Bonjour !
Je suis vraiment désolée d'avoir mis autant de temps à publier, pour la peine, je mets plusieurs chapitres d'affiler (en fait je les publie sur un autre site aussi alors je rattrape le retard).
Merci à Meldrac et Nathanaelle pour vos reviews !
Bonne lecture!
Chapitre 3
12 Avril 2002 - Nord de Londres
Harry vivait depuis maintenant un an dans ce studio minuscule. Il n'avait quasiment rien changé à la décoration. C'est à dire que les murs étaient toujours blancs et il n'avait pas de meubles à lui. Il avait juste garni sa commode de nouveaux vêtements et ses étagères de nombreux livres.
Il avait visité Londres de long en large mais rien ne lui était revenu. Il s'était dit que sa mémoire ne reviendrait jamais maintenant. Il n'arrivait pourtant pas à s'y résoudre. Il ne pouvait pas passer sa vie à laver des verres dans une boite de nuit.
Il ne se levait jamais tôt le matin, il travaillait du mardi soir au samedi soir et se couchait entre quatre et six heures du matin. Il dormait jusque midi et ensuite allait se balader dans Londres. Il lisait beaucoup et regardait les informations.
Il adorait les informations, il pensait qu'il compensait sa mémoire défaillante par une soif de savoir. Il voulait savoir tout ce qui se passait dans le monde, même si c'était loin d'être grandiose. Il était resté scotché devant sa petite télévision pendant des heures le jour du onze septembre. Autant de violence le rendait fou, ce qui l'insupportait le plus, c'était de ne rien pouvoir faire. Il sentait en lui ce désir de venir au secours de toutes les personnes malheureuses du monde. Ce n'était pas un pauvre petit plongeur qui allait sauver le monde, se répétait-il.
Ce jour là il était d'humeur maussade, il faisait beau pourtant. Ce qui le déprimait, c'était d'avoir passé un an à ne rien faire de sa vie. Et le pire c'est qu'il n'avait pas vu le temps passer.
Il travaillait dans une pièce séparée de la boite de nuit. On y accédait par une porte masquée par un rideau noir derrière le côté du bar. Dans cette pièce, en plus des immenses éviers, il y avait les réfrigérateurs qui contenaient leurs réserves de boissons et divers apéritifs. Ce qu'il aimait dans ce métier, ce qui le faisait tenir, c'était la table qui était dans le prolongement du bar. Elle était juste à côté du rideau et il arrivait à entendre ce que racontait les personnes qui s'y asseyaient.
Les groupes étaient différents chaque soir. En début de soirée, il entendait mieux car la musique était moins forte. Ce soir ne dérogeait pas à la règle, il y avait un groupe de quatre hommes qui venait d'arriver. Ils discutaient assez fort, ils avaient sûrement déjà bu avant de venir.
- Alors les gars quoi de neuf ? Vous avez foutus quoi hier soir ?
- Ah ça ! Mon pote t'as loupé quelque chose de grandiose. On t'a invité pourtant.
- J'allais au ciné avec Ellen, et crois moi ça valait le coup. Elle est canon.
- Ouais mais nous on est tombé sur le prince des Serpentard.
- Et donc ?
- On l'a tabassé.
La troisième voix avait un ton surexcité, il avait l'air hyper fier d'avoir tapé une personne.
- Quoi ? Comment avez-vous pu le tabasser ? Le premier était vraiment surpris.
- En fait on l'a croisé à deux rues d'ici. Ce con bosse à l'hôpital.
- Ouais on était trois, on avait un peu picolé. On lui a piqué sa baguette…
- Je l'ai même cassé en deux, ajouta la troisième voix.
- … Ouais et c'était pas malin, mais au moins il ne s'est pas défendu.
- On a pu le saisir et lui foutre des coups.
- Je comprends pas, la première voix semblait sceptique. Vous avez quand même des sacrés bleus…
- … Il s'est défendu le con.
- Et j'ai croisé Draco Malfoy ce matin, il n'avait rien du tout !
- Il est guérisseur, il a du se faire soigner c'est tout.
Mais Harry n'avait pas écouter la dernière phrase. Draco Malfoy. Ce nom avait comme explosé dans sa tête. Il avait laissé tombé un verre qui s'était brisé dans l'évier.
Il connaissait ce nom. Il connaissait ce Draco Malfoy, le prince des Serpentard. Il était blond, les yeux gris orage, le menton pointu, le regard hautain. Il ne l'aimait pas mais il venait de son monde d'avant. Et s'il avait bien entendu les hommes, il travaillait à l'hôpital, à deux rues d'ici.
