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Les liens du Destin
Par tokyofrance
Eragon  -  Romance/Action/Aventure  -  fr
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    Chapitre 15     Les chapitres     7 Reviews     Illustration    
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Le jour se lève

 

-          Viens, lui dit Murtagh, ne restons pas là, rentrons au camp…

Il prit Jéna par les bras et la releva avec douceur, elle se laissa ensuite docilement guidée par le jeune homme qui avait passé un bras réconfortant autour de ses épaules et tenait sa main gauche dans la sienne.

Autour du feu, Saphira attendait, agitée ; quand elle les vit revenir, elle s’approcha de Jéna et se coucha à ses côtés, un ronronnement apaisant sortant de sa gorge.

Eragon et Murtagh ne savaient pas comment réagir, ils ne s’étaient vraiment pas attendus à ça.

Jéna était blême, elle ne pleurait pas, mais de légers tremblements agitaient son corps. Son regard était perdu dans le vague, dans son passé…

-          Que fait-on, chuchota Eragon à son compagnon.

-          Je ne sais pas, la voix de Murtagh semblait troublée, il vaudrait peut-être mieux la laisser tranquille. Je ne pense pas qu’elle souhaite nous parler… de quoi que ce soit.

-          Tu as sans doute raison.

Toute la soirée les deux jeunes hommes parlèrent à voix basse, échangeant des impressions et interrogations, Saphira se joignant de temps en temps à eux. Jéna n’avait pas mangé, ni bougé. Elle était figée telle une statue de marbre.

Alors qu’ils divisaient leurs tours de garde, Jéna parla, pour la première fois depuis plusieurs heures, mais seulement pour dire qu’elle prenait le premier tour. Puis, elle replongea dans son mutisme.

Eragon et Murtagh ne discutèrent pas sa décision et se couchèrent.

 

Elle avait froid

puis chaud

puis de nouveau froid

et à nouveau chaud

Ces vagues successives envahissaient son corps, accélérant douloureusement son rythme cardiaque.

Minuit était passé depuis longtemps, mais elle ne pouvait dormir, elle avait l’impression que plus jamais elle ne le pourrait.

Elle savait désormais.

Elle savait…

Ces mots sonnaient d’une étrange façon.

Deux petits mots qui voulaient tout dire pour elle.

Au loin une chouette hulula dans la nuit.

Le feu crépitait encore.

Saphira ronflait doucement, son immense corps se soulevait calmement, Eragon dormait contre sa tête, ses cheveux bougeaient à cause de la respiration régulière de la dragonne.

Elle regarda Murtagh.

 

Le soleil se leva définitivement dans son esprit depuis longtemps plongé dans la nuit et le froid…

 

 

Le lendemain Eragon, Saphira et Murtagh se réveillèrent, se rendant bien vite compte que Jéna avait veillé toute la nuit. De fins cernes obscurcissaient ses yeux, mais elle ne semblait pas prête de s’endormir. Comme la veille elle ne dit rien, ni ne mangea. Son visage avait repris quelques couleurs, mais il restait pétrifié, égaré dans un autre monde.

Ils chevauchèrent la majeure partie de la journée en silence. Eragon et Murtagh lançaient sans arrêt des coups d’œil inquiets à la jeune fille isolée à quelques mètres sur leur gauche. Puceron avançait tout seul, suivant les autres chevaux car Jéna ne faisait pas attention à la route.

-          Crois-tu qu’elle va rester comme cela encore longtemps ? Demanda Eragon.

-          Peut-être…

Murtagh tira sur les rennes, sa monture était particulièrement nerveuse depuis qu’ils étaient partis.

-          Mais il ne faudrait pas que ça s’éternise, continua-t-il, elle doit manger, et tôt ou tard nous dire…

Il hésita à poursuivre.

-          Enfin, tu saisis.

-          Oui.

Les deux jeunes hommes continuèrent de parler le plus normalement du monde durant tout le trajet, mais il subsistait toujours une légère tension dans leur voix.

Le soir ils s’éloignèrent de la route afin de bivouaquer dans un champ parsemé de fleurs printanières à l’agréable senteur. Ils comptaient arriver à Gil’ead le lendemain et décidèrent donc de finirent en grande  partie les provisions qu’ils avaient sur eux.

