« Est-ce que tu l'aimes ? »
Sérieusement ?! Qui posait ce genre de questions ? Et de quel droit ?
Dire qu'il s'était laissé bercer par la quiétude de la soirée, par l'atmosphère de recueillement et de partage. S'il avait su que cela finirait sur une psychanalyse pour sa pomme, il y aurait regardé à deux fois avant de signer.
Harry s'était réveillé reposé, mais pas serein. La fatigue accumulée la veille lui avait miraculeusement permis d'être emporté par le sommeil rapidement, empêchant son esprit de caracoler sauvagement dans un horizon sans fin de questionnements. Cependant, alors que la couverture de Morphée le quittait, la folle course de ses pensées reprenait ses droits. Allongé dans le canapé, il repensait aux mots de Drago. Il avait pourtant déjà eu suffisamment de Mme Dameena, la veille, pour venir le chatouiller à des endroits désagréables
Hermione avait raison, il n'était peut-être pas prêt pour être plongé dans le grand bain. La pataugeoire où il avait barboté jusqu'à maintenant lui convenait très bien. C'était étroit et monotone, mais sans la moindre vague ni lame de fond.
D'un autre côté, s'il était honnête avec lui-même, une part de lui appréciait l'excitation de cette nouvelle situation, du risque affleurant à ne pas savoir exactement de quoi le lendemain sera fait. Son côté tête brulée et curieux d'expériences inédites s'était réveillé au contact du blond. Une petite flamme au fond de lui s'était rallumée. Et il détestait devoir l'admettre, mais il n'avait pas envie que celle-ci disparaisse à nouveau, tout comme il n'avait pas non plus envie d'être débarrassé de Drago. L'opportunité qui lui était offerte de pouvoir s'investir pleinement dans cette cause était véritablement une bouffée d'air frais. Sa présence dans son quotidien était plaisante et il aimait travailler à ses côtés, échanger, manger et cohabiter avec lui… Il appréciait le bien-être qu'il ressentait auprès de lui.
…
Se pourrait-il que Ginny aussi ait raison ? Se pourrait-il que sa peur de le voir s'éloigner soit légitime ?
Harry sentit son estomac se nouer. Avec sa capacité naturelle à accaparer son attention, à mettre en périphérie tout le reste, mais aussi avec ses questions, ses gestes, son histoire, son amitié… Se pourrait-il, indirectement, que Drago signe la mort de son couple ?
Harry se frotta les yeux.
Non.
C'était insensé.
Il n'allait pas donner raison à tous ces gens qui pensaient pouvoir lire en lui : Ginny, Mme Dameena, Drago, ni même Hermione. Il n'allait pas se laisser enfermer dans des conceptions extérieures à lui-même. Cette époque était révolue, il était le seul maître de son destin, désormais. Il n'allait pas cesser d'aimer Ginny du jour au lendemain simplement parce qu'il était devenu ami avec Drago, ça n'avait aucun sens.
Il se leva prestement, s'habilla, rangea son couchage et alla en cuisine préparer le petit-déjeuner.
Drago s'éveilla à son tour en se demandant s'il n'avait pas fait une connerie la veille. Il appréciait sincèrement le brun, c'est pour cela qu'il s'était permis de mettre des mots sur la souffrance qu'il avait observée chez lui, et l'ambiance de la nuit lui avait semblé propice à ce genre de confidences. Il espérait n'avoir rien brisé.
Il déplaça ses jambes pour amorcer une sortie du lit et réalisa que la masse chaude le long de son mollet n'était autre que celle de son chat. Il l'avait accepté dans la chambre la veille pour le rassurer dans cet environnement complètement nouveau. Moon s'étira avec langueur avant d'entamer une toilette.
« – Demain tu dors dans le salon par contre, je te préviens. » lui intima Drago gentiment.
Il n'aimait pas particulièrement avoir l'animal avec lui dans le lit, aussi bien d'un point de vue du confort que de l'hygiène. Surtout qu'il n'était pas chez lui ici, il n'allait pas faire n'importe quoi. Il s'extirpa des draps et enfila sa chemise de la veille pour couvrir son torse et accompagner son bas de pyjama. Pas question qu'il fasse le même coup que Potter dans son appartement en débarquant à moitié nu. Il sourit à ce souvenir gênant. À bien y repenser, sans ses vêtements, le Gryffondor était plus mince qu'il ne l'aurait cru. Il faut dire qu'il semblait faire des choix aléatoires concernant la taille de ses habits, comme en témoignait d'ailleurs l'improbablement grand caleçon qu'il portait ce jour-là. Pas étonnant qu'il paraisse plus large au quotidien s'il flottait plus ou moins dans tout ce qu'il avait sur le dos. Le pire était qu'il avait pu donner de pertinents conseils vestimentaires à Drago, il n'était donc pas complètement dénué de goût ni de sens critique. Il était probablement juste totalement indifférent à son apparence. C'était déjà le cas à Poudlard se souvint le blond, mais c'était peut être moins marquant vu qu'il portait le plus souvent l'uniforme de l'école et que ses cheveux étaient moins longs, donc un tout petit peu moins sauvages que maintenant.
Drago ouvrit la porte de la chambre et laissa Moon se faufiler dans le salon d'un petit trot sautillant, puis il se dirigea vers la cuisine d'où provenait déjà l'odeur du thé et celle des œufs.