Pourquoi l'avaient-ils agressé ?
Il tenta de reprendre la conversation mais les hommes parlaient d'autre chose.
Il finit son travail la tête ailleurs. Ses mains, ses bras s'agitaient de manière mécanique. Son cerveau était ailleurs, des images fusaient derrière ses yeux. Un jeune garçon blond dans une boutique de vêtements étranges, un homme tellement immense que cela lui paraissait impossible avec une barbe hirsute, un jeune roux dans un train, Ron, une fille les cheveux en bataille qui se moquait de Ron, Hermione. Tout allait trop vite pour qu'il puisse saisir les détails. Il fallait qu'il retrouve ce Draco Malfoy.
Son service terminé, au lieu d'aller s'affaler dans son lit comme d'habitude, il prit sa cape d'invisibilité et ressortit.
Il erra dans les rues aux alentours sans voir ce blond dont il se souvenait. Il finit par rentrer chez lui vers dix heures, épuisé. Il s'endormit dès l'instant où sa tête toucha l'oreiller.
Il se réveilla en sursaut vers dix-huit heures. Il avait dormi comme une masse et avait la tête dans les choux.
Il prit une longue douche et décida de continuer à chercher. Il avait passé la matinée à patienter devant l'hôpital de son quartier pendant une heure avant de se traiter d'idiot. Les sorciers devaient avoir un hôpital caché. Il ne se souvenait pas y avoir été durant sa scolarité mais il ne souvenait pas de grand chose alors bon.
Il erra dans les rues à la recherche de quelque chose de différent. Il aperçu un homme avec un pantalon de golf et redingote verte. Personne ne s'habillait réellement comme cela. Il le suivit jusqu'à ce que l'homme s'engage dans une rue qu'il n'avait jamais remarqué. Pourtant il était passé de nombreuses fois devant. La rue n'était pas grande, il décida de rester à l'entrée puisque c'était une impasse. C'était pour l'instant sa meilleure chance.
Il resta ainsi debout dans un coin, immobile, il voyait des personnes passer. Des familles, des couples, des personnes seules, tous plus ou moins habillés étrangement. Il finit par voir un homme arrivé, à peine plus grand que lui, des cheveux blonds et presque blancs tombaient dans son cou et sur son front. Il portait un jean foncé bien coupé, une veste et une écharpe. Il était habillé comme un moldu riche. Il avait l'air un peu fatigué mais son pas était souple et il regardait droit devant lui. Il avait la main droite enfoncée dans la poche de sa veste. Il devait surement tenir sa baguette pensa Harry. S'il s'était fait agressé la veille, il devait rester sur ses gardes.
Harry le suivit quand il s'engagea dans la rue, le blond stoppa devant un immeuble de bon standing. Harry se glissa derrière lui par la porte d'entrée et monta les marches sur ses talons.
Arrivé devant la porte de son appartement, Harry ne voulait pas y pénétrer sans son accord.
Il retira sa cape d'invisibilité sans plus réfléchir aux conséquences. Albus Dumbledore lui avait dit de seulement se montrer à ses amis et d'après ses souvenirs cet homme n'était pas son ami. Il était même tout en bas de la liste. Il aurait peut-être du continuer de le suivre jusqu'à ce qu'il le mène dans un quartier sorcier. Mais Harry n'avait pas l'habitude de faire les choses raisonnablement et se laissait mener par son instinct.
- Bonjour.
Bon comme approche, on pouvait trouver mieux mais il ne voyait pas quoi dire d'autre.
Draco releva les yeux de la serrure dans laquelle il insérait sa clé, pensant répondre à un voisin. Sa voix se figea dans sa gorge quand il se rendit compte qui était face à lui. Il finit d'ouvrir sa porte et attira le brun à l'intérieur. Il referma le battant brusquement et respira enfin. Il ne s'était pas rendu compte qu'il avait retenu son souffle ces derniers instants.
Harry n'avait pas dit un mot et restait debout dans l'entrée. Draco avait sorti sa baguette et la pointait sur la poitrine du brun.
- Très bien, très très bien imité. J'y ai presque cru.
- Pardon ?
- Qui es-tu ?
- Harry.
- Harry comment ?
- Je ne sais pas. Je dis aux autres que je m'appelle Harry Mione.
- Mione ? Sérieusement ?
- C'est ma soeur.
Draco se pinça l'arrête du nez à l'aide de sa main gauche. Il finit par avancer dans son salon et fit signe à l'autre de le suivre.
