Six jours plus tard, l’Achéron prend le large avec à son bord les deux sous-marins, Hadès et Perséphone, prêts à redescendre dans les profondeurs de la fosse.
L’Achéron est un navire de recherche : cent-vingt mètres de long, dix-sept mètres de large ; il contient pas moins de dix laboratoires, un aquarium, une bibliothèque, et quatre-vingt-dix membres d’équipage. Son profil acéré, intégralement blanc, a été conçu pour fendre les flots du Pacifique. Les deux sous-marins, eux, sont de type bathyscaphe : ils peuvent descendre au plus noir de l’océan, endurer des pressions supérieures à mille-deux-cents bars, et accueillir un maximum de deux passagers pour un poste de pilotage de moins d’un mètre cinquante d’envergure. C’est tout ce que l’on peut s’offrir, pour survivre à un environnement où la pression atmosphérique est mille fois plus importante que celle en surface. Au fond de la fosse, les forces exercées sur chaque centimètre carré de la coque sont si immenses que le cockpit à lui seul est une sphère d’acier de plus de six centimètres d’épaisseur. Le reste : batteries au lithium, propulseurs, éclairages, câbles de communication pour échanger rapidement avec l’Achéron, caméras et bras télescopiques pour les prélèvements. Le moindre défaut dans tout ce trésor de technologie, et l’eau s’engouffre à l’intérieur de l’habitacle à une vitesse d’un millième de seconde.
J’ai attendu ce moment depuis presque une semaine. Six jours entiers à terre : depuis combien de temps cela ne m’était-il pas arrivé ? Ce qui est sûr, c’est que cela ne me réussit pas. J’ai à peine dormi ces dernières nuits, accaparé par cette créature aperçue dans la tempête, déchiré de ne pouvoir aller à sa recherche…
Le typhon est venu, et il est reparti, comme la station météo l’avait annoncé. L’averse n’a pas cessé pour autant : le pont entier dégouline tandis que l’équipe et moi mettons au point les ultimes détails de l’opération. C’est la saison des pluies sur Guam ; elle durera jusqu’en novembre. Aucune importance pour ceux qui vivent sous la surface.
– Hadès ou Perséphone ? me demande Adam Redouté lorsqu’il me rejoint près du bastingage, la chemise trempée, les cheveux en bataille, comme un défi lancé au déluge torrentiel qui nous frappe.
— J’ai une petite préférence pour Hadès, je réponds avec un sourire par-dessous mon ciré.
— Serait-ce une superstition de marin ? Obtenir la protection du dieu des Enfers en personne ?
— Pas du tout. Hadès est maître en son royaume, c’est tout : j’ai l’espoir de le connaître aussi bien que lui un jour.
— Pour ma part, je serais plus rassuré à bord de Perséphone…
— Et pourquoi ça ?
Adam me gratifie de son sourire sibyllin :
— Dans le mythe, Perséphone a le droit de remonter à la surface de temps en temps.
Je ris :
— Très juste… Ce sera Perséphone alors.
— Trop aimable.
— C’est votre première fois, n’est-ce pas ?
— Oui, j’en ai assez d’examiner ce que d’autres ont trouvé pour moi… J’ai envie de voir par moi-même.
— Vous ne serez pas déçu.
Perséphone se dresse à la verticale, tel un énorme cigare de sept mètres de haut, un peu grotesque, d’un vert luminescent. On nous ouvre la sphère de pilotage qui se situe tout en bas du cylindre. Avant d’embarquer, je me débarrasse de mon anorak pour ne pas tremper l’habitacle. C’est étrange de se préparer ainsi à une plongée en mer, sans combinaison, sans masque. Je me sens curieusement léger tandis que de petites gouttes de pluie me chatouillent les cheveux. Je vais descendre tout au fond de l’océan, au sec, vêtu d’un simple jean et d’un polo bleu marine. Je n’arrive pas à décider si c’est absurde ou fantastique. Sans doute les deux. Déjà, l’excitation fait battre mon cœur plus vite.
— Paré, chef ? me demande Louis, l’un des chercheurs chargés de coordonner l’opération depuis l’Achéron aujourd’hui.
J’acquiesce tandis qu’Adam prend place à côté de moi. On commence à refermer le cockpit, quand soudain, Ophélie débarque sur le pont trempé :
— Attendez !
Louis suspend son geste. Ophélie s’agenouille à notre hauteur près du bastingage, le souffle court, et dépose sur mes lèvres un baiser au goût de pluie :
— Tu prévoyais vraiment de partir sans me dire au revoir ? sourit-elle comme devant un enfant incorrigible.
— Je n’en ai que pour quelques heures, je réponds d’une caresse sur ses boucles trempées.
— Sois prudent.
Elle presse mes mains entre les siennes, puis se redresse :
— Vous aussi, professeur. Veillez bien sur cet imbécile.
