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au 31 Mai 21 :
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Into the Deep
Par Natalea
Originales  -  S-F/Fantastique  -  fr
22 chapitres - Complète - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 17     Les chapitres     2 Reviews    
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Origines

Je m’agenouille auprès de la créature sans céder à mes tremblements. De longues secondes, j’attends que de nouvelles paroles franchissent ses lèvres, mais rien. Uniquement ce sentiment d’urgence, et ce rejet catégorique, dans ses iris.

— Pourquoi non ? je lui demande, fixé sur sa réaction. Avant que je ne te découvre, tu étais prête à t’enfuir. Pourquoi refuses-tu maintenant ?

Je réitère mes questions dans la langue des habitants de l’île Blackney. Pas de réponse. J’ai l’impression que la créature me dévisage comme si elle espérait que ses mots s’encrent d’eux-mêmes dans mon esprit, rien qu’à l’intensité de son regard.  

— Peut-être qu’elle ne tentait pas de s’enfuir lorsque tu l’as rattrapée ? suggère Ophélie en désespoir de cause.

— Qu’aurait-elle pu faire d’autre ? Si tu étais à sa place, t’évader ne serait pas ta seule préoccupation ?

— Si, bien sûr. C’est pour cela que je cherche une explication. Qu’y a-t-il d’autre dans cette partie du bateau ?

Je réfléchis mentalement au chemin que j’ai parcouru depuis l’aquarium pour retrouver la créature :

— Si on monte, il y a le poste de pilotage, j’énumère à l’aide de toute ma mémoire. Au même étage, les laboratoires 1 et 2. Si on descend les escaliers au bout du couloir, on tombe sur les cabines de l’équipage, et je crois qu’il y a un accès technique quelque part qui plonge encore plus bas, vers la citerne d’eau douce sans doute, ou la salle des machines. Je ne vois pas ce qu’elle aurait été fabriquer là-bas. Moi-même, je me perds dans ce foutu bateau… Quant à elle, elle n’a jamais quitté son aquarium : impossible qu’elle se repère. Elle devait simplement chercher le chemin le plus rapide pour rejoindre la surface, c’est tout.

— Mais pourquoi ne le veut-elle plus maintenant ?

Je soupire, suppliant de nouveau le visage fermé de la créature de me fournir une indication.

— Je sais que tu me comprends, je murmure. Comment as-tu appris notre langue ?

La réponse fuse, en français, plus inattendue qu’un éclair :

— Sentinelles.

Je sursaute. Ophélie aussi. La voix de la créature est rauque, presque sifflante, comme extraite péniblement de ses milliers d’années de ténèbres passés au fond de la fosse.

— C’est la mission Sentinelles qui t’a appris notre langue ? j’interprète, incapable de comprendre. 

Ou peut-être ai-je trop peur de comprendre… Déjà, les rouages s’emboîtent dans mon esprit, confirmés par la créature qui acquiesce devant moi.

Ophélie et moi échangeons un coup d’œil. La mission Sentinelles, dirigée par mon père entre 1984 et 1989, a été la première à accoster sur l’île Blackney depuis le XIXsiècle. La première à établir des relations pacifiques avec les indigènes, à maîtriser leur langue, et à leur enseigner la nôtre en retour. La créature est en train de me dire qu’elle a appris le français au contact de la mission Sentinelles, sur l’île Blackney, auprès de ses habitants. 

— Est-ce que tu connais mon père ? je l’interroge, de plus en plus perdu. Henri Luzarche ? Ou ma mère, Mareve Temauri ? Adam Redouté ?

— Pas ta mère.

J’avale ma salive. Toujours ce regard vert qui ne cille pas, et le sentiment dérangeant que la créature voudrait me dire quelque chose d’important, sans trouver les mots pour le faire. Je n’arrive pas à croire que je suis en train d’avoir une conversation avec elle, notre première véritable conversation depuis le début de ce cauchemar monumental… Cette fois, il n’y a plus de doute possible. J’ai affaire à un être sentient, une conscience capable de communiquer avec l’Homme. Une égale.

— Tu ne connais pas ma mère…, j’insiste dans une tentative de me remettre du choc. Mais Luzarche ? Et Redouté ? Eux, tu les connais ?

La créature pointe du doigt le sol de la cabine :

— Ici.

« Ici »… Bien sûr. Elle les connaît car ils font partie de ceux qui l’ont étudiée à bord de ce navire. Elle les connaît comme elle me connaît moi. Ses geôliers.

La gorge sèche, je tente d’y voir plus clair :

— Si ce n’était pas eux, qui t’a appris notre langue ? D’autres membres de la mission Sentinelles ? Les indigènes ?

— Manaia.

Ce nom déclenche une bombe dans mon esprit. J’échange une nouvelle œillade avec Ophélie, frénétique, avant de reprendre :

— Tu connaissais Manaia ? Manaia t’a appris notre langue ?

Soudain, la créature tend ses mains vers moi. Les extrémités de ses doigts réunies pour former une pointe dont j’ignore totalement le sens. Mon premier réflexe est de reculer, mais lorsque ses ongles touchent la surface de mon pull, je ne peux réfréner un grand frisson. La créature exerce une pression, pile au milieu de ma poitrine, puis répète :

— Manaia.

— Sam…

Ophélie s’est tendue. Je peux sentir, rien qu’au ton de sa voix, que ce contact ne la rassure pas.

— Tout va bien, Ophélie, je la coupe avant que la créature ne s’alarme.

— Manaia, réitère celle-ci de son sérieux mortel. Et ton père.

— Mon père et Manaia t’ont appris notre langue ?

Je suis de plus en plus confus. Les propos de la créature se contredisent, et visiblement, elle ne maîtrise pas suffisamment le langage articulé pour préciser sa pensée. Pour la première fois, je remarque de longues estafilades rouges de part et d’autre de son cou : quatre de chaque côté.

— Ophélie, regarde !

La jeune femme se penche à son tour :

— Des branchies, conclut-elle, en écho à ma propre déduction.

J’ai de plus en plus de mal à contenir mon excitation :

— Tu te souviens quand nous avons découvert ses poumons atrophiés sur les radiographies ? Nous avions envisagé la possibilité d’un système respiratoire amphibie. De toute évidence, c’est bel et bien le cas.

Je me concentre à nouveau sur la créature. Il m’est difficile de réaliser qu’elle peut me comprendre, que le prodige scientifique que je fantasmais d’étudier quelques heures plus tôt se trouve aujourd’hui dépassé par autre chose : une conscience, un esprit et une sensibilité dont je ne peux plus faire abstraction. La créature n’est pas un objet. Ni un rat de laboratoire.

— Tu peux toujours respirer sous l’eau, n’est-ce pas ? je lui demande, fasciné par tout ce que cela impliquerait.

Un être de forme humaine, capable d’évoluer sous l’océan… La transcription littérale de mon rêve le plus fou et le plus ancien.

Elle ne répond pas, bien sûr. Mes conclusions se poursuivent d’elles-mêmes :

— Il y a fort à parier que parler lui fait mal. Au moins au début. Ses cordes vocales n’ont jamais servi, et elles doivent cohabiter avec les branchies.  