Il s'assit dans un fauteuil club, bien droit, toujours sa baguette à la main et désigna du doigt le canapé. Le brun s'assit, au moins il ne paraissait pas complètement débile.
Draco réfléchit quelques secondes, des milliers de questions se bousculaient dans sa tête. Il ne savait pas s'il devait prévenir Hermione ou Severus ou le Ministère. Il ne savait pas s'il avait en face de lui le vrai Harry Potter. Il décida de faire au plus simple, cela fonctionnait bien avec ses patients.
- Très bien, pourquoi es-tu ici ?
- C'est compliqué.
Harry était mal à l'aise, l'appartement transpirait le luxe et il avait peur de salir le canapé beige avec ses vêtements. L'homme face à lui avait pleinement confiance en lui et tenait même sa baguette négligemment. Harry n'avait pas sorti la sienne. Il ne savait vraiment pas quoi répondre. "J'ai entendu des types dire qu'ils t'avaient cassé la gueule pendant que je faisais le larbin pour la pseudo mafia londonienne" ne paraissait pas être une très bonne entrée en matière.
Draco ne soupira pas, en fait on lui répondait la majeure partie du temps "c'est compliqué" ou quelque chose d'approchant. La plupart des sorciers qui venaient à Ste Mangouste n'étaient pas très fiers et avaient souvent fait des expérimentations pas très légales.
- Alors raconte moi ton histoire.
Il trouvait toujours que laisser parler la personne du sujet de son choix était mieux. De plus, les gens parlaient beaucoup d'eux, ils n'attendaient que ça. Cela les mettait en confiance et ils finissaient vite par avouer leur bêtise.
- Euh c'est aussi compliqué.
Harry ne pouvait franchement pas lui raconter tout ce qui s'était passé, il allait le prendre pour un taré.
- Ecoute, tu as surgi de nulle part dans mon couloir, tu es dans mon appartement et tu ne parles pas.
Ok peut-être qu'il le prenait déjà pour un taré.
- Alors soit tu parles, soit tu te casses.
Harry prit sur lui, il inspira, expira et raconta.
- Je suis mort.
A la vue de la mâchoire pendante et des yeux exorbités du blond face à lui, ce n'était peut-être pas la meilleure phrase d'introduction à prononcer.
- Enfin pas tout à fait.
Un sourcil en l'air, un seul sourcil, bon dieu, comment faisait-il ?
- Je n'ai pas l'habitude de parler.
- Je vois ça, rétorqua acerbement le Serpentard.
- Pour tout avouer je ne me souviens pas de grand chose. J'étais dans un endroit tout blanc, de la brume, je pensais que j'étais mort. Je ne sais pas combien de temps je suis resté là-bas mais un jour quelqu'un est venu.
- Un mort ?
- Oui. Un vieil homme, il m'a dit que je ne devrais pas être ici, qu'il était désolé. Il avait soi-disant perdu du temps mais il fallait que je revienne. Alors je suis revenu. Lui est resté mort.
- Ok et c'était quand ?
- Il y a un peu plus d'un an. Il m'a dit de ne parler qu'à mes amis à mon réveil et à personne d'autre.
- Ah et donc ?
- Je ne me souvenais de rien… en fait je ne me souviens toujours de rien. Harry triturait ses doigts, il était gêné d'avouer ne rien savoir. Il inspira de nouveau et continua. Je suis venu à Londres parce que je pensais que c'était là que j'aurais le plus de chance de trouver Hermione ou Ron.
Draco tressaillit en entendant ces prénoms mais cela ne voulait rien dire. Il était toujours possible que ce soit un imposteur. Un imposteur avec de sacrés similarités physiques et une histoire abracadabrante mais tout de même.
- Je suis tombé sur des gens qui finalement m'ont aidé. Je fais de la plonge dans une boite de nuit. Hier soir j'ai entendu prononcer ton nom et j'ai su que je te connaissais. Ils disaient que tu habitais pas loin d'ici et que tu travaillais à l'hôpital. J'ai cherché dans les rues alentours et puis je suis tombé sur cette impasse. Je ne l'avais jamais remarquée avant. Et voilà.
Draco passa sa main sur son menton. Il ne savait pas quoi en penser.
- Tu as une baguette ?
- Oui. Harry la sortit de sa poche et la montra mais ne la tendit pas.
