manyfics
     
 
Introduction Les news
Les règles Flux RSS
La Faq Concours
Résultats ManyChat
Plume & Crayon BetaLecture
Nous aider Les crédits
 
     

     
 
Par date
 
Par auteurs
 
Par catégories
Animés/Manga Comics
Crossover Dessins-Animés
Films Jeux
Livres Musiques
Originales Pèle-Mèle
Série ~ Concours ~
~Défis~ ~Manyfics~
 
Par genres
Action/Aventure Amitié
Angoisse Bisounours
Conte Drame
Erotique Fantaisie
Fantastique Général
Horreur Humour
Mystère Parodie
Poésie Romance
S-F Surnaturel
Suspense Tragédie
 
Au hasard
 
     

     
 
au 31 Mai 21 :
23295 comptes dont 1309 auteurs
pour 4075 fics écrites
contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
A Coeurs Perdus : 2e Génération
Par Natalea
Harry Potter  -  Romance/Amitié  -  fr
30 chapitres - Complète - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 7     Les chapitres     48 Reviews    
Partager sur : Facebook | Twitter | Reddit | Tumblr | Blogger
Entremetteuse

Allongée en travers de son lit, Rose restait absorbée dans ses pensées, les yeux fixés sur le baldaquin, comme Emily avant elle quelques heures plus tôt. Elle n’avait pas conscience de cette ressemblance, tant ses réflexions s’entrelaçaient en elle, vibraient au même rythme tels les pôles jumeaux d’un champ magnétique. Pour la première fois depuis des années, le flot de ses idées lui semblait fluide et sans douleur, aussi s’y laissait-elle plonger avec délice, bien qu’elle n’en saisisse pas la finalité. Tout lui semblait drapé d’un voile nébuleux, un tissu poétique qui dansait sous ses yeux, sans lui dévoiler ses secrets. Ce n’était pas grave. Là résidait tout l’attrait.

A côté d’elle, Emily avait remarqué la ressemblance, et assise sur le lit d’à côté, elle regardait son amie d’un air suspicieux :

- Rose, finit-elle par s’impatienter. Depuis quand tu me laisses gérer le devoir commun de Potions toute seule ?

La jeune fille ne répondit pas. Emily soupira :

- Rose !

Elle tourna enfin la tête vers elle, mais seulement pour retourner à la contemplation de son baldaquin :

- Il est différent, dit-elle enfin.

- Qui ?

- Scorpius.

- Différent de quoi ?

- De ce que j’imaginais.

Emily secoua la tête :

- Evidemment qu’il n’est pas comme tu l’imaginais, dit-elle d’un ton réprobateur. Tu ne lui avais quasiment jamais parlé avant ce weekend. Ça laisse une sacrée marge d’erreur.

Voyant que son amie retombait dans le mutisme, Emily tenta de la faire réagir :

- Alors, en quoi est-il différent ?

Rose fronça les sourcils :

- Je ne sais pas… Il est juste…

Les pensées fantomatiques défilaient sous ses yeux, l’empêchant de trouver les mots justes.

- Laisse-moi deviner, intervint Emily.

- Différent, répondit Rose à sa place.

Emily renonça. Elle déplia le sujet du devoir devant elle et se résolut à affronter les épreuves de Slughorn toute seule.

- J’ai une théorie, s’écria soudain Rose en se redressant brusquement, manquant de lui faire lâcher sa plume.

- A propos des Potions ?

Rose se fendit d’un air dédaigneux, comme si Emily était tout à fait hors de propos :

- Mais non, à propos de Scorpius.

- Tu as trouvé en quoi il est différent ?

- Arrête… Je crois que je sais ce qui s’est passé entre lui et Lily.

Emily sentit sa curiosité piquée malgré elle. Et surtout, voir Rose méditer sur son lit en poussant des soupirs affectés était un spectacle suffisamment rare pour reporter les Potions à plus tard. Mettant ses affaires de côté, elle rejoignit Rose sur son lit pour l’écouter :

- Allez, parle.

