J’ai mes règles. Il fait beau, il fait chaud, et j’ai mes règles. Oh bien sûr, ce n’est pas la première fois, et ce ne sera certainement pas la dernière. Malheureusement. Tu as déjà eu tes règles ? Non non, ne réponds pas finalement. On est ici pour parler de moi, pas vrai ? Et ce que tu vis ne m’intéresse pas. Avoir ses règles quand il fait chaud, c’est pire que tout. Déjà qu’à la base tu ne te sens pas très propre, avec ces pertes blanches et ce sexe parfois odorant (sans compter tous ces poils à entretenir), mais alors, quand ces deux facteurs entrent en jeu, c’est carrément horrible. Tu as littéralement l’impression de… Suinter. J’ai l’impression de suinter. D’un sang dégueulasse, à mi-chemin entre le liquide et le poisseux. Tu sais, entre tes cuisses, ce long filament froid presque noir, qui se contente d’osciller entre l’eau rougie de la cuvette et la chaleur étouffante de ton ventre, sans jamais choisir de tomber. Celui-là même qui te fait te sentir sale. Malgré toutes les potions du monde, rien n’y fait. C’est là. En toi. Ce sang qui passe à travers la magie, rugissant tellement fort qu’il te fait mal au bide. Ce sang, pas impur mais juste sordide, comme une glaire enrhumée. Ce truc puant que tu expulses sans le vouloir et qui termine dans la poubelle. Il est là. En toi. J’aime tout particulièrement les expressions délicieuses qui entourent ce tabou. - « J’ai mes règles. » Traduction : je suis réglée. Pubère, prête à l’emploi. T’es une femme maintenant. Allez-y messieurs, envoyez la sauce… - « J’ai mes ragnagnas. » Sous-entendu : tu vois ce que je veux dire, hein ? Non, je t’en pries, dessine-moi des ragnagnas. Et ce n’est pas en déguisant ce phénomène répugnant avec une répétition de syllabes que tu vas réussir à le rendre mignon. Désolée, hein. - « Les Anglais ont débarqué ! » Celle-là est de loin ma préférée : on désigne par la guerre ce par quoi on est en mesure de perpétuer la vie. Ainsi, le sang versé des Anglais est aussi abondant que celui qui est en train de couler de ton vagin. Leur sang et le tien, c’est pareil. Les mêmes, en fait. Un sang qui ne vit plus. Un sang qui pue le cadavre. Les mêmes, je te dis. Tous ces hommes tombés au champ d’honneur rappellent le champ de bataille qu’est ton ventre. Tu es la vie, mais n’oublions pas non plus qu’à chaque fois que tu as tes règles, tu es le Grand Vide. Tous les mois, tu te transformes en cadavre vivant. Tu es ce que l’humanité entière, moldus comme sorciers, redoutent tant. Tu es pleine de vie, mais ton bassin présente les signes de la putréfaction, il sue rouge, comme une affreuse maladie. Ce petit nid douillet derrière ton nombril, confectionné tout spécialement pour un enfant qui ne verra jamais le jour… Les mêmes. Mais ne t’inquiètes pas, va. C’est juste la mort qui passe entre tes jambes. Pas de quoi paniquer… Vraiment, pas de quoi paniquer… |