Quand Hermione se leva le lendemain, elle entrouvrit doucement la porte de la chambre de son ami et fut agréablement surprise en voyant qu'elle était vide. Harry semblait déjà avoir déserté sa chambre, ce qui fit sourire la jeune fille. Même si le jeune homme avait l'air bien mieux la veille, elle n'avait pu s'empêcher de craindre qu'il ne s'agisse que d'un rétablissement temporaire. Mais force est de constater que ses craintes n'étaient pas fondées.
C'est donc avec enthousiasme qu'elle dégringola les escaliers de la maison pour rejoindre le salon. Les Tonks mangeaient en silence, mais Harry n'était nulle part en vue. Elle adressa un regard interrogateur aux deux adultes.
- Il est dans le jardin, répondit Andromeda à la question muette. Cela fait deux heures qu'il s'occupe du potager. Impossible de l'éloigner pour qu'il puisse prendre son petit déjeuner.
Hermione hocha doucement la tête et traversa le salon pour ouvrir la baie vitrée. À l'extérieur, la neige tombait, dérivant silencieusement à terre comme des cendres. Elle appela son manteau et se rua vers la serre au fond du jardin. Heureusement, celle-ci était chauffée et la température était bien plus agréable à l'intérieur. Elle repéra rapidement son ami, accroupit devant un plant de tomates, en train de faire... En fait, elle n'en avait aucune idée. Le jardinage n'était absolument pas sa tasse de thé et elle était même incapable de s'occuper d'une plante (non magique, bien entendu) sans la faire mourir au bout de quelques jours. En revanche, les gestes experts d'Harry ne laissaient pas de place au doute sur ses capacités. Probablement un héritage de sa vie chez les Dursley.
Avec une grimace à cette pensée, elle se faufila dans l'allée et interpella son ami :
- Salut Harry.
- Salut Hermione, répondit-il sans lever les yeux.
- Qu'est ce que tu fais ? Demanda-t-elle sur le ton de la conversation.
- Je redresse ces plants.
- Tu ne viens pas déjeuner ?
- Je n'ai pas vraiment faim.
Hermione se mordit la lèvre.
- Tu as besoin de manger pour te remettre. Ton corps à besoin de nourriture.
Harry se tourna enfin vers elle avec un sourire.
- J'apprécie ta sollicitude, Hermione. Mais je t'assure que je peux tenir jusqu'à midi.
Sentant qu'elle n'arriverait à rien, la jeune Gryffondor préféra ne pas insister. Elle ne voulait pas le braquer.
- OK. Comme tu veux, y'en aura plus pour moi. Ne te tue pas à la tâche, conseilla-t-elle avant de sortir.
Elle rentra à l'intérieur de la maison et s'attabla avec les Tonks. Voyant leur expression interrogatrice, elle leur raconta sa discussion avec Harry.
- Cette soudaine envie de travailler, m'inquiètes, avoua Hermione.
- Tu t'inquiètes pour rien, tempéra Ted. Il est resté inactif depuis son arrivée et il n'y a pas beaucoup de choses à faire dans le coin. Il s'occupe comme il le peut.
Andromeda approuva d'un mouvement de la tête son mari.
- Il a raison, Hermione. C'est normal qu'il veuille se vider un peu la tête.
Hermione acquiesça bien qu'elle craignait toujours que ce soudain entrain ne cache autre chose. Mais ne voulant pas dramatiser, elle laissa de l'espace à Harry et passa la matinée à jouer avec Ted, appréciant ce petit moment de normalité. Le bambin ne cessait de rire alors qu'elle lui montrait toutes les mimiques de sa panoplie. Ce n'est que lorsqu'il devint grincheux, probablement à cause de la faim, qu'elle le cala dans ses bras pour le confier à sa grand-mère.
Au moment où le micro-onde bipait pour annoncer que le biberon était chaud, Harry rentra dans la maison en se débarrassant de ses chaussures boueuses. Les joues rougies par le froid et l'effort, il semblait bien plus alerte que d'habitude. Il avait toujours cet air un peu perdu, ce qui n'était pas étonnant au regard du fait qu'il avait manqué une année riche en événements.
- Le potager se porte bien ? Demanda Andromeda en revenant de la cuisine, le biberon à la main.
- Oui, répondit Harry avec un sourire. Il y a encore un peu de travail, mais il est très bien entretenu.