— Comptez sur moi.
Adam tente d’ébouriffer mes cheveux raides, sans succès. La dernière chose que j’aperçois avant que la sphère se referme, c’est le visage doux d’Ophélie toute ruisselante de pluie, comme un ange venu tout droit des cieux. Et nous, où allons-nous ?
Nous sommes propulsés sous la surface avec un léger choc. À bord du bathyscaphe, pas de hublot : aucun matériau transparent ne supporterait les hautes pressions, et l’on ne peut pas se permettre d’affaiblir ainsi la coque. Nous voyons uniquement par le biais des caméras dont Perséphone est équipée sur toute son élévation. Encore une fois, cela crée une distance étrange entre la plongée et moi. J’observe l’océan à travers des écrans, comme un film à la télévision. J’ai du mal à réaliser que tout ceci arrive ici, maintenant. Que je suis le personnage principal de ces images retransmises devant moi. Pour l’instant, l’eau adopte une belle couleur bleutée, mais cela ne durera pas. À partir de cent-cinquante mètres de profondeur, nous entrons dans la zone photique : au-delà de ce stade, quatre-vingt-dix-neuf pourcents de la lumière du soleil a été absorbée. Le Pacifique vire au noir total. Les spots prennent le relais, mais n’éclairent autour de nous que du vide. Nous sommes bien au-dessous de la thermocline : cette chute brutale de chaleur, entre cent et deux-cents mètres sous la surface, qui marque la limite entre les eaux superficielles, et celles que l’on nomme communément les profondeurs… Désormais, la température ne variera plus, ou très peu : entre zéro et trois degrés. Le corps humain ne peut survivre à un froid pareil plus de quelques minutes.
— Tu devrais faire plus attention à elle, tu sais, lance soudain Adam en me tirant de mes considérations morbides.
— Qui ça ?
— Ophélie, bien sûr.
Je soupire :
— On en a pour deux heures et demie de descente, si vous cherchez des sujets de conversation, j’en ai plein d’autres à vous…
— Sam. C’est une fille bien.
— Je n’ai jamais dit le contraire.
— Et elle est folle de toi, ça se voit.
— Arrêtez de raconter n’importe quoi…
— Tu le sais. Tu en abuses. Tu as conscience qu’elle ferait n’importe quoi pour toi et tu profites de sa gentillesse.
— Quoi, parce que je ne l’ai pas embrassée avant de partir ?
— Parce que tu ne l’avais même pas prévenue que tu partais. Parce que tu t’en vas des jours entiers en mer pour piquer des plongeons les soirs de tempête, sans jamais l’avertir. Tu n’en fais qu’à ta tête, sans te préoccuper d’elle. Il faut être deux, dans un couple. Ça ne devrait pas être à elle de s’adapter à toi sans arrêt.
— Je ne lui demande rien du tout…
— Arrête. Ne joue pas à ça avec moi.
— À quoi ?
— À celui qui n’en a rien à foutre. Parce que si c’est le cas, alors tu devrais quitter cette pauvre fille tout de suite avant de lui infliger beaucoup, beaucoup de mal. Plus que tu ne lui en as déjà fait.
— À vous entendre, je suis un tortionnaire…
— Depuis combien de temps est-ce que vous sortez ensemble ?
— Je n’en sais rien… Sept mois ? Ça a commencé à peu près six semaines après le début de la mission.
— Et depuis combien de temps est-ce que tu stockes tes affaires chez elle ?
Je ne réponds rien. Cette conversation ne mène nulle part. Adam a pourtant l’air décidé à la poursuivre :
— Tu vois, tu te sers d’elle.
— C’est temporaire…
— Écoute, je comprends, vraiment. Tu n’as pas envie de t’engager, ou tu en as peur. C’est normal, vu ce qui s’est passé avec…
Mon sang ne fait qu’un tour :
— Avec quoi ?
Adam secoue la tête :
— Tu le sais très bien… Ça n’a pas été facile pour toi. Ce genre de choses laisse des traces.
— Si vous parlez de ma mère, ça n’a rien à voir là-dedans.
— Bien sûr que je parle de ta mère. À cause d’elle, tu as peur de t’attacher à qui que ce soit. Pour être honnête, je suis presque surpris : c’est la première fois que je te vois rester avec quelqu’un si longtemps.
— Vous l’avez dit vous-même : c’est une fille bien.
— Alors sois correct avec elle. Je sais ce que je dis : j’étais là le premier jour où elle est arrivée sur l’Achéron. Elle te dévisageait comme si elle venait de trouver la chose la plus incroyable qui existe sur Terre.
— Ça va, vous n’avez pas l’impression d’en faire un peu trop ?
— Il faudrait être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. Cette fille t’admire. Elle te prend pour modèle, elle t’aime. Elle pense que tu es meilleur qu’elle en toutes choses.
