Il était bientôt minuit, Jéanna était partie depuis plusieurs heures déjà. Murtagh ne tenait pas en place, il tournait en rond autour du feu, s’asseyait et se relevait aussitôt, sa nervosité se propageant à Saphira qui était inquiète pour la jeune fille mais également pour son dragonnier qu’elle n’arrivait pas à contacter. Soudain un mouvement dans les fourrées l’alerta, elle releva la tête, avertissant Murtagh qui se tint près, une main sur la garde de son épée. Des bruits de sabots étouffés par le tapis de feuilles et de mousse émergèrent de la nuit, suivis par une silhouette parcourue de soubresauts dus au rythme du cheval. Enfin, le visage de Jéanna fut éclairé par la faible lueur des flammes, elle était assez pâle, sa tête dodelinait sur ses épaules, elle paraissait mal en point. Murtagh se précipita vers elle et l’aida à descendre. Ses jambes chancelèrent lorsqu’elle voulut avancer, aussi dut-il la soutenir pour qu’elle ne tombât pas. De forts relents d’alcool s’échappèrent soudain de ses cheveux. Surpris, il s’écria :
- Tu es ivre ! Mais qu’est-ce qui t’a pris ?
Jéanna tituba et laissa échapper un petit rire nerveux.
- Heureusement que j’ai pensé à me protéger des effets de l’alcool en lançant un sort, articula-t-elle, mais je crois qu’il s’estompe… je vois un peu flou…
- Tu n’as vraiment pas trouvé mieux ? S’énerva Murtagh, je suis certain que tu n’avais jamais fait aucune beuverie, tu te rends compte ?
- Deuxième, hoqueta-t-elle. Deuxième, la précision est très importante.
- Ça ne change rien à ton état, regarde-toi ! … Jéanna ? Ça va ?
Elle s’était pliée en deux subitement, les yeux arrondis, le teint blême, avant de repousser Murtagh et de courir vomir derrière un arbre.
Elle vida ses entrailles qui ne supportaient visiblement pas les grandes doses d’alcool fort, sa gorge la brûlait, mais cette fois, c’était douloureux. Acide. Elle voulait que cela cesse, mais il semblait y en avoir toujours plus. De violentes secousses animaient son corps et lui faisaient recracher ce mélange immonde de bile jaune et d’eau de vie. Elle sentait à peine les mains de Murtagh lui frotter le dos, et lui retenir les cheveux qui lui tombaient devant les yeux, contrairement au mal de tête qui enserrait son crâne et rendait insupportable son état.
Enfin, les vomissements disparurent, mais un affreux goût persistait dans sa bouche, Murtagh lui tendit alors une outre d’eau et elle put la rincer, ainsi que sa gorge endolorie. Une fois remise, elle s’assit devant le foyer, et inspira deux ou trois fois de grandes goulées d’air frais. Ses pensées étaient embrumées, mais elle parvint à se souvenir d’une litanie qu’Ils lui avaient apprise pour retrouver toute sa raison. Elle la murmura, se concentrant le plus possible, et aussitôt après, son mal de tête disparut en même temps que la clarté dans sa conscience revenait.
« Alors ? Demanda Saphira.
- Je sais où est enfermé Eragon. Il est dans une cellule au sous-sol de la citadelle.
Elle prit un morceau de bois et commença le tracé du plan de la forteresse. Murtagh et Saphira écoutèrent attentivement le récit de la jeune fille, sur sa rencontre avec le Capitaine Kagan, les différentes informations qu’elle avait recueillies sur le nombre de soldats en faction, leur roulement, les heures d’affluences, et celles plus creuses…
- Pauvre Capitaine, je lui ai donné des espoirs perdus d’avance je crois… soupira Jéanna. Il ne les méritait pas.
- Il te plaisait ? Demanda Murtagh un peu abruptement.
Jéanna sourit, mais ne répliqua pas ce qu’elle pensait au fond d’elle-même.
