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au 31 Mai 21 :
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A Coeurs Perdus : 2e Génération
Par Natalea
Harry Potter  -  Romance/Amitié  -  fr
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    Chapitre 22     Les chapitres     48 Reviews    
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Déchirures

Rose baignait dans une sorte de stupeur horrifiée. Les membres de sa famille allaient et venaient autour d’elle, sans qu’elle puisse les distinguer. Le cottage n’était pas assez grand pour tout le monde, aussi s’étaient-ils tous réunis au Terrier, dans l’urgence. Ils étaient tous là, même Hugo, qui passait la semaine chez Hermione et Malefoy. Tous hébétés, bercés d’incompréhension, déchirés par ce qu’ils n’avaient pas su voir.

D’après les médecins, Ron était mort près de vingt-quatre heures avant l’arrivée de Rose. L’eau du bain était devenue froide, et sa peau livide. Il était simplement rentré chez lui après l’anniversaire de Molly, et il s’était tranché les veines. Toujours d’après les médecins, il avait fait ça bien. Il avait pris de l’aspirine pour fluidifier son sang, versé un bain brûlant pour dilater ses vaisseaux, et puis ouvert, à la verticale. Tout avait dû aller très vite, après ça. Il n’avait pas laissé de mot, pas de lettre, rien. Si Rose n’avait pas transplané le jour même, il aurait pu rester dans ce bain pendant des jours. Mais non, elle l’avait trouvé. Trop tard.

Une pression sur son épaule ramena brusquement Rose à la réalité. Albus se tenait agenouillé en face d’elle, et il pleurait. Jamais elle n’avait vu Albus pleurer. Elle ignorait même qu’il en soit capable. Il semblait à peine se rendre compte des quelques larmes qui roulaient sur ses joues, et c’est d’une voix maîtrisée qu’il lui murmura :

- Rose… J’ai prévenu Scorpius.

Ses mots lui parvinrent de très loin, comme étouffés par le mur qu’elle voulait dresser entre elle et la vérité. Elle revivait les derniers instants en boucle. A peine quelques heures s’étaient écoulées depuis sa rencontre avec Lily. Rose avait dû mal à se souvenir dans quel ordre s’étaient déroulés les évènements : comment elle avait été chercher de l’aide auprès des médecins de Sainte-Mangouste, comment ils avaient sorti son père de l’eau, comment elle avait transplané d’elle-même au Terrier, manquant de se désartibuler, pour finir dans les bras de sa grand-mère, sans explications, en pleurs et couverte de sang, et puis comment les mots étaient finalement sortis de sa bouche, pour qu’enfin, petit à petit, la rumeur se répande, pour que les autres arrivent, et que les médecins apportent les premières réponses… Rose revivait tout cela en boucle, sans parvenir à se focaliser sur les traits de son cousin :

- Je lui ai dit de rester à l’écart, insista doucement Albus en la secouant. Personne ne comprendrait sa présence ici. Mais tu devrais lui écrire, Rose. Il va s’inquiéter.

La jeune fille acquiesça, espérant qu’il la laisserait tranquille. Elle avait l’impression que sa poitrine n’était plus qu’une plaie béante à vif. Un amas de chair si déchiqueté qu’il ne lui restait plus de nerfs pour ressentir. A part une immense douleur.

Ron était mort.

Toutes les vingt secondes, son cerveau répétait ce message, et toutes les vingt secondes, Rose revivait la nouvelle comme si c’était la première fois. Chaque instant était un coup de poignard que l’on enfonçait dans son cœur, dans ses tempes, dans ses os. Ron avait disparu en perçant derrière lui un trou, qui aspirait tout. Le monde de Rose n’évoluait plus qu’autour de ce désastre omniprésent. Son entourage se pressait contre sa conscience, mais rien ne pénétrait plus ce vide autour d’elle, pas encore. Bientôt, la brume se dissiperait et ils l’assailliraient tous comme un essaim d’abeilles, elle le sentait, mais… Pour l’instant, son père était mort. L’univers entier se réduisait à ces mots.