Murtagh était en train de faire mijoter un ragoût, lorsque Jéna s’anima enfin :

-          Excusez-moi, dit-elle. Je ne  voulais pas que vous vous inquiétiez pour moi. Je, j’avais besoin de réfléchir, pour, disons, digérer…

Eragon et Saphira la regardaient, ils ne dirent rien. Murtagh s’était interrompu et attendait assis en tailleur la suite, une lueur préoccupée brillait au fond de ses yeux.

-          Je vais vous raconter, vous devez savoir, vous en avez le droit…

Elle souffla un petit rire sans joie :

-          Par où commencer… peut-être… Eragon, Saphira.

Elle releva la tête vers eux,

-          Tout d’abord je dois vous dire, que… Murtagh et moi on se connaît depuis longtemps !

Un silence suivit cette déclaration, puis d’une même pensée et voix Eragon et Saphira dirent :

-          Quoi ?!

« Quoi ?!

-          Mais, poursuivit Eragon, comment cela se fait-il, pourquoi ?

Des dizaines de questions se bousculèrent dans la tête du dragonnier, il percevait la même surprise chez Saphira et leurs pensées s’emmêlaient pour ne plus former qu’un fouillis d’interrogations et de souvenirs qu’ils commençaient à comprendre. Ils avaient en effet remarqué l’attitude parfois étrange de Murtagh envers la jeune fille, ainsi que la certaine gêne de cette dernière…

Eragon se tourna vers Murtagh qui n’avait pas bougé et dont le visage paraissait troublé, ému :

-          Est-ce vrai ? Pourquoi ne nous as-tu rien dit ?

L’intéressé soupira, un sourire goguenard sur les lèvres. Il secoua la tête, les yeux fuyant.

-          Avais-je le choix ? Répondit-il, une dure ironie dans la voix. Comment pouvais-je réagir ?

-          Alors tu confirmes ce que dit Jéna.

-          Evidemment. Je ne le nierai pas. Oui je la connais, je ne voulais pas le cacher, mais les circonstances… je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit là ! Murtagh criait presque, sa voix était remplie de colère et d’émotions qu’il ne parvenait plus à dissimuler.

-          Ne le blâme pas Eragon, ce n’est pas de sa faute, intervint Jéna dont l’assurance était revenue.

-          Mais, Jéna, réalise un peu, il nous a à tous caché qu’il te connaissait, rétorqua ce dernier. Il aurait pu t’aider, tu aurais pu retrouver la mémoire il y a longtemps !

-          Je ne sais pas. Je ne sais pas la façon dont j’aurais réagi, s’exclama Jéna en fermant les yeux et en y pressant les poings comme si elle était irritée ou qu’elle essayait de réfléchir. Certainement que je ne me serais souvenu de rien et tout aurait été compliqué entre nous. Qu’aurais-tu fait, Eragon, dans la même situation ?

Le dragonnier songea un instant :

-          Tu as raison, je ne peux pas répondre… Excuse-moi Murtagh, je n’aurais pas dû t’accuser.

-          Murtagh, dit Jéna en se tournant vers le jeune homme. Je ne t’en veux pas de ton silence. C’était la meilleure solution. On ne peut pas revenir dans le passé pour changer les choses. Je sais, je comprends ta frustration…

Elle hésita, visiblement elle souhaitait dire autre chose, mais elle n’osait pas. Murtagh hocha la tête face à ces deux affirmations à son adresse. Il rendit son regard à Jéna.

-          Je ne pensais pas te revoir un jour. On m’avait dit que tu étais morte, j’étais complètement perdu quand je t’ai vue, inconsciente, je n’en croyais pas mes yeux ! S’exclama-t-il d’un ton incrédule d’où perçait son bouleversement. Jéanna, que s’est-il passé?

« Jéanna ? S’étonna Saphira. Est-ce ton nom ?

Jéna sourit à la dragonne bleue, et acquiesça :

-          Oui, c’est comme ça que je m’appelle. Je suis Jéanna, fille unique de Tôcen et Meryë, qui étaient deux grands serviteurs du roi, Galbatorix.

Eragon ouvrit les yeux de surprise.

-          Tes parents étaient au service du roi félon ?