- Il a été très coopératif, contre sa volonté je le crains. Il n’aurait pas du me juger sur ce que je parais être, même si je ne pense pas être vicieuse non plus, ajouta-t-elle.
« Tu as couru beaucoup de risques ce soir, je te remercie, grâce aux informations que tu as récoltées, nous allons pouvoir élaborer un plan.
- Nous trouverons un plan, oui, assura Jéanna, mais demain si cela ne vous dérange pas, j’aurai les idées plus claires et créatives demain matin.
- Bien sûr, repose-toi. Saphira, tu prends le premier quart ? Tu me réveilles après.
La dragonne poussa un petit grognement d’assentiment et regarda les deux jeunes gens préparer leur couche pour dormir, mais avant de se rouler dans ses couvertures, Jéanna vint l’enlacer ; elle sentit tout l’amour que la jeune fille lui portait se transmettre par ce simple geste.
- Demain Eragon sera de nouveau à tes côtés, promit-elle.
« Merci, dors bien Jéna.
- Bonne nuit…
Le sommeil lui piquait les yeux, mais les évènements de la journée empêchaient Jéanna de s’endormir. Elle gardait alors les yeux ouverts, le regard perdu dans les braises rougeoyantes. Le pauvre capitaine lui faisait un peu pitié, il avait été naïf, prévenant, poli, insouciant, peut-être même plein d’un espoir simple qu’il avait voulu masquer sous une discussion en tête-à-tête. Ses yeux verts et sérieux restaient gravés dans sa mémoire. N’avait-elle pas été imprudente de se lancer dans ce défit inutile ? Qu’est-ce qui lui avait pris ? Elle-même ne trouvait pas la réponse.
Elle avait senti la désapprobation de Murtagh lors de son récit. Mais un mince sourire avait également percé sur les lèvres du jeune homme. Pourquoi ? Pourquoi d’ailleurs avait-elle remarqué ce détail ?
Du coin de l’œil elle le vit se relever, et s’approcher d’elle. Il se coucha, dos au feu, sa tête près de la sienne.
- Tu ne dors pas ? Chuchota-t-il pour engager la conversation.
- Je repensais à aujourd’hui, à Eragon…
- Tu t’inquiètes pour lui ?
- Pas toi ?
- … si, évidemment. Jéanna, je suis content que tu sois rentrée saine et sauve.
- Qu’aurais-tu fait s’il m’était arrivé quelque chose ?
- Si quelqu’un t’avait nuie, je l’aurais tué, lâcha sèchement Murtagh.
Cette réponde surpris la jeune fille plus qu’elle ne l’aurait imaginée ; une sensation passée qu’elle commençait vraiment à comprendre s’enflamma dans son âme, mais elle ne savait pas quoi en penser, surtout maintenant.
- Ne laisse pas la colère se changer en haine, je ne souhaite pas que tu souffres davantage Murtagh… Bonne nuit.
Il ne répondit pas, Jéanna ferma les yeux et se laissa bercer par la respiration sereine du jeune homme.
Elle percevait le vent soulever ses cheveux, la vitesse de l’étalon qu’elle montait. A ses côtés, un cavalier riait, une joie immense se dégageait de lui, et cela ne fit qu’augmenter son propre bonheur. Elle était heureuse, rien ne semblait pouvoir arrêter son idylle, la vie leur souriait, seul le présent comptait à leurs yeux, ils ne se souciaient pas de ce qui pourrait leur arriver.
Mais soudain, un nuage noir les enveloppa, le cavalier fut englouti dans le silence, malgré ses efforts pour le retenir, elle eut beau tendre le bras, il était trop tard. Elle hurla son nom, horrifiée, l’angoisse l’étreignait, l’étouffait. Une voix lointaine lui invectivait de fuir, de ne pas se retourner, elle paraissait terrifiée et cela l’angoissa encore plus. Puis brusquement, deux yeux glacials apparurent, dardant sur elle un regard sans amour, ni pitié. Où qu’elle tournât la tête, ces yeux la suivaient, la harcelaient, l’empêchaient de respirer. Ils lui annonçaient une mort, la Mort.