Il se tourna vers Hermione qui soutenait toujours Ted puis regarda Andromeda.
- Je peux ?
La femme mit un moment à comprendre la question mais s'empressa de répondre :
- Oh. Bien sur.
Hermione s'approcha alors de son ami et lui mit le bambin dans les bras. Celui-ci plongea ses yeux dans le regard émeraude du Gryffondor, puis décidant qu'il l'aimait bien, lui adressa un sourire radieux. Les traits du Gryffondor se détendirent et il sourit en retour :
- Tu as faim, hein ?
Andromeda lui donna le biberon qu'il approcha de la bouche de Ted qui ne se fit pas prier pour se jeter dessus. Ces petites mains enveloppèrent le biberon et l'inclinèrent, comme s'il voulait montrer au jeune homme la position idéale.
Hermione les regarda tous les deux avec attendrissement.
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Le déjeuner fut tellement copieux qu'Hermione eut du mal à se motiver à se lever. Son estomac était tellement plein que son ventre avait gonflé, l'obligeant à desserrer un peu sa ceinture. Tout le monde semblait à moitié comateux, sauf Harry, qui débarrassait la table en sifflotant. Ils l'entendirent mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle et nettoyer le plan de travail.
- Ne t'embêtes pas, Harry, nous le ferons plus tard, lança Andromeda par dessus son épaule.
- Cela ne me dérange pas, je vous assure, répondit-il depuis la cuisine.
Hermione haussa simplement les épaules et alla chercher un livre à bouquiner. Outre le fait d'aider Harry, la jeune fille appréciait cet interlude d'un calme olympien par rapport à la vie qu'elle avait quitté en Angleterre. Bien qu'une partie de son cerveau culpabilisait d'avoir laissé ses amis en pleine guerre pendant qu'elle était en sécurité en France.
Comme l'avait prévu Hermione, la frénésie de son meilleur ami ne se calma pas. Il passa la journée à faire le ménage, à s'occuper de Teddy et repartit même dans la serre pour s'occuper du reste du potager. Relativisant, la jeune fille décida de le laisser faire. Ce n'était pas forcément mauvais qu'il cherche à s'occuper. S'il avait besoin de cela pour se remettre, alors qu'il rebâtisse la maison, qu'il repeigne la clôture...
Mais la situation se dégrada deux jours plus tard. Harry s'était levé aux aurores, comme à son habitude, et faisaient les cents pas dans le salon. C'est ainsi que le trouva Hermione quand elle descendit les escaliers. Ils faisaient des allés et venues, s'arrêtant un moment pour bouger un objet de quelques millimètres ou essuyer un meuble. Il marmonnait en même temps des phrases incompréhensibles.
Alarmée, Hermione se rua vers lui et le saisit par les épaules.
- Harry ? Qu'est ce qui t'arrive ?
- Je n'ai rien à faire, Hermione, répondit-il d'une voix affolée. La maison est propre, le potager n'a plus besoin de moi, Ted dort encore...
Il empoigna ses cheveux avec ses mains et laissa échapper une plainte.
- Harry, écoutes moi. Ce n'est rien. Ce n'est pas grave.
- Si ! Il faut que je m'occupe ? Je dois faire quelque chose, sinon... Sinon...
- Sinon, quoi Harry ? S'enquit Hermione, voyant arriver le fond du problème.
Elle s'en doutait en réalité, ce à quoi Harry essayait d'échapper. Mais elle voulait qu'il lui avoue par lui-même.
- Sinon... Je vais y penser, murmura-t-il si doucement qu'elle l'entendit à peine. Et... Je ne veux pas... Qu'est ce qui m'arrive ?
- Ta réaction est normale, Harry, expliqua-t-elle en le poussant doucement dans un fauteuil. Tu ne veux pas faire face...
- Ne me traite pas de lâche, gronda-t-il si brusquement qu'elle fit un pas en arrière.
- Jamais, je ne ferais une chose pareille, s'écria-t-elle aussitôt. Tu n'es pas un lâche, Harry. Tu ne l'as jamais été et tu ne le seras jamais. Mais...
Elle s'accroupit devant son ami, les mains sur les accoudoirs.
- Ce n'est pas une question de courage ou de lâcheté. N'importe qui ayant vécu un traumatisme comme le tien essaie d'y échapper. C'est une réaction normale, il faut que tu l'acceptes.
Toute trace d'emportement disparut des traits d'Harry pour laisser place à l'abattement.