Un craquement en provenance de la cheminée irrita ses sens. Dernière venue, Lily Potter franchit timidement le seuil de l’âtre de ses grands-parents, pour se mêler aux autres. Rose se leva brusquement. Son esprit et son cœur étaient devenus totalement blancs, totalement opaques, au point qu’elle ne ressentait plus rien à part cet irrépressible besoin de hurler, de hurler à la face du monde sa colère, sa folie, sa culpabilité, et tout ce qu’elle venait de perdre. Mais elle ne dit rien. Aucun son ne sortit de sa bouche. Dans sa fureur, elle avait renversé Albus, et tous les regards se tournèrent vers elle, stupéfaits. Lily Potter le sentit, elle aussi. Elle resta debout et lui rendit son regard, comme si elle était incapable, en vérité, d’accomplir le moindre geste.

Elle ne pleurait pas. Tout le sang semblait s’être retiré de son visage. Elle dévisageait Rose comme si sa cousine l’avait transpercée sur place, comme s’il n’y avait aucun moyen pour elle d’échapper à ce regard implacable qui la condamnait.

Un courant froid s’abattit sur la pièce, et la tension monta. Tous ceux qui étaient présents : Molly, Arthur, Harry et Ginny, George, Percy, Bill et Charlie, leurs femmes et leurs enfants, tous saisirent qu’ils s’étaient passés quelque chose, quelque chose qui unissait Lily et Rose, et qui échappait à leur compréhension.

Albus saisit brusquement la main de Rose pour se relever :

- Qu’est-ce que tu as fait ? hurla-t-il à Lily avant même qu’elle n’ait prononcé un seul mot.

Il se tourna vers Rose, le désespoir transparaissant pour la première fois dans sa voix :

- Qu’est-ce qu’elle a fait, Rose ? Dis-moi…

Du coin de l’œil, Rose aperçut son frère, Hugo, dont les larmes avaient cessé devant la scène qui se déroulait. Sa vision lui brisa le cœur. Revenant doucement vers Albus, perdue, comme dans un rêve, Rose avoua simplement :

- Elle lui a dit…

Alors, rattrapée par le poids des regards posés sur elle, par la somme des questions qui se bousculaient déjà à toutes les lèvres, Rose abandonna Albus et transplana.

Elle transplana dans le seul endroit qui occupait son esprit à cet instant, son seul échappatoire possible, la seule personne dont elle désirait encore la présence en ce monde : Scorpius. Elle émergea dans leur appartement, et il était déjà là. Assis à la table de la cuisine, attendant dans la crainte, ses ongles courant sur le bois poli, comme il le faisait lorsqu’il était stressé. Rose remarqua ce détail comme si le temps s’était soudain arrêté. Dès qu’il la vit, il bondit de sa chaise pour l’enlacer :

- Rose ! dit-il en la serrant très fort.

Puis, reculant pour l’observer :

- Je suis tellement désolé… Tellement désolé…

Rose l’étreignit de toutes ses forces et ne dit rien. Elle eut brusquement l’impression que tout l’air s’était retiré de ses poumons, et qu’elle allait mourir étouffée, submergée par une souffrance trop grande pour qu’elle puisse la contenir. Elle agrippa le pull de Scorpius comme s’il était son ancre, sa seule bouée de sauvetage au milieu d’un océan déchaîné, et alors que ses pleurs la rattrapaient enfin, elle se concentra sur le battement sourd de son cœur contre le sien, sur son odeur, sa présence physique tout contre ses doigts, et ses bras refermés sur elle lui donnèrent la force de rester debout.

Ils restèrent longtemps ainsi, serrés l’un contre l’autre au milieu de la cuisine, ignorant les hiboux Weasley qui, l’un après l’autre, demandaient des nouvelles de Rose. Le hibou grand-duc des Malefoy se manifesta également, et Scorpius insista pour lire son message :

- C’est ta mère, dit-il doucement à Rose tandis qu’elle gardait son visage enfoui contre sa poitrine. Elle a voulu rejoindre Hugo, mais Molly l’a mise dehors.

- Je ne veux pas penser à eux.

- Je comprends. Mais elle s’inquiète pour toi.

- Dis-lui qu’on est ensemble, et que je ne veux voir personne. Je t’en prie, Scorpius. Personne.

Scorpius acquiesça, griffonnant rapidement une réponse qu’il renvoya aussitôt. Alors, il parvint à faire s’allonger Rose sur leur lit dans leur chambre, et il s’étendit auprès d’elle en gardant son corps contre le sien, dans le silence et le noir. Rose pleura longtemps, jusqu’à ce que l’épuisement total ne la fasse sombrer dans un sommeil agité. Elle ne dormit que deux heures, au terme desquelles la réalité la rattrapa, dans toute son horreur :

- Il n’a même pas laissé de lettre…, murmura-t-elle à Scorpius qui caressait ses cheveux. Pas d’adieu, pas d’explications, rien…

- C’était un acte impulsif.