Il s'assit à la table, derrière un Harry affairé.
« – Salut. dit Drago d'un ton enjoué, souhaitant démarrer la journée sous les meilleurs auspices possibles.
– Hey, » répondit mollement le brun sans se retourner.
Ça partait mal. En même temps, le blond savait qu'il avait franchement mis les pieds dans le plat la veille. Harry se retourna et posa deux assiettes sur la table avec des couverts. Œufs, bacon et haricots en sauce avec des toasts : un grand classique. Drago sentit son estomac se réveiller d'un coup. Harry ajouta une théière et deux tasses, puis s'assit en face de son invité. Le blond le remercia et commença à manger avec entrain. Harry l'accompagna avec plus de réserve.
Le Serpentard essaya de dérider un peu l'ambiance silencieuse en évoquant les vieux souvenirs de ses visites familiales dans le manoir Black, alors qu'il était enfant. Il devait avoir sept ou huit ans à l'époque et il se devait assister aux grandes réunions familiales qu'il détestait. Il fallait rester à table et se tenir correctement pendant des heures en écoutant les adultes parler de sujets ennuyeux et abstraits. De plus, il n'y avait aucun autre enfant, car parmi les sœurs de Narcissa l'une s'était abstenue d'en faire et l'autre avait été reniée. Bref, Drago s'ennuyait ferme.
De surcroît, il devait lutter contre les diverses bestioles dégoutantes que sa voisine de table, sa tante Bellatrix, comme à son habitude, s'amusait à faire apparaitre sous sa chaise pour lui faire perdre contenance et l'amener à se faire réprimander par les adultes. Ce qui finissait inévitablement par arriver et il terminait au coin, seul dans une petite pièce, surveillé par un elfe de maison. Le bon côté était qu'au moins, il n'avait plus à supporter les conversations et qu'il pouvait, dès lors, s'inventer des histoires dans sa tête. Il n'avait jamais réussi à savoir si Bellatrix prenait juste un malin plaisir à le faire punir où si, par ce stratagème, elle lui permettait de s'échapper de ces tablées assommantes, peut-être un peu des deux.
Drago ne partagea pas cette dernière réflexion avec son hôte, il doutait qu'Harry apprécie de l'entendre davantage parler de sa tante. Même si, à l'époque, cette dernière n'était pas la complète sadique qu'elle était devenue par la suite, bien qu'elle ait toujours eu ce fond. Le Lord avait complètement libéré et nourrit la noirceur en elle, transformant la femme dure et féroce en un monstre cruel et vicieux.
Au grand désarroi du blond, Harry avait à peine réagi durant son histoire, pas même quand il avait parlé de ses combats silencieux, aussi risibles que vains, contre les cafards qui remontaient le long de ses jambes ou les crapauds bondissant sur ses genoux, alors qu'il tentait de conserver toute la dignité dont il était capable.
Le brun mangeait calmement, en sirotant de temps en temps une gorgée de thé, lui jetant ponctuellement un regard poli, mais vide, pour lui indiquer qu'il l'écoutait.
Drago soupira, ça ne servait à rien de se voiler la face, le Gryffondor lui faisait visiblement la tête. Il se racla la gorge et tenta de crever l'abcès.
« – Écoute Harry, je suis désolé pour ce que je t'ai dit hier, à propos de Ginny. Je ne voulais pas te blesser. J'ai été trop loin, ça ne me regarde pas, je n'aurai pas dû m'en mêler. Excuse-moi. » fit-il lentement.
Le brun daigna enfin lui adresser véritablement son attention.
« – Je ne t'en veux pas. répondit Harry d'un ton morne et las en reposant sa tasse sur la table. Mais effectivement, ça ne te regarde pas, j'aimerais autant que tu évites le sujet à l'avenir. » Ses gestes étaient toujours distants et ses manières froides. Le blond voulu se justifier.
« – C'est juste que… J'ai l'impression que tu n'es pas heureux. » articula Drago, hésitant et penaud, craignant de ne faire qu'empirer la situation avec cet aveu frontal.
Harry fut soufflé par sa réponse. Il ne voulait pas en entendre plus. Il n'avait pas besoin de savoir que son bonheur importait au blond. Leur amitié ne permettait pas ce genre de considérations. Leur relation n'allait pas jusque-là et il n'autorisait pas Drago à s'immiscer ainsi. Un silence pesant s'installa, les deux hommes évitant soigneusement de se regarder.
Moon vint se frotter en miaulant bruyamment contre le tibia de son maître, interrompant le moment de malaise. En soupirant à nouveau, Drago se leva pour aller le nourrir et renouveler son bol d'eau. Harry en profita pour démarrer la vaisselle d'un coup de baguette et il sortit chercher des vêtements propres dans sa chambre avant d'aller prendre une douche. Il maudissait désormais franchement son côté aventureux, il aurait aimé pouvoir tourner un bouton pour l'éteindre et mettre le blond à l'écart. Il n'avait aucune idée d'où il allait en ce moment.
Il laissa l'eau chaude le détendre et emporter avec elle une partie de ses tensions. Quand il coupa le jet, il lui sembla entendre des voix dans le salon. Intrigué, il se sécha et s'habilla rapidement pour en avoir le cœur net.