— Depuis quand êtes-vous devenu si fin psychologue ?
— Depuis ce qui est arrivé à ta mère, justement. Quand l’une de tes plus vieilles amies met fin à ses jours comme ça sans prévenir, d’une manière aussi affreuse, et en laissant derrière elle son mari et son petit garçon, je peux te dire que tu ne regardes plus les gens de la même manière. Tu cherches leurs faiblesses.
Ces paroles sont comme de l’acide dans mes veines :
— Et vous cherchez mes faiblesses, c’est ça ? Je suis un connard égocentrique qui abuse des jolies filles ?
— Bien sûr que non. Tu es un jeune homme déprimé, qui a peur d’être abandonné et de souffrir à nouveau…
— Je ne suis pas déprimé.
— Et Ophélie est une jeune femme qui n’a pas confiance en elle, et qui se projette dans l’admiration qu’elle a pour toi.
— Est-ce qu’elle aura droit à votre petit laïus, elle aussi ?
— Ce n’est pas à moi de le faire. C’est à toi de prendre tes responsabilités vis-à-vis d’elle.
Cette discussion me donne mal à la tête. Je sens presque la pression des fonds marins se refermer sur moi, et appuyer, toujours plus fort.
— Qu’est-ce que tu penses de tout ça ? insiste Adam pour en remettre une couche.
— Je pense que ça ne vous regarde vraiment pas.
Je souffle un grand coup, agacé de sans cesse me disputer avec lui. Mais je ne peux m’empêcher de culpabiliser :
— Je ne veux pas la perdre, je finis par concéder. Je ne suis peut-être pas le petit ami exemplaire, d’accord. Mais je tiens à elle. J’aimerais juste…
Je cherche mes mots, dérouté. Je déteste creuser ainsi dans ce que je ressens.
— Tu aimerais quoi ? demande doucement Adam.
— J’aimerais qu’elle arrête de voir en moi ce que je ne suis pas.
— Tu te sous-estimes.
— Quoi, vous aussi vous allez me regarder comme si j’étais la chose la plus précieuse qui existe sur Terre ?
— Tu es précieux pour moi, bien sûr. Je te connais depuis… depuis que tu es né.
Je nie de la tête :
— Ça ne fait pas de moi quelqu’un d’exceptionnel. Ophélie devrait redescendre de son nuage avant d’être déçue.
— Pourquoi serait-elle déçue ?
Je n’en peux plus de ces questions stupides. La réponse qui fuse en moi, tranchante comme un rasoir, ne franchira jamais mes lèvres : si ma propre mère n’a pas voulu de moi, comment pourrais-je rendre qui que ce soit heureux ?
Un voyant sur notre panneau de contrôle indique que nous venons de pénétrer la zone hadale. C’est la distraction parfaite. Cette zone, au-delà de six mille mètres de fond, marque l’entrée dans les abysses véritables. Il n’existe que quarante-six zones hadales dans le monde, et aucune ne peut rivaliser avec la fosse des Mariannes. Ici, la pression augmente d’une atmosphère tous les dix mètres.
— Regardez, je lance à Adam en braquant les projecteurs sur l’espace en face de nous.
Un gigantesque gouffre se dessine sous nos pieds. Une blessure dans la surface même de la croûte terrestre. La fosse…
Adam se penche en avant, droit vers l’écran, comme si cela pouvait l’ancrer davantage dans cette vérité incroyable. Nous plongeons tout droit vers le cœur de la Terre. Les parois du précipice se rapprochent, puis nous nous y engouffrons enfin. Nous descendons approximativement à une vitesse de deux mètres par seconde. Lentement, irrésistiblement, la gravité nous attire vers ces ténèbres hostiles. Nous distinguons les flancs de la falaise qui s’abattent de part et d’autre de nous, titanesques et implacables. Leur profil abrupt n’a pas été façonné par la main des hommes, mais par des millions d’années d’évolution planétaire. Nous entrons dans l’univers des géants. Les forces secrètes qui s’agitent sous la surface.
— C’est incroyable…, articule Adam, rivé à son siège.
Comment décrire ce que personne d’autre avant nous n’a jamais vu ? Ce paysage, nous sommes les premiers à y poser les yeux. Tels des profanateurs impies, nous pénétrons dans le domaine des dieux, dans ces lieux où tout a été conçu pour nous repousser, où jamais, jamais nous n’aurions dû pouvoir nous aventurer. À chaque fois que je remets ainsi ma vie entre les bras d’Hadès ou de Perséphone, je songe à Neil Armstrong, et à ce qu’il a dû ressentir la première fois qu’il a posé le pied sur le sol de la Lune. Qu’as-tu ressenti, Neil ? Lorsque tu as foulé cette terre que tu étais le premier à explorer ? Lorsque tu as réalisé que tu ne faisais plus partie de ton monde, mais bel et bien d’un nouveau monde, un monde au-delà des limites de tout ce que l’Humanité avait jamais connu jusqu’à présent ?