Spontanément, je tends la main pour examiner le cou de la créature. Elle se recule, comme moi-même quelques secondes auparavant. Je me maudis pour ma maladresse. Il faut absolument que je me maîtrise :

— Je ne vais pas te faire de mal, je lui assure de ma voix la plus réconfortante. Nous n’allons pas te faire de mal. Nous allons t’aider, comme tu le voulais.

J’ignore totalement l’étendue de son vocabulaire, aussi je tente de lui signifier, par ma seule intonation, tout le respect et l’admiration qu’elle m’inspire. Mais me fera-t-elle encore confiance, après tout ce que je lui ai infligé ? Moi, je ne le ferais pas…

Une grande tristesse m’envahit, accompagnée des remords désormais familiers. Plus que jamais, j’éprouve le besoin de réparer mes erreurs. Pour de bon, cette fois :

— Est-ce que tu as un nom ? je lui demande.

Cette pensée, je n’avais encore jamais osé la formuler. La possibilité que la créature, en plus de raisonner comme nous, fasse également partie d’un tout, d’une civilisation capable de nommer ses enfants, où chacun détient son individualité propre. Ce nom, ai-je vraiment envie de le connaître ? Ce serait un pas de plus sur la voie de non-retour dans laquelle je me suis engagé. Si la créature possède un nom, ce sont des siècles de réflexion sur la place de l’humanité dans l’infini qui voleraient soudain en éclat. Nous ne serions plus seuls. Nous ne l’aurions jamais été. J’ignore quel sentiment cela est censé nous inspirer : espoir, réconfort, crainte ? L’Homme a toujours redouté ce qu’il ne connaissait pas. Je choisis d’aller à l’encontre de mon espèce :

— Je m’appelle Sam, j’indique à la créature, ma paume plaquée sur ma poitrine dans un geste universel qu’elle comprendra peut-être. Sam.

Je désigne ensuite Ophélie :

— Ophélie. Sam, Ophélie.

En dernier, je tends la main vers la créature :

— Toi ?

La créature nous dévisage tous les deux, Ophélie et moi, pendant un long moment. À tel point que je perds l’espoir qu’elle nous réponde un jour. J’ignore comment fonctionne son esprit, ni quels stratagèmes pourraient me permettre d’y pénétrer… Quand soudain, deux syllabes franchissent ses lèvres :

— Nasca.

Pour la deuxième fois en quelques minutes, je reste abasourdi. D’abord Manaia, puis Nasca. Deux fantômes surgis tout droit de l’île Blackney, et qui prennent vie ici dans ma cabine, dans la bouche de cette créature venue du fond des eaux.

— Nasca…

À côté de moi, Ophélie comprend aussi vite que moi de qui il s’agit. Manaia et Nasca étaient deux habitants de l’île Blackney. Un père et son fils. Lorsque le chef du village, Ateo, avait conduit les siens à la mort dans le Pacifique, Manaia avait été le seul à s’interposer pour tenter d’épargner son enfant. Ateo lui avait porté un coup fatal, et avait noyé le garçon. Mes parents avaient découvert le corps agonisant de Manaia sur l’île, et ils l’avaient jeté dans la fosse des Mariannes, afin de cacher leur responsabilité dans ce crime.

Telle était la version qu’Adam m’avait livrée, peu avant sa propre mort. Une version confirmée par mon père. Et pourtant…

Et pourtant, je ne peux m’empêcher de me souvenir de la panique pure, sur le visage de Henri Luzarche, lorsque je lui ai avoué qu’Adam m’avait confié leur petit secret. Cela remonte à plus d’un mois, mais cette expression restera probablement gravée dans ma mémoire pour toujours, tant elle était inhabituelle de la part de mon père. La peur. Une peur animale, primaire. Qui ne souffrait ni raison ni sang-froid. Et cette question, lancée dans le vide à l’époque, et qui me revient en écho seulement maintenant tel un boomerang :

« Et quoi d’autre ? »

Voilà le premier réflexe qu’Henri Luzarche a affiché, lorsque je lui ai dit qu’Adam m’avait tout dévoilé, que je savais pour la dissimulation du corps de Manaia, et la responsabilité de la mission Sentinelles dans le suicide de masse des indigènes. Voilà ce que mon père m’a demandé : « Et quoi d’autre ? Qu’est-ce qu’Adam t’a raconté d’autre ? ». Comme si ces révélations n’étaient déjà pas suffisamment horribles comme cela…

Je me souviens de ses traits blêmes, de sa perplexité face à ma réponse, puis de son trouble et de son soulagement. Il m’a dissimulé quelque chose ce jour-là, indubitablement, mais j’étais trop choqué alors pour m’en rendre compte. Adam non plus ne m’avait pas tout dit. Même au seuil de la mort, il gardait en lui quelque chose dont il avait trop honte pour pouvoir l’avouer à voix haute.

« Je t’aime, oui », murmure le fantôme d’Adam qui ne quitte plus mes pensées. « Mais tu es la plus grande erreur de toute ma vie. Il est temps que je la répare. »

Face à moi, la créature fouille mon visage de ses iris perçants, et j’ai la désagréable impression qu’elle peut suivre chaque bribe de mon raisonnement :

— Nasca, répète-t-elle.

Adam m’avait dit que l’enfant de Manaia était un fils. Son expression à lui aussi, je m’en souviens comme si c’était hier, lorsqu’il a prononcé devant moi ce prénom pour la première fois. J’ai cru que tous ses démons s’incarnaient dans ces deux syllabes. Qu’elles lui infligeaient plus de mal que tout l’alcool et les comprimés qu’il avait pu ingurgiter durant sa vie entière.

Est-ce là que réside la clé du mystère ? Quel pouvoir renferme le prénom de Nasca, cet enfant mort depuis plus de vingt-sept ans, pour que tous ceux qui l’énoncent se retrouvent ainsi marqués à vie ? Tremblants de peur, tels des sorciers rattrapés par une de leurs malédictions ?

Adam m’avait dit que l’enfant de Manaia était un fils. Et s’il m’avait menti ? Et si c’était une fille ?

Dans mon esprit, les théories les plus insensées s’assemblent à toute allure. Un reliquat des sermons de mon père, de tous ces mythes farfelus qu’il s’est employé à réunir au fil des années en écumant la Terre entière, de mes propres rêves les plus fous à peine énoncés…

La créature est un être hybride. Mi-humain, mi-aquatique. Capable de se transformer en l’un ou en l’autre, peut-être à volonté. Sur l’île Blackney, il y avait des écailles semblables aux siennes, et tous les habitants ont disparu du jour au lendemain sans laisser de traces, et surtout, sans laisser de corps…

Et si les habitants de l’île Blackney n’étaient pas morts ? Et s’ils s’étaient changés en l’une de ces créatures que mon père a pourchassées durant toute sa vie ? Et si depuis le tout début, Henri Luzarche avait raison ? Et si les légendes des indigènes étaient réelles, et les Vilaa aussi ? Et si elles étaient venues chercher leur peuple, comme le chef Ateo le croyait lorsqu’il a envoyé les siens se jeter dans le Pacifique ? Et si l’un de ces indigènes disparus, Nasca, se tenait devant moi ici aujourd’hui ?