Le regard suspicieux, il ouvrit vivement la porte de la salle de bain, laissant apparaître sa tignasse brune, encore mouilléé et vaguement domptés par le poids de l'eau ainsi que le vieux t-shirt informe et le jean similaire qu'il avait sur lui.
Drago, qui était assis dans son canapé habituel, sembla soulagé de le voir. Il faisait face à Neville et Blaise qui se tenaient debout devant la cheminée.
« – Ah ! Harry. commença Neville. Te voilà, comment-vas-tu ?
– Heu… Bien, j'imagine. Mais que faites-vous ici ? » demanda l'intéressé, sans grande amabilité.
Il n'appréciait pas vraiment les intrusions. Blaise prit le relais :
« – Je m'inquiétais pour Drago, à la suite de la publication dans la Gazette. J'ai voulu passer chez lui, mais il n'y avait personne. Ce sont ses parents qui ont pu me renseigner sur sa cachette. C'est plutôt malin, je dois dire, je n'aurais pas pensé à ton domicile, Potter. expliqua l'Auror, calmement.
– J'ai pris l'initiative de l'emmener chez toi Harry, j'espère que tu ne m'en veux pas. s'excusa Neville. J'ai confiance en sa totale discrétion. Et puis, nous avions besoin de savoir si vous alliez bien. »
Harry ne répondit rien, se contentant de jauger les deux Aurors, puis Drago. Le blond se tenait droit, et, si son visage paraissait serein, Harry pouvait néanmoins le sentir tendu. Cela l'amusa. Au moins, il ne semblait pas être le plus mal à l'aise du lot. Il vint s'assoir sur l'accoudoir du canapé de Drago et invita les deux Aurors à prendre place dans celui d'en face.
« – Du coup, Drago, comment vas-tu ? Où en est la situation ? reprit Blaise.
– Ça peut aller. Je travaille avec Har… Potter sur le procès, ça me maintient occupé. Il était présent quand les "retombées" de l'article de Skeeter sont arrivées sous la forme de beuglantes multiples et variées. Il a fallu que je fuie mon appartement. Je ne pouvais pas aller au manoir, ça aurait été le champ de bataille là-bas. Potter a proposé que je vienne chez lui pour quelques jours, le temps que ça se tasse. C'était le plus pratique pour continuer le travail. Donc voilà où nous en sommes actuellement. résuma rapidement Drago.
– Ok, je vois. répondit le jeune homme noir. Remercions le fier esprit chevaleresque des Gryffondors, alors. ajouta-t-il en faisant un clin d'œil à Harry, qui ne broncha pas. Et comment se passe la cohabitation, vous ne vous êtes pas encore étripés ? »
Ils haussèrent les épaules, le blond regarda son hôte d'un air gêné. Harry semblait indifférent. Le Sang-Pur ne savait pas comment se comporter vis-à-vis de lui, surtout avec la distance nouvelle qu'il y avait entre eux depuis le matin. Par-dessus ça, il n'avait pas particulièrement envie de s'étendre sur la complicité et l'entente qu'ils avaient développées progressivement et qu'il espérait pouvoir retrouver rapidement. Il répliqua donc de manière évasive :
« – Non, de vrais gentlemen civilisés.
– Pour de vrai ? Pas la moindre petite dispute ? Pas même le plus petit règlement de compte, au nom du bon vieux temps ?» s'enquit Blaise avec curiosité et malice.
Le blond s'agaça :
« – On a mis nos différends de côté pour privilégier le travail, est-ce si difficile à concevoir ? »
Le ton était un peu plus sec qu'il ne l'aurait voulu. De concert, les deux Aurors levèrent un sourcil interrogatif. Ils n'auraient jamais imaginé que le feu et la glace puissent s'associer aussi facilement. Neville, pour sa part, ne comprenait pas complètement les raisons pour lesquelles Harry s'était engagé au-delà de son témoignage. Il était cependant ravi que ce dernier s'investisse dans quelque chose, fût-ce le salut de Drago Malefoy. Il se doutait que le brun devait bien en tirer quelque chose et qu'il ne le ferait pas si cela lui coûtait trop ou si cela avait été trop pénible de côtoyer l'ancien Serpentard. Peut-être qu'il avait vu juste, au-delà même de ses espérances, en pressentant que cette alliance lui serait bénéfique.
Ce fut ce moment que choisit Moon pour traverser le salon d'un pas tranquille et venir s'allonger impudemment dans le canapé entre Harry et Drago. Ce dernier lutta fortement pour que le rosissement montant de ses pommettes ne se transforme pas en franche rougeur. Neville et Blaise échangèrent un regard entendu assez peu discret.
« – Tu as amené ton chat ? releva son meilleur ami, surpris.
– Longue histoire. conclut le blond d'un geste de la main. Ne souhaitant pas s'étendre davantage sur ce détail gênant.
– J'imagine qu'effectivement vous n'êtes pas en si mauvais termes. » souligna Blaise, ne cachant pas son amusement et son sourire narquois.
Après une courte pause, il se leva et reprit :
« – Nous n'allons pas vous embêter plus longtemps, nous avons du travail qui nous attend au bureau. On a déjà fait une petite entorse en faisant un crochet par ici. »
Neville se mit debout à son tour et compléta :
« – Content de voir que vous allez tous les deux bien, en tout cas. Harry, si tu as besoin de parler ou de changer d'air, tu sais où me trouver. »
L'intéressé acquiesça d'un petit signe de tête, n'appréciant qu'à moitié ce qu'il percevait entre les mots de son ami. Encore un qui voulait lire en lui, il avait actuellement son quota.
