
Les années avaient passé. La relation entre Drago et Venceslas était passée d'une haine farouche à une indifférence totale. Drago avait constaté qu'il n'avait pas perdu sa place au profit de son cousin et, la maturité aidant, avait compris la servitude de ses parents à l'égard du Prince des Ténèbres. Il n'appréciait toujours pas ce garçon trop distrait pour son propre bien, mais il avait accepté son statut et savait que, lorsqu'il serait jugé prêt, Venceslas prendrait la succession de son père et mènerait les Mangemorts à un nouveau règne. Drago ne savait pas trop comment, mais son propre père lui avait assuré qu'il en serait ainsi. Par ailleurs, son cousin s'était aventuré sur la voie du changement. Bien qu'il se montrât toujours des plus volatiles, il parvenait toutefois à concentrer suffisamment son attention pour comprendre des consignes simples et entretenir une conversation. Du moins, s'il le désirait. Car, alors que Ven ouvrait autrefois la bouche à tort et à travers, il était maintenant muet comme une carpe. Depuis ses dix ans, Drago ne l'avait guère entendu parler, si ce n'était pour lancer un sort. Le jeune Malefoy ne doutait pas que, sitôt les sorts informulés appris, son cousin cesserait aussitôt de faire vibrer ses cordes vocales et ferait à jamais taire sa voix si particulière, ce sifflement légèrement rauque qui le faisait frissonner dès qu'il l'entendait. Son regard avait également changé. Il n'était plus aussi absent qu'avant. Il lui arrivait de s'animer. De revêtir une lueur toute particulière : celle du mépris. Venceslas était destiné à régner aux sommets. Il le savait et traitait déjà les autres comme ses inférieurs. Les parents Malefoy avaient fait un très bon travail de ce côté-là…Venceslas n'était plus de ceux que l'on pouvait aisément soumettre, par une attitude hautaine ou quelques paroles souveraines. Il devenait digne de son titre de "Prince des Ténèbres"... |