Je vois beaucoup de ressemblances entre la conquête spatiale et le néant infini dans lequel nous sombrons à présent. Comme l’espace, l’environnement est mortel, obscur et froid. La pression pourrait nous tuer en une fraction de seconde. Il n’y a rien à des kilomètres à la ronde. En cas de problème, impossible de s’enfuir, impossible de s’échapper rapidement vers les eaux rassurantes au-dessus de nos têtes. Tels deux astronautes à bord de leur vaisseau si fragile, nous filons droit vers l’inconnu.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? me demande Adam, le doigt pointé sur une forme fantomatique qui se dessine à l’écran.
À environ vingt mètres de distance, elle ressemble à une silhouette qui ondule dans le vide, troublante de beauté dans cette nuit impossible. Il ne faut pas s’y fier :
— C’est un sac plastique, j’observe avec un rapide zoom avant.
Alors, on les aperçoit : les anses, les contours du sac…
— Si loin sous la surface ? s’exclame le botaniste.
— Il y en a jusqu’au fond, je réponds, blasé. Plus qu’on ne se l’imagine. Ils s’infiltrent partout.
— Et cette espèce de poussière ?
Par réflexe, je regarde au-dessus de nous. Il n’y a rien d’autre à voir que le plafond de la sphère, bien sûr. Mais les caméras affichent, tout autour de nous, une sorte de pluie duveteuse qui virevolte à la lueur de nos lampes. On pourrait presque croire qu’il neige. Dans ce paysage inconcevable, à dix kilomètres en dessous de toute civilisation connue, un nuage de particules blanches nous poursuit et nous enveloppe dans notre périple vers les abîmes.
— C’est de la neige marine, j’explique calmement. Un résidu de tous les organismes en décomposition qui proviennent des couches supérieures. Ils constituent la principale source d’alimentation, ici.
— Tu crois qu’il y aura un peu de plancton pour moi ?
— Du zooplancton, sans doute. Mais rien qui relève de votre domaine. Les restes de végétaux qui s’enfoncent dans le Pacifique se font probablement dévorer bien avant d’arriver jusqu’ici.
Nous poursuivons notre descente en silence. Je ressens presque le poids de l’univers qui pèse sur nous. À chaque voyage, je ne peux repousser ce mélange de profonde émotion et de respect qui me fait vibrer depuis que j’ai douze ans. Je sais qu’Adam éprouve la même chose aujourd’hui. Il a enfin laissé nos considérations terrestres derrière nous, pour se repaître de cet horizon.
— Achéron à Perséphone, grésille notre radio. Où en êtes-vous de votre descente ?
C’est un brusque retour à la réalité. La surface existe toujours bel et bien, là-haut, au-dessus de nous. Plusieurs kilomètres d’eau glacée nous séparent de l’homme qui s’enquiert de notre expédition. Je décroche presque à contrecœur :
— Perséphone à Achéron. Tout va bien, Louis. On arrive à dix mille mètres. On ne devrait pas tarder à apercevoir le fond.
— Bien reçu. Les secteurs programmés aujourd’hui sont D3, D4 et E4.
— Entendu.
J’ai délimité en amont la zone à explorer. Un triangle d’environ deux kilomètres carrés. C’est plutôt resserré, mais c’est au plus près de là où j’ai vu la créature. Lorsqu’elle tentait de me fuir, elle plongeait tout droit vers la fosse. Étant donné sa taille et ses particularités physiques, je n’imagine qu’une seule explication au fait que cette espèce n’ait encore jamais été repérée auparavant. Elle doit provenir de l’unique endroit sur Terre où l’Homme ne pouvait pas la suivre. Jusqu’à aujourd’hui…
— OK, on ralentit la descente, je préviens en actionnant les manettes de contrôle.
Une légère couche de poussière se soulève tandis que nous arrivons à proximité du sol. Il faut attendre quelques minutes pour qu’elle se dissipe. Alors seulement, les spots de Perséphone se posent sur le fond de la fosse des Mariannes.
C’est un spectacle de désolation et de solitude. Un minuscule îlot de lumière, perdu là au creux du néant, et puis plus rien. Le monde se limite au périmètre de nos projecteurs. Si nous avançons, ou si nous reculons, il se déplace avec nous. Le vide engloutit aussitôt tout ce que nous venions de dévoiler. Il s’en faudrait de peu pour qu’il nous engloutisse nous aussi. C’est comme si la réalité avait cessé d’exister. Le monde défini, tel que je l’ai toujours connu, a disparu dans des ténèbres impénétrables. Je me dis presque qu’Adam et moi, avec cette lumière au-dessus de nos têtes, nous n’existons que parce que nous avons conscience d’exister. Que notre esprit génère cette lumière, et que si nous prenions le risque de fermer les yeux, ne serait-ce qu’une seconde, alors peut-être, ces ténèbres ne nous recracheraient jamais.