Les Aurors les saluèrent avec des poignées de mains brèves et repartirent par la cheminée.
Drago les imaginait déjà en train de cancaner dans leur dos. Il n'avait pas envie de savoir ce qu'ils pensaient avoir vu ou compris durant cette petite visite. Il essaya de mettre en sourdine ces pensées agaçantes. Harry allait se lever quand de nouvelles flammes vertes apparurent dans la cheminée, puis la tête d'Hermione, qui sembla surprise en apercevant le blond.
« – Harry, tu es là. Il faut que je te parle… fit-elle empressée. Malefoy. » salua-t-elle laconiquement.
Le Serpentard hocha simplement de la tête en réponse.
La tête disparut un instant pour laisser passer l'intégralité de la jeune femme dans l'âtre. Drago se passa une main dans les cheveux, son voisin soupira, dire qu'ils pensaient être enfin tranquilles. Hermione s'installa en face d'eux, dans le canapé, faisant suite aux deux Aurors, sans le savoir.
« – Salut, Harry, comment vas-tu ? s'enquit-elle.
– Bien… j'imagine. Et toi ? » fit son ami, à peine amusé par la répétition de la scène, mais beaucoup plus chaleureusement qu'avec les deux précédents visiteurs. Il esquissa un petit sourire.
Drago leva un sourcil. Il se sentait de trop, mais quitter la pièce aussi vite aurait été malpoli, et une partie de lui souhaitait rester. C'était complètement débile, mais il avait l'impression que la Gryffondor faisait effraction dans un espace où elle n'était pas censée être. Il aurait été plus honnête de dire que ce n'était simplement pas un espace où il souhaitait la voir, mais vu qu'il ne la portait pas particulièrement dans son cœur, il n'était pas sûr qu'un tel lieu existe.
Elle ne sembla pas remarquer son regard froid posé sur elle. Elle avait beaucoup mûri depuis la dernière fois qu'il l'avait vue, toujours un léger air de miss-je-sais-tout, mais plus proche de l'experte que de la première de la classe. Son visage avait également perdu de ses traits de l'adolescence, il s'était affiné et visiblement elle avait appris à gérer ses cheveux qui étaient relevés simplement, mais élégamment en une sorte de chignon. En fait, Harry avait assez bien résumé en disant qu'elle était toujours la même, mais pas tout à fait non plus.
« – Ça va. répondit Hermione. C'est un peu la folie au boulot en ce moment, nous avons plusieurs dates de bouclage qui tombent la même semaine et des traducteurs qui se contredisent, mais sinon, la routine quoi. Ajouta-t-elle rapidement. Et toi Malefoy, comment vas-tu ? »
Le blond fut très surpris par son intérêt. Il bafouilla une réponse, sans trop réfléchir :
« – J'ai connu mieux, mais je ne suis pas à plaindre. »
Quelle phrase stupide, vraiment ! La brunette lui fit un demi-sourire.
Moon changea de position dans le canapé, attirant l'œil de la jeune femme qui ne semblait pas avoir remarqué sa présence jusqu'alors.
« – Tu as un chat ? C'est bien ça. se réjouit-elle pour Harry
– Non, c'est le mien. répondit Drago.
– Ah, ok. » dit Hermione en lui jetant un regard rapide et un autre, plus long, au brun. Son cerveau sembla faire des connexions, mais elle n'en dit rien et elle reporta son attention sur Harry.
« – Il faut que je te parle de Ginny. Il y a un petit peu de nouveau. » expliqua-t-elle doucement.
Drago, cette fois, ne se fit pas prier et les laissa tous les deux discuter en privé. Il alla chercher de quoi s'habiller – mon dieu, il avait reçu tous ces gens en pyjama ! – dans la chambre, ce qu'Hermione nota du coin de l'œil. Puis il fila dans la salle de bain pour se rendre présentable. Dès que la porte de cette dernière fut close, Hermione explosa :
« – Mais enfin Harry, qu'est-ce que tu fous ?!
– De quoi tu parles ? demanda le brun décontenancé par son brusque changement de ton.
– De tout ça, avec Malefoy ! Tu t'étonnes que Ginny soit préoccupée par ton attitude, mais au lieu de faire le point sur ta relation, tu te terres dans une autre.
– Hermione ! gronda Harry. Tu n'es quand même pas en train de suggérer que je fréquente Malefoy ?!
– Peu importe comment tu appelles ça. Tu l'as installé dans ton lit, avec son animal de compagnie, alors que c'est censé être une relation de travail. À quoi tu joues ?
– Je... Je n'avais jamais envisagé les choses sous cet angle. » bégaya le Gryffondor, pris au dépourvu.
Il maudit la part de lui qui ne trouvait pas cela inconvenant, mais naturel, que le blond occupe cette place dans son foyer.
« – Ce que tu peux être aveugle parfois. soupira son amie. » Elle devait admettre que, par moments, l'immaturité émotionnelle du brun pouvait vraiment la fatiguer. Il avait l'art de se mettre dans des situations dont il n'avait pas conscience.
Ce dernier avait les yeux fixés au sol, perdu. Elle reprit la parole :
« – J'étais venue te dire que Ginny n'est pas très bien. Tu devrais aller lui parler.