- Qu'est ce que je dois faire ? Murmura-t-il. Je me sentais bien en travaillant...
- T'occuper est une activité saine. Être actif peut t'offrir temporairement un peu de quiétude dans les moments difficiles. Mais tu ne dois pas tomber dans la suractivité, au point de refouler tes propres émotions. Cela ne t'aidera pas à avancer. A un moment où à un autre, tu devras faire à nouveau face à tes sentiments.
Hermione avait l'impression de faire de la psychologie de comptoir mais c'était tout ce qu'elle avait en stock.
- Je ne sais pas si j'en suis capable, pour le moment, avoua-t-il avec ce qui ressemblait à de la honte dans la voix.
- Ce n'est pas grave. Tu dois y aller à ton rythme. Tu ne le feras que lorsque tu seras prêt. Ce n'est ni à moi, ni à personne d'autre de choisir le moment.
Cela sembla rassurer un peu le Gryffondor.
- En attendant, tu dois reprendre une vie saine. Et si pour cela, je dois rester derrière toi comme si mon ami avait régressé de dix ans, je le ferais.
Harry laissa échapper un bref rire qui remonta aussitôt le moral d'Hermione.
- En parlant d'occupation saine... Une bataille explosive, ca te dit ? Proposa-t-elle.
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La semaine suivante se passa sans heurt. Hermione ne blaguait pas en disant qu'il devait avoir une vie saine et qu'elle ferait en sorte que ce soit le cas. Elle lui prépara un planning (comme avec un gosse, se plaignit-il) du lever au coucher du soleil, en faisant en sorte de l'occuper, sans le surcharger de travail. Ne voulant pas le brusquer, elle évita de parler du sujet sensible, attendant qu'il décide lui-même d'en parler.
Cependant, alors que la mois de janvier s'achevait, Harry changea de comportement. Il devint plus renfermé, ne communiquant que le minimum, plongé dans ses pensées la plupart du temps. Hermione n'intervint pas et se contenta de l'observer pour être certaine qu'il ne fasse rien d'inconsidéré. Sa patience fut récompensée, lorsqu'un soir, alors que tous le monde était couché, il frappa timidement à la porte de sa chambre.
La jeune fille, en pyjama et prête à se mettre au lit, ouvrit la porte et l'invita à entrer. Il fit quelques pas dans la pièce et se tourna vers son amie.
- J'ai surpris une conversation entre Andromeda et Ted. A propos d'une attaque et de beaucoup de blessés.
Hermione inspira longuement pour calmer les brusques battements de son cœur.
- Les médicomages sont surchargés de travail, ils ne sont pas assez nombreux pour gérer toutes les victimes. Je ne sais pas ce qu'il s'est réellement passé, mais...
Hermione le regarda sans l'interrompre.
- Il est temps, lâcha-t-il soudainement en se laissant tomber sur le lit.
Hermione ne répondit pas, le laisser continuer.
- Je ne peux pas rester ici à fuir la réalité éternellement alors que tous le monde se bat en Angleterre, Hermione.
- Personne ne s'attend à ce que tu ailles te battre maintenant.
- Je sais, dit-il d'un ton agacé. Mais moi, si. Tu te rappelles ce que tu m'as dit il a quelques temps ? Que je devrais un jour ou l'autre faire face, et qu'il m'appartenait de choisir le moment ? Et bien, j'ai choisi. Maintenant. Je suis prêt.
Hermione hésita, décontenancée par la détermination de son ami. Elle ne savait absolument pas s'il était prêt à affronter la réalité. Devait-elle l'encourager finalement ? Elle n'en était plus certaine. Harry sembla comprendre le fil de ses pensées car il lui saisit doucement le bras.
- C'est ma décision Hermione. Ne t'en fais pas.
- Très bien, soupira-t-elle. Tu me fais confiance Harry ?
- Bien entendu, répondit-il spontanément.
- Alors je veux que tu écoutes attentivement ce que je vais te dire. Après l'été de notre sixième année, et la mort de Dumbledore, nous avons décidé, Ron, toi et moi, de ne pas retourner à Hogwarts. Tu te souviens de cela ?
- Oui. Nous avons assisté au mariage de Bill et Fleur mais des Mangemorts sont arrivés et nous avons fuit.
- Exact. Nous nous sommes installés au Square Grimmauld et nous avons commencé à rechercher les Horcruxes. Nous avons appris qu'Ombrage détenait le Médaillon de Salazar Serpentard et nous avons commencé à surveiller le Ministère.