Draco eut un sourire imperceptible, il était prudent, tant mieux. A l'instant où il posa les yeux dessus, il sut que c'était celle d'Harry Potter. Ce qui ne voulait toujours pas dire qu'il avait Harry Potter dans son salon.
- Nous sommes confrontés à un problème.
- Lequel ?
- Tu prétends ne pas savoir qui tu es et avoir perdu la mémoire. Pourtant tu sais des choses ?
- Des choses me reviennent parfois, surtout des objets, des sorts, mais pas les gens, ni les souvenirs.
- Sauf moi.
- Et Hermione et Ron.
- Tu ne connais pas leurs noms de famille.
Ce n'était pas une question mais Harry secoua tout de même la tête.
- Si tu es vraiment la personne que tu prétends être et que je crois que tu es, nous avons de très gros problèmes. Si tu es un imposteur, tu as des problèmes.
- Je ne suis pas un imposteur !
La phrase avait claqué dans l'air, le regard du brun s'était fait plus brillant, sa mâchoire s'était crispée et il paraissait prêt à en découdre avec quiconque le traiterait de menteur.
Draco se rendit compte qu'il avait devant lui le vrai Harry Potter, non pas qu'il en doutait mais tout de même.
- Le nom du vieil homme qui est venu te chercher ?
- Albus Dumbledore.
- Merlin…
Le choc était dur à encaisser. Albus Dumbledore était mort. Il n'avait jamais été très proche du vieil homme mais tout de même, c'était une figure emblématique du monde sorcier. Quand il avait disparu, des milliers de rumeurs avaient couru sur l'endroit où il était et pourquoi il était parti. Les gens se perdaient en conjectures sur ce qu'il était en train de faire et la plupart pensait qu'il avait craqué mentalement et qu'il s'était reclus loin de tout. Il n'arrivait pas à imaginer qu'il soit vraiment mort.
- Alors ?
Draco releva la tête, il s'était perdu dans ses pensées. Il avait devant lui Harry Potter, toujours dans des vêtements minables, mais cela n'affectait pas son regard franc et son port de tête fier. Il avait beau être habillé comme un pauvre type, il dégageait une telle assurance et une certaine innocence, pureté, qu'il en paraissait magnifique.
- Erm…
Draco s'était de nouveau perdu dans ses pensées, et en plus il se disait à quel point le Survivant était beau. Il devenait cinglé. Le Survivant, cette fois, on pouvait dire qu'il l'avait mérité son surnom. Le problème c'est qu'il ne savait pas quoi faire. Apparemment entendre son nom avait déclenché des souvenirs, mais il ne voulait pas tout lui balancer d'un coup, cela pourrait être dangereux.
Il ne savait pas s'il était victime d'un sortilège, d'un enchantement ou d'une perte de mémoire moldue dûe à des lésions dans son cerveau. Il écarta néanmoins le dernier point parce que si c'était le cas, il n'aurait pas retrouvé des bribes de souvenirs. La mémoire était partagée en plusieurs cases et il savait qu'on pouvait se souvenir des objets, des attitudes à avoir et des compétences et pas des personnes ou des souvenirs. En revanche dans ce cas là si la mémoire n'était pas revenue après quelques mois, elle ne revenait jamais. Là il s'était souvenu de lui. Draco pensait plutôt à un blocage ou un sort. Il fallait faire des analyses.
- Très bien, il est hors de question que tu retournes là où tu étais, tu vas rester ici. Tu prends une des chambres d'amis. Tu as de la chance, je ne travaille pas demain.
- Je ne peux pas.
- Pardon ?
- Je ne peux pas ne pas y retourner, il faut au moins que je prévienne et que j'aille chercher mes affaires.
- Très bien. Remets ta cape, je viens avec toi.
- Non.
- Ce n'était pas une question. Je resterais avec toi. Allons-y maintenant.
Harry ne discuta pas plus, il n'avait pas vraiment l'habitude de prendre des décisions de toute manière.
Ils sortirent du quartier sorcier, Harry caché sous sa cape d'invisibilité, Draco ne tenait pas à provoquer une émeute.
Ils se dirigèrent d'abord vers l'appartement d'Harry. Quand Draco pénétra dans le minuscule studio il ne put retenir une grimace. "Il vivait là depuis un an" pensa-t-il. Il ne pouvait pas le savoir mais c'était loin d'être l'endroit le plus petit dans lequel Harry avait vécu.
- Tout est à toi ?
- Non juste les livres, les vêtements et la nourriture.