Je dois me rappeler de respirer. Auprès de moi, Ophélie me secoue l’épaule, je ne sais depuis combien de temps. A-t-elle conscience de l’univers qui vient de me traverser l’esprit, là, en l’espace de quelques secondes ?

Je me raccroche au regard de la créature. Je ne la quitte pas des yeux. Est-ce cela que tu essayes de me dire ? Je lui pose la question, avec la sensation de prononcer les mots les plus importants de toute ma vie :

— Tu es Nasca ?

Une ombre passe sur ses traits si délicats. Elle se rapproche soudain, tandis qu’Ophélie et moi retenons notre souffle. Elle presse sa paume à plat sur ma poitrine, exactement comme je viens de le faire pour lui dire mon nom :

— Nasca, répète-t-elle.

Je ne comprends plus. Je tente de répondre à son geste : je me désigne à nouveau, effleure sa main au passage :

— Sam. Je m’appelle Sam.

Elle nie de la tête :

— Nasca. Manaia et ton père.

Quelque chose se déchire au fond de mon esprit. Un voile posé sur la vérité depuis trop longtemps, et qui vient de s’ouvrir en grand pour révéler cette chose horrible qui pourrit en moi depuis l’enfance, cette chose que j’ai refoulée tout au fond de moi-même, incapable de la saisir, mais bel et bien conscient de sa présence.

Les mots de la créature s’éclairent d’un tout nouveau sens. Si nous avions conversé dans la langue de l’île Blackney, j’aurais compris tout de suite. Cette langue que j’ai toujours maîtrisée d’instinct, rien qu’en écoutant Luzarche la parler, sans jamais avoir à l’étudier… C’est le français et sa sonorité qui m’ont trompé. « Manaia et ton père »… « Manaia est ton père ».

Je reçois comme une décharge à l’arrière de la nuque. La nausée m’étreint brusquement, et de nouveau, les paroles surprises entre Luzarche et Adam sur le pont de l’Achéron me harcèlent :

« — Si Ateo a dit vrai sur l’existence de ces créatures, alors tout le reste peut être vrai aussi !

— Quoi, ces délires sur les accouplements hybrides, et sur la transmission de leurs pouvoirs aquatiques ? Les tests ADN n’ont jamais rien montré d’anormal dans leur population !

— Quels tests ADN ? Tu parles des trois bouts de cheveux qu’on a recueillis après leur disparition ? Nous n’avions pas assez de matière pour déterminer quoi que ce soit, et ils ne nous ont jamais laissés prélever le moindre échantillon de leur vivant !

— Tu oublies Manaia et Nasca. Ça non plus, Mareve ne l’a pas supporté… Et moi non plus. »

Un scénario terrible se dessine juste sous mes yeux, à mesure que toutes ces réminiscences refont surface. Tous ces discours sibyllins, tous ces mystères autour du suicide de ma mère, et sur ce qu’il s’est véritablement passé sur l’île Blackney, ce 21 septembre 1989.

Je revois mon père obsédé par mon état de santé depuis l’enfance. Réduit à prétexter une anémie chronique pour pratiquer régulièrement des analyses de mon sang.

Je revois le regard que ma mère posait sur moi, certains soirs. De plus en plus souvent, à mesure que l’on approchait de son suicide. Un regard empli d’une tristesse et d’un regret infinis. Ce regard m’a foudroyé pour toujours ; il a torpillé mon existence en plein vol, et tous mes espoirs d’une vie heureuse du même coup. C’est le même regard qu’Adam a eu pour moi, juste avant de nous condamner tous les deux à la mort.

« Pardonne-moi. »

La scène est enfouie quelque part, beaucoup trop loin dans ma mémoire pour que je puisse m’en souvenir, mais je l’imagine sans peine. Trois étrangers qui découvrent un homme agonisant sur une île déserte. Manaia. Auprès de lui, le petit garçon qu’il a réussi à sauver de justesse. Nasca. Trois étrangers qui abandonnent le corps de l’homme à l’océan, et qui lui prennent son fils. Son fils, dernier survivant de son peuple, qu’ils élèvent tel un rat de laboratoire en lui cachant la vérité, pour étudier son ADN, et prouver l’existence des êtres légendaires dont il est peut-être issu.

Ma tension chute en flèche. Je vacille, manque de m’effondrer aux pieds d’Ophélie. La jeune femme me retient :

— Sam ! Sam, qu’est-ce qui se passe ?

« Pas ta mère », a dit la créature. Elle ne signifiait pas que Mareve Temauri lui était inconnue. Elle voulait dire que Mareve Temauri n’était pas ma mère. Tout comme Henri Luzarche n’est pas mon père.

Je revois le beau visage de Mareve dans le soleil du soir, assise sur la plage à admirer l’océan, dans l’une de ses pensées lointaines auxquelles je n’avais jamais accès. Songeait-elle à l’île Blackney, alors ? Songeait-elle à cet enfant qu’elle avait volé pour l’élever comme son fils, dans le mensonge, tel un cobaye ? Que ressentait-elle à cet instant pour moi ? Quand ses doigts fins venaient se glisser dans ma chevelure, et qu’elle me scrutait de longs moments sans parler, une mélancolie indicible au fond des yeux, comme si j’étais à la fois la chose la plus merveilleuse et la plus bouleversante qu’elle ait jamais trouvée sur cette Terre, et qu’elle devait me contempler pour la toute dernière fois ?

« Taoa Huna »

La voix de ma mère résonne au fond de mon cœur, et ce surnom qu’elle me donnait depuis l’enfance :

« Taoa Huna »

« Trésor caché »

Trésor caché…

La réponse était là, depuis toujours. Ma mère savait. Adam, mon père, ils savaient tous les trois. Unis par un pacte sans nom qui s’était scellé ici, à quelques encablures à peine, il y a vingt-sept ans.

D’instinct, je me tourne vers la cloison de la cabine. L’île Blackney m’est invisible, mais je devine sa présence hypnotique, par-delà la tôle, les boulons et l’océan, dominée par la silhouette grondante du volcan Ria. Le jour où j’ai capturé la créature, quand les vagues m’ont rejeté sur le sable rouge de la plage gorgé de soufre, et que je me suis enfoncé dans la jungle si familière, ce n’était pas la première fois que je posais le pied sur l’île Blackney. C’était la première fois que j’y revenais depuis très, très longtemps. Quel âge avais-je lorsqu’ils m’ont emmené ? Quatre, cinq ans ? Se sont-ils concertés entre eux pour décider de l’âge qu’ils me donneraient, du nom et de la date d’anniversaire qu’ils m’attribueraient ?

Samaël…

Je revois mon père, livide devant le cercueil vide de ma mère, le jour de son enterrement fantoche, se pencher sur moi et articuler ce prénom avec une rage que je ne lui avais encore jamais connue :

— J’ai toujours su que tu avais une double nature, m’a-t-il dit. Regarde ce que tu l’as poussée à commettre. Samaël. Visage d’ange, Diable au corps. Je l’ai toujours su. Ton engeance et toi, c’est ce que vous faites de mieux… Tu es rentré dans son cerveau, tu l’as complètement détraqué, et tu l’as tuée. 