– Mais elle a voulu prendre un break, je ne vais pas essayer de la contacter, surtout si tôt. dit Harry, toujours en profonde réflexion.
– Je sais bien, mais je la connais, et je pense que ça pourrait être une bonne chose que tu ailles la voir. Elle vit assez mal l'article, tu sais. lui dit-elle doucement. Mais, j'insiste encore plus maintenant, prends le temps de faire le point. ajouta-t-elle gravement.
– Je vais le faire. Promis. fit le jeune homme.
– Ne tarde plus, c'est trop important. insista Hermione.
– Je sais, je le sais bien. répondit Harry faiblement. Mais ce n'est pas simple, il y a plein de choses qui se bousculent dernièrement... Pour être honnête, je ne sais pas où j'en suis. » Il prit sa tête entre ses mains.
« – J'ai pu voir ça. C'est pour ça que je me permets de venir t'embêter sur mes jours de congé. Tu es dedans jusqu'où ?
– Jusqu'au cou. Encore une fois, tu avais raison, je n'ai pas pu m'empêcher de m'investir à fond sans m'assurer d'avoir les reins pour encaisser l'avalanche de trucs qui me tomberait dessus. »
Son assurance d'être le seul maître de son destin et l'envie d'envoyer paître les avis de tous, ressenties à peine quelques heures plus tôt, lui semblaient désormais bien lointaines.
Il confia à son amie son incertitude et sa difficulté à faire le point en présence de Malefoy. Il lui parla également de certains éléments qu'il avait pu apprendre sur la vie du blond – sans entrer dans les détails – et qui s'avéraient intéressants par rapport à son propre vécu.
Ayant terminé sa toilette, Drago passa de nouveau dans le salon pour aller ranger son pyjama et une dernière fois encore pour aller dans la serre, flâner. À chaque fois, les deux Gryffondors stoppaient leur conversation, lui donnant la très désagréable sensation d'être un intrus. Il avait désormais envie de chasser la brune à coups de pieds bien placés, la maudissant de recevoir les confessions du brun alors que ce dernier lui battait froid. Il pesta aussi contre sa propre puérilité pour être touché à ce point par quelque chose d'aussi trivial.
Pour faire taire le pincement aigre dans sa poitrine, il se concentra sur la végétation de la grande serre. Il remarqua du mouvement à sa droite et il s'approcha prudemment. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir Dobby, son ancien elfe de maison, affairé à arroser et nourrir une grande plante grasse dont les lourdes feuilles vertes et très allongées s'élevaient assez haut et retombaient de tous les côtés comme les baleines d'un parapluie. Le manoir était beaucoup plus passant qu'il ne l'aurait cru. Il salua l'elfe et engagea la conversation, apprenant ainsi que la plante en question était une Sansévière et était originaire d'Ethiopie. Il apprit également que Dobby venait toutes les semaines à heure fixe pour gérer la serre, selon un planning établi à l'avance, et que son entreprise fonctionnait assez bien.
Drago fut amusé par l'improbabilité de la scène. Il avait souvenir de n'avoir pas toujours été agréable envers l'elfe par le passé, voire franchement odieux, et il en avait honte désormais, il était heureux que Dobby se soit épanoui sur une route éloignée de celle de sa famille.
Ils discutèrent un petit moment, principalement à propos de la serre et des plantes, puis l'elfe dû repartir sur sa prochaine mission afin de ne pas prendre de retard sur son emploi du temps de la journée. Drago se retrouva donc seul, il s'installa dans un coin reculé de la pièce et s'allongea au milieu la végétation luxuriante et colorée, comme il aimait le faire au Manoir Malefoy. De sa perspective au ras du sol, il avait l'impression de se trouver dans une jungle. Il laissa la quiétude des plantes le gagner, bercé par leurs balancements indolents.
Il se demanda de quoi pouvaient donc parler les deux Gryffondors pendant si longtemps. Il imaginait que le sujet Ginny ne devait pas être un petit morceau. Il ne savait que penser de tout ça désormais, de Potter, de sa copine, de son attitude. Malgré l'aspect compliqué de sa situation actuelle, Drago était content d'être là où il était… enfin pas là à attendre que la Weasley-par-alliance débarrasse le plancher, mais là chez Harry à apprendre à le connaître et à l'apprivoiser. Il était content du chemin qu'ils avaient parcouru, de ce qu'il avait appris à son contact… de ce qu'il ressentait à son contact aussi : de la complicité, du bien-être, de la tranquillité. Bien plus qu'avec aucun de ses amis actuels ou passés – si tant est qu'on puisse appeler amitié les relations qu'il avait entretenues à Poudlard. Bon, pour ce début de journée, on ne pouvait pas dire que complicité, bien-être ou tranquillité aient été au rendez-vous.
Cela l'agaçait de ne pas savoir comment rétablir la situation, il détestait la froideur et la distance d'Harry. Maintenant plus que jamais. Depuis qu'il avait connu les bons côtés du Gryffondor, il avait envie de se rapprocher de lui pour le comprendre davantage. Il comprenait que Ginny ait eu besoin de fuir quelques jours, si au quotidien Harry se comportait comme ça, cela devait être invivable. Il osait à peine imaginer. Et il n'était qu'un ami du brun, pour son amante, cela devait être plus douloureux encore. Il eut de la pitié pour la rouquine. Il se demanda ce qu'il ferait à sa place, si sa relation amoureuse prenait une telle tournure. Laisserait-il tomber le brun ?