-          Oui, malheureusement dans un sens. Ma mère était une grande guerrière et avait fait ses preuves en tant que capitaine d’une escadrille du roi contre les Vardens ; c’est lors d’une bataille entre l’Empire et les renégats qu’elle a rencontré mon père qui faisait partie des magiciens du roi. Il était chargé de transmettre ses ordres aux magiciens des autres troupes. Puis, plus tard, ils se sont installés à Urû’Baen afin de diriger l’entraînement des nouvelles recrues. Et je suis née.

-          Et Murtagh dans tout ça ?

Jéanna marqua un temps de pause avant de reprendre.

-          … Nous jouions ensemble de temps en temps. Je venais lui rendre visite là où il habitait… nos mères étaient très proches.

-          Que s’est-il passé exactement ce jour-là ? Demanda de nouveau Murtagh, il semblait soucieux qu’elle finisse au plus vite ses explications.

Le visage de Jéanna s’assombrit.

-          Oui, tu dois savoir exactement Murtagh, après tout, nous nous étions vus quelques… jours avant que je ne sois obligée de fuir.

-          Fuir ? Demanda Eragon, quoi donc ? En tant que fille de personnes vraisemblablement importantes tu n’avais absolument rien à craindre non ?

-          En théorie c’est exact, fit-elle, mais pour tout dire, mes parents… ils me l’avaient révélé seulement quelques jours auparavant, faisaient partis des Vardens.

-          Vraiment ? S’écria le dragonnier.

-          Difficile à croire, je sais… Je n’en croyais pas mes oreilles quand ils me l’ont avoué. Ils m’ont fait jurer de ne rien répéter.

-          Mais comment en sont-ils arrivés à joindre les Vardens ?

-          En réalité, ils les avaient ralliés peu après leur propre rencontre. Mon père, lors d’un affrontement contre un magicien ennemi qu’il avait réussi à soumettre, découvrit les valeurs que défendaient les rebelles, et il le relâcha. Tout ce en quoi il avait crut jusqu’alors ne tenait plus debout ; les rêves d’un monde en paix en qui il avait fondé ses espoirs n’avaient plus de sens pour lui.

-          Et ensuite ?

-          Le Varden n’osa pas le défier de nouveau, il s’enfuit, mais dut rapporter son aventure à d’autres car, peu après, mon père reçu un message venant des Vardens ! Ils lui proposaient un rendez-vous pour le rencontrer. Alors, une nuit, il s’éloigna du campement et rencontra le chef des Vardens en personne, qui, maintenant je me souviens, était Brom !

-          Brom était chef des Vardens, je ne le savais pas, s’étonna Eragon.

-          Oui, je n’en sais pas plus sur ce que Brom a fait pour eux, mais, dans tous les cas, il convainquit mon père de se joindre à leur cause, grâce à lui ils auraient un agent dans le camp adverse. Seulement, mon père avait été suivit, par Meryë, ma mère. Elle l’avait vu partir, et s’entretenir avec Brom, mais étant donné que c’était à elle qu’il obéissait, elle ne retourna pas sonner l’alerte, elle voulait se charger de lui seule. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que des Vardens surveillaient la clairière dans laquelle leur chef se tenait, ils l’aperçurent mais ne firent rien sur ordre de Brom lui-même. Je crois qu’il voulait qu’elle entende toute sa discussion avec Tôcen. Lorsque finalement mon père jura allégeance aux Vardens, elle se montra, mais on se saisit immédiatement d’elle. Elle n’avait pas d’armes sur elle mais réussit tout de même à mettre à terre plusieurs hommes avant d’être immobilisée. Mon père fut choqué de s’être si facilement laissé voir, mais cela ne déplut pas à Brom qui avait perçu que ma mère ferait un excellent agent double également.

-          Mais elle, ne croyait pas aux arguments des Vardens, non ? Objecta Eragon, perplexe.

-          Au début pas vraiment, mais, d’après ce qu’elle m’a dit, elle s’est rapidement rendu à l’évidence que le roi était cruel et sans pitié et qu’il fallait mettre fin à son pouvoir.

-          Brom a fait d’une pierre deux coups.

-          Oui, il était très doué. Et c’est ainsi que mon père et ma mère se sont rencontrés et ont rejoint le groupe que le roi hait le plus. Ils faisaient parvenir des informations sur les agissements de ce dernier, le déplacement de ses troupes, les nouvelles stratégies de défenses et d’attaques qu’il avait, en bref, ils étaient les espions parfaits.