- Non, il a fait ça pour me punir.

Scorpius recula brusquement, comme si elle avait dit une hérésie :

- Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda-t-il.

- Mon père savait ! sanglota Rose. J’ai vu Lily à l’université aujourd’hui, et elle m’a avoué lui avoir tout dit à propos de toi et moi, pendant l’anniversaire de Molly, hier…

Scorpius accusa le coup. Mais Rose ne le laissa pas parler :

- Tu comprends, Scorpius ? Il a fait ça à cause de moi ! A cause de nous ! Il ne s’est même pas posé de questions : il est rentré chez lui et il s’est tué, sans hésiter, sans même laisser de lettre, sans rien ! Il savait que je comprendrais ! Qu’il s’est tué parce que je l’ai trahi, que je lui ai menti, parce que j’ai pris sa dernière raison de vivre sur cette Terre…

- Rose, arrête, arrête !

Scorpius s’était redressé, partagé entre l’indignation et l’horreur, prenant seulement conscience de ce que Rose lui révélait :

- Si tu as raison, articula-t-il au bout d’un moment, comme s’il luttait pour retenir ses mots, alors c’était un acte extrêmement cruel de sa part. Cela voudrait dire qu’il a agi non seulement en sachant qu’il te blesserait, mais pour te blesser. Crois-tu vraiment cela, Rose ? Crois-tu que ton père voulait délibérément te punir, te marquer à vie de cette façon ?

Rose le contempla, éperdue, et haussa les épaules :

- C’est ma faute, Scorpius, dit-elle sans retenir ses larmes. Je sais exactement ce qui lui a traversé l’esprit. Je le sens. Il commençait tout juste à se remettre… Mais je l’ai déçu et trahi de la pire des façons, au moment où il s’y attendait le moins…

- Parce que tu sors avec moi ?

- Parce que je sors avec un Malefoy !

Scorpius recula comme si elle l’avait giflé. Rose s’en voulut, mais il y avait trop de culpabilité en elle pour qu’elle s’y arrête :

- Il a tout perdu à cause de ton père ! poursuivit-elle, mortifiée à mesure qu’elle parlait. Il a tout perdu à cause d’un Malefoy ! Et voilà qu’à présent, sa propre fille, son seul soutien, succombe à un Malefoy à son tour… Il a dû se sentir seul au monde. Abandonné, et humilié, une nouvelle fois, par les mêmes ennemis…

- Mais tu n’as rien fait de mal ! Rose…

Scorpius prit son visage entre ses mains, dans une tentative désespérée de se rapprocher d’elle :

- Je t’aime…, murmura-t-il.

Rose éclata en sanglots :

- Et je t’aime aussi, répondit-elle en l’enlaçant à son tour. Mais tu ne comprends pas, Scorpius ? Mon père s’est tué à cause de nous. Il s’est tué, à cause de nous.

- Non, c’était son propre choix, sa propre faute.

- A cause de nous…

- Si c’est notre faute, alors c’est aussi celle de Lily, et celle de mon père, et de ta mère…

- Oui, notre faute à tous.

Scorpius la serra contre lui pour la faire taire, mais Rose avait eu le temps de voir, l’espace d’un instant, la terreur envahir ses traits.

XXX

Le lendemain, c’était le jour de l’enterrement. Rose émergea d’une nuit sans sommeil, les yeux glacés de larmes qui avaient finalement séché sur ses joues. Les brumes étaient retombées, à présent. Le premier choc était passé, et elle y voyait incroyablement clair. Sa discussion avec Scorpius avait enclenché la voie de toutes les répercussions qu’elle avait refusé de voir. A côté d’elle, elle entendait à sa respiration que Scorpius non plus ne dormait pas, et elle savait aussi que son esprit intelligent avait dû percer, tout comme elle, les dilemmes auxquels ils se trouvaient confrontés. Parce qu’il la comprenait mieux que personne d’autre, elle eut peur de sa réaction. Mais Scorpius se contenta de la serrer dans ses bras avant de passer des vêtements noirs.

- Je ne sais pas si je dois y aller, murmura Rose d’une voix atone.

- Tu dois y aller, répondit Scorpius. Et je viens aussi.