Serait-ce vraiment un mal ? Qui sait ce qu’il reste à découvrir dans ces confins du monde ? Qui sait ce qui pourrait nous arriver ?
Le vertige des profondeurs m’étreint une nouvelle fois, exactement comme il y a vingt ans. L’étendue infinie de ces salles vides me pétrifie, me glace d’effroi et me fascine, avec plus de force que n’importe quoi d’autre sur Terre. Je ne connais pas de chose qui me procure davantage d’émotions. Plus que jamais, l’espèce humaine me paraît petite, insignifiante face aux merveilles ancestrales de la nature, et pourtant, quel génie que d’être parvenus à nous aventurer jusqu’ici… Les esprits de dizaines de chercheurs à travers les siècles se sont assemblés pour construire aujourd’hui ce dessein grandiose : deux hommes, seuls au plus profond des océans, repoussant les limites du monde connu…
C’est dans ces moments-là que je sens mon cœur battre plus vite. C’est dans ces moments-là que je me sens vivre. Rien d’autre ne compte. Qu’est-ce qui pourrait bien rivaliser avec un tel concentré d’audace et d’immensité ? Chaque inspiration à la surface ne me mène qu’à ces instants volés, trop rares, au creux de la fosse des Mariannes.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? me demande Adam, qui ne peut détacher son regard du sol meuble sous nos pieds.
— On cartographie. On repère tout organisme vivant. On prélève.
— Combien de temps il nous reste ?
— Il nous faut un peu plus d’une heure pour remonter. Donc nous pouvons compter quatre heures sur place.
Adam prend une profonde inspiration :
— Très bien… Au travail.
Dans le délai imparti, nous filmons, photographions, déployons les bras télescopiques pour récolter du sable et de la roche. La créature ne se montre pas, mais je suis patient. J’ignore ce qui l’a attirée près de mon bateau la première fois. Peut-être les éclairs de l’orage ? Beaucoup d’espèces sous-marines sont intriguées par les sources lumineuses, et c’est particulièrement vrai pour la faune des abysses, où la bioluminescence est même devenue une arme de prédateur pour charmer ses proies. Nous ne tardons pas à en obtenir la preuve lorsque plusieurs poissons locaux, parmi lesquels la fameuse baudroie à lanterne, s’aventurent jusqu’à notre sillage.
Nous les consignons sans les déranger. Notre but n’est pas de les capturer pour l’instant. Malgré l’élaboration de petits containers sous pression ces dernières années, il reste extraordinairement difficile de ramener des spécimens abyssaux à la surface en vie. Auparavant, le phénomène de décompression les tuait avant même qu’ils n’aient fini de remonter. Leurs organes internes, gonflés par le changement soudain d’atmosphère, ressortaient par leur bouche jusqu’à les faire éclater. Une mort affreuse, que l’utilisation des containers permet aujourd’hui d’éviter. Mais les sujets ainsi prélevés survivent rarement sur le long terme. Ils sont stressés par la capture, l’omniprésence de lumière, et le maintien artificiel d’une eau à haute pression et à basse température n’est pas encore suffisamment au point dans ces récipients dernier cri. La recherche, cependant, est en bonne voie. Il est désormais possible de procéder en laboratoire à une décompression en douceur des organismes sélectionnés. D’ici quelques années, j’ai bon espoir que nous ferons encore davantage de progrès…
Heureusement, ma créature semble être d’une espèce différente. Capable de s’aventurer à la fois en surface et dans les abysses. Plusieurs animaux aquatiques sont en mesure d’effectuer cette migration verticale, des profondeurs au plus près de l’air libre : leur anatomie s’adapte aux changements rapides de pression et de température. C’est un point positif pour nous. Si nous parvenons à la capturer, nous aurons peut-être moins de difficultés à la remonter et à la garder en vie…
L’écran radar détecte quelque chose à cent mètres devant nous :
— Qu’est-ce que c’est ? sursaute Adam.
— C’est trop gros pour être notre créature… Peut-être une cheminée hydrothermale ? Mais on aurait perçu un pic de chaleur.
Nous faisons route vers le signal. Rapidement, une forme blanchâtre se dessine à même le sol. Elle doit mesurer plus de trente mètres de long. La lumière de nos projecteurs ne suffit pas à l’éclairer totalement :
— Qu’est-ce que c’est ? s’exclame à nouveau Adam.
Je prends immédiatement plusieurs photos du site :
— Une baleine bleue, je réponds gravement. Lorsqu’elles meurent, les carcasses de baleines descendent parfois jusqu’ici. Elles peuvent fournir de la nourriture à nos petits amis pendant des décennies…
Comme en écho à mes paroles, plusieurs minuscules poissons virevoltent autour de la dépouille de la baleine. Nous la survolons en silence. Elle doit reposer là depuis longtemps : il n’en reste plus que des os. Un bonheur pour le nid de bactéries qui s’est accumulé à l’intérieur.