Rose chercha ses mots quelques instants. Le motif lui paraissait évident en esprit, mais il glissait comme du savon mouillé chaque fois qu’elle tentait de le saisir. Au final, elle commença par le commencement :

- Tu te rappelles de la fête de l’Union ? Comment Lily et Scorpius avaient l’air proches, tout en gardant leurs distances ?

- Oui, c’est parce qu’ils sont sortis ensemble, Scorpius te l’a dit.

- Je sais bien, mais ce n’est pas ce que je veux dire. Lysander Dragonneau t’a raconté qu’il les avait vus sortir d’une salle de classe l’année dernière, et qu’ils étaient tous les deux bouleversés. Or, tu les as vus au bal. Tu as vu la façon dont ils se regardaient. Ce n’était pas l’attitude de personnes qui se sont séparées fâchées.

- Ils sont peut-être restés amis.

- Ils ne se parlent jamais !

- Comment tu peux en être sûre ?

- Je l’aurais vu, Emily, Lily est ma cousine !

Emily haussa les épaules :

- Quelle autre explication tu proposes alors ?

Rose laissa ses pensées s’échapper d’elle-même :

- J’ai vu comment Scorpius a réagi lorsque j’ai parlé d’elle… Il en souffrait. C’était comme s’il avait honte.

- Honte de quoi ?

- De l’avoir laissée partir.

Emily la regarda fixement, pendant de longues secondes :

- Rose, dit-elle enfin. Crache le morceau.

- Je pense qu’ils s’aiment encore ! s’écria Rose, comme soulagée d’un immense fardeau.

A présent que l’idée était exprimée clairement, elle lui semblait de plus en plus tangible :

- Je crois qu’ils se sont séparés, mais pas parce que ça n’allait pas entre eux : parce qu’on les y a forcés. Je l’ai vu, j’ai vu la façon dont Scorpius en parlait : il était amer... Plein de regrets…

- Mais qui aurait pu les obliger à se séparer ? Pourquoi ? Personne ne savait qu’ils sortaient ensemble.

- Je n’en sais rien, Drago Malefoy peut-être…

Emily sourit :

- Drago Malefoy ? Ce type a écrit un manifeste contre les préjugés et la discrimination. Il a littéralement bravé le monde entier pour épouser ta mère, alors je doute qu’il inflige les mêmes épreuves à son fils.

- Alors peut-être Harry…

Emily ne cacha pas son scepticisme, mais elle lui concéda un point :

- Je reconnais qu’il a dû se passer quelque chose de bizarre entre eux. Leur attitude est étrange. Quand on se sépare, soit on se hait, soit on a le cœur brisé, soit on reste amis, parfois un mélange des trois. Mais eux… On dirait qu’ils se sont fait quelque chose l’un à l’autre. Quelque chose qui les sépare. Ils se sont fait souffrir, sans le vouloir, et… ça ne peut pas être défait.

- Scorpius a dit qu’on n’obtenait pas toujours ce qu’on voulait.

- Oui… Je ne sais pas trop ce qu’il a voulu dire par là.

Rose retourna à ses pensées, plus soucieuse cette fois, sous le regard d’Emily dont la méfiance s’éveillait soudain :

- Rose, dit-elle. Je sais que je t’ai encouragée à les mettre ensemble, et c’est bien que tu ne vois plus ton demi-frère comme le Diable en personne, mais… Très honnêtement, je crois qu’on s’aventure sur un terrain qui ne nous regarde pas.

- J’ai envie de les aider, répondit Rose comme si elle s’excusait.

-A faire quoi ?

- Je…

Rose haussa les épaules :

- Je n’en sais rien, vraiment… J’ai toujours l’impression d’avoir une dette envers Scorpius. Je regrette la façon dont je l’ai traité depuis des années… Toutes ces choses horribles que j’ai pensées de lui. Si quelque chose ne va pas bien dans sa vie et que je peux lui apporter mon aide, j’ai envie de le faire.

