Eragon resta bouche bée, il ne s’attendait pas à rencontrer Jéna, que faisait-elle là, comment avait-elle su où les trouver ? Le garçon se tourna vers Brom. Ce dernier sourit et s’approcha de la jeune fille les bras grands ouverts, il l’enlaça chaleureusement.
- Tu as fini par nous retrouver, dit-il en la regardant le visage radieux.
Jéna sourit elle aussi, elle paraissait fatiguée.
- Je vous ai cherché pendant deux jours dans les environs. J’ai du mal à croire que vous voyagez avec un dragon…
- Oui, nous avons du poursuivre les Urgals, mais trois d’entre eux ont réussi à s’échapper… Eragon, dit-il en se retournant vers l’intéressé, Jéna va nous accompagner, elle sait qui tu es.
Eragon s’approcha, il connaissait peu Jéna, mais il savait que Brom l’appréciait beaucoup, aussi ne l’avait-il jamais embêtée comme les autres jeunes du village. Néanmoins il ne comprenait toujours pas ce qu’elle faisait là, aussi était-il assez méfiant.
- Pourquoi veux-tu venir avec nous, dit-il peut-être un peu trop froidement.
Jéna fronça les sourcils, son sourire retomba.
- Je n’ai plus rien à faire à Carvahall s’il n’y a plus Brom, et je souhaite être avec le nouveau dragonnier, donc toi. Je connais certainement beaucoup plus de choses que toi dans bien des domaines, et je pourrais t’être utile… par exemple quand tu es suffisamment stupide pour te mesurer à douze Urgals, ironisa-t-elle.
- C’était toi l’autre jour ?
- Oui, je me dirigeai vers Teirm lorsque je t’ai vu sur le dos de ta dragonne, je vous ai suivis, et voilà.
- Tu sais que Saphira est une dragonne ? Demanda le jeune homme de plus en plus surpris.
Jéna sourit au dragonnier.
- J’en sais même certainement d’avantage, mais cela attendra un peu si tu veux.
Ils se dévisagèrent un instant avant que Brom ne les interrompit.
- Il ne faut pas trop traîner ici, même si tu es fatigué Eragon, il vaut mieux que nous avancions, nous nous expliquerons en chemin. Mais avant, Saphira devrait se poser, je suis sur que Jéna rêve de faire sa connaissance…
Les yeux de cette dernière étincelèrent d’envie.
« Saphira, appela Eragon dans son esprit, descends, j’ai quelqu’un à te présenter - Je sais, j’arrive… »
Soudain, un rugissement fabuleux retentit dans les airs faisant s‘envoler au loin une nuée d‘oiseaux. Peu après, une ombre gigantesque passa au dessus du petit groupe, les chevaux renâclèrent d’inquiétude, en particulier celui de Jéna. De puissants battements d’ailes soulevèrent l’herbe et la poussière, et le sol vibra légèrement sous le poids de la majestueuse créature bleue qui venait de se poser. Saphira replia délicatement ses larges ailes membraneuses contre son corps fait de muscles et d’écailles scintillantes.
Le cœur de Jéna fit un bond dans sa poitrine, elle avait l’impression d’avoir attendu ce moment toute sa vie. Des vagues successives de chaleur parcoururent son être accélérant ses pulsations cardiaques et le rythme de sa respiration.
Saphira était sublime, aucun mot n’était assez puissant pour décrire ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’elle était. Son corps entier avait la teinte du profond océan éclairé par la lumière d’un soleil d’été, ses écailles se paraient des couleurs chatoyantes de l’arc-en-ciel et rendaient bien terne le vert de la plaine alentour. Sa tête se tenait fièrement au dessus de tout, Majesté au-dessus de son empire, rien ne semblait pouvoir se mesurer à elle. Ses ailes transparentes étaient parcourues par des centaines de vaisseaux sanguins peignant la membrane fine et fragile d’une fresque mystérieuse et envoûtante. De longues griffes acérées et blanches comme neige ainsi qu’une crête d’épines blanches et pointues traversant son dos, de la tête à la queue, rappelaient la puissance de la créature légendaire.
La jeune femme s’avança lentement, sa peau frémit alors qu’elle sentit l’énergie et la force de la dragonne.
Saphira baissa la tête pour regarder de plus près cette étrange humaine. Elle n’avait jamais vu de femme en vrai, seulement à travers les yeux d’Eragon. Elle était plus petite que les deux hommes. De longs poils retenus par un bout-de-tissus-enveloppant-habituellement-les-humains tombaient dans son dos. Elle ouvrit la gueule pour mieux sentir cette étrange créature. Elle était un peu effrayée, mais aussi… heureuse. Elle tendit une main blanche vers la dragonne. Cette dernière la laissa toucher son museau, ses yeux brillaient étrangement, comme s’ils étaient plein d’eau. Saphira avait déjà vu Eragon faire cela, elle pleurait.
Le nez de Saphira était chaud sous sa main, ses écailles étrangement douces et rassurantes. Jéna en avait les larmes aux yeux. Elle ne pensait pas revoir un jour pareil être. Elle se recula, et plaça sa main droite au-dessus du sternum, paume face à la dragonne.
- Je suis heureuse de te rencontrer enfin Saphira, dit-elle avec douceur et sincérité. C’est un honneur pour moi de voyager avec toi et ton dragonnier…
« Je l’aime bien » dit Saphira à Eragon.
- … Cependant, si vous ne souhaitez pas que je vienne, je ne m’opposerai pas à votre choix, mais sans vouloir me vanter, je pense que je serai utile dans votre, euh quête.
« Je préférerai que nous restions tous les trois » dit Eragon
- Elle t’a défendu. Je sens de grands pouvoirs en elle, et puis d’après ce que tu m’as dit, Brom lui fait confiance. Non ? »
Eragon fit la moue et lâcha un soupir. Il sourit à moitié et dit :
- Très bien, sois la bienvenue parmi nous.
- Je te remercie…
- Bon si vous avez fini vos petites affaires, nous pouvons partir, lança vivement Brom . Et sans même attendre que les jeunes gens ne réagissent, il sauta en selle et partit au petit trot vers le Sud. Eragon resta un instant coi, puis enfourcha Cadoc et rattrapa le vieil homme. Jéna les regarda partir. Elle ne savait pas dans quelle aventure elle s’était embarquée. Eragon était visiblement réticent à l’accueillir, c’est pourquoi elle devrait tout faire pour qu’il ne regrette pas sa décision. Soudain, une étrange impression lui picota l’esprit, elle frémit et se barricada à l’intérieur d’elle-même par reflexe. Saphira grogna légèrement. Jéna la regarda, la dragonne la fixait, ses yeux exprimaient la douceur, alors elle comprit. Elle relâcha ses défenses et une agréable chaleur emplit son esprit. « Je suis contente de te rencontrer, Jéna, dit une voix claire, celle de Saphira. Brom m’a parlé de toi, un peu. Tout comme lui tu sembles entourée de mystères… Ne t’inquiète pas pour Eragon, il te donnera sa confiance. « Merci, Saphira. J’espère que je ne serai pas un fardeau pour vous, je ne souhaite que vous aider….Je ne peux pas te dire à quel point je suis heureuse moi aussi de te rencontrer. « Je le sens. Sur ces mots, l’esprit de la dragonne s’éloigna de celui de Jéna de même que son corps musculeux s’élançait dans les airs jusqu’à ne plus être qu’un point scintillant dans l’espace azuré. Jéna inspira à fond et sautant sur sa monture, partit au galop rejoindre ses nouveaux compagnons. |