Mais pour revenir au plus important… mes parents m’avaient avoué leurs véritables activités, presque une traîtrise à mes yeux, et je ne savais pas quoi en penser, était-ce bien ou mal ? Je ne pouvais le dire. En fait, ils désiraient rejoindre les Vardens où nous aurions été plus en sécurité, ils craignaient que le roi ne découvre leur félonie et voulait me mettre en sûreté. Malheureusement leur peur s’est réalisée. Un après-midi je rentrais à la maison après avoir passé une journée de plus à méditer sur toutes ces révélations. Mes parents me sautèrent dessus, ils avaient eu peur que quelque chose me fût arrivé. Ils avaient décidé que nous fuirions le soir-même. Mais avant que je ne compris ce qu’ils disaient, mon père murmura, une crainte que je n’avais jamais vue, imprimée sur son visage : « Il arrive ». Galbatorix arrivait.

Jéna frémit, elle revivait apparemment tout ce qu’elle racontait.

-          Alors, ma mère me demanda de l’aider à écarter une vielle armoire du mur. Nous la faisions glisser tandis que mon père murmurait des enchantements sur la porte d’entrée. L’armoire cachait un long tunnel qui s’enfonçait dans le sol. Ma mère me prit par les épaules et me dit en hâte de prendre ce tunnel et d’aller toujours tout droit sans m’égarer dans les chemins adjacents. Une fois dehors je devais me rendre au nord, chez le Brom dont elle m’avait parlé. Quand soudain de grands coups frappèrent la porte qui s’ébranla mais tint bon. Ma mère me poussa dans le tunnel et cria : Cours Jéna ! Ne te retourne pas. Rappelle-toi : Brom ! Aller ! puis, elle repoussa le meuble lourd pour cacher l’entrée, ne laissant plus qu’une fine fente d’où j’ai pu tout voir…

La voix de Jéanna se brisa :

-          Le roi est entré, suivi de quelques proches partisans, mon père tout d’abord a voulu le défier, mais le roi la tué, je n’avais jamais vu ça, il l’a facilement possédé par son esprit et mon père s’est écroulé dans un cri horrible. Puis il s’est avancé devant ma mère qui avait dégainé son épée, mais avant même d’avoir pu lever le bras, elle est tombée à genou sous un sort, et il lui a… tranché la tête, articula péniblement Jéna. J’ai, j’ai croisé son regard, je ne suis pas certaine qu’il m’ait réellement vue, mais en tout cas il a  remarqué ma présence. Il a fait exploser l’armoire, mais je m’étais déjà enfuie. J’ai couru le long de ce couloir sombre et froid durant longtemps. Il avait lancé des gardes à ma recherche, je les entendais fouiller le tunnel, se rapprocher ou s’éloigner, c’était terrible, je n’avais jamais éprouvé une telle peur. Au bout d’un temps infini j’ai aperçu la sortie. Je me trouvais au Nord-Est de la ville, le soleil disparaissait à l’horizon. Je ne me suis pas arrêtée, j’ai avancé toute la nuit. Durant des dizaines de jours j’ai fuit, je savais qu’ils étaient toujours à ma recherche. Je volais de la nourriture dans les fermes, me cachais dans les granges pour me reposer. Mais voilà, cela n’a pas suffi. Un soir, alors que le soleil se couchait, j’aperçus une petite forêt, je m’y engageais. Un de mes poursuivants m’avait rattrapé, mais je fuyais toujours. J’ai fait l’erreur de me retourner et c’est là qu’il m’a lancé sa dague ensorcelée, je suis tombée et ai glissé d’une pente. Quand je me suis relevée, je ne pouvais presque plus marcher, j’ai continué d’avancer comme j’ai pu, et je me suis prise le pied dans une racine, puis plus rien…

-          Pourquoi ne t’ont-t-ils pas… tuée ? Demanda Eragon, hésitant, et très ébranlé par les révélations de Jéna.

La jeune fille resta un moment muette. Des larmes avaient coulé sur ses joues. Elle les chassa d’un revers de main.

-          Je me le demande encore. Lorsque je me suis réveillée, on m’a dit que j’avais été laissée pour morte, on m’avait coupé les cheveux et un cadavre de biche dont le cœur avait été arraché avait été retrouvé un peu plus loin de moi.