- Il ne t’a rien demandé, que je sache. Et tu ne connais rien des tenants et aboutissants de l’histoire. Je doute qu’il veuille que tu t’en mêles.

- Ça ne fait rien, je veux faire quelque chose.

- Quitte à empirer la situation ?

Pour une fois, devant le danger imminent qu’elle pressentait, Emily adopta un ton paternaliste :

- Rose, déclara-t-elle. C’est une mauvaise idée.

La jeune fille se rallongea sur le dos et ne répondit rien.  

XXX

Durant les jours qui suivirent, Rose s’employa, avec plus ou moins de succès, à réunir Scorpius et Lily dans un même espace. L’expérience avait tout du défi, puisque Rose n’avait pas l’habitude de côtoyer Lily, et encore moins Scorpius. Aussi avait-elle conçu un plan : entraîner Lily dans une discussion au beau milieu des couloirs, prétexter un détour pour rendre une plume empruntée à un camarade, et la mener tout droit devant un Scorpius stupéfait, auquel elle rendait un objet qui ne lui appartenait pas. Rose renouvela la manœuvre trois fois au cours de la semaine écoulée, jusqu’à ce que les regards incrédules de Scorpius et Lily lui apprennent qu’il était temps de changer de stratégie.  

Pourtant, étrangement, ses tentatives ne demeurèrent pas vaines. Cela tenait à d’infimes détails : un sourire, un regard, mais petit à petit, Rose surprit du coin de l’œil Scorpius et Lily discuter durant leur temps libre. Tous deux fréquentaient toujours leur groupe d’amis respectifs, mais il leur arrivait de se trouver plus proches au cours des repas, jamais côte à côte, mais au moins à portée de voix. Lily s’asseyait parfois à la table de Scorpius à la bibliothèque, et Scorpius raccompagnait Lily en cours lorsque leurs chemins prenaient des directions similaires.

Rose ne savait pas trop quoi en penser. Une part d’elle-même était satisfaite que ses tentatives maladroites aient porté leurs fruits. Une autre était soulagée de ne pas s’être attirée d’ennuis, ni à elle ni à Scorpius et Lily. Enfin, la petite voix qu’elle refusait d’écouter tout au fond d’elle s’irritait de ce que les choses aient été si faciles. Pourquoi Scorpius n’avait-il pas opposé plus de résistance ? Pourquoi Lily, la timide Lily, éclairait-elle son beau visage d’un sourire d’ange lorsqu’ils se croisaient ? Une part de Rose se sentait… déçue, et comme presque tout ce qui se rapportait à Scorpius, elle ne comprenait pas sa réaction.

Arriva une nouvelle fois le vendredi soir. Rose avait tenté de ne pas planifier ce qu’elle allait dire, mais comme toujours, sa nature anxieuse l’avait trahie. Elle retournait ses suggestions dans sa tête et la manière de les présenter. L’attitude de Scorpius vis-à-vis de Lily tout au long de la semaine lui apparaissait plutôt encourageante, mais Rose avait toujours l’impression de marcher sur des œufs.

Tandis que les groupes d’Astronomie se réunissaient pour installer leur télescope, Scorpius la salua d’un sourire poli mais n’engagea pas la conversation. Cette fois, il portait un long pull bordeaux, plus élégant que celui de la semaine dernière, mais aussi plus intimidant, saisissant de contraste avec ses cheveux très pâles.

Ravalant ses considérations esthétiques, Rose se plongea dans le travail sans oser aborder les sujets qui la préoccupaient. Cela attendrait qu’ils aient terminé.

Comme promis, ils observèrent Mars, et Rose laissa à Scorpius le plaisir de chercher la minuscule planète rouge dans le ciel infini. Lorsqu’il l’eut trouvée, il s’écarta rapidement et sourit :

- Viens voir, dit-il.

- Si tu l’as, inscris les coordonnées.