- Jéna, pourquoi m’as-tu abandonné ? Gémit une voix.
Elle se retourna, Brom était là, debout, son flanc était tâché de rouge, son visage était sévère et accusateur. Le regret la submergea, elle en goûta les larmes amères.
- Jéanna, Jéanna ! Réveille-toi !
Elle ouvrit les yeux brusquement, Murtagh était penché sur elle, et secouait son épaule.
- Tout va bien ? Demanda-t-il inquiet. Tu faisais un cauchemar… je ne sais pas si j’ai bien fait de te réveiller.
Elle se redressa, ses joues étaient humides de larmes et elle avait un affreux mal de tête, conséquence de sa soirée arrosée de la veille.
- Merci. Je ne sais pas de quoi je rêvais, mais c’était la même impression de… qu’importe. Quelle heure est-il ?
- Le soleil se lève. Tu veux manger quelque chose ?
- Volontiers.
Murtagh lui prépara un petit déjeuner copieux et ils discutèrent amicalement de tout et de rien. Enfin, Saphira se réveilla.
- Bonjour Saphira !
« Bonjour, bien dormi ?
- Ça peut aller, dit Jéanna en haussant les épaules.
- Bien, si tout le monde est debout, nous pouvons commencer à réfléchir à un plan ! S’exclama Murtagh.
- Je pense que le meilleur moyen d’entrer est de passer par les égouts, ils ne sont presque pas surveillés, et des conduits d’aération mènent aux canaux principaux qui coulent sous la forteresse. Ce ne sera pas très agréable, mais c’est le moyen le plus sûr.
- Tu sauras nous conduire aux cachots ?
- Sans problème.
- D’accord donc pour l’entrée. Mais pour sortir ce ne sera pas aussi facile, Eragon ne sera certainement pas très en forme…
« Je pourrais venir vous chercher, proposa Saphira. Ce sera plus rapide par les airs. Il doit y avoir de la place sur le toit pour que je me pose.
- C’est vrai, Saphira peut nous aider, remarqua Jéanna. La salle de banquet est juste en dessous du toit, ça devrait le faire.
- Mais peut-elle transporter trois personnes, s’interrogea Murtagh.
« S’il le faut, assura Saphira.
Jéanna répéta la réponse au jeune homme qui refusait d’ouvrir son esprit.
- Cela reste quand même bien trop risqué, il vaut mieux que j’y aille seul avec Saphira, déclara Murtagh.
Jéanna le fixa, impassible, néanmoins ses yeux lançaient des éclairs.
- Je viens, et ce n’est pas négociable, affirma-t-elle.
Elle refusait d’être mise à l’écart encore une fois, en effet, elle se rappelait l’escapade de Brom au camp des Ra’zacs et s’en voulait toujours de ne pas l’avoir suivi.
- D’accord, mais nous devons d’abord peaufiner ce plan afin qu’il n’arrive rien.
Ainsi, toute la journée, Murtagh, Jéanna et Saphira s’activèrent à l’élaboration de leur plan de sauvetage. Murtagh retourna à Gil’ead s’assurer de l’existence du conduit d’aération et trouver de quoi se déguiser afin de passer inaperçu.
Le soir, ils approchèrent les chevaux à moins d’une lieue de la ville et partirent à pied exécuter leur mission.
Le jeune homme s’était vêtu d’un long manteau en lambeau et portait une fausse barbe. Il s’appuyait sur une béquille et exagérait sa démarche pour qu’on le croie sérieusement boiteux. Jéanna s’était demandé où il avait déniché de tels objets, mais il s’était contenté de hausser les épaules et de lui donner une cape tout aussi miteuse. Elle avait rabattu la capuche sur son visage et, sans avoir à faire semblant, avait repris sa marche claudicante. Ils faisaient vraiment une drôle de paire, mais au moins personne ne les remarquerait lorsqu’ils traîneraient dans les ruelles sombres de la cité.