« Où t’es-tu réveillée ? S’enquit alors Saphira.

-          Et bien, c’est difficile à dire… hésita Jéna.

-          Pourquoi donc ? L’interrogea Eragon.

-          J’ai juré de ne pas en parler avec quiconque ne jurerait pas à son tour de garder le silence. Si vous voulez savoir, vous devez promettre en Ancien langage de ne rien révéler de quelque manière que ce soit, déclara-t-elle très sérieusement.

Trop curieux de savoir enfin, Eragon, Murtagh et Saphira répétèrent les paroles en Ancien langage que Jéanna leur dit. Puis, elle reprit :

-          Très bien, lorsque je me suis réveillée, j’étais… avec des Elfes.

-          Quoi ? S’exclamèrent en chœur Eragon et Murtagh.

-          Tu as rencontré des elfes ?

-          Pourquoi ?

-          Tu es allée chez eux ?

-          C’était comment ?

-          Désolée, je ne peux vous en dire plus.

-          Mais…

Jéna secoua la tête négativement.

-          Je ne peux vous dire qu’une chose, elle sourit, ce ne sont pas des humains.

Un long silence suivit, ponctué par l’écho des flammes et du bois qui craquaient dans l’immense espace.

- C’est tout, murmura Jéanna. Eragon, Saphira, vous savez ce qu’il y a savoir… Murtagh… tu comprends désormais…

Eragon, abasourdi, contempla la jeune fille. Elle semblait avoir mûri, et en même temps, quelque chose en elle paraissait avoir disparu, un poids sur ses épaules trop lourd à porter que la providence l’avait amenée à enlever. Les liens qui l’attachaient à cet endroit où elle avait été laissée pour morte semblaient avoir favorisé le destin pour qu’elle y retournât, et retrouvât son passé.

-          Encore une chose, demanda Eragon. Je pensais que le roi était vraiment très puissant, pourquoi n’a-t-il pas forcé tes parents à revenir à lui, et de la même à trahir ce qu’ils savaient au sujet des Vardens ?

Jéanna réfléchit, se mordant l’index avec indolence.

-          Je crois qu’il était furieux, déclara-t-elle enfin. Il venait d’apprendre la trahison de deux de ces loyaux serviteurs et cela ne lui a pas plu. Je ne peux pas te dire s’il l’a regretté, mais moi je le regrette. Enfin, personne ne sait ce qui se serait passé. Peut-être aurais-je subi des choses bien plus terribles…

-          Et comment tes parents ont-ils réussi à garder le secret si longtemps ?

-          Le roi ne s’est pas méfié. Il n’a pas été suffisament vigilant lorsqu’il a composé ses serments d’allégeance, mes parents ont trouvé une faille et l’ont exploitée. Le roi ne connaissait pas leur vrai nom, c’est d’ailleurs ce qui les a trahis. Lorsque Galbatorix s’est aperçu qu’il ne pouvait découvrir leur véritable identité, il a du mener une enquête et trouver ce qui n’allait pas…

-          Et toi tu as survécu… conclut le dragonnier, songeur.

-          Oui.. Grâce à eux.

-          Quant à toi Murtagh,  poursuivit Eragon, tu savais tout cela ?

Il n’avait pu s’empêcher de poser la question, bien qu’ils aient évité durant tout leur voyage de s’interroger sur leur passé et ainsi de révéler qui ils étaient et d’où ils venaient. Mais à ce moment précis, la curiosité et l’interrogation étaient trop grandes.

Murtagh s’humecta les lèvres, le regard posé sur Jéanna qu’il n’avait pas quittée des yeux tout le long de son récit.

-          Comme l’a dit Jéanna, je l’avais vue peu de temps avant que le roi ne découvre la trahison de ses parents. Je… j’ai appris plus tard qu’ils avaient été des agents des Vardens, et qu’ils avaient été « punis » pour cela. Quant à leur fille, on m’avait dit qu’elle avait subie le même sort… Je n’en savais pas plus.

Eragon souhaitait en apprendre davantage, mais il ne voulait pas gêner son compagnon qu’il appréciait désormais énormément, il était un peu comme un frère…

-          Tu as appris la magie et à manier l’épée avec tes parents alors ? Reprit-il finalement en s’adressant à Jéanna.