Draco ne fit pas de commentaire et d'un tour de baguette réduisit et emballa toutes les affaires du brun. Il ouvrit les quelques placards mais devant un paquet de pâtes, quelques conserves et une boîte de céréales, il laissa tomber. Il n'était pas nécessaire d'emmener tout ça.
Harry avait vu son manège, Draco ouvrant les portes des placards, faisant la grimace, les refermant. Il était en train de jeter un oeil dans son frigo, quasiment vide, quand le brun décida d'emmener quand même sa nourriture. Après tout ça allait se perdre sinon.
- Ce n'est pas la peine.
- Si ça l'est. Je ne veux pas faire du gâchis.
- Très bien.
Ce n'était pas pour la place que ça prendrait de toute manière, se dit Draco. Une fois tout empaqueté, tout tenait dans le sac à dos d'Harry, les sorts de réduction étaient fantastiques.
Harry alla voir son patron dans le bureau qu'il avait à l'étage de la discothèque. Draco resta dehors et n'entendit strictement rien de leur échange. Quand Harry revint, son visage était de marbre, il ne savait pas du tout comment la conversation s'était déroulée.
Il ne posa pas la question et ils retournèrent chez lui.
Draco prépara rapidement une des chambres d'amis pour Harry. La plus éloignée de sa propre chambre. Ils dînèrent succinctement des plats asiatiques qu'ils avaient pris à emporter.
Harry rejoint sa chambre et s'assit sur le lit confortable. La décoration était neutre, les murs peints en blanc, le mobilier fait de bois clair et quelques tableaux d'art abstrait. Il ne se sentaient pas chez lui mais il ne se sentait pas non plus complètement chez un étranger. Il avait enfin l'impression que sa vie allait changer. Ce Draco Malfoy allait pouvoir le mener à ses amis. Il avait remarqué que le blond avait quelques réticences à lui parler. Il était médecin et peut-être qu'il s'inquiétait pour sa santé mentale. Pourtant cela ne collait pas avec l'image qu'il avait de lui.
Dans ses souvenirs, Draco Malfoy était un petit con, arrogant et étroit d'esprit. Il n'était pas un médecin, altruiste et prévenant.
Il en saurait plus demain de toute manière. Il se déshabilla pour ne garder que son tee-shirt et son caleçon et se glissa dans les draps propres et frais.
Draco lui n'arrivait pas à trouver le sommeil. Il avait pris une longue douche et était désormais allongé sur son lit. Il fixait d'un oeil absent le plafond. Il suivait des yeux cette fissure qui traversait le plâtre blanc. Comment aurait-il pu dormir ? Harry Potter était à quelques mètres de lui. L'homme qui avait changé son destin, changé sa vie, sa façon de penser et ce sans même s'en rendre compte. Son retour impliquait bien trop de choses. Hermione et Ron tout d'abord. La première n'avait jamais fait son deuil, Draco n'était pas dupe. Elle faisait semblant, chaque jour, semblant d'être heureuse avec sa petite famille. Son fils d'un an et son mari incapable d'être sérieux paraissaient la combler. Comme si on pouvait satisfaire si simplement un tel esprit. Heureusement son métier était à la hauteur de ses compétences. Et Ron, pensait Draco, il s'était beaucoup rapproché de lui. Beaucoup trop parfois se disait-il. Ils avaient passé des soirées et des soirées à boire et à se raconter leur vie. A refaire le monde et à imaginer l'avenir. Il savait que Ron s'en sortait mieux, parce que le roux était une personne entière, incapable de mentir, de cacher son chagrin. Il l'avait noyé dans l'alcool, puis dans le travail, puis dans les femmes, puis avec lui. Oh ils n'avaient pas eu ce genre de relation. Ron n'était pas le type de Draco et inversement. Mais le cynisme du Serpentard et la franchise du Gryffondor s'étaient confrontés et ils avaient pu avancer. Aujourd'hui, il savait que Ron était le meilleur Auror qu'on n'ait jamais vu depuis des années. Il savait que Ron ne pensait qu'à son boulot, il passait son temps à faire du sport, à perfectionner ses techniques de combat, moldu et sorcier. Et à côté de ça, il passait beaucoup de temps à cuisiner. Même si peu de personnes étaient au courant.
L'arrivée d'Harry dans leur vie allait tout changer. Hermione serait déstabilisée, tout ce qu'elle a construit allait s'effondrer. Ron allait se poser des questions, se demander s'il était réellement à sa place, s'il était le meilleur, si Harry n'allait pas lui reprendre sa place et s'il n'allait pas retomber dans l'ombre.