- Non, viens voir.

Il tendait la main en disant cela, comme un simple geste d’invitation, mais sans réfléchir, Rose la saisit pour se relever et coller son œil au télescope. Scorpius ne réagit pas. Peut-être était-il trop choqué pour réagir. Rose elle ne pouvait penser qu’au contact très froid de sa peau juste sous la sienne. Il n’avait pas refermé ses doigts sur les siens, ne s’était pas dérobé non plus, et Rose ne le lâchait pas, suspendu à lui comme à un salut inachevé. Pour une raison inexplicable, alors que son sang cognait à ses oreilles et que son esprit tout entier lui martelait à quel point elle était stupide, Rose fut soulagée que le télescope dissimule son visage. Elle pouvait sentir la chaleur lui monter aux joues, se diffuser jusqu’au bout de ses ongles. Peut-être Scorpius la sentait-il lui aussi. Au milieu de ce coup de tonnerre qu’elle avait provoqué, sur une simple impulsion, Rose gardait l’œil fixé sur la minuscule planète dans l’objectif du télescope, loin, très loin à presque quatre cent millions de kilomètres de la Terre, et qui pourtant les avait réunis, cette nuit, l’espace de quelques secondes.

Puis Rose dut se résoudre à quitter l’objectif. Alors, elle lâcha la main de Scorpius, qui contempla ses doigts comme si elle l’avait brûlé.

- Elle est très jolie, dit-elle. Ta planète.

Incroyablement vite, Scorpius se reprit. Aucun doute, il avait du sang anglais dans les veines. Et du sang Malefoy :

- Content qu’elle te plaise, dit-il sobrement.

Il y avait toujours cette douceur dans ses yeux, que Rose ne pouvait qualifier de sincère, car ce soir plus que jamais, elle matérialisait la barrière que Scorpius créait entre lui et les autres. Rose le ressentit instantanément. Elle n’aurait su expliquer pourquoi, mais à cet instant précis, elle sut que Scorpius avait peur. Qu’il était en train de se protéger, par tous les moyens possibles. Et Rose en fut déroutée, car jamais, jamais elle n’avait vu Scorpius éprouver de la peur. Surtout pas à son encontre. Cette vulnérabilité l’atteignit en plein cœur, et toutes ses résolutions chancelèrent. Les paroles d’Emily lui revinrent en tête, et cette fois-ci, Rose réalisa pleinement qu’elle n’avait pas toutes les cartes en main. Elle ignorait lesquelles risquaient de se jouer si elle poussait Scorpius dans ses derniers retranchements.

Alors, renonçant pour un temps à ses projets, Rose demanda :

- Tu sais, j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit la semaine dernière. A propos de se poser sur Mars. Pourquoi est-ce que c’est si important pour toi ?

Scorpius sourit, d’un sourire plus léger, puis il vint se rasseoir à côté d’elle :

- Parce que ce serait le plus grand acte que l’Humanité ait jamais accompli.

Rose lui coula un regard sceptique :

- Sérieusement ?

- Bien sûr. Il y a un univers infini qui s’étend autour de nous. Un espace tellement grand que notre esprit n’est pas conçu pour l’appréhender. Tu ne trouves pas ça fantastique ? Tu n’as pas envie de t’y jeter à corps perdu, pour en apprendre le plus possible ?

- Mais pourquoi est-ce que ce serait le plus grand exploit de l’Humanité ?