— C’est incroyable…
Je souris :
— Les abysses n’ont pas fini de nous réserver des surprises.
Je pointe du doigt un reflet sur le sol, juste à côté de la tête de la baleine :
— Regardez, on dirait qu’il y a quelque chose, là.
Adam dirige aussitôt le bras télescopique. Avec l’habileté d’un expert, il saisit entre ses pinces un minuscule objet rond sur un lit de sable :
— Félicitations, mon cher Sam, déclare-t-il. Tu viens de trouver une magnifique concrétion calcaire.
Il me faut un petit moment pour comprendre :
— Une perle ?
— Exactement. Et de belle taille, en plus. Combien est-ce que ça vaut, à ton avis, une perle du fond de la fosse des Mariannes ?
Nous glissons notre découverte dans un container, ainsi qu’un prélèvement des os de la baleine. Il est presque temps de repartir. Nous avons fini d’explorer la zone à quadriller. Dans les quelques minutes qui nous restent, je baisse la luminosité et nous immobilise. Nous flottons sans but dans un océan glacé, minuscule tache de lumière étouffée par le vide. Mon espoir s’amenuise comme l’oxygène qui nous file entre les doigts. Ce ne sera pas pour cette fois. Deux kilomètres carrés de couverts : combien d’autres encore à inspecter, avant de pouvoir remettre la main sur cette créature ?
— Tu n’es pas trop déçu ? me demande Adam.
— Si. Je me dis que je ne la reverrai peut-être jamais. Tout ce que j’aurai, c’est une vague description publiée dans un périodique obscur, à laquelle personne ne croira. Jusqu’à ce qu’un autre que moi ait plus de chance et s’approprie la découverte…
— Tu feras d’autres découvertes.
— C’est facile à dire pour vous. Les plantes, ça ne bouge pas.
— C’est extrêmement réducteur comme définition. En fait…
— Vous voyez très bien ce que je veux dire. Jamais vous ne regarderez la découverte de votre vie s’éloigner de vous à toute vitesse juste sous vos yeux.
— Mais qu’est-ce qui te fait croire que cela aurait été la découverte de ta vie, au final ? Tu sais, le grand public se moque des dizaines d’espèces de poissons que l’on baptise chaque mois durant cette mission. À part une bande de passionnés un peu tarés comme nous, personne ne s’y intéressera. Alors pourquoi est-ce que ce serait différent avec cette chose ?
— Si vous l’aviez vue, vous comprendriez…
Je frotte une paume contre mes yeux, comme si cela pouvait raviver davantage le souvenir de la créature :
— Elle avait un visage, Adam. Des bras, des mains, des doigts. Exactement comme vous et moi. Et puis elle avait… Elle me regardait comme si elle savait ce que j’étais. Elle avait l’air… consciente.
— Tu penses à une vie intelligente ?
— Je n’en ai aucune idée. Je sais que ça semble fou, mais… C’est ce que j’ai ressenti. Et si une créature sortie de l’océan vous fixait comme ça droit dans les yeux, croyez-moi, Adam, vous n’en resteriez pas indemne non plus.
— Perséphone, annonce la radio. Il est temps d’entamer votre remontée.
Je soupire. Adam scrute les ténèbres autour de nous, à la poursuite de mes chimères. Au fond, je ne peux pas vraiment le blâmer de ne pas me croire.
— Nous enclenchons les propulseurs, je déclare à l’Achéron.
— Très bien. Rendez-vous à la surface.
L’ascension est plus rapide que la descente. Comme à chaque fois qu’une expédition sous-marine arrive à son terme, j’ai la sensation d’être arraché de mon univers. Une partie de moi reste en arrière, toujours. Cette partie qui s’est perdue quand j’avais douze ans. Adam, lui, semble quelque peu rassuré de quitter cette atmosphère claustrophobique.
À environ six mille mètres de fond, un brusque bip à l’extrême lisière du radar me fait stopper les machines.
— Qu’est-ce que c’était ? s’exclame Adam.
— Je n’en sais rien… Ça a disparu, c’était juste à la limite de détection du radar.
— Il détecte à quelle distance ?
— Deux kilomètres.
Je ne peux m’empêcher de sourire :
— C’est vital pour nous. Il y a quelques années, un sous-marin nucléaire américain a bien failli couler parce qu’il a percuté un mont sous-marin à pleine vitesse.
— Un mont sous-marin ?
— Oui. Une montagne de presque six-cents mètres de haut, à deux mille mètres de fond. Pas très loin d’ici, d’ailleurs. Ces imbéciles ont foncé droit dedans.