Tout était beaucoup trop compliqué. Draco se torturait l'esprit sur les implications du retour du Survivant sur les autres mais il évitait de se demander quelle implication cela avait sur lui.
Il avait dévoué sa vie aux autres. Il avait décidé de devenir guérisseur pour rattraper ces années à se comporter de manière égoïste. Il aimait son métier, il aimait sa vie, ses amis, ses soirées. Le fait qu'Harry soit revenu et soit venu le trouver lui surtout allait tout changer. Il avait la responsabilité de son avenir, de la façon dont les gens allaient le traiter. Il fallait éviter qu'il soit vu en public avant qu'il retrouve totalement la mémoire. Faire la une des journaux sorciers alors qu'on ne savait même pas qui on était, n'était pas la meilleure façon de revenir. Il soupira et finit par éteindre la lumière. Il préviendrait Hermione et Ron demain et ils se débrouilleraient.
13 Avril 2002 - Appartement de Draco Malfoy
Au petit matin, Harry s'étira dans son lit, avant de froncer les sourcils. Les draps étaient doux, le lit était bien trop grand et une faible lumière pénétrait la pièce. Il avait pourtant l'habitude de dormir dans le noir complet, dans son lit une personne. Il se rappela que hier sa vie avait basculé, il ne savait pas si cela était une bonne ou une mauvaise nouvelle. Il sortit du lit et attrapa des vêtements propres. Il n'osait pas sortir en caleçon mais il ne voulait pas non plus remettre les mêmes vêtements que la veille. Pourquoi se posait-il des questions aussi stupides ? Il était en train de soupirer bruyamment quand il avisa la porte dans le fond de la pièce. Une salle de bain. Il était sauvé. Il prit une douche et enfila des vêtements propres.
Quand il osa enfin sortir de sa chambre, après avoir passé dix minutes devant la porte fermée à tenter d'écouter ce qu'il se passait, il sentit une agréable odeur.
Il avança silencieusement, ses chaussettes glissant sur le plancher vernis. Il observa quelques secondes le blond, son dos moulé dans une chemise blanche, il s'affairait dans la cuisine. Sa baguette, blanche également, à la main, il préparait un petit déjeuner.
Draco avait entendu le bruit de la douche de la chambre d'ami, puis la porte s'ouvrir et il sentait la présence d'Harry derrière lui. Il ne se retournait pas et continuait sa préparation. Il avait l'impression d'être en présence d'un animal un peu sauvage qu'il ne fallait pas brusquer. Il finit malgré tout par poser sa baguette et attrapa des verres dans un placard. Il les posa sur le bar de la cuisine et fit ainsi face au brun.
- Bonjour.
- Bonjour.
- Tu as bien dormi ?
- Oui merci. Merci vraiment. Pour tout.
- De rien. Jus d'orange ? Café ? Thé ?
- Café, merci.
Draco servit deux tasses de café et posa deux assiettes remplies de pancakes sur le bar.
Il s'assit sur un tabouret et invita d'un geste Harry à faire de même.
- J'ai envoyé un hibou à Hermione en me levant, elle passera en milieu de matinée. Je ne lui ai pas dit pour toi. Elle ne m'aurait pas cru.
- Vous êtes amis ?
- Non. Je respecte la personne qu'elle est aujourd'hui mais nous ne sommes pas amis. Nous n'avons rien en commun, nous ne nous fréquentons pas.
- Ah.
Harry ne savait pas quoi dire, est-ce qu'il devait être désolé ?
- Après le petit déjeuner, on va procéder à quelques examens médicaux. Je ne te raconterais pas ton histoire. Il vaut mieux que tu la retrouves toi-même. De toute manière tout ce que je pourrais dire, c'est ce que j'ai lu… et à quel point je suis doué pour t'insulter et te mettre en colère.
- J'ai quelques souvenirs te concernant. Ne crois pas que je sois totalement ignare. Nous sommes censé être des adultes désormais, nos frictions sont de l'histoire ancienne. De toute façon je ne me souviens de pourquoi on se détestait. Cela dit j'ai l'impression que ça va rapidement me revenir…
Le ton d'Harry était mi moqueur, mi réprobateur. Draco ne savait pas s'il était sérieux ou non et il se demandait si le brun le savait lui-même.
Ils s'assirent ensuite dans le salon et Draco sortit sa baguette, il prit quelques constantes. Il observa rapidement que Harry était parfaitement en forme physiquement.
- La prochaine étape est normalement ton cerveau.
- Pourquoi normalement ?