Je n’avais pas compris le sens de ses paroles sur le coup, évidemment. L’enfant que j’étais n’avait saisi que la haine qu’il éprouvait pour moi. Mais à présent…

Je me prends la tête entre les mains. Tous les souvenirs de ma vie s’écroulent les uns après les autres. Ils se fracassent en tous sens pour former un motif différent, une mosaïque affreuse dont je redoute de connaître le dessin, mais il s’impose à moi, que je le veuille ou non… Toutes les barrières ont sauté à présent, il est trop tard. Mon existence entière se vide de sa substance et se remplit du poison qui m’infecte depuis toujours. Quand je pense à tout ce temps que j’ai partagé avec mon père… Toutes ces disputes où je n’ai pas compris ses réactions, sa colère envers moi, ses paroles… A-t-il vraiment passé toute sa vie auprès d’un intrus qu’il méprisait, convaincu que je n’étais qu’un monstre sous la surface, résolu à endurer ma présence jour après jour dans l’unique but de m’étudier ? 

— Sam !

La voix d’Ophélie finit par m’atteindre. Je suis tombé à la renverse devant la créature, totalement désemparé, le souffle court et les yeux exorbités. Paniquée, la jeune femme tente désespérément de me calmer :

— Sam, je t’en prie, parle-moi ! Qu’est-ce qui se passe ?

Je tourne vers elle mon regard halluciné. Comment lui dire ? Elle va me prendre pour un cinglé…

Douloureusement, j’avale ma salive, incapable de réfléchir. La créature me fixe toujours de ses grands yeux si semblables aux miens. Ces yeux que je croyais tenir de mon père, mais qui, de toute évidence, ne lui appartiennent pas… Ils accentuent encore plus le malaise en moi. J’ai peur de parler, car si je parle, alors tout deviendra vrai. La vérité quittera mon corps pour se changer en réalité.

« Elle l’est déjà », murmure la voix de ma conscience, et j’ai l’impression que c’est la créature qui me parle. « Elle l’est déjà, et tu le sais ».

Je prends une profonde inspiration. Je n’arrive plus à m’empêcher de trembler :

— Elle dit…, j’articule péniblement. Elle dit que je suis Nasca. Que Nasca est mon véritable nom. Elle dit que Mareve Temauri n’est pas ma mère, et que Henri Luzarche n’est pas mon père. Elle dit… que Manaia est mon père.

Les yeux d’Ophélie s’agrandissent d’un seul coup :

— Mais c’est n’importe quoi !

— Non…

Je secoue la tête, bouleversé. Aucun des contre-arguments d’Ophélie ne pourra me faire revenir en arrière, plus maintenant. Elle ne connaît pas ma vie comme moi-même je l’ai vécue. Au fond de moi, la réponse hurle. Je l’ai toujours sue. Chaque parole, chaque action de mes proches prennent désormais un sens dont elles étaient autrefois dépourvues.

— Adam et mon père ne m’ont pas dit toute la vérité, je continue, incapable de m’arrêter à présent que j’ai commencé. Ils n’ont pas trouvé que le corps de Manaia sur cette île il y a vingt-sept ans. Ils m’ont trouvé moi. Son fils. Manaia avait réussi à me sauver, en fin de compte. Mais au lieu de me révéler au monde, ils m’ont pris avec eux. Ils m’ont pris avec eux, parce qu’ils voulaient croire aux légendes de l’île Blackney. Ils voulaient m’étudier. Analyser mon sang, décortiquer mon ADN. Prouver que les Vilaa existaient, et que j’étais peut-être l’un d’entre eux.

— Oui.

La voix lancinante de la créature ponctue mes paroles. Ophélie sursaute et se recule presque lorsqu’elle se redresse, pour poser cette fois-ci ses deux mains à plat sur mon torse, son visage tout près du mien, plus animale qu’elle ne l’a jamais été :

— Nasca, dit-elle tandis que ses doigts remontent jusqu’à mes joues. Tu es Nasca.

Agenouillée auprès de moi, Ophélie assiste à la scène telle une étrangère. Je frissonne à chaque contact de la peau glacée de la créature contre la mienne. Mon cœur bat si vite que j’en ressens les vibrations jusqu’au creux de mes côtes. Je l’entends, plus que jamais, ce chant obsédant qui a rythmé ma vie depuis toujours, ce lien instantané qui s’est noué entre la créature et moi dès la première seconde, cet appel…

L’appel de l’eau.

— Sam, tu ne peux quand même pas croire ça ! s’exclame soudain Ophélie. Ça n’a aucun sens !

— Au contraire, tout a un sens désormais…

Je déploie un effort suprême pour m’arracher à l’étreinte de la créature, et contempler à nouveau Ophélie :

— Je sais pourquoi ma mère s’est tuée. Pourquoi Adam a cherché à s’ouvrir les veines deux ans jour pour jour après la disparition des habitants de l’île Blackney, et pourquoi il a passé le reste de son existence dans la dépression, le Xanax et le gin. Pourquoi il a fini par se suicider en essayant de m’entraîner avec lui... Parce que j’étais la plus grande erreur de toute sa vie. Parce qu’il me voyait devenir exactement le genre d’homme capable de commettre ce que lui-même avait commis avec mes parents, vingt-sept ans plus tôt…

À mesure que je parle, ma respiration s’apaise. Une sorte de calme sérénité s’installe en moi, me remplit, remplace le poison par autre chose. Comme si l’abcès était crevé, et que tout le pus s’en écoulait enfin. La vérité fait du bien, aussi glaçante soit-elle. Elle purifie. Elle troque des années de culpabilité, de malheurs et de doutes contre des certitudes, et une compréhension limpide.

Je ne peux pas en vouloir à ma mère de m’avoir abandonné. Si elle me prenait pour un monstre, cela n’a rien d’étonnant. Si elle se reprochait de m’avoir enlevé, caché au monde, traité comme un cobaye…

Je ne sais pas ce que j’aurais fait à sa place.

« Tu ne supportais déjà pas d’être responsable de la mort de la créature », intervient ma conscience. « Tu aurais fait exactement la même chose qu’elle. »

Probablement. J’ignore ce qui prime, entre l’horreur et la peine, lorsque je songe à ma mère. À la douleur qu’elle devait ressentir, chaque fois qu’elle posait les yeux sur moi… À la souffrance que je lui infligeais par ma seule présence, ma simple respiration. Un rappel vivant et constant du choix qu’elle avait commis, ce 21 septembre 1989.

Je soupire. À présent qu’elle est délivrée, la vérité s’échappe de moi comme le sang jaillit d’une plaie à vif :

— Je sais pourquoi mon père me hait, pourquoi il a toujours encouragé ma passion pour la natation et l’apnée, et pourquoi il déployait tous ses efforts pour surveiller ma santé et me garder auprès de lui… Il m’étudiait. Il conduisait des tests. À ses yeux, je n’étais que des nombres et des données, soigneusement alignés dans l’un de ses petits carnets. Je sais pourquoi l’île Blackney m’a semblé si familière lorsque je me suis échoué sur sa plage il y a quelques semaines… Pourquoi la langue de ses habitants me vient si facilement, sans que j’aie eu besoin de l’apprendre. Pourquoi j’ai toujours eu l’impression de ne pas être à ma place dans cette vie. Pourquoi la créature m’a fasciné, dès la toute première seconde où je l’ai vue...