-          Oui. Ils m’ont enseignée presque tout ce qu’ils savaient, et maintenant je pourrais essayer de te le transmettre. Si je m’exerce, je retrouverais certainement ces connaissances, mais pour le moment… Seuls ma fuite et le vague résumé de mon existence me sont revenus clairement. Tous les détails sont encore flous, et je n’arrive pas très bien à mettre de l’ordre dans mes idées.. Comme si on m’avait forcée d’apprendre quatorze années de vie en un jour. Ce n’est pas très facile.

-          Je comprends. Ne te force pas, j’attendrais. Mais ce que je ne saisis toujours pas, c’est pourquoi tu t’es retrouvée avec des Elfes… Tu ne peux rien nous dire, mais c’est tout de même surprenant… Et en ce qui concerne Brom ?

-          Les seuls souvenirs que je possédais étaient les derniers mots que m’avait dits ma mère. Elle faisait mention de Brom, et les Elfes le connaissaient. Brom m’a dit un jour qu’Ils avaient du me recueillir parce que j’étais en quelque sorte liée avec lui. Je suis restée un peu plus d’une année chez eux, puis ils m’ont révélée où habitait le Nom qui hantait mes nuits, et c’est ainsi que je suis arrivée. Savaient-ils qui j’étais réellement, je l’ignore, mais Brom le savait lui, il me l’a avoué avant… de mourir.

-          C’est uniquement son nom qui t’a ouvert les portes d’un monde que personne n’a vu depuis au moins cent ans ?! S’exclama Eragon.

Jéanna haussa les épaules.

-          Je suis aussi dubitative que toi, mais je n’ai jamais reçu d’autres explications…

 

Ils mangèrent ensuite, retrouvant petit à petit leurs conversations habituelles qui estompèrent l’atmosphère tendue de la veille et du jour. La lune se leva lorsque Jéna partit se coucher après deux jours sans dormir, elle demanda à avoir le dernier quart. Quand ils furent certains qu’elle s’était endormie, Eragon, Murtagh et Saphira échangèrent leurs impressions, évitant cependant le lien qui unissait Jéna et Murtagh ce dont ce dernier paraissait reconnaissant. Les trois compagnons étaient d’accord sur le fait que Jéanna avait paru joyeuse, peut-être même un peu trop. Sa bonne humeur était sans aucun doute en partie forcée, mais ils avaient eu le bon sens de ne pas le faire remarquer. Ils étaient d’avis aussi que la jeune fille paraissait plus libre, comme si des chaînes invisibles s’étaient enfin brisées.

Enfin, Murtagh se coucha, et Eragon resta un moment à discuter avec Saphira.

« Jéanna… murmura-t-il. Elle est donc fille de deux personnes puissantes. C’est un peu étonnant non, qu’elle ait hérité des capacités de ses parents ; sa mère était guerrière, son père magicien…

« Oui. Le voile s’est levé sur son passé, mais il reste encore des mystères qui l’entourent.

« J’aimerais bien qu’elle puisse nous en dire plus sur les elfes… Ils ne sont que des personnages de légende pour moi, et pourtant, le fait d’être dragonnier semble me rapprocher d’eux.

« Ce sont les premiers à avoir pactiser avec nous… Il est normal que, même étant humain, tu te sentes peut-être pas proche d’eux, mais que ta différence par rapport à ceux de ton espèce te fasse ressentir une certaine attirance vers ce peuple…

« Tes phrases sont compliquées Saphira, ironisa Eragon.

«  Tu es fatigué, c’est pour ça.

« Sans doute. En tout cas l’histoire de Jéna est horrible, je n’imagine pas me réveiller un jour, sans me souvenir de quoique ce soit, même pas de mon propre nom. Encore moins de découvrir d’un coup que mes parents sont morts, que j’ai tout perdu, mais il y a de ça des années! Elle paraît pourtant tenir le coup…

« Je t’avais dit qu’elle semblait puissante lorsque nous l’avons rencontrée. Cela n’a pas du être facile de surmonter son amnésie et ça le sera encore moins de ne pas faillir face à toutes ces révélations. Tâchons d’être aimable alors et de la soutenir.

« Oui. Bonne nuit Saphira.

« Bonne nuit petit homme…

 
 
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