- Je ne veux pas le faire tant qu'il n'y a personne d'autre. Je ne suis pas considéré comme quelqu'un de proche et s'il t'arrivait quelque chose cela pourrait me retomber dessus. Je ne foutrais pas ma vie en l'air pour toi.
Le ton était acerbe et froid. Harry sentait bien que le blond ne l'appréciait pas. Il se montrait pourtant prévenant. C'était une contradiction étrange.
Sur ce silence un peu pesant, une sonnerie retentit. Draco se leva et posa sa main sur le mur près de la porte. Il fit un geste de sa baguette et revint s'asseoir. Quelques secondes plus tard, on frappait à la porte. Le Serpentard ouvrit le battant sur une jeune femme brune, bouclé, le visage fin et le regard profond. Elle entra d'un pas décidé et fixa le blond.
- Bon tu vas me dire pourquoi tu m'as envoyé ce hibou aussi tôt un dimanche matin ?
- Bonjour également Granger, décidément la politesse est une qualité de plus en plus rare.
- Dis le gars qui réveille les gens à des heures indues.
- Très bien, je voulais y aller doucement mais puisque tu insistes, Draco écarta le bras et désigna son salon avec un sourire qui sonnait atrocement faux. Hermione fit trois pas avant de s'arrêter. L'homme qui était assis dans le canapé et qu'elle n'avait pas remarqué précédemment, venait de se lever. Il était grand, ses cheveux noir de jais en bataille, ses yeux verts lumineux, il… il ressemblait à Harry Potter. Merlin, c'était Harry Potter. Hermione ne réfléchit pas plus et sauta dans les bras de son meilleur ami. Elle se poserait des questions après.
- Oh mon dieu Harry ! Je suis tellement contente !
Elle pleurait de joie et Harry continuait à la tenir contre lui. Il était ravi de la voir aussi. Il savait que c'était son amie. Il avait compris en la voyant que ce n'était pas sa soeur. Une sorte de bourdonnement se faisait sentir dans son crâne. Des dizaines, des centaines d'images se succédaient derrière ses yeux. Elles défilaient trop vite pour qu'il puisse les saisir. Avoir revu Hermione semblait déclencher quelque chose, les images n'étaient pas complètes, elles étaient cassées, certaines parties cachées. Cela ressemblait à un affreux cauchemar. Il s'effondra dans les bras d'Hermione, se tenant la tête à deux mains et hurlant sans entendre sa propre voix.
Draco était abasourdi et Hermione paniquée. Draco se précipita pour allonger Harry sur le canapé. Il utilisa un sort pour le plonger dans le sommeil et stopper sa douleur. Il transporta ensuite le brun dans la chambre d'ami et le déposa sur le lit.
Quand il revint dans le salon, Hermione était assise sur le rebord du canapé, la tête dans les mains, les épaules secouées de sanglots.
Draco s'assit sur le canapé mais resta à une distance respectable de la brune. Il n'était pas là pour la consoler, ce n'était pas son amie. Il se sentit tout de même obligé de dire quelque chose.
- Ce n'est pas de ta faute Granger.
- Oh vraiment ?
Elle sécha ses larmes rageusement et tourna son regard noir vers le blond.
- Alors depuis combien de temps il est chez toi ? Il a déjà fait ce genre de crise ? Comment tu l'as retrouvé ? Pourquoi il n'est pas mort ? Hein ? Vas-y ! Raconte moi !
Elle s'était levée, les poings serrés, sa voix avait monté dans les aigus et ses yeux lançaient des éclairs. Elle était furieuse. Elle le détestait plus que tout à ce moment précis et tout ce qu'elle voulait c'était lui mettre son poing dans la figure, encore.
- Calme toi Granger. Il est arrivé hier soir, il m'a trouvé tout seul. Non il n'a pas fait ce genre de crise. Et son histoire est compliquée. Maintenant assis !
Son ton était calme mais glacial, il ne souffrirait pas que l'on désobéisse à ses ordres. Hermione s'assit mécaniquement. Elle prit le temps de rassembler ses esprits et souffla. Son meilleur ami n'était pas mort et c'était formidable. Elle pensait qu'il allait pouvoir voir grandir son fils et partager enfin leurs moments de bonheur. Puis elle pensa à lui. Il avait disparu depuis tellement de temps, tout le monde le croyait mort. Son retour allait être terrible. Il allait encore plus être la cible des journaux, des détraqués, des mangemorts, des fans. Sa vie allait être un enfer.
- Il a perdu la mémoire.