Je lève la main devant moi. Le même geste que celui que j’ai tenté, lors de notre tout premier face-à-face dans l’aquarium. L’être au visage humain que je confronte aujourd’hui me scrute en retour, et tend sa paume pour l’unir à la mienne. Sa peau est froide et très douce. La peau neuve d’un enfant qui n’a jamais vu la lumière du soleil.

— Tu comprends toi aussi, maintenant, Ophélie ?

À mes côtés, la jeune femme reste silencieuse. Le crâne martelé par tout ce que je viens d’énoncer. Je peux suivre sa réflexion sans effort : c’est une scientifique. La longue énumération de tous les mystères de ma vie a ébranlé la certitude en elle. Déjà, elle recoupe, elle interprète, et tout la conduit vers une seule et unique réponse : j’ai peut-être raison. Mais naturellement, elle refuse encore d’y croire :

— Qu’est-ce qui t’assure qu’elle dit la vérité ? m’interpelle-t-elle.

— Elle n’a aucun motif de mentir.

— Tu n’en sais rien. Tu ne sais pas ce qu’elle veut, tu ne sais pas ce qu’elle pense.

Je hausse les épaules :

— Qu’est-ce que tu veux ? je demande en me plongeant dans les prunelles moirées de la créature.

Sa paume est toujours collée à la mienne. Brusquement, ses doigts se glissent entre les miens et tirent, très fort, jusqu’à ce que nos visages se touchent presque :

— Sauver, dit-elle. Nous sauver.

À nouveau, mon cœur s’emballe malgré moi. L’emprise de la créature est si puissante qu’elle me fait presque mal. Je sens Ophélie prête à nous séparer d’une minute à l’autre, à la force de ses poings s’il le faut.

— Nous avons voulu te sauver, je réponds, la gorge serrée. Tu as dit non.

— Nous sauver.

Quelque chose passe sur son visage ; peut-être de la frustration. Alors, ses pupilles se rétrécissent. Ses traits se figent pour prendre l’aspect lisse d’un lac. Je devine à son expression qu’elle plonge dans un état de concentration intense. Son regard m’obsède : il est partout en moi, impitoyable. Son front s’approche du mien jusqu’à ce que nous entrions en connexion. Et là, ma conscience se déchire.

Je voudrais hurler, mais tous les muscles de mon corps deviennent soudain plus durs que de la pierre. Tétanisé, je ne peux plus bouger ni même respirer. Mon cerveau est une masse liquide en ébullition, un cratère de lave dans lequel un fer de lance chauffé à blanc s’enfonce pour y gratter les profondeurs de ma boîte crânienne. Il pénètre mon cœur, mes pensées, mon âme. Il voit tout de moi, et je vois tout de lui. La créature.

La douleur me submerge ; je ne suis plus que sensation pure, supplice pur, une pelote de nerfs saturés, écorchés à vif, un amas de chair et d’os dont l’unique fonction est de souffrir. 

Mon esprit devient blanc. Puis c’est le vertige. Un gouffre monstrueux qui m’avale, m’entraîne encore plus loin dans des profondeurs insondables, loin dans les ténèbres et tout ce qui s’y cache, tout au fond de la fosse des Mariannes.

Je ne suis pas seul dans ces ténèbres. Le Léviathan est là. Il me guette. Sa présence résonne dans chaque atome de mon être, comme s’il faisait partie de moi depuis toujours, dans l’attente de prendre enfin le contrôle :

— N’aie pas peur.

Ses mots n’ont rien d’humain. Ils n’appartiennent à aucune langue, ne sauraient être prononcés par aucune voix d’homme, et pourtant, je peux les comprendre, parce qu’ils entrent directement dans ma tête pour m’imposer leur volonté propre. C’est un assortiment d’images, de sensations et de sons : l’atmosphère liquide du cœur de l’océan, la pression, le froid et le noir, les courants lents qui agitent ce monde caché, et même le bruit du temps qui s’écoule, inexorablement.

Je retrouve les impressions que j’ai éprouvées dans mon rêve il y a à peine quelques heures, lorsque j’ai soudain pris la place de la créature. La démesure et l’étrangeté de son esprit avaient failli me rendre fou. Ils sont là à présent, à l’intérieur de moi. Je n’ai plus nulle part où les fuir.

— Tu sais ce que je suis. Tu me fais confiance.

Je ne dis rien. J’ignore comment répondre à cette conscience titanesque qui pèse sur la mienne. Elle continue :

— Je veux nous sauver. Toi, moi, et l’espèce. Seule, c’était impossible. Mais maintenant, tu es avec moi.

Chaque mot se grave au fer rouge dans mon cerveau. J’ai l’impression de me noyer, là, tout en bas, par onze mille mètres de fond. Le froid dépasse tout ce que le corps humain peut imaginer de souffrance. La pression fait éclater mes organes, réduit mes muscles en charpie, brise mon squelette comme s’il s’agissait d’un fétu de paille.

Quelque chose en moi se débloque. Le point de non-retour, au-delà duquel l’immensité que j’ai vue ne pourra plus jamais me quitter. Comme le gouffre de Tahiti vingt ans plus tôt. Comme la fosse des Mariannes…

Mes mâchoires s’ouvrent en grand, et je hurle. Un cri silencieux, qui déverse dans cet océan d’infini une pluie de bulles d’air, qui ne toucheront jamais la surface. Ma vie s’échappe avec elles. Ma vie telle que je l’ai connue.

Je reviens à moi, retrouve le contrôle de mon corps, de mes pensées, avec la certitude que mon mental vient de subir des changements irréversibles. L’oxygène pénètre mes poumons à grandes goulées ; il me brûle. À mes côtés, je m’aperçois qu’Ophélie a enduré le même choc. Elle est à genoux, pâle comme la mort, ses boucles blondes dressées autour de son visage tels des arcs électriques.

— Qu’est-ce que tu nous as fait ? s’écrie-t-elle aussitôt.

Face à nous, la créature a le calme composé d’une statue grecque. Plus que jamais, sa beauté me paraît irréelle, et, après ce que nous venons de traverser, menaçante. Je me glace lorsque sa voix sifflante s’élève au creux de mon esprit :

« Je suis désolée », énonce-t-elle.

Ophélie pousse un hurlement étouffé et presse ses mains contre ses tempes. Je tressaille. À nouveau, ces sonorités traînantes, et cette voix qui semble provenir de partout et nulle part, dont on ne peut se départir, ancrée au fond de nous pour toujours.