- Avec la Cape de mon père, je me souviens. Nous sommes entrés dans le Ministère et...
- Non, Harry, le coupa Hermione. Tu n'es pas venu.
Le jeune homme fronça les sourcils.
- Si je t'assure, nous avons infiltré le Ministère, récupéré le Médaillon sur Ombrage et nous avons décampé pour rentrer à Grimmauld. Nous l'avons détruit aussitôt.
- Comment ? Rétorqua Hermione du tac au tac.
Il sembla fouiller dans ses souvenirs, l'air concentré.
- Je l'ai ouvert en parlant Fourchelangue. Et... Je... Je ne sais plus.
Hermione glissa une main dans sa poche et en sortit le coffret que Kara lui avait confié. Elle l'ouvrit d'un coup de baguette et en montra le contenu à son meilleur ami.
- C'est Ron et moi qui sommes allés le récupérer, seuls. Et nous n'avons pas encore réussit à le détruire.
L'incompréhension se peignait sur le visage d'Harry alors que son visage commençait à se décomposer.
- Un matin, raconta Hermione alors qu'une boule se formait dans sa gorge, alors que tu surveillais le Ministère, tu n'es pas rentré à l'heure convenue. Nous sommes allés à ta recherche et nous avons appris que des Aurors t'avaient capturé... et livré à Tu-Sais-Qui.
La jeune fille vit son ami fermer les yeux, les traits de son visage tendus. Elle mit quelques secondes à trouver le courage de continuer :
- Tu as disparu pendant environ un an, Harry.
Harry ouvrit brusquement les yeux.
- Le jour où je suis arrivée ici, tu m'as dit que tu te rappelais de Remus et moi dans les cachots de Tu-Sais-Qui. Ce souvenir est réel, Harry. C'est probablement le seul véritable souvenir que tu ais... Termina-t-elle dans un souffle.
Un instant, Hermione craignit d'avoir été trop brusque avec Harry. Il la fixait mais ne semblait pourtant pas la regarder. De peur d'aggraver les choses, elle n'ajouta rien et attendit avec angoisse qu'il réagisse.
- Ce n'est pas possible ! Cria-t-il finalement, la faisant sursauter. Tu mens !
- Harry, je...
- Non, s'écria-t-il en se levant d'un bond.
- Tu dois me croire... Le supplia-t-elle. Je n'ai aucune raison de te mentir.
Il se prit la tête entre les mains.
- Tu te trompes... TU TE TROMPES !
Avant qu'elle n'ait pu le retenir, il s'était enfuit de la chambre. Figée, elle fixa un moment la porte où son ami avait disparu avant de s'effondrer sur son lit, les épaules secouées par des sanglots.
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- Aaaahhhhhhhhhhhhh !
Le cri qui résonna dans la maison réveilla Hermione en sursaut. Persuadée que quelqu'un de mal intentionné avait pénétré dans la maison, elle attrapa sa baguette magique et se rua hors de sa chambre. Saisie d'une impulsion, elle pénétra dans la chambre de son meilleur ami, sa baguette tendue devant elle.
- NNNooooonnnnn !
Comprenant enfin ce qu'il se passait, elle rangea sa baguette et se précipita au chevet d'Harry qui se débattait dans son lit. La sueur coulait le long de ses tempes, ses mains crispées sur ses couvertures, il semblait perdu dans un cauchemar particulièrement atroce. Affolée, elle posa difficilement ses mains sur les épaules d'Harry et le secoua :
- Harry, réveilles toi. HARRY !
Le jeune homme se redressa brusquement, les yeux grands ouverts. Il tourna son regard hagard vers Hermione, une main sur son cœur. Puis, sans prévenir, il s'effondra dans les bras de son amie. Ses épaules se soulevaient à intervalles réguliers et elle se rendit compte qu'il pleurait. Elle resserra son étreinte alors qu'elle sentait son pyjama s'humidifier au contact des larmes de son ami. Elle le berça doucement, lui murmurant des paroles réconfortantes à l'oreille. Il mit une bonne heure avant de se calmer et de glisser lentement vers le sommeil. Voyant qu'il la tenait toujours fermement, et ayant peur de le laisser seul, elle abandonna l'idée de rentrer dans sa chambre et se cala confortablement dans le lit de son meilleur ami.