Ils arrivèrent devant la bouche d’aération creusée dans le sol, à quelques mètres du rempart de la citadelle, une grille en obstruait l’entrée. La ruelle était déserte et obscure.
- Tu es certaine de pouvoir l’ouvrir n’est-ce pas ? S’assura Murtagh.
Pour toute réponse Jéanna souffla un mot en Ancien langage. Il y eut un léger « clang », et elle se pencha pour soulever les barreaux. Délicatement elle les posa sur le rebord et s’assit, les jambes introduites dans le trou.
- Bon, on se retrouve en bas.
Elle inspira à fond et plongea dans l’obscurité.
Elle glissa le long de la paroi raide durant quelques secondes, avant que la pente ne s’adoucisse et qu’elle n’aperçoive la sortie. Une fois qu’elle se fut redressée, elle s’écarta pour laisser passer Murtagh qui apparut peu après elle. Il se releva prestement et rajustant sa tenue la suivit à travers le dédale des égouts. Ils ne pataugeaient pas dans l’eau car deux minces rebords de pierre encadraient les canaux où flottaient des choses dont la nature ne leur échappait pas. Jéanna détourna le regard et entreprit de trouver la bonne issue.
Elle finit par s’arrêter devant une échelle incrustée dans le mur et qui montait jusqu’à une trappe de bois.
- C’est celle-la, déclara-t-elle.
- Certaine ?
- Oui, c’est celle-là que Kagan a empruntée.
- Qu’est-ce qu’il faisait là ton capitaine ? Ce n’est pas vraiment l’endroit idéal pour une balade, dit Murtagh, moqueur.
- Mm. Je suis bien d’accord avec toi. Il cherchait un moyen de sécuriser cet endroit, mais personne ne l’a jamais écouté. Qui passerait par les égouts pour infiltrer la citadelle ?! Aller, allons-y.
Jéanna grimpa les barreaux de fer, poussa la trappe et s’assurant qu’il n’y avait personne de l’autre côté se hissa hors des égouts suivie de son compagnon.
Ils continuèrent leur escapade dans des couloirs à peine éclairés, montèrent un escalier étroit, et atterrirent dans un mince corridor au bout duquel brillait une vive lumière. Longeant le mur ils atteignirent l’angle formé par un nouveau couloir. A quelques mètres de là, des bruits de pas cadencés résonnèrent contre la pierre froide, synonyme de l’approche de gardes. Murtagh jeta un coup d’œil : six soldats passèrent devant l’entrée du couloir sans s’arrêter, leur marche s’éloignant petit à petit vers les cachots.
- On les laisse partir et on y va, murmura-t-il.
Mais avant que Jéanna n’ait pu acquiescer, ils s’aperçurent que les soldats s’étaient arrêtés.
- Sus ! Sus ! Cria-t-on.
Le rutilement des armures se répercuta dans la forteresse. Sans attendre d’en savoir plus, Murtagh et Jéanna se précipitèrent vers le vacarme : Eragon était sorti de sa cellule et faisait face aux six gardes armés. Murtagh sortit un arc de sous son ample vêtement et tira une flèche avec rapidité et habilité. Un des soldats s’écroula sous le trait, bientôt suivi de deux autres. Le dragonnier profita de l’incertitude et de la surprise de ses ennemis pour en tuer un d’un mot tandis qu’un cinquième tombait une flèche lui ayant transpercé le corps. Murtagh visa le dernier survivant, mais Eragon cria :
- Ne le tue pas !
Jéanna et Murtagh ne comprirent pas, et s’avancèrent alors qu’Eragon parlait au rescapé, le menaçant d’une mort lente et atroce en lui montrant une poignée de poussière qu’il faisait rougeoyer par magie. Enfin, il murmura quelque chose et le soldat tomba mollement par terre.
- Tu l’as tué ? Demanda Murtagh.