— Tu crois qu’il pourrait s’agir d’une montagne ?
— Non, ça se déplace…
Un regain d’excitation hérisse ma colonne vertébrale. Et si c’était la créature ?
— Achéron à Perséphone, intervient Louis par radio. Pourquoi avez-vous stoppé les moteurs ?
Je décroche :
– Ici Perséphone, nos radars ont détecté quelque chose. Je demande l’autorisation de poursuivre l’exploration.
— Négatif. Il ne vous reste que quatre-vingt-dix minutes d’oxygène. Remontez, et nous enverrons Hadès si vous le voulez.
Mes doigts pianotent nerveusement sur le tableau de bord. Adam capte mon regard, et je distingue en lui la malice si particulière de l’aventurier :
— Qu’est-ce que ça nous coûte d’aller voir ? propose-t-il d’un air de connivence. Dix minutes, tout au plus ? Ça nous laisse largement le temps de remonter.
J’esquisse un sourire de requin :
— Achéron, nous allons poursuivre l’exploration, je décrète. Terminé.
Je coupe momentanément la radio pour échapper à la colère de mon collègue. Adam inspire profondément :
— Allons-y.
Je rapproche le sous-marin de la zone d’émission. Assez vite, nous récupérons le signal. Il décrit des cercles prudents autour de nous, et indique un objet d’environ deux mètres de long. Ça pourrait correspondre…
— On ne peut pas amplifier la lumière ?
— Non, malheureusement, on est à fond…
Saisi d’une brusque inspiration, je coupe tous les systèmes. Nous voilà plongés dans le noir. Les caméras sont aveugles. Seuls les voyants du radar et du tableau de bord clignotent autour de nous.
— Qu’est-ce que tu fais ? s’écrie Adam avec un brin de panique.
— Je le laisse s’approcher. Regardez.
Timidement, le signal progresse vers nous selon une trajectoire en spirale. Il n’est bientôt plus qu’à un kilomètre. Cinq-cents mètres. Deux-cents mètres…
— Quand il sera suffisamment près, je rallumerai les projecteurs et on lancera le filet. Vous êtes prêt ?
Adam acquiesce. L’air commence à s’échauffer dans le cockpit. Les secondes s’écoulent, interminables, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que quarante mètres.
— Quelle est la portée du filet ?
— Dix mètres…
« Allez, ma grande. Rapproche-toi. »
Vingt mètres. Ma main survole la commande du piège. Encore un petit peu, encore un petit peu…
— Maintenant !
J’écrase le bouton déclencheur. Les projecteurs se rallument d’un coup, nous éblouissant tous les deux. Un léger choc annonce le départ du filet. Le radar s’affole comme un électrocardiogramme en plein délire :
— On l’a eu ? rugit Adam, le regard halluciné, incapable de percer les ténèbres autour de nous.
— Je ne sais pas.
La luminosité reflue. La nasse s’agite devant nous, large toile quadrillée de trois mètres sur quatre, qui danse dans le courant froid. Vide.
— Et merde…
Je retombe au fond de mon siège. Adam, lui, expire un grand coup, la chemise trempée de sueur. Sur l’écran de détection, déjà le signal s’éloigne :
— Il faut le rattraper, je déclare sans perdre un instant.
— Sam, je ne sais pas ce que c’est, mais ça file à au moins cinquante kilomètres-heure…
— Plus que ça.
La chose a déjà rejoint la limite de perception du radar. J’enclenche les moteurs sans plus tarder, mais Adam me retient :
— Sam ! Il ne nous reste plus que soixante minutes d’oxygène !
— Mais on a déjà parcouru la moitié du chemin. On peut tenir encore un peu.
— Sam…
Le sous-marin s’ébranle. J’ai les doigts crispés sur la manette de direction. Plus vite…
Perséphone n’est pas conçue pour couvrir de grandes distances rapidement. La propulsion n’est là que pour permettre de légers déplacements au fond de la fosse, et, bien sûr, pour nous faire remonter.
— Tu ne pourras jamais le rattraper…
— Mais si, regardez : on récupère le signal.
Je gagne du terrain sur cette chose qui nous fuit, juste avant de la perdre à nouveau, et nous jouons ainsi au chat et à la souris pendant dix bonnes minutes. Tous mes nerfs sont tendus à vif vers cet objectif invisible.
— Sam, finit par énoncer Adam d’un ton grave. Tu consommes toutes nos batteries et notre oxygène. Il faut que tu arrêtes, maintenant. Tu ne sais même pas si c’est ta créature !
— Je suis sûr que c’est elle.
— Pourquoi ?
— Parce qu’elle est trop maligne.
— Tu trouves ça malin de s’approcher d’un sous-marin d’exploration ?
— Regardez la vidéo si vous n’êtes pas convaincu ! Les caméras ont dû filmer quelque chose.