Quand elle émergea du sommeil le lendemain matin, les rayons du soleil lui réchauffant le visage à travers la vitre, elle mit quelques secondes à se remémorer les événements de la veille. Se redressant d'un bond, elle chercha Harry du regard. Celui-ci était debout face à la fenêtre, fixant l'extérieur. Quand il l'entendit sortir des couvertures, il se retourna :
- Je suis désolée pour ma réaction d'hier soir, dit-il en baissant les yeux.
- Tu n'as pas à t'excuser. J'ai peut-être été un peu brusque dans mes paroles. Ce que tu vécu avec Tu-Sais-Qui...
- Pourquoi tu ne l'appelles plus par son nom ? La coupa-t-il avec curiosité.
- Il a posé un sortilège de Tabou dessus. C'est pour cela que Dolohov et Rowle nous ont retrouvés après le mariage de Bill et Fleur. Dès que quelqu'un prononce son nom, il est au courant et envoie ses Mangemorts sur place.
Harry hocha la tête, incrédule.
- Je ne savais même pas que ça existait. Encore une chose que j'aurais du apprendre dans les bouquins, non ? Dit-il dans une tentative de plaisanterie.
Hermione esquissa un sourire amusé avant de se lever pour le rejoindre près de la fenêtre.
- Qu'est ce qui s'est passé cette nuit ?
- Quand je t'ai quitté, j'étais totalement perdu. Tes paroles ont déclenché des réminiscences, je crois. J'ai eu des flash. Une cellule sombre, V... Tu-Sais-Qui, les doloris...
Il se tut un instant le temps de se reprendre et de stopper les tremblements qui secouait son corps frêle. Hermione admira alors le courage dont Harry faisait preuve pour surmonter son traumatisme et aller de l'avant.
- Quand j'ai enfin réussi à m'endormir, j'ai fais un cauchemar. Enfin, non. Je ne pense pas qu'il s'agissait d'un cauchemar, mais plutôt des souvenirs qui sont remontés à la surface.
- Tu veux en parler ?
- Pas tout de suite... J'ai... J'ai besoin de remettre tous cela en ordre avant de pouvoir en parler avec quelqu'un.
- Il n'y a pas de soucis. Je serais là, quand tu voudras en parler, lui assura-t-elle en se levant.
- Je le sais.
Hermione allait sortir de la chambre quand il l'interpella :
- Dis, pourquoi ai-je d'autres souvenirs ?
- Notre théorie est que tu as développé une sorte de système de défense lorsque tu étais captif, expliqua-t-elle en faisant volte-face. Tu as crée une autre version des événements pour te protéger de la réalité. Vois cela comme une sorte de disjoncteur qui t'empêche d'être écrasé par des émotions trop fortes.
- Et je l'ai tellement bien fait que je ne sais plus faire la différence entre la réalité et mon monde imaginaire, compléta-t-il d'une voix amère.
- Oui, répondit-elle simplement. Mais tu fais des progrès de jour en jour, Harry. Ce n'est pas irréversible.
Il hocha simplement la tête, l'air déjà ailleurs. Sans un mot, elle sortit en refermant la porte derrière elle.
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Harry eut besoin d'une semaine supplémentaire pour faire le point et accepter les nouveaux souvenirs qui s'imposaient à lui. Durant cette période, il ne se joignit que peu de fois aux repas et personne ne le força à plus de contacts. La seule vision des cernes creusées sous ses yeux et son teint pâle causait une peine immense à Hermione mais elle savait qu'il devait en passer par là. Son rétablissement passait par l'acceptation de ce qui lui était arrivé, et dans cela, elle n'avait aucun rôle à jouer à part celui du soutien. Elle devait le laisser se débrouiller seul avec ses démons, même si cela lui brisait le cœur.
Mais le premier jour de février, Hermione avait sentit que son ami essayait de venir vers elle toute la journée, sans vraiment y parvenir. Le soir venu, Harry et elle lisaient dans le silence, chacun pelotonné dans un fauteuil du salon. Andromeda était partie se coucher depuis un moment, laissant à Ted le soin de coucher son petit-fils.
- C'était horrible, lâcha-t-il brusquement.
Hermione marqua la page du livre de sortilèges qu'elle lisait et le posa à coté d'elle.