Eragon ne sembla pas tout de suite reconnaître ses deux amis, il plissa les yeux puis s’exclama :
- Murtagh ! C’est toi ?
- Eh oui ! Je ne tenais pas à ce que l’on me reconnaisse, dit-il en soulevant sa fausse barbe. Et Jéanna est là aussi.
Cette dernière remonta sa capuche.
- Tu l’as tué ? Répéta Murtagh.
- Non. Il est seulement endormi. Comment êtes-vous entrés ?
- On n’a pas le temps de t’expliquer. On file à l’étage avant qu’on nous découvre. Une issue s’ouvrira dans quelques minutes. Il ne faudra pas la manquer.
- Tu n’as pas entendu ce que j’ai dit ? S’étonna Eragon en désignant le soldat endormi. Il y a une elfe dans cette prison. Je l’ai vue. Nous devons la délivrer. Il faut que vous m’aidiez.
- Une elfe ! S’exclamèrent Jéanna et Murtagh.
La jeune fille retint son souffle à l’annonce d’Eragon. Elle n’avait pas remarqué cette information dans l’esprit du capitaine. Elle n’avait cherché que ce qui était le plus important, laissant de côté « Durza » et « Elle ».
Pendant qu’elle restait immobile, sous le choc de cette révélation, les deux garçons avaient pénétré dans une cellule, celle ou Elle était emprisonnée.
Ils en sortirent, Murtagh transportant sur son dos la femme à la chevelure ébène.
- Jéanna, passe devant, lui lança Murtagh.
Elle opina du chef sans révéler ce qu’elle savait de l’elfe et monta les escaliers situés au bout du vestibule.
- Comment va-t-on sortir de là sans se faire remarquer ? Leur demanda Eragon.
- On va sortir, mais pas sans se faire remarquer, répliqua Jéanna.
Elle était inquiète, comment allaient-ils pouvoir s’envoler à quatre ?!
Ils débouchèrent sur une grande salle remplie de tables massives. Murtagh demanda à Eragon de prévenir Saphira d’« attendre encore un peu », et, accompagné de la jeune fille, partit chercher les armes du dragonnier.
- Comment va-t-on sortis ? S’inquiéta Murtagh.
- On verra. C’est là, fit-elle en désignant une salle sans portes.
A l’intérieur ils découvrirent un nombre conséquent d’armes de tout genre, ainsi que Zar’roc, l’épée d’Eragon, et un arc et une épée très étranges.
- C’est elfique ? Demanda-t-il à Jéanna.
- Oui, aucun doute possible. Viens, dépêchons-nous, l’alerte a dû être donnée.
Ils regagnèrent la salle des gardes le plus rapidement possible.
- Et maintenant, s’enquit Eragon en mâchant un quignon de pain. On ne va pas rester ici éternellement. Tôt ou tard, les soldats nous trouveront.
- Maintenant, on patiente, répondit Murtagh. Je te l’ai dit, notre fuite est arrangée.
- Tu ne comprends pas, il y a un Ombre ici ! S’écria le dragonnier. S’il nous tombe dessus, on est morts !
- Un ombre, en ce cas dis à Saphira de venir immédiatement. Nous devions attendre la relève de la garde, mais s’attarder plus longtemps devient trop dangereux.
- Ce doit être Durza. C’est lui dont les officiers se méfiaient hier, commenta Jéanna.
- En t’échappant de ta cellule, tu as bouleversé nos plans, ronchonna Murtagh. Nous aurions pu avoir l’effet de surprise. C’est raté maintenant.
- Si j’avais su, je vous aurais peut-être attendus. Mais vous êtes arrivés au bon moment. Si j’avais dû combattre ces six soldats par magie, je ne m’en serais jamais sorti tout seul.
- Ravi d’avoir pu t’être utile ! Dit Murtagh sans véritable enthousiasme. Espérons seulement que l’Ombre ne nous trouvera pas…
Soudain, un rire dénué de joie retentit dans la pièce, faisant se hérisser les poils des trois compagnons.