Scorpius secoua la tête :

- Parce que cela fait des années que nous n’accomplissons plus rien. Les sorciers se remettent d’une guerre et en commencent une autre. Ils se cachent des Moldus, une façon polie de dire qu’ils ignorent la moitié du monde. Plus personne n’a de rêves de grandeur. Nous sommes perdus dans notre quotidien. On nous entraîne à ne vivre que pour assurer le lendemain, sans se demander pourquoi. Sans chercher un sens à notre existence. A ce qui nous motive. Personne ne voit plus loin que le monde qu’il a sous les yeux. Si nous allions sur Mars… une nouvelle planète entière entrerait dans notre perspective. Et peut-être avec elle, qui sait… Si seulement nous pouvions arrêter de regarder vers nous-mêmes, de regarder vers la terre, pour nous tourner vers les étoiles… Si seulement nous pouvions retrouver foi en nous-mêmes, arrêter de nous morfondre, et mettre en place des projets à la hauteur de l’intelligence dont nous sommes dotés…

- Tu as l’air d’avoir une grande foi en l’Humanité.

- En l’Humanité, oui. Pas en l’individu.

Rose en fut choquée :

- Pourquoi ?

- L’individu n’est rien.

- Ton instinct de survie ne se met pas en rage contre ça ? Je veux dire : tes passions, tes sentiments, tes actes… Tout cela compte aussi, non ? Et même un seul individu peut accomplir de grandes choses.

- Peut-être. Mais dans l’immensité du temps, il n’y a que l’Humanité qui compte.

Scorpius marqua une pause, puis reprit, plus intense que jamais, ses yeux vert transparent plongés dans les siens :

- Réfléchis, Rose. Nous sommes ici depuis très peu de temps. Nous pouvons disparaitre en un claquement de poussière. La seule manière pour nous de laisser une trace immortelle, c’est de voir plus grand. C’est de regarder vers les cieux. Et partir.

Rose ne sut pas quoi répondre. Elle devinait en lui une volonté terrible qui avait façonné ces idées au fil des années. Elle ressentait leur profondeur, le détail de leurs aspérités, l’infinie subtilité de points de vue avec lesquels elle ne pouvait pas débattre pour l’instant. Une part d’elle brûlait d’adhérer, une autre de rejeter tout en bloc. L’idéaliste en elle était subjuguée d’inspiration. La romantique, au contraire, se révoltait contre le refus de l’individu, et la conscience plus que jamais aiguë de sa propre finitude. Elle faisait partie de celles qui voulaient croire qu’une existence comptait. Qu’une identité n’était pas seulement vouée à se perdre dans la masse de l’Humain, du temps qui passe et du cosmos qui se dilate.

Au final, elle sourit et dit simplement :

- Si tu étais né Moldu, tu aurais sûrement fait un très bon astronaute.

Cette remarque lui en inspira une autre :

- Qu’est-ce que tu voudrais faire, au fait ? Plus tard, après Poudlard ?

Scorpius lui adressa un regard en coin, et ne répondit pas. Tous deux étaient désormais assis par terre, contre le mur en face du télescope, les bras passés autour de leurs genoux relevés.

- Tu ne veux pas me le dire ? demanda Rose devant son silence.

Scorpius rit doucement :

- Tu trouverais ça ridicule, dit-il simplement.

Rose ne s’attendait pas à cette réponse. Elle le contempla longuement, plus sérieuse que jamais :

- Je t’assure que je ne me moquerai pas.  

Scorpius soutint son regard, puis finit par acquiescer :

- Je veux être astronaute.

Rose écarquilla les yeux :

- Quoi ?

Il désigna leur carte du ciel :

- L’Astronomie, l’Astrologie, le mouvement des astres, tout ça c’est bien joli, mais… Je suis fatigué de l’autarcie du monde sorcier. A Poudlard, on ne se préoccupe que de la magie. Tout le reste passe à la trappe. La plupart des sorciers ne se rendent même jamais compte qu’il y a un monde entier qui leur passe sous le nez. Je ne veux pas vivre comme ça. Je ne veux pas vivre aveuglé, en prétendant que les lois de la physique n’existent pas, juste parce que j’ai une baguette qui peut faire voler des objets ou cracher des flammes.