- Mais tu réalises ce que…

Scorpius voulut la faire taire, mais elle se débattit :

- Ils doivent tous être au courant à présent ! s’écria-t-elle. Albus a dû leur expliquer, si Hugo ou Lily ne l’ont pas déjà fait ! Ils savent tous ce qui s’est passé, et je suis censée venir, avec toi, et…

- Rose, dit Scorpius d’une voix plus calme en emprisonnant ses mains dans les siennes. C’est l’enterrement de ton père. Rien d’autre ne compte. Plus tard, tu pourras t’interroger autant que tu voudras sur la bienséance ou le bien-fondé de nos actes. Mais aujourd’hui, c’est l’enterrement de ton père. C’est uniquement de lui qu’il est question. De lui et de toi. Alors, ne t’occupe pas de Molly. Ne t’occupe pas de ton frère ou de Lily. Aujourd’hui, c’est ta seule chance de lui dire au revoir. Je t’en supplie, ne t’inflige pas un choix que tu regretteras par la suite.

Ses mots trouvèrent un chemin en elle, comme lui seul savait le faire. Pourquoi sa voix était-elle toujours la seule à l’atteindre, au milieu de toutes les autres ? Doucement, Rose caressa la joue de Scorpius, et brusquement, elle se rappela qu’elle l’aimait, à quel point elle l’aimait, et cet amour brûla d’une culpabilité si vive qu’elle crut en mourir. Elle l’embrassa, mais ne sentit que le goût des remords, le péché contracté tel un serpent au creux de son ventre, et le corps de son père baignant dans son propre sang éclata dans sa mémoire. Elle le repoussa pour se lever et enfiler une robe noire. Sans rien dire, Scorpius la suivit du regard.

A l’enterrement, Rose s’agrippa à sa main si fort qu’elle crut lui percer la peau de ses ongles. Là encore, Scorpius ne dit rien. Il affronta les regards de la famille Weasley lorsque Molly se tint devant lui, venimeuse, le chagrin et la colère brouillant ses traits convulsés. Rose ne regarda personne. Elle sentait leur conscience à tous : le poids de ses oncles, de sa grand-mère, le plus terrible de tous, et le soutien navré d’Albus et Hugo, qui eux non plus ne devaient plus savoir où se placer dans cette tourmente. Lily n’était pas là. Tant mieux, Rose n’aurait probablement pas supporté sa présence. Dans un silence contenant toutes leurs tensions à tous, ils eurent au moins la décence d’écouter les paroles du prêtre, avant de descendre le cercueil noir en terre.

Comme Scorpius le lui avait dit, Rose tenta de se concentrer sur Ron. Elle visualisa ses cheveux roux, ses yeux rieurs, le mélange de fragilité, de rancœur et de bienveillance qui s’étaient toujours livrés combat en lui. Elle murmura en elle-même : « Je suis désolée, papa… Tellement désolée… Je t’aime, je t’aime, pourquoi as-tu fait ça ? Je n’ai jamais voulu te trahir. Je ne t’aurais jamais abandonné, comment as-tu pu le comprendre ainsi ? Pourquoi n’as-tu pas laissé de lettre ? Me détestais-tu au point de ne même pas vouloir me dire adieu ? Pas même un dernier mot, pour ta propre fille ? Estimais-tu que je n’en étais pas digne ? Papa, je suis désolée, par pitié, pourquoi as-tu voulu me punir… »

En face d’elle, Rose voyait Hugo, qui tremblait de rage face à la tombe. Et elle songea : « ça aussi, c’est de ma faute… Et il refusera même de le voir. Je lui ai pris son père… ». Elle regarda Molly, qui tour à tour l’ignorait ou la scrutait, partagée entre la trahison et l’amour de sa petite fille. Rose venait de porter un coup fatal à sa famille. Parmi ses oncles, ce n’était que stupeur et hostilité, tour à tour contre elle, contre Ron ou Scorpius. Comme si la situation était trop complexe pour ne désigner qu’un seul coupable. Albus, lui, mourait de rage et de culpabilité à cause de sa sœur, de fureur envers sa famille qui condamnait Rose et Scorpius, de chagrin, pour ce que sa cousine devait subir… Trop de passions différentes et entremêlées…

Lorsque la cérémonie fut terminée, Hermione et Malefoy transplanèrent soudainement, à quelque distance de la foule. Rose n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit : Hermione vint la serrer dans ses bras tandis qu’Hugo courait les rejoindre. Molly s’était déjà dressée sur ses jambes :

- Qu’est-ce que vous faites ici ?! hurla-t-elle. Fichez-le camp ! Fichez-le camp ! Vous ne vous rendez pas compte que c’est un outrage ? Il est mort ! Il est mort à cause de vous !