« Je ne suis pas habituée au langage des hommes. C’était le seul moyen pour moi de vous parler. »

La voix gratte au fond de mon crâne comme un insecte. Elle déforme les syllabes, allonge les mots, passée au filtre de nos deux esprits. Ce n’est pas vraiment du français. Mais plutôt une langue d’instinct, de pensées, d’impressions. Elle crisse à mes oreilles tel le frottement de milliers d’ossements sur de la pierre noire. Elle racle et écorche tout ce qu’elle touche :

« Seule dans la prison, je n’avais pas d’espoir », reprend-elle. « Mais je vous ai maintenant. Aidez-moi. »

La prison… Elle parle sans aucun doute de l’aquarium.

« Mon peuple vit caché depuis des siècles. Il doit en rester ainsi. Les hommes de Idha protégeaient notre existence. Vous devez la protéger, vous aussi. »

Idha. Le nom que les habitants de Blackney donnaient à leur île. Je songe à ce peuple si secret, à tous les tabous qui entouraient les Vilaa, et à la décision dramatique du chef Ateo de précipiter les siens dans le Pacifique, lorsqu’il s’était cru rejeté par ses dieux… 

La créature fixe ses iris sur moi. J’ai la certitude instinctive qu’elle a pu lire dans mes pensées :

« Nous existons depuis toujours. Nous avons de nombreux noms. Nous nageons de refuge en refuge, jusqu’à ce que vos civilisations nous délogent. »

Dans mon esprit défilent des milliers d’images : des paysages, des sons, des odeurs, qui ne m’appartiennent pas et que je n’ai jamais connus. Je vois les côtes gelées de Norvège, les reliefs fracturés du pays de Galles, les eaux chaudes du fleuve Amazone, ou encore l’air sec et salé des rivages grecs… Avec eux s’égrainent les mythes et légendes que mon père a parcourus toute sa vie. Nixes, nymphes et ondines, océanides, naïades, néréides, les yacuruna des peuples d’Amérique du Sud, les roussalki et wilis slaves, les näcken, nøkken, strömkarlen, grim et fossegrim scandinaves, sans oublier les kappa et amemasu japonais, l’agloolik inuit, le maymaygwashi ojibwa, les kelpies celtes, Loreleï, Marie Morgane, Masgugue et autres sirènes…

Elles sont partout. Les créatures sont partout autour de nous, depuis la nuit des temps. Mon père ne poursuivait pas des chimères. Elles sont réelles.

« Nous avons besoin de vous pour survivre. »

D’autres scènes succèdent aux précédentes. J’ai le cœur au bord des lèvres.

Dans la caverne de l’île Blackney, des hommes et des femmes à la peau dorée par le soleil aident des créatures à émerger de leurs chrysalides, tels des nouveau-nés. Les Vilaa sont accueillies sous leur nouvel aspect avec tous les honneurs dus à des dieux. S’ensuivent des étreintes auprès des flammes, dans l’atmosphère confinée de la grotte : le peuple de l’île Blackney se mêle à ses divinités pour s’unir, et procréer.

Neuf mois plus tard. Les femmes de l’île Blackney sont enceintes. Les créatures qui ont pris forme féminine le sont également. Certaines donnent naissance à des enfants humains : deux pieds, deux jambes, et des poumons criant de vie. D’autres accouchent de nourrissons hybrides, à la peau durcie d’écailles, aux membres fusionnés en une queue solide, le crâne épais et la gorge silencieuse.

Ces enfants-là sont délicatement placés au fond du lac d’eau soufrée, où leurs nageoires s’agitent doucement.

Au bord de l’onde, un très jeune homme assiste à la scène, comme envoûté. Ses yeux sont deux amandes noires qui ne brillent pas, et ses cheveux sombres barrent son front. Je devine instantanément qu’il s’agit de Manaia. Mon père…

Une femme à la beauté stupéfiante s’avance vers lui. Une créature, indubitablement. Elle dépose dans ses bras un nourrisson qui remue de toute la force de ses jambes minuscules. Elle l’embrasse sur les lèvres, puis elle s’enfonce dans les eaux du lac, et disparaît.

Je reste sans voix. Incapable de bouger. Incapable de parler. Comme lorsque la créature m’a offert le contact de son esprit. Elle tend doucement la main et saisit mon visage entre ses doigts :

« Ateo et son peuple gardaient notre secret », dit-elle.

— Et puis, la mission Sentinelles est arrivée.

Je sursaute. Ophélie s’est redressée à côté de moi. Même si elle paraît fiévreuse et dégoulinante de sueur, son regard exprime une lucidité tranchante :

— Les étrangers se sont insinués de plus en plus dans la vie de l’île, déduit-elle. Vous avez pris peur. Vous avez cessé de leur rendre visite. Alors, les indigènes se sont crus abandonnés, et ils ont choisi de vous suivre. Ils se sont noyés.

La créature se détache de moi pour se tourner vers Ophélie. Ses gestes lents expriment une infinie douceur :

« Ils ne se sont pas noyés », proteste-t-elle dans un chuintement. « Notre sang coule dans leurs veines. Aucun des nôtres ne peut se noyer. »

Elle plante son regard dans le mien lorsqu’elle prononce ces mots :

« Ils ne sont pas morts. Ils se sont changés en êtres comme nous, et nous les avons emmenés dans notre royaume sous la mer, là où aucun humain ne peut pénétrer. »

Je déglutis. Chaque parole de la créature est comme un glaçon froid qui descend le long de ma colonne vertébrale jusqu’à mes reins. Une transformation… Un royaume caché… Les images les plus folles naissent dans mon esprit. J’ose à peine y croire tellement cela paraît impossible, et pourtant…

Et pourtant, je connais ce sentiment qui s’empare de moi à cet instant. Cette euphorie, ces étincelles qui embrasent mon cerveau, mon sang, ce désir de se jeter tête baissée dans la découverte, vers l’inconnu…

— Comment se sont-ils transformés ? je m’entends demander, avant même d’avoir mesuré mes paroles.

La créature ne me quitte pas des yeux :

« Tous les descendants de notre espèce ont ce pouvoir. Tu as ce pouvoir. Je te montrerai comment faire, si c’est ce que tu veux. Tu pourras venir avec moi quand tout sera fini. Tu verras le royaume de tes propres yeux. »

— C’est du délire !

Ophélie s’est relevée d’un bond, encore frémissante d’émotions, et elle contemple la créature sans plus dissimuler sa peur et sa suspicion :

— Sam, est-ce que tu l’écoutes parler ? Elle cherche à te manipuler, j’en suis sûre !

Toujours sonné par ce que je viens d’entendre, je reste totalement incrédule :

— Je croyais que c’était toi qui voulais prendre sa défense depuis le début ? je l’interpelle. Qui demandais à ce que l’on communique avec elle, à ce qu’on la traite bien, jusqu’à la libérer, même, parce qu’elle était notre semblable ?

— Oui, et nous avons fait exactement l’inverse de tout cela ! Réfléchis, enfin ! Elle n’a aucune raison de se montrer pacifique avec nous, surtout maintenant. Sam, est-ce que tu te rends compte qu’elle est télépathe ? Qu’elle peut lire dans nos esprits ? Qui sait ce qu’elle est capable de faire d’autre, ou ce qu’elle a déjà fait, ce qu’elle est en train de nous faire, en ce moment même ?