Il suivit des yeux une fourmi qui courait le long de la tige d'une fleur violette aux pétales en forme de cœur, elle semblait perdue et faisait de petits aller-retour frénétiques en agitant ses antennes. Elle disparut derrière une large feuille, pour réapparaitre un peu plus loin, sur la plante voisine – une sorte de lierre dont les lianes tombaient jusqu'au sol – qu'elle escalada jusqu'à la base pour disparaître derrière le rebord du pot en grès qui la contenait.
Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, mais son derrière aplati par le sol dur lui fit comprendre qu'il était temps de changer de position. Il décida d'aller rattraper son retard dans ses écoutes musicales et quitta la serre pour la chambre. Cette fois encore, les voix se turent quand il traversa le salon, ce qui l'irrita prodigieusement et réveilla un pincement de jalousie et de colère. Il n'avait pas besoin que son exclusion soit soulignée, il l'avait bien sentie dès les sourires du brun pour son amie, la seule ayant eu droit à ce privilège de toute la matinée.
Il s'enferma dans la chambre d'Harry et alluma son pc pour prendre des nouvelles du monde, enfin du monde musical, l'autre ne l'intéressait pas. Cela lui fit du bien, il réalisa qu'il n'avait pas eu le temps de suivre les dernières sorties depuis un moment. Une fois le tour de ses sites d'actualité habituels effectué, il s'installa confortablement sur le lit et mit des écouteurs et lança une playlist de post-rock. Il laissa la musique lui vider l'esprit et il ne pensa plus ni au Gryffondor qui le fuyait, ni à la brunette qui l'accaparait, ni à sa sensation d'être un intrus. Un morceau lent et doux lui rappela sa mère, de l'époque où elle souriait encore fréquemment et avait encore toute son énergie. Il faudrait qu'il passe la voir sous peu, le lendemain où le jour d'après, il avait juste fait un passage éclair la dernière fois.
Il fut interrompu par de légers coups frappés à la porte. La tête d'Harry apparut dans l'entrebâillement, Drago se redressa sur un coude et retira un écouteur.
« – Désolé, ça a duré beaucoup plus longtemps que ce que j'aurais pu penser. s'excusa l'hôte avec un petit sourire doux.
– Ne t'inquiète pas, je comprends. » le rassura le blond, même si en son for intérieur, ce n'était qu'à moitié le cas.
Il se réjouissait néanmoins de l'humeur un peu plus joviale dans laquelle semblait être Harry. Les deux hommes rejoignirent au salon, désormais vide.
Hermione était repartie un peu plus sereine pour son ami et sa belle-sœur, rassurée par l'échange qu'elle avait pu avoir avec Harry. Ce dernier avait pu faire part de sa confusion et se décharger d'une part de ses inquiétudes. Il avait montré l'envie de se reprendre en main. Du moins, elle l'espérait du fond de son cœur, et elle espérait également qu'il irait parler à Ginny sans trop tarder.
Avec tout ça, Harry n'avait pas encore eut le temps de se pencher sur le rangement du premier étage. Et de toute façon, il n'avait pas la tête à ça. Bien que mieux après cette très longue discussion, la perspective d'un grand ménage ne le motivait que très moyennement. Son estomac grogna, lui indiquant qu'il devait être au moins l'heure du déjeuner. Il proposa d'enchaîner directement sur un repas de midi, ce à quoi Drago acquiesça.
Ils décongelèrent simplement des pommes de terre et des haricots verts pour accompagner du poulet. Ils mangèrent à nouveau dans la cuisine, attablés. Les discussions, d'abord timides, reprirent tout doucement, le brun semblant plus détendu désormais. Drago fut heureux de constater que leur connivence n'avait pas complètement disparu.
Après le repas, ils se remirent à travailler tranquillement, reprenant là où ils s'étaient arrêtés la veille, rédigeant ainsi les détails des contre-interrogatoires de Barjow et Slughorn.
L'après-midi se déroula en vitesse de croisière, le travail avançant petit à petit. Moon de son côté alterna entre siestes sur le canapé et courses dans le salon, à la poursuite de poussières imaginaires, ses gesticulations faisant sourire les deux hommes.
Malgré la source de déconcentration que pouvait représenter l'animal, Harry ne regrettait pas sa présence dans le Manoir, au contraire, il apportait une touche de vie et d'animation bienvenue dans la bâtisse grise.
Il jeta un coup d'œil rapide à son propriétaire. Drago suivait son chat des yeux, le couvant d'un regard affectueux, un sourire au coin des lèvres. Le brun se raisonna, Hermione avait raison, tout ça n'était pas vraiment correct. Il fallait qu'il résolve la situation Ginny, il fallait qu'il arrête de se laisser aller, il fallait qu'il arrive à se tenir et à répondre à ses attentes pour une fois. Il ne pouvait pas tout le temps se laisser dériver, il fallait qu'il se reprenne.
Le blond éclata de rire quand un éclair gris traversa le salon à toute vitesse, avec un miaulement rauque. La petite flamme en Harry se réveilla.
… En même temps…
… En même temps, pour une fois que l'appel était celui de l'envie plutôt que celui de la catatonie, était-il juste de lutter ? Pouvait-on combattre la vie ?
