Trop de choses dans mon ventre. Trop de danseuses qui jouent des claquettes au fond de mes tripes, trop de flirts réduits au silence par un seul baiser. Je suis folle d'avoir fait ça, je suis une pauvre tarée sans cervelle. Je ne peux même pas revenir en arrière.

Tu ne le sais peut-être pas si tu n'es pas de la maison, mais lorsque les Gryffondor décident de faire la fête, ils ne la font pas à moitié. Il y a eu une soirée en l'honneur de je-ne-sais-plus-qui, pour je-ne-sais-plus quelle raison. Et comme toujours cela s'annonçait mémorable. Le jour J, les bouteilles circulaient sans vergogne. J'ai bu des alcools dont je ne connaissais même pas le nom, dans les verres de parfaits inconnus. Une étrange poudre jaune inventée par Fred et George rendaient les gens surexcités et hystériques dès qu'on la mettait en contact avec la langue. Je me suis bien gardée d'y toucher.

On était tous de bonne humeur, tout le monde riait, tout le monde se sentait bien. Cette soirée était particulièrement réussie, peut-être même plus que les autres, et c'est de là qu'est venu le danger. Je me sentais trop bien. J'ai oublié où était ma place.

Je l'ai embrassée.

Je l'appellerais désormais G. Comme « Girl », si tu veux. Ou autre chose. Elle était là, dans son uniforme. Elle me regardait. La cravate en piteux état, les premiers boutons de sa chemise blanche, défaits, improvisaient un décolleté entre ses petits seins. Et elle me regardait, à travers les verres, les rires.

Un mélange de flatterie et de gêne.

Aucun ami n'a remarqué nos échanges, enfin je crois. On étaient tous trop défoncés pour se rendre compte de quoi que ce soit, de toute façon. Dans un coin, Hermione tentait de parler avec son chat, tandis que Neville et Angelina jouaient à « qui boira le plus ». Le reste des troupes ne devait pas être bien plus reluisant, mais je ne me souviens plus très bien des détails. Je lui ai souri, elle a détourné les yeux.

J'ai bu, j'ai bu beaucoup. Elle avait disparu. La nuit était avancée, et nous empêchions les tableaux de dormir. Tous ces grands magiciens, ces inventeurs de génie réduits à l'impuissance entre quatre planches de bois. J'ai toujours pensé que quelques coups de pinceaux ne valaient pas l'éternité. Pas celle-là en tout cas. Entourés de mômes braillards et alcooliques, il y a de quoi se taper la tête contre les murs. Elle est belle, l'immortalité !

Je l'ai rencontrée à côté d'un tableau vidé de ses occupants. Un verre à la main, elle avait reposé son front contre la pierre. Calmer les étourdissements dû à l'alcool, sans doute. Ce coin était désert, comme mort. Je la regardait respirer. Ses yeux fermés semblaient plonger ses cils dans le vide, tandis que sa bouche entrouverte faisait de la buée sur le mur. Je la trouvais très belle.

Elle remarqua ma présence, jeta un coup d'œil dans ma direction. Le temps d'un sourire et elle appuyait son dos sur le mur. Elle me dit quelque chose que je n'entendis pas dans le vacarme ambiant. Je lui demandais de répéter, et elle rit. Elle possédait cette nonchalance particulière qui me faisait craquer.

Il fallait que je la prenne dans mes bras.

Je me suis approchée d'elle. G me regardait, un petit sourire accroché au visage. A cet instant, savait-elle ce que j'allais faire ? Je crois lui avoir demandé la permission de l'embrasser. Elle rit encore et prît ma taille, collant son ventre au mien. Je la sentais à travers le tissus, contre ma cuisse, et sa cuisse entre mes jambes.

Alors, je fermais les yeux et l'embrassais. Il y avait le creux de sa taille sous mes mains, et son haleine de whisky... Ma langue n'a jamais aussi bien dansé, je crois. L'embrasser elle, plutôt qu'un autre. En tout cas, ce baiser-là était... Bien meilleur. L'alcool faisait tourner ma tête, et moi, j'avais l'impression de plonger dans le vide. J'étais au bord d'une falaise et je décidais de sauter. Je lâchais tout. Je perdais pied, enfin.

Ce matin, j'avais la bouche pâteuse, et des nausées. C'est sous la douche que je me suis rendue compte de ce que j'avais fait. Tu pourrais penser que ce n'est qu'un simple baiser et qu'il n'y a rien de grave, et tu te tromperais. Ce n'était pas un simple baiser. Pas avec elle. Pas comme cela. Les baisers échangés en soirée ne laissent pas de telles sensations au réveil.

Je vois Harry aujourd'hui. Il faut que je sorte cette fille de ma tête. J'espère que personne ne nous a vu.