La créature demeure silencieuse face à ces accusations. Ophélie semble intarissable :

— Je crois que je comprends à présent à quoi servaient ces fameux infrasons qu’elle émet en continu depuis son arrivée ! J’ignore comment, mais d’une manière ou d’une autre, ces infrasons influent sur notre cerveau ! Rappelle-toi comme le comportement d’Adam nous a paru suspect, à toi et à moi, le jour de son suicide ! Rappelle-toi comme il ne semblait pas être lui-même lorsqu’il s’est tué ! Et si elle lui avait joué le même numéro qu’à nous maintenant ?

— Je ne crois vraiment pas que…

— Tu ne trouves pas ça curieux que cette créature, qui lit dans les pensées, te propose soudain de devenir l’un de ses semblables, un être humain capable d’évoluer sous l’eau, ce qui est exactement la chose que tu désires le plus au monde depuis toujours ? Tu ne trouves pas ça curieux qu’elle t’offre ton vœu le plus cher du jour au lendemain sur un plateau ? Et que va-t-elle te demander en retour ? La même chose qu’à Adam ? Saboter le navire ?

À nouveau, les pupilles de la créature s’amincissent, presque jusqu’à former deux fentes. Lorsque sa voix résonne à l’intérieur de nous cependant, elle reste toujours aussi calme :

« Je ne sais pas ce que sont des infrasons », dit-elle.

— Lis dans mes pensées, et tu le sauras, crache Ophélie.

« Je comprends que vous soyez effrayés. Croyez-moi, je suis désolée d’avoir dû envahir votre esprit. Je suis également désolée pour votre ami. Je lui ai demandé de m’aider, c’est vrai. Mais je n’imaginais pas qu’il chercherait à tous vous tuer. Je ne veux pas votre mort. »

Ophélie et moi restons médusés devant ce demi-aveu. Ainsi, c’était la vérité… Adam n’était pas réellement lui-même ce jour-là. Il obéissait à la créature. Jusqu’à quel point a-t-elle influencé ses actes ?

« Je lui ai demandé de me relâcher, et de détruire toutes les traces de mon existence », me répond aussitôt la créature. « Pour que votre peuple continue d’ignorer notre espèce. Pour que vos savants n’aient plus rien à rapporter chez eux dans leurs laboratoires. Pour que personne d’autre sur vos terres ne puisse poursuivre ces recherches. »

Je prends une profonde inspiration :

— Et c’est aussi ce que tu veux aujourd’hui, n’est-ce pas ?

Elle acquiesce :

« Seule, je pouvais essayer de m’enfuir, c’est tout. Mais avec vous, je peux sauver mon peuple. Toi, moi. Je peux nous sauver tous. Détruire les preuves, et disparaître. Avec toi. »

— Sam, ne l’écoute pas !

Ophélie paraît catastrophée. A-t-elle raison de l’être ? Je ne saurais le dire. À cet instant, mon cerveau est si confus que je suis incapable de faire le tri : rêve ou réalité ? Vérité ou mensonge ? Seuls les mots de la créature comptent ; ils résonnent encore et encore contre mes tempes : « Tous les descendants de notre espèce ont ce pouvoir. Tu as ce pouvoir. Je te montrerai comment faire, si c’est ce que tu veux. Tu pourras venir avec moi quand tout sera fini. Tu verras le royaume de tes propres yeux. »

Et si elle disait vrai ?

Je regarde mes mains. Quel potentiel caché peuvent-elles dissimuler ? Quel mystère de la génétique peut bien se nouer là, au creux de ma chair, dans chaque fibre de mes muscles, chaque brin de mon ADN ? À quels résultats ont bien pu aboutir tous les tests menés par Henri Luzarche depuis toutes ces années...

Je songe à toutes ces fois où j’aurais dû périr noyé, et où j’ai trompé la mort, contre toute attente. Je songe à mes aptitudes hors du commun en natation, en plongée, en apnée. Comme les habitants de l’île Blackney. L’eau a toujours été mon élément, et je l’ai toujours su.

Je songe à ma mère. Si le suicide faisait partie de son patrimoine génétique, elle ne me l’a pas légué. Peut-être ne suis-je pas destiné à mourir, en fin de compte… Peut-être suis-je destiné à renaître.

— Que faudrait-il que nous fassions, pour que ton espèce soit hors de danger ?

Ma décision est prise, aussi tangible que l’océan sous mes pieds. Ophélie ne renonce pas :

— Sam ! Elle te raconte seulement ce que tu as envie d’entendre ! Pense à tout ce qui entoure les mythes des sirènes, des nymphes, de toutes les créatures de l’eau ! Elles ont toutes un point commun. Elles charment les humains pour les mener à leur perte. Elles adoptent la forme que tu désires le plus uniquement pour mieux te fracasser sur les récifs. Et si toutes ces légendes disaient vrai, elles aussi ? Et si elle cherchait à t’attirer simplement pour pouvoir nous noyer tous, comme ses semblables ont noyé les habitants de l’île Blackney ?

— Elle a dit qu’ils n’étaient pas morts.

— Et tu la crois ? Sur quelle base ? Comment pourrait-elle être au courant de ton passé, de qui tu es, de ce qui est arrivé à Manaia et Nasca ? Pourquoi aurait-elle été capturée, comme par hasard, par le seul scientifique au monde à être un descendant des habitants de l’île Blackney ?

— Parce qu’il n’y a pas de hasard.

« Je suis venue à toi », renchérit la créature. « Depuis toujours, les membres de mon peuple savent que nous avons laissé l’enfant Nasca derrière nous. Et les membres de mon peuple sont capables de se trouver les uns les autres, à des kilomètres de distance… Dès que tu t’es approché suffisamment près de notre territoire, je t’ai senti. Je t’ai abordé, dans l’espoir que tu me suivrais. Dans l’espoir que je pourrais avoir cette discussion avec toi. »

Je ferme les yeux. Un sourire douloureux s’épanouit sur mes lèvres. J’ai toujours su que la créature que j’avais capturée était la même que celle que j’avais aperçue au large de Guam, au tout début de ce périple.

— Sam, ne la crois pas…

— Ma fascination pour l’océan, pour la fosse… Tout vient de là. C’est dans mon sang.

— Tu n’es pas rationnel.

— Parce que toi tu l’es, peut-être ? Si elle était si douée pour la manipulation, tu ne devrais pas être convaincue toi aussi ? Il y a quelques heures à peine, tu me reprochais de t’avoir trahie pour conserver la chrysalide à bord ! Et maintenant qu’elle est libre, qu’elle nous réclame notre aide, tu voudrais la lui refuser ?

— J’ai toujours été d’accord pour la libérer, pas pour couler le reste de notre équipage.

— Elle ne nous a pas demandé ça.

— Elle va le faire. Tôt ou tard, ce n’est qu’une question de temps. Comme elle l’a demandé à Adam.

La créature se rapproche brusquement d’Ophélie. Toujours agenouillée sur le sol, ses longues mains se tendent vers la jeune femme :

— Ne me touche pas ! réagit farouchement l’entomologiste.