À moins que cela ne soit un nouveau tour de son esprit. Le brun repensa aux propos d'Hermione : « …au lieu de faire le point sur ta relation, tu te terres dans une autre ». Elle avait raison. Il ne pouvait se fier à lui-même, surtout en ce moment où il se sentait ébranlé par le retour de son passé. Sa tendance à fuir les difficultés le rattrapait à nouveau, c'était juste une manifestation nouvelle de son instinct défensif. Il inspira longuement et referma une petite brèche en lui. La petite flamme se ratatina.
Il se remit au travail, rapidement suivi par Drago qui quitta la contemplation de Moon pour avancer sur le dossier.
Ils s'arrêtèrent de travailler un peu plus tard que d'habitude, aux alentours de dix-neuf heures. Ils avaient vraiment tenu à boucler les arguments sur lesquels ils bûchaient respectivement, étirant ainsi quelque peu la séance.
Ils mangèrent ensuite tranquillement des pizzas, Drago ayant proposé de commander sur internet et de se faire livrer dans le square, vu qu'ils n'avaient pas vraiment le courage ni l'inspiration pour cuisiner, Harry avait volontiers accepté l'idée. Ça serait un moment de moins passé avec le blond proche de lui. Il essayait de se tenir à sa décision de ne pas se laisser aller. Il ne devait pas laisser son amitié pour le blond l'accaparer complètement.
Le Serpentard remarqua de nouveau la perte de connivence au cours du repas, il tenta d'agir normalement, néanmoins ce retour à des échanges aimables, mais sans réelle complicité le blessa. Il ne comprenait pas vraiment l'attitude du brun. Quand il s'était excusé pour sa question de la veille à propos de Ginny, le Gryffondor lui avait pourtant dit ne pas lui en vouloir, alors pourquoi ces ascenseurs émotionnels ? Harry était véritablement un mystère, et, dernièrement, plus il s'approchait de lui, plus il devenait opaque. Où était donc sa spontanéité des débuts de leur collaboration, quand il se confiait plus librement ?
Drago se sentit un peu trahi, lui qui, pourtant, acceptait de se révéler énormément, que cela ait été en acceptant son aide pour le procès ou tout simplement durant leurs nombreuses discussions nocturnes.
Durant la dernière heure environ, depuis l'arrivée des pizzas en fait, ils étaient installés dans les canapés, comme à leur habitude, mais n'échangeaient que sur des sujets d'une banalité et d'une superficialité affligeante. Franchement, Drago n'avait pas envie de ça, il ne s'encombrait pas de personnes autour de lui avec qui il ne pouvait parler que de choses aussi insignifiantes. Il n'avait pas d'énergie à gaspiller et encore moins de patience à perdre pour ce genre de stupidités. Il ne souhaitait nullement qu'Harry fasse partie de ce genre de personnes, sûrement pas avec ce qu'ils partageaient, ou du moins, avec ce qu'ils avaient partagé.
Il perdit patience, et, coupant le brun en plein milieu de sa description de la technique de bouturage que Neville lui avait apprise, il l'interpella :
« – Harry ?
– Malefoy ? lui répondit l'intéressé avec amabilité, malgré son étonnement d'avoir été interrompu.
– Sérieusement… ? On en est revenu aux noms de famille ? soupira le blond, blasé et irrité. C'est quoi le problème ?
– Je ne vois pas de quoi tu parles. » répliqua Harry, de mauvaise foi. Il se passa une main dans les cheveux et appuya ses coudes sur ses genoux, en position de repli.
« – Je sais que l'on n'est pas les meilleurs copains du monde, mais dernièrement c'était quand même plutôt… sympa. Depuis ce matin, tu me fais clairement la gueule, alors je te le demande : c'est quoi le problème ? demanda Drago, le plus calmement possible.
– Je ne te fais pas "la gueule", on n'a plus 12 ans. » fit Harry, d'un ton morne. Il n'appréciait pas la brusque tournure qu'avait prise la conversation.
Le blond se frotta les yeux.
« – Dans ce cas, je veux bien savoir ce que tu bricoles aujourd'hui, parce que je t'avoue que je suis un peu perdu. Je veux dire, je me suis excusé pour hier soir et si ce n'est pas ça, sincèrement, je ne vois pas ce qui se passe, je veux bien tes éclairages, là. »
Il ne voulait pas s'énerver, la querelle n'en valait clairement pas la peine. C'était une broutille, mais Harry faisait l'autruche et cela avait le don de l'agacer.
« – Il n'y a rien qui te concerne. lui assena le Gryffondor durement, en le regardant droit dans les yeux.
– Il n'y a rien qui me concerne ?! Alors pourquoi, dans ce cas, ta pote Ganger-Weasley à un traitement différent ? s'agaça le Serpentard, en haussant légèrement le ton.
– Écoutes, je ne te dois rien, ok ? Notre deal ne comprend qu'une relation de travail, point. Je ne te dois rien d'autre. déclara Harry en haussant, lui, les épaules.
– Putain, mais tu n'es même pas cohérent avec toi-même, Potter ! C'est toi-même qui as initié notre poignée de main de "réconciliation". » s'énerva franchement Drago, cette fois. Sans s'en rendre compte, il venait de se mettre debout. « C'est quoi ton problème ? Tu as peur de quoi ? Tu es pire qu'un animal sauvage, on ne peut pas t'approcher ! »
Ces quelques mots mirent Harry hors de lui, il se leva à son tour en le fusillant du regard. Le blond avait tapé dans le mille, lui rappelant trop douloureusement des reproches mille fois formulés autour de lui.