Rose se retourna brusquement, et sa grand-mère se tut, prenant brusquement conscience que ces paroles pouvaient aussi s’adresser à sa petite fille. Ses traits se plissèrent, déchirés entre deux aspirations contraires, brisés par ce paradoxe en elle : un amour profond pour Rose, qui avait toujours soutenu Ron, et une haine et une déception sans nom, car elle avait causé sa mort…

Lentement, Rose s’extirpa de l’étreinte de sa mère. Elle les repoussa tous : Hugo, Molly, et même Scorpius. Instinctivement, ils formèrent trois groupes distincts autour d’elle : Molly, Arthur, ses oncles et leur famille d’une part, Hermione, Malefoy, Hugo, Harry, Ginny et Albus d’autre part, et enfin, tout seul, Scorpius. Rose les regardait tour à tour. La terre fraichement retournée lui hurlait la mort de son père et les conséquences de ses actes. Elle regarda Hermione, et elle sut que sa mère se sentirait à tout jamais responsable de la mort de Ron. Mais aussi qu’elle lui en voudrait, car il avait délibérément blessé leur propre fille. Elle regarda Molly et ses oncles, et elle ne vit que de l’incompréhension, face aux choix qu’elle avait faits, à l’homme qu’elle avait choisi, en dépit de son père et de leur famille. Elle regarda Scorpius, et elle ne vit que son amour pour lui, et le prix qu’il lui avait coûté. Elle vit aussi qu’il avait déjà compris. Parce qu’il était elle et qu’elle était lui. Parce que la crainte déchirait déjà ses grands yeux verts.

Coincée entre tous ces feux, piégée au centre de la toile, Rose ne pouvait plus rien faire. Où qu’elle se tourne, quelle que soit la direction qu’elle aurait pu souhaiter prendre, le choix lui en était interdit. Si elle restait avec Scorpius, elle crachait sur la mémoire de son père. Elle ignorait littéralement son jugement et sa propre mort, pour profiter d’un amour entaché de sang. Jamais elle ne pourrait vivre avec pareil affront sur la conscience.

Si elle retournait auprès de sa mère, auprès de Malefoy, elle insultait de la même façon la souffrance de son père. Faire la paix avec ceux qui l’avaient amené au suicide était exclu.

Quant à Molly, le chemin jusqu’à son cœur lui avait été fermé au moment même où Ron s’était tranché les veines. Même si Rose s’y employait de toutes ses forces, elle ne pourrait plus jamais s’intégrer à sa famille paternelle. Pire encore, elle ne ferait que la déchirer davantage en s’y efforçant. Et, à vrai dire, en avait-elle seulement le désir ? Vivre en affrontant tous les jours le regard de Molly, en portant sur elle le poids de la responsabilité de la mort de Ron…

Immobile au milieu du cimetière, Rose était cernée de toutes parts. Le désespoir tomba sur elle comme une pluie noire et glacée. La culpabilité l’écrasa, explosa dans sa conscience ; Ron lui cria du fond de sa tombe : « Je me suis tué à cause de toi ! ».

Alors, écorchée à la pointe d’une douleur indicible, Rose chercha le regard de Scorpius. Elle le trouva, si beau, magnifique et pâle, dans son costume noir, les yeux fixés sur elle comme s’il espérait la retenir.

- Ne fais pas ça, Rose, murmura-t-il rien que pour elle, ignorant tous les autres autour d’eux.

Il tendit la main devant lui, comme pour apaiser un animal blessé. Et en un sens, c’était ce qu’elle était.

- Je t’en prie, ne fais pas ça…

Rose s’attarda sur chaque détail de son visage, sur tout ce qu’ils avaient partagé, sur ce bonheur qu’ils avaient touché du bout du doigt, et qui les avait brûlés. Elle grava son souvenir dans sa mémoire pour qu’il ne s’en déloge jamais. Alors, puisant dans tout ce qu’il restait de volonté en elle, elle lui sourit.

- Non ! hurla-t-il.

Il se jeta sur elle, mais il était trop tard. Rose transplana.  

 
 
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