Il restait une bonne demi-heure avant l'heure du rendez-vous de travail, mais Harry ne parvenait pas à s'occuper. Il était assis à la grande table du salon, tentant de faire le point sur son avancement pour pouvoir faire un résumé concis à Drago, mais son esprit ne pouvait rester concentré sur sa lecture.
Il avait les traits tirés, plus encore que la veille, de sa nuit sans sommeil.
Morphée l'avait fuit, le laissant avec le bon millier de questions qui l'assaillait.
Il avait des sentiments pour Drago.
Il n'arrivait à se sortir cette stupide phrase de la tête. Ces quelques mots qui voulaient tout et rien dire à la fois. Evidemment qu'il avait des sentiments pour le blond, c'est le principe même de toute relation, fut-elle simplement amicale. Il en avait toujours eu. Depuis l'antipathie inspirée de leur première entrevue à la haine qu'il s'était porté mutuellement pendant des années. Mais tout cela ne l'avançait pas beaucoup.
Les sentiments qu'il ressentait désormais étaient beaucoup plus compliqués à gérer. Dire qu'il avait trouvé le cheminement de leur relation si simple depuis qu'ils travaillaient ensemble. C'était juste parce qu'il avait gardé les yeux fermés. Maintenant qu'il voyait ce dont il était vraiment question, ça ne l'était plus du tout. La douce illusion d'amitié dans laquelle il s'était bercé avait retiré son masque, lui révélant la nature réelle de ses aspirations et désirs.
Il ne souhaitait pas rester un simple ami, il souhaitait bien plus.
Mais quel avenir pour tout ça ? Quelle grotesque blague !
D'autres questions, plus concrètes, le tiraillaient également. Drago était un homme et il n'avait jamais été spécialement attiré par ses congénères avant. Est-ce que cela voulait dire qu'il était devenu homosexuel ? Il ne s'imaginait pas pourtant avec quelqu'un d'autre que le blond.
Et comment allait réagir son entourage ?
Et, la question cruciale qui le transperçait : avait-il seulement la moindre chance ?
Il ne voulait perdre Drago pour rien au monde, il ne voulait pas risquer de briser leur amitié toute neuve.
Comment devait-il se comporter avec lui ?
Il regretta de ne pas avoir de rendez-vous avec sa Psychomage avant plusieurs jours, il aurait bien eu besoin de décharger une partie de toutes ces réflexions.
Moon, qui s'était fait plutôt discret la veille se faufila sur ses genoux en ronronnant. Harry fut heureux de trouver une distraction en attendant l'arrivée du blond. Il tenta de rassembler un semblant de calme et reprit la lecture de son travail.
Drago apparut finalement, à l'heure, dans un bouquet de flammes vertes. Il semblait lui aussi fatigué. Il fit rapidement le tour du salon et un constat le frappa : durant son absence prolongée, une partie des éléments de la pièce avaient disparus. Les bibliothèques étaient désormais à demi vides, dépossédées d'une partie des livres et des quelques bibelots qui les habillaient. Voilà pourquoi, la veille, le manoir lui avait semblé plus vide et sinistre encore que dans ses souvenirs. Ginny avait du venir récupérer ses affaires. Un énième pincement de culpabilité l'envahit. Il causait décidément beaucoup de peine autour de lui.
« – Salut Harry, dit-il mornement en venant s'installer à la table, non loin de lui.
– Hey, » répondit le brun, un doigt en l'air alors qu'il terminait la lecture d'un paragraphe.
Il leva le nez de son parchemin et dévisagea son interlocuteur.
« – Bien dormi ? » enchaîna-t-il avant de constater la mine fatiguée de Drago.
Le blond haussa les épaules en guise de réponse. Harry eut un petit rire discret.
« – Ouais, moi non plus. » fit-il sans détailler davantage. Si seulement le blond savait.
Harry installa Moon sur une chaise voisine. Drago commença à sortir des documents et les posa sur la table.
« – Tu m'as dit avoir continué à travailler durant mon absence ? s'enquit-il.
– En effet, je vais te faire un résumé d'où j'en suis, mais avant j'avais une question à te poser. Pourquoi tu ne m'as parlé des charges de complicité de meurtre ? » interrogea-t-il de but en blanc.
Drago se figea, il avait oublié ce « détail » non révélé au brun. L'expression solennelle d'Harry n'appelait à aucune excuse, simplement la vérité. Il soupira.
« – Parce qu'au départ, j'avais désespérément besoin de ton aide et que je voulais mettre toutes les chances de mon côté. Ensuite les choses ont évoluées de manière complètement inattendue et il est devenu difficile d'aborder le sujet sans passer pour un vendu. Je suis désolé. expliqua le blond platement.
– C'est tellement dommage, tu t'es adressé à l'unique personne capable de t'aider sur cette question et tu as préféré la lui cacher. fit Harry, avec mystère.
– De quoi tu parles ? demanda Drago suspicieux, peu enclin à jouer aux devinettes.
– Je suis certes un témoin partial, mais je peux témoigner de ton innocence… J'étais présent ce soir là en haut de la tour d'astronomie. révéla le brun.
– Quoi ?! Comment ? C'est impossible ! » fit le Serpentard en fronçant les sourcils.
Harry prit le temps de lui révéler les grandes lignes de ce qui l'avait amené à assister à l'exécution de son mentor cette fameuse nuit, il lui expliqua pour les Horcruxes, la cape d'invisibilité, le sortilège de stupéfixion…
Le blond était interloqué et abattu à la fois.
« – Alors tu as vu ma lâcheté en action. assena-t-il. Sans Severus ce soir là, ma mère serait morte. »
Harry posa une main sur son épaule, faisant naître des frissons dans leurs deux corps, mais il refusa d'écouter les sirènes du désir qui s'éveillèrent en lui et continua :
« – Ne dit pas ça. Tu as changé le cours de l'histoire par tes actes ce soir là. Et c'est sur cet élément crucial que je me suis appuyé pour faire avancer ta défense.
– Je t'écoute. l'invita Drago qui ne comprenait à nouveau pas les allusions d'Harry.
– Dumbledore avait en sa possession la légendaire Baguette de Sureau, celle-là même que Voldemort souhaitait récupérer pour devenir le mage le plus puissant du monde sorcier. Celle dont tu es devenu le propriétaire en le désarmant du haut de la tour d'astronomie. C'est grâce à toi si je ne suis pas mort lors de mon affrontement avec lui, car il n'était pas le propriétaire légitime de la baguette et elle lui résistait. Sans ton geste, je ne serais mort à l'heure qu'il est. Au lieu de ça, avec son Avada, Voldemort a détruit l'Horcruxe que je renfermais en moi depuis le soir où il avait essayé de me tuer pour la toute première fois. Et il est ainsi redevenu vulnérable. Je n'ose même pas imaginer à quoi ressemblerait le monde s'il était parvenu à posséder la baguette… » Drago sembla réaliser l'importance de ce qu'Harry lui révélait. « Ta "lâcheté" m'a sauvé la vie, poursuivit le brun. C'est quand j'ai repensé à tout ça que j'ai reconnu la baguette que j'avais retrouvée au grenier. »
Drago scruta Harry avec surprise. Jamais il n'aurait pu soupçonner les conséquences de son petit sort de désarmement sur Dumbledore. Si le fait de ne pas avoir été un meurtrier l'avait beaucoup aidé à ne pas abandonner son travail sur sa défense, il n'avait eu aucune idée de l'importance cruciale de son geste.
Les morceaux du passé s'assemblaient dans son esprit, il commençait à mieux voir l'image d'ensemble. Quoi qu'il ait pu faire, son ancien directeur était condamné, par la maladie, par le Serment inviolable, par la volonté du Lord. Un poids se retira de sa poitrine, un lourd manteau de remords tomba de ses épaules. Il lui sembla respirer plus librement.
Il repensa également à l'effroi et au sentiment d'impuissance qu'il avait ressentit à la vision du corps inerte d'Harry, lors de la bataille finale. Il avait eu à ce moment la peur de sa vie. De savoir que, d'une manière indirecte, il avait pu contribuer à ce que l'issue de la guerre soit positive lui redonna de l'espoir en l'avenir et du courage. Grâce à lui, la vision du cadavre du brun n'était restée qu'une illusion temporaire. Il avait sauvé le Sauveur ? L'idée le séduit.
Harry continua de lui détailler le contenu de la défense qu'il avait développé au regard des nouveaux éléments. Drago réalisa alors l'ampleur du travail abattu par le Gryffondor. En dehors de sa mère, jamais personne ne s'était tant investi pour lui, pas de manière désintéressée du moins. Il en eut la gorge nouée. Il regretta le millier de fois où il l'avait traité de Saint Potty de manière condescendante, ce type avait réellement le cœur sur la main. Il ne pourrait jamais assez le remercier pour l'aide et le soutien qu'il lui avait apporté.
En terminant son exposé, le brun sentit le soudain désarroi de son voisin. Il l'interpella doucement.
« – Drago ? » Le blond leva la tête vivement. « J'ai encore quelque chose à te remettre, » lui dit-il d'un ton hésitant.
Le voir s'exprimer avec précaution ne rassura pas le Serpentard qui le dévisagea avec appréhension.
« – Ton père a remis ce document à l'avocat qui me l'a communiqué. Ça ne va pas te plaire, mais il est important que tu le lises. » fit simplement le Gryffondor en lui remettant un parchemin avec un sceau médical. Le blond s'en saisit et le parcourut.
C'était le bilan de l'autopsie demandée par son père. Le document énumérait les conclusions des analyses poussées pratiquées sur un certain nombre de tissus. Il serra les dents, il savait pertinemment que les termes techniques et hygiénistes ne cachaient rien d'autre que la mutilation du corps de sa mère. Il prit néanmoins sur lui pour parcourir l'intégralité du compte-rendu. Il s'avéra que les légistes en étaient arrivés à la certitude que la Macula Fuscium avait été causée par un puissant maléfice de magie noire lancé sur la défunte. Il était précisé que seul un mage occulte d'une très grande ampleur aurait été capable de produire un tel sortilège. Partout se retrouvaient des traces de ce sort redoutable qui avait agit en sous-marin dès les premières minutes de sa présence dans l'organisme de la victime, affaiblissant progressivement défenses et réserves magiques et portant atteinte à sa santé de manière irréversible.
Des larmes amères roulèrent sur les joues de Drago. Ainsi, depuis le début, sa mère était condamnée. Le Lord avait tout prévu, pas d'issue possible, pas de salut pour sa famille. Il avait bel et bien eut pour intention de les détruire sans leur laisser la moindre chance. Drago plaqua fermement le parchemin sur la table. Pour la première fois de sa vie, sa colère se détourna vers la juste origine de ses maux. L'être immonde qu'il avait eut le malheur d'admirer par aveuglement était un monstre sans pitié, il l'avait toujours su, mais maintenant il le ressentait. Il était empli de dégoût envers cet homme démoniaque. La colère le brûlait. Il se leva soudainement, bouillonnant, fulminant, sans la moindre idée de ce qu'il allait faire ensuite. La vue brouillée, il se dirigea en trombe vers la serre, sans réfléchir. Harry l'y suivit, inquiet.
Arrivé au milieu des plantes, le blond s'immobilisa. La tension était palpable dans la pièce surplombée d'un ciel d'un gris et bas. Les plantes semblèrent se recroqueviller dans leur pot, craignant la tempête.
Drago se mit à hurler. Un long cri puissant, qui paraissait venir de loin, qui avait été retenu trop longtemps et qui dura un long moment. Quand sa voix s'éteignit finalement, il chancela, à bout de force et de rage. Le brun se précipita pour le rattraper avant qu'il ne s'effondre. Il le saisit de justesse et le serra fort contre lui. La détresse aigüe de Drago éveillait chez lui un fervent désir de le