Draco n'avait pas suivi les méandres de ses pensées mais à la vision de son visage décomposé, il comprit qu'il lui avait asséné un coup.
- Il a perdu la mémoire ?
- Oui, il ne se souvient de personne, il a perdu tous ses souvenirs. Il sait lancé un sort, écrire, compter et cetera mais le reste il a oublié.
- Mon dieu, c'est encore pire.
- Oui.
- C'est pour ça qu'il s'est effondré ?
- Je pense que te revoir a créé un choc trop violent.
- Et toi ?
- Ses souvenirs de moi sont revenus plus sporadiquement. Et il en a tout de même moins de moi.
- Comment il s'est souvenu de toi ?
- Il a entendu mon nom.
- Où était-il tout ce temps ?
- Dans de la brume, d'après ses dires. Cela fait un an qu'il est sur Londres mais comme il n'avait plus de souvenir du monde magique, il n'a pas pu te retrouver, toi ou Ron d'ailleurs.
- Dans de la brume ?
- Il est réellement mort je pense, mais pas en totalité.
- Il est totalement mort ou pas ?
- Il a du franchir un premier cap. Je pense que Dumbledore l'a sauvé.
- Alors j'avais raison. Et toi aussi. Il y a un an, nous savions et nous n'avons rien fait. Rogue a cherché Dumbledore partout et j'ai été incapable d'en faire autant pour Harry. Je suis lamentable.
- Ne t'apitoies pas sur ton sort Granger. Ta théorie était improbable. Et quand bien même tu ne l'aurais pas retrouvé.
- Tu as raison.
Hermione était sur le point de craquer. Elle n'avait plus l'habitude de toute cette pression, de ces histoires absurdes et d'imaginer des dizaines d'hypothèses. Avec si on pouvait mettre Paris en bouteille, disaient les français.
Elle crispa ses mains sur ses genoux. Et se tourna vers le Serpentard.
- Tu peux le soigner ?
- Il faut utiliser la legilimencie. Je ne voulais pas le faire tant qu'il n'y avait personne d'autres. Cela peut-être un peu violent.
- Ok et on peut faire ça quand ?
- J'aimerais tester autre chose avant. Dès qu'il sera réveillé.
- Je ne suis pas guérisseur, je… dans ce domaine tes compétences sont largement supérieures aux miennes.
- Merci de le reconnaitre, fit-il avec un ton supérieur et un léger sourire.
- Je dois te faire confiance et je n'y arrive pas. Je sais pourtant que tu étais le meilleur de ta promotion. Et je sais aussi que tu es un excellent legilimens mais s'il te plait, ne lui fait pas de mal.
- Pour qui me prends-tu ?
- Je dois juste te le demander.
Ils restèrent silencieux encore quelques minutes puis Draco ne put s'en empêcher.
- Alors ton mariage ?
- Tout va très bien merci.
- Vraiment ?
- Oui vraiment Malfoy, elle était sèche et son ton indiquait clairement qu'elle ne voulait pas poursuivre la conversation.
- Donc t'être mariée à vingt ans et avoir un enfant au même âge te rend heureuse ?
- Depuis quand y'a t-il un âge précis pour se marier ou avoir des enfants ?
- Tu ne réponds pas à la question.
- Ecoute Malfoy, si tu t'ennuies en attendant qu'Harry se réveille trouve toi une autre occupation. Je ne te servirais pas de défouloir, nous ne sommes plus à Poudlard. Je ne suis plus une enfant et je refuse d'entrer dans ton jeu. Que tu ais ce genre de propos par pure méchanceté, par jeu ou que tu sois jaloux parce que toi tu n'as personne, je m'en fiche alors ferme là.
Contre toute attente Draco Malfoy rit, certes il n'éclata pas de rire, il n'aimait pas se montrer en spectacle, mais il avait clairement exprimé un sentiment de joie. Hermione en fut plus que surprise.
- J'avoue, je m'ennuie.
- Gamin.
- Alors là, quelle insulte ! Je suis touché en plein coeur.
Hermione se contenta de croiser les bras et ne répondit pas.
- Pourquoi tu n'as pas épousé Ron ? Hermione haussa les sourcils et il se justifia. Je veux dire, tout le monde s'attendait à ce que tu épouses un Weasley mais tous les paris étaient sur Ron, pas Fred.
- Ça ne s'est pas passé comme cela, c'est tout… Moi aussi, Ron aussi d'ailleurs, nous pensions finir ensemble mais la dernière année à Poudlard a tout changé.
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