Adam s’exécute aussitôt :
— Il n’y a rien, Sam.
— Quoi ?
— Je te dis qu’il n’y a rien.
— Ce n’est pas possible…
À mon tour de visionner l’écran, et de constater qu’effectivement, lors de l’éjection du filet, les caméras n’ont enregistré que du vide.
— Tu ne sais même pas après quoi tu cours, Sam.
— Ça ne change strictement rien ! Cette chose sur le radar est bien réelle ! À deux kilomètres de nous, il y a une créature de deux mètres de long qui est en train de s’enfuir à toute allure : vous croyez vraiment que c’est une coïncidence ? Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre, bon sang ?
— L’une des centaines de bestioles qui peuplent cet océan ! C’est ton métier, tu le sais mieux que personne ! Arrête cette folie tout de suite !
— Je peux l’avoir…
— Nous n’avons plus que quarante minutes d’oxygène ! Sam, nous sommes encore à plus de six mille mètres de la surface ! Si nous ne commençons pas à remonter maintenant, nous sommes morts, tu comprends ça ? Nous sommes morts !
— J’y suis presque !
— C’est une certitude mathématique : si nous restons ici une seule minute de plus, nous n’aurons plus assez d’air pour revenir ! Nous serons morts avant d’atteindre la surface, autant nous précipiter par le fond tout de suite ! C’est ça que tu veux ? Tu es prêt à risquer nos vies à tous les deux pour un point sur un écran radar ? Tu ne trouveras jamais ta créature si tu meurs comme un imbécile dans cette boîte de conserve !
L’impuissance me fait l’effet d’un mur. Je suis persuadé que je pourrais l’avoir, tellement persuadé… Mais la raison me rattrape. Même si je parvenais à la capturer maintenant, je n’aurais plus assez d’oxygène pour la ramener jusqu’à la surface. Et contrairement à moi, Adam ne peut pas retenir sa respiration pendant douze minutes.
Je ne dis rien. J’actionne la commande des propulseurs en guise de défaite. Adam, lui, laisse échapper un soupir de soulagement et éponge la sueur qui ruisselle sur son visage. Tout le temps que dure la remontée, nous ne prononçons plus un mot. Seul l’oxygène qui se raréfie de plus en plus pèse comme une accusation entre nous. L’air est lourd et vicié. Il nous faut bientôt fournir des efforts laborieux pour respirer. Les instruments indiquent deux mille mètres de profondeur.
— Fermez les yeux, je conseille à Adam. Essayez de dormir, vous consommerez moins d’oxygène.
— Tu crois vraiment que j’ai envie de dormir dans une situation pareille ?
Je retiens silencieusement mon souffle. Pour une raison qui m’a toujours échappé, je suis beaucoup moins bon en apnée terrestre qu’en apnée immergée. Lorsque je suis sous l’eau, je ressens à peine la pression du manque sur mes poumons. J’ai l’impression que la fraîcheur de l’océan me permet de respirer. Que je pourrais rester ainsi, sans limites. À terre, par contre, ma résistance n’excède pas deux minutes.
Je passe à nouveau en revue la vidéo pour m’occuper. Chaque seconde s’attarde, de plus en plus douloureuse. C’est comme être prisonnier d’un sarcophage. Que trouveront nos collègues lorsque nous parviendrons enfin à la surface ? Deux cadavres, ou deux revenants ravivés par l’air pur ? Ophélie ne me pardonnera jamais…
Je ferme les yeux pour m’interdire d’y penser. La perspective de m’endormir et de ne plus jamais les rouvrir me fait sursauter, me ramenant de nouveau vers l’écran. Comment avons-nous pu ne filmer que du vide ? La créature était bien là, pourtant, visible sur le radar. Il n’y a que deux explications possibles : soit elle est dotée d’un camouflage plus efficace que tout ce que j’ai jamais rencontré jusqu’à présent dans la nature, soit elle est particulièrement rapide. La vitesse de sa fuite m’invite à pencher pour la deuxième hypothèse.
Je m’acharne néanmoins, concentré sur la vidéo que je bascule en mode image par image. Dès les premières millisecondes, j’ai ma réponse. Je me redresse sur mon siège et secoue frénétiquement Adam par l’épaule :
— Professeur ! Regardez !
Il sort avec peine de son hébétude. Il me dévisage, l’air inquiet, comme si je menaçais à tout moment de couper les propulseurs pour nous redescendre vers une mort assurée.
— Regardez !
Je lui montre l’écran. Instantanément, ses traits se décomposent. Je ne peux m’empêcher de ressentir un brusque accès de triomphe :
— Vous croyez toujours que ça ne valait pas la peine de risquer notre peau ?
À dix mètres de distance, aux toutes premières lueurs des spots, les caméras ont filmé une main tendue vers nous. Une main humaine, à six mille mètres de fond. |