- Il jubilait, continua-t-il sans oser la regarder en face, quand il est entré dans les cachots du Manoir Malfoy. Il m'a torturé pendant des heures avant que je ne perde connaissance. Quand je me suis réveillé, j'étais attaché au mur d'une cellule crasseuse, dans d'autres cachots. Après, j'ai perdu la notion du temps. Je ne savais jamais si c'était le jour ou la nuit, quel jour ou même mois on était.
Maintenant que cela sortait, il ne semblait pouvoir s'arrêter.
- La seule chose qui rythmait mes journées était Ses visites et le peu de fois où on m'apportait de la nourriture. Enfin, nourriture est bien grand mot pour du pain rassis et de l'eau. Mais cela n'arrivait pas tous les jours. Je passais parfois de longs moments avant de voir quelqu'un. Mais je préférais encore ne voir personne.
Un frisson le parcouru.
- Je pensais que le Doloris était le pire sort qu'il soit, mais j'avais tord. Il trouvait toujours de nouvelles manières de me faire souffrir. Il était très imaginatif sur ce point. Je pensais qu'il se lasserait à un moment et qu'il me tuerait. A un moment, je l'ai même espéré. Je ne supportais plus les tortures. Mais il prenait toujours soin de s'arrêter avant que ses sortilèges ne deviennent mortels.
Hermione se força à ne pas réagir de peur de le couper dans son élan. Mais elle avait du mal à rester stoïque face à ce que lui racontait son meilleur ami. Malgré cela, elle l'écouta jusqu'au bout lui raconter les détails de sa captivité, ses sentiments, ce que Voldemort avait pu lui raconter pour le briser. Et la jeune fille ne vit que son admiration grandir pour lui. Lui qui avait passé des mois et des mois à se faire torturer physiquement et moralement... Lui qui avait résisté, qui n'avait pas vendu son âme à son pire ennemi pour voir ses souffrances s'arrêter. Lui qui n'avait pas été brisé malgré tous les efforts de Voldemort.
- Mais pour être honnête, ce ne sont pas les sortilèges qui m'ont le plus fait mal, avoua-t-il dans un souffle. C'était ses mots. Il racontait beaucoup de choses sur vous. Et je ne pouvais pas démêler le vrai du faux. Je me doutais qu'il mentait, qu'il essayait de me faire perdre pied. Mais une partie de moi ne pouvait s'empêcher d'y croire. Il m'annonçait régulièrement la mort de personnes que je connaissais, à cause de moi, parce qu'il me faisait confiance, parce qu'ils étaient naïfs. Cela a été Ginny, puis toi, Ron...
- Il mentait Harry, le coupa Hermione. Je suis vivante. Ginny et Ron aussi, ils vont bien.
Tout du moins, elle espérait que ce soit le cas. Mais cela sembla rassurer Harry et c'était le plus important pour le moment.
- Je crois que c'est à ce moment que j'ai commencé à rêvasser. Au début, je voulais simplement m'évader, surtout après Ses visites, pour oublier la douleur. Mais, au bout d'un moment, je m'échappais également pendant mes heures de solitudes et même lorsqu'Il était présent. Je ne sais pas quand cela a dérapé, quand j'ai inversé la réalité de la fiction...
- Ce n'est pas vraiment important Harry, murmura-t-elle. L'essentiel est que tu reconnaisses le monde réel.
- C'est dommage... On s'était vraiment éclaté en Espagne, dit-il avec une désinvolture feinte.
- Crois-moi, j'aurais préféré, répondit-elle du même ton.
Harry bailla.
- Tu devrais aller te reposer.
Le visage de son ami se décomposa.
- Je ne... Je ne tiens pas vraiment à affronter une nouvelle nuit de cauchemars.
Hermione réfléchit un moment. Elle avait bien une idée, mais ce n'était pas une solution à long terme, c'était trop dangereux. Mais à court terme, cela pouvait aider son ami.
- Je vais te donner une potion de sommeil sans rêve. Au moins, cette nuit, pour que tu puisses avoir une bonne nuit de sommeil.
Le soulagement se peignit sur le visage du jeune homme.
- En plus, tu as vraiment une sale tête.
Dans un geste puéril, il lui tira la langue. Hermione secoua la tête et se leva pour aller chercher la potion.
- Le-Garçon-Qui-A-Encore-Survécu, testa-t-elle.
- Hein ? Ah non, s'il te plaît. Ne commence pas...
- Je trouve que ça sonne bien, répliqua-t-elle avec un sourire espiègle. |