« – Va te faire foutre Malefoy ! Si je suis si infréquentable, tu n'auras donc aucun mal à te passer de ma cordiale sympathie. » Sa voix tremblait de colère. « Et tu ferais mieux de te ressaisir, l'aristocrate, tes manières laissent sérieusement à désirer, tu te comportes comme une vulgaire ado capricieuse. » cracha-t-il bassement en le toisant.
Drago eut un mouvement de recul, dégoûté par la lâcheté de l'insulte. Il plissa ses yeux devenus couleur acier et pointa un doigt en direction du brun.
« – Tu sais quoi, je ne vais pas jouer à ce petit jeu, j'ai passé l'âge. Et toi aussi, il me semble. Grandis un peu Potter ! Quand tu sauras ce que tu veux, tu m'appelleras… ou pas. Bonne nuit. » conclut le blond en tournant les talons et quittant le salon pour aller se coucher. Il ferma sèchement la porte de la chambre derrière lui. Il était vraiment déçu de la réaction du Gryffondor. Il eut envie de rentrer chez lui, mais il ne voulait pas donner la satisfaction à l'autre d'avoir réussi à l'éloigner. Drago avait trop besoin de cette collaboration pour laisser une dispute stupide avec Harry risquer de tout gâcher.
Ce dernier fulminait aussi de son côté. Il alla dans la serre pour se calmer, il y tourna en rond durant deux bonnes minutes avant d'aller se mettre dans un coin parmi les plantes où il s'allongea. Le brun profita des ombres qu'elles projetaient sur le sol, à l'endroit même où se trouvait Drago quelques heures plus tôt.
Le blond était, quant à lui, étendu sur le lit, fixant le plafond. Il avait envie de rentrer chez lui, de pouvoir retrouver son cocon habituel : les tapisseries crème, le mobilier clair, l'odeur familière de son foyer. L'hostile austérité du Manoir le prit à la gorge, il suffoqua. L'espace d'une seconde, il eut envie de pleurer. Il était coincé dans cette habitation grise avec un Potter lunatique. Sa situation aurait presque pu prêter à rire si les enjeux derrière n'étaient pas si importants. Il ne lâcherait pas le morceau si facilement, malgré ce que ça lui coûtait.
Harry pesta mentalement. Il aurait dû se sentir satisfait d'avoir pu tenir ses positions, il était resté ferme face à Malefoy. Au lieu de ça, il était juste frustré et se sentait dans une impasse. Ils avaient encore des heures de travail en collaboration à venir, et les faire dans une ambiance tendue n'allait pas être une partie de plaisir.
Il trouvait ça tellement bête de retomber dans l'opposition de leur jeunesse. Drago avait raison, ils avaient passé l'âge de ce genre de relations puériles. Mais il semblait qu'il ne puisse pas y avoir de juste milieu avec le Serpentard. Était-ce vraiment surprenant, cela dit ? Entre son propre caractère très entier et celui, droit et perfectionniste du blond, la demi-mesure ne semblait pas vraiment leur correspondre.
Il ne voyait cependant pas comment concilier la distance « respectable » qu'il était nécessaire qu'il tienne vis-à-vis du blond avec une relation apaisée. Ce dernier ne semblait pas se satisfaire des espèces de rapports cordiaux que le Gryffondor avait tenté d'instaurer dans la journée. Et franchement, Harry non plus. C'était débile toute cette histoire. Mais il n'arrivait pas à penser clairement, il fallait qu'il trouve une solution pour se sortir de cet engluement. Loin au-dessus de lui, il aperçut les fleurs blanches d'une Datura Brugmansia, aussi appelée Trompettes du Jugement, qui semblait le toiser avec ses corolles dirigées vers le sol. Il fallait qu'il arrive à se reprendre, qu'il fasse le point sur Ginny, qu'il soit au clair avant d'aller lui parler. Il le fallait.
oOo
Il fallait qu'il se reprenne, Harry avait raison, il s'était comporté comme un gosse jaloux toute la journée, quémandant l'attention qu'il estimait lui être due. Le brun avait lui aussi des problèmes importants à résoudre. Drago, n'ayant jamais été investi dans une relation aussi sérieuse que celle du Gryffondor, se rappela qu'il était bien mal placé pour juger le couple, et qu'il était possible qu'il ne saisisse pas pleinement toutes les interrogations qui agitaient le brun.
Tout de même, ce dernier n'en restait pas moins une véritable girouette. Pff… Le Serpentard était soulagé que la journée touche à sa fin, mais il n'était pas pressé que la prochaine commence. Comment savoir dans quelle humeur serait le brun le lendemain, ou quelle surprise le lever du jour apporterait avec lui ?
Harry se redressa pour gagner son couchage provisoire.
Demain. Demain, il fallait vraiment qu'il s'attaque à la chambre du premier étage, ça ne pouvait pas durer davantage. Peut-être que retrouver son espace personnel l'aiderait à prendre du recul sur tout ça.
Moon vint se rouler en boule à côté de ses pieds, infusant de la chaleur à travers la couverture. Le brun se laissa emporter par le sommeil. |