- Tu veux dire…

- Je veux comprendre ce qu’est vraiment la magie, déclara Scorpius en pesant chacun de ses mots. Lorsque l’on jette un sort, je veux comprendre quelles forces de la nature on altère, comment et pourquoi. Je veux faire une étude scientifique, rationnelle, sur tous ces phénomènes que notre monde a accepté de plein gré pendant des décennies sans jamais se poser de questions, juste parce que c’était facile. Et en dernier lieu, oui, je voudrais intégrer une école d’ingénieurs Moldue. Je m’y prépare déjà depuis ma troisième année, en parallèle du cursus de Poudlard. Mon père m’a pris des cours par correspondance.

- Ton père sait que…

- Il sait. Il trouve l’idée formidable.

Une fois encore, Rose ne trouvait plus les mots. Mais déjà, Scorpius continuait :

- Je veux faire des études, de vraies études. Je veux devenir astronaute et aller sur Mars. Je veux mêler mes compétences en magie aux connaissances que j’acquerrai à l’Université. Je veux ouvrir la magie à un tout nouveau domaine de perspectives, des perspectives qu’elle n’avait encore jamais envisagées. Je me moque d’à quel point ça a l’air fou. 

- Ça n’a pas l’air fou, ça a l’air… colossal.

Rose se trouva soudain happée par ses émotions, happée par tout ce que ces paroles signifiaient :

- Je n’avais jamais entendu parler d’un sorcier voulant renier la magie pour le monde Moldu…, murmura-t-elle.

Scorpius tira rageusement sur les fils de son pull :

- Je ne veux pas renier la Magie. Je veux simplement l’appliquer aux projets que les Moldus ont commencé à mettre en œuvre depuis des années. Par ailleurs, les Moldus…

Il soupira, comme si lui non plus ne trouvait plus ses mots :

- J’ai toujours trouvé qu’ils étaient bien plus avancés que nous sur le domaine de la réflexion. Nous aimons nous complaire dans le fait qu’ils ignorent notre existence, mais… Eux sont habitués à ne pas avoir de réponse, à affronter des problèmes qui ne se règlent pas en deux secondes, et c’est cela qui les rend meilleurs.

- Seigneur, tu t’entendrais bien avec mon grand-père…

A peine eut-elle réalisé ces mots qu’elle se rembrunit. Scorpius comprit, et par délicatesse, ne renchérit pas.

- Et toi, qu’est-ce que tu voudrais faire alors ? demanda-t-il à la place.

Rose lui offrit un sourire impuissant :

- Je n’en sais absolument rien. Je n’y ai jamais vraiment réfléchi jusqu’à présent. J’avais toujours… d’autres problèmes en tête.

Une fois encore, elle se rembrunit, mais elle passa au-dessus de l’émotion :

- J’aimerais bien écrire, peut-être. Rêver. M’inventer un monde à ma convenance pour fuir celui qui ne me plait pas.

Elle conclut d’un haussement d’épaules :

- Rien d’aussi flamboyant que toi.

- Ne dis pas ça. La logique te mènera d’un point A à un point B. Mais l’imagination te mènera partout.

- Qui a dit ça ?

- Albert Einstein.

Tous deux s’entreregardèrent, et dans ce fragment d’étrange, partagèrent un sourire, un instant de complicité, compréhensible d’eux seuls. Rose voulait continuer de parler avec lui. Elle voulait qu’ils parlent toute la nuit. Plus ils parlaient, plus elle aimait ce qu’il disait.

- Mars la rouge…, dit-elle songeuse en regardant le ciel. Mars la rousse… Rousse comme Lily.

Cette association malheureuse, elle l’avait dite à voix haute sans s’en rendre compte. L’idée avait occupé son esprit toute la journée, et maintenant qu’elle l’avait refreinée, elle l’avait piégée pour s’échapper d’elle-même. Rose vit aussitôt le changement dans le corps de Scorpius. Il se raidit, s’écarta, crispa convulsivement les poings deux ou trois fois. Puis, comme il n’était pas du genre à fuir ce qui le dérangeait, il la regarda impitoyablement dans les yeux et demanda :

- Pourquoi tu t’obstines à parler de Lily ? Pourquoi est-ce que tu l’as agitée sous mon nez toute la semaine ? Tu sais ce qu’il y a eu entre nous, je te l’ai dit.