- Je crains devoir vous ôter cet espoir…
Jéanna tira son épée, en même temps que Murtagh et Eragon se retournaient face à l’Ombre, Durza, qui se tenait debout de l’autre côté de la salle.
Il était grand, et mince, ses cheveux rouges sang contrastaient avec la pâleur de sa peau. Son regard était dur, un sourire pervers fendait son visage ; il railla Eragon et le provoqua en duel. Il sortit son épée, et s’avança au centre de la pièce, là où il y avait le plus d’espace.
- Eragon, non, laisse-moi y aller, murmura Jéanna.
Mais le dragonnier ne l’écouta pas, ni elle ni Murtagh qui se proposait également à sa place. Il se positionna devant l’Ombre, en garde.
Mais soudain, une secousse violente ébranla le plafond, faisant s’écrouler une partie des poutres dans une avalanche de poussière. L’attention d’Eragon vacilla, et Durza en profita pour attaquer, le dragonnier réussit à parer de justesse et leur affrontement débuta. L’Ombre était malheureusement plus fort, et gagna rapidement du terrain ; Jéanna allait se lancer dans la bataille, lorsqu’une partie toit s’effondra brutalement autour d’eux dans un immense fracas, elle esquiva adroitement les débris et se réfugia contre le mur du fond. A ce moment, Murtagh tira sur l’Ombre, sa flèche se plantant dans l’épaule de la créature, mais elle ne la sentit qu’à peine, se moquant plutôt de l’archer. Mais, le deuxième trait fut le bon, il transperça le front de l’Ombre, entre les deux yeux, arrachant un hurlement de douleur et d’effroi au Possédé. Un brouillard étrange se forma autour de la silhouette, et il disparut, ne laissant derrière lui qu’un tas de vêtements.
- Tu l’as tué ! S’exclama Eragon.
- Je n’en suis pas si sûr, murmura le jeune homme.
Ils n’eurent pas l’occasion de se réjouir, des soldats venus des deux côtés s’engouffrèrent dans la large pièce, forçant les jeunes gens à se réfugier contre le mur prêt de Jéanna, traînant l’elfe avec eux.
Ils étaient encerclés.
L’espoir surgit alors venant du toit ; Saphira, fermement accrochée au plafond, arracha brutalement un morceau de toiture, et la poutre principale céda, provoquant la confusion dans les rangs ennemis. Les soldats ne se souciaient plus des fugitifs, ils couraient, affolés, essayant d’éviter les gravas tombant sur eux. La dragonne rugit alors, un rugissement effrayant et puissant, révélant la démesure des dragons par rapport aux petits hommes qui l’entouraient. Tous les gardes fuirent, paniqués.
Saphira détruisit ce qui restait du toit et sauta dans la salle, écrasant une ou deux tables sous son poids.
- Elle ne pourra jamais s’envoler avec quatre passagers, déclara Murtagh.
- Elle affirme que si. Montez ! S’exclama Eragon en prenant place derrière l’elfe inconsciente.
Murtagh grimpa à sa suite, et tendit la main à Jéanna. Une idée venait de surgir dans la tête de la jeune fille, une idée folle.
La dragonne bondit sur le toit, à l’air libre. Un peu plus loin, une ligne d’archer les avait dans leur ligne de mire, ils allaient tirer.
- Filez, ne vous en faites pas pour moi, souffla Jéanna à l’oreille du jeune homme devant elle. Reste avec Eragon !
Et avant qu’il ne pût répondre, elle sauta sur une poutre survivante, dérapant sur les tuiles détachées. Saphira s’envola.
« Jéna qu’est-ce que tu fais ?! S’écria Eragon dans son esprit.
« Je vous sauve la mise ! Ne m’attendez pas. Je vous retrouverai !
Elle ferma ensuite son esprit, regardant ces trois, non, quatre amis disparaître dans l’obscurité. |