« Je sais tout ce que tu as fait pour moi », dit alors la créature. « Je sais que tu m’as défendue quand personne d’autre ne voulait le faire. Je sais que tu aurais risqué tout ce que tu avais pour me sauver. »

En arrière-plan, soudain, résonnent les paroles qu’Ophélie a prononcées près d’un mois plus tôt, dans le laboratoire de dissection, au-dessus de la chrysalide de la créature :

« Ton père l’a très bien dit lui-même : cette créature n’a aucune réalité sur le papier. À part les chercheurs présents sur ce navire, personne ne sait qu’elle existe. Nous pourrions détruire les preuves qui subsistent sur le bateau, et la remettre à l’eau. Plus personne ne pourrait démontrer que rien de tout ceci s’est jamais produit. »

Ophélie blêmit. S’entendre rappeler ses propres mots, ses propres convictions, semble brusquement la ramener sur Terre.

La créature tend un peu plus la main et, du bout des doigts, effleure le bas de son poncho :

« Voilà tout ce que je veux », dit-elle. « Je ne suis pas votre ennemie. Et vous ne pouvez pas me reprocher de tenter de préserver mon espèce. Ce n’est pas seulement mon sort qui est menacé par les recherches de ce navire : c’est celui de tous les miens. Je ne peux pas me permettre de me montrer faible. Je dois détruire toutes les preuves, au prix de ma vie s’il le faut, et oui, au prix des vôtres également. Es-tu incapable de le comprendre ? Es-tu prête à laisser les tiens traquer, capturer et annihiler les miens jusqu’à l’extinction ? À révéler l’existence de mon peuple à l’ensemble de votre civilisation ? »

Ophélie avale sa salive. Elle n’a pas d’arguments à opposer à cela, et nous le savons tous très bien :

— Il est inutile de causer des morts, proteste-t-elle simplement.

« Je n’ai jamais voulu qu’il y ait de morts. »

— Et tu dois arrêter de raconter ces choses sur Sam…

« Tu ne peux pas plier la vérité à ta volonté. Tu ne peux pas décider de ses choix pour lui. Tu ne peux pas le forcer à rester, ni à t’aimer. »

Une épine douloureuse se plante dans le cœur d’Ophélie. Je le vois au regard qu’elle m’adresse. La créature vient-elle de lire en moi, et de lui révéler ce que j’éprouve vraiment ? Voilà ce que la jeune femme pense à cet instant, tandis qu’elle détourne la tête pour que je ne remarque pas ses larmes.

— Que veux-tu faire ? demande-t-elle pour cacher son trouble, résignée.

« L’océan est agité. C’est la saison de la colère, en surface. Il y aura des vagues, très bientôt. »

Je hausse les épaules :

— Le Résolu est conçu pour résister à ces conditions.

« Il y a une grande réserve d’eau, en dessous de nous. Tu as parlé d’une citerne. »

— La citerne d’eau douce.

Ophélie se fend d’un rire cynique :

— J’avais raison. C’est là que tu essayais de te rendre, n’est-ce pas ?

La créature ne réagit pas :

« Si tu perces la réserve, toute l’eau se répandra dans le fond », se contente-t-elle de répondre. « Les vagues feront tanguer le navire. »

Je comprends aussitôt :

— Le Résolu sera déséquilibré. Il y aura de la gîte, un effet de carène liquide, et chaque vague accentuera le roulis. Il finira par se retourner.

La créature acquiesce :

« En moins d’une heure, le bateau coulera. Les vôtres auront le temps de s’enfuir. Mais moi, je disparaîtrai. Avec les preuves. »

Ophélie hésite :

— C’est extrêmement risqué… Quelqu’un pourrait rester coincé à l’intérieur. Et nous n’avons aucune garantie que la houle sera suffisamment forte pour…

Une brusque secousse de la cabine vient démentir ses propos. La créature fait l’effort d’ouvrir la bouche pour lui parler vraiment :

— L’océan. Chez moi. Aie confiance.

Je réfléchis à toute allure, les mains moites. Tout comme le Résolu, j’ai l’impression que ma destinée tout entière est sur le point de basculer, beaucoup trop vite pour que je me raccroche à quoi que ce soit. Que faire ?

J’échange un regard avec Ophélie. Toutes les blessures que je lui ai infligées depuis le début de notre infortunée relation nous séparent, aujourd’hui. Nous devons pourtant prendre cette décision ensemble. Sommes-nous prêts à accorder notre confiance à la créature ? Sommes-nous prêts à saboter le navire de mon père, et à le précipiter dans les profondeurs de la fosse des Mariannes, sans gage de succès ? Sommes-nous prêts à mettre nos vies en danger, et pas uniquement nos vies : notre avenir, notre carrière, notre liberté… Car qu’adviendra-t-il d’Ophélie ensuite, si elle se rend coupable d’une telle mutinerie ? Qu’adviendra-t-il de moi ? Pourrai-je vraiment suivre la créature, là où aucun être humain ne peut aller ?

« Tu n’es pas humain, Sam », murmure la voix de la créature. « Pas complètement. Il y a un peu d’océan en toi. À toi de décider de le rejoindre ou non. »

Je chasse ces pensées, avant qu’elles ne fassent à nouveau flancher Ophélie :

— Quel autre choix avons-nous ? je demande à la jeune femme. Elle a raison. Si nous nous contentons de la remettre à l’eau, mon père aura encore tous les prélèvements, tous les échantillons, les vidéos, les enregistrements du sonomètre, les fichiers informatiques… Bien assez de preuves pour que la communauté scientifique le croie et organise de nouvelles missions, même s’il n’y a plus de spécimen vivant. Nous ne pourrons jamais tout détruire en moins d’une heure sans que personne ne nous voie, en priant pour n’avoir oublié aucun dossier papier, aucune caméra de surveillance, aucune clé USB dans chaque cabine… Nous devons envoyer le Résolu par le fond. Avec deux navires accidentés au large de l’île Blackney en l’espace de quelques semaines, le gouvernement américain ne laissera plus personne s’approcher des côtes. Et mon père aura beau remuer ciel et terre et raconter tout ce que nous avons vécu… Sans preuve, tout le monde le prendra pour un fou.

— Il reste les autres membres de l’équipe scientifique, objecte Ophélie. Une trentaine de personnes qui jurent avoir découvert une créature sous-marine, c’est quand même beaucoup.

— Suffisamment pour que le monde entier croie aux sirènes ?

La jeune femme se mord les lèvres :

— Très bien… On va le faire.

Je laisse éclater mon triomphe.

— Mais, Sam…, reprend-elle. Tu dois me promettre de ne pas donner foi à ces lubies. Tu me le promets ? Ta place est ici.

J’esquisse un sourire :

— Tu pourrais encore croire à mes promesses ?

Elle s’apprête à protester quand soudain, un signal suraigu déchire le calme du petit matin. Ophélie et moi sursautons. La créature se crispe. Aucun de nous trois n’a besoin de parler pour comprendre ce qu’il se passe : nous avons trop tardé. Dans le laboratoire de l’aquarium, le professeur Opsomer s’est réveillé de son profond sommeil, à moins que l’un de ses collègues n’ait fini par le rejoindre, pour constater l’évidence. La créature a disparu. L’alerte est donnée.

Le compte à rebours est lancé. 

 
 
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