- Je sais, je…

Rose se passa une main sur le visage, s’adjurant de réfléchir avant de parler :

- Je ne prétends pas savoir… ce qu’il s’est passé entre vous. J’ai juste eu l’impression que vous en souffriez tous les deux, et… que ce serait peut-être bien si vous passiez du temps ensemble. Que peut-être, ça pourrait s’arranger.

- Qu’est-ce qui pourrait s’arranger, Rose ?

Jurant entre ses dents, Scorpius se détourna d’elle, immobile dans sa fureur contenue, intériorisée, digne, mais terriblement puissante. Rose tremblait, physiquement mais aussi en elle-même, à l’idée de ce qu’elle avait provoqué. Les émotions de Scorpius avaient beau demeurer en vase clos, loin sous la surface, Rose savait mieux le comprendre à présent, et elle devinait l’intensité de ses sentiments non exprimés. Elle s’en voulait de sa maladresse, de ses obsessions incompréhensibles, de la curiosité qui la dévorait encore, à l’heure où il fulminait contre elle.

Il finit par se relever, jetant un coup d’œil à l’horizon teinté de rose au loin :

- Arrête d’essayer de me mettre avec Lily, dit-il calmement, mais de la voix la plus froide qu’elle ait jamais entendue.

Cette fois, c’était bien Scorpius Malefoy qui parlait. Elle avait eu tort d’oublier son nom de famille.

Mortifiée, Rose retourna à son dortoir où elle s’allongea sans trouver le sommeil. Sa poitrine lui faisait mal, là où la magie des premiers instants avait laissé la place à un vide sans fond. Comme toujours, elle se trouvait stupide, sans pouvoir renier la frustration qui se propageait dans son esprit.

Elle entendit à peine Emily la rejoindre quelques minutes plus tard, et s’asseoir discrètement au pied de son lit. Avant qu’elle ne dise un mot, Rose annonça sa reddition :

- Tu avais raison, Em… Je me suis mêlée de ce qui ne me regardait pas. Je n’essaierai plus de réconcilier Lily et Scorpius.

Elle entendit son amie pousser un soupir de soulagement, vaguement teinté d’autre chose… Inquiète, elle se redressa :

- J’allais justement te dire de vraiment arrêter tout ça, dit Emily en la considérant gravement.

Emily n’était jamais grave, aussi, l’expression sur son visage glaça le cœur de Rose, plus que ne l’avaient fait les paroles de Scorpius :

- J’ai parlé à Albus, continua la jeune fille brune. Pendant le cours d’Astronomie.

Dans la folie de l’instant, Rose avait oublié qu’Emily et Albus faisaient partie du même groupe, pour réaliser la carte du ciel.

- Et alors ? demanda-t-elle.

- Je lui ai demandé à propos de Scorpius et Lily.

- Tu as fait quoi ?!

- Il connait tout sur tout le monde, Rose ! Et puis, Scorpius est son ami. Même si tu t’emploies à l’ignorer. Il s’est confié à lui. Enfin bref, Albus m’a dit ce qui c’était passé, et… Ce n’est pas joli, Rose.

Rose se sentit mourir. Littéralement. Ses entrailles se nouèrent, à la perspective d’un secret dont elle ne pourrait pas les sauver. Le sauver.

- Tu veux toujours connaitre la vérité ? demanda Emily.

A cet instant, Rose haït le voyeurisme en elle. La curiosité obsessive qui la rongeait aussi sûrement qu’un acide. Elle se haïssait, mais elle demanda :

- Raconte-moi tout.

 
 
Chapitre précédent
 
 
Chapitre suivant
 
 
 
     
     
 
Pseudo :
Mot de Passe :
Se souvenir de moi?
Se connecter >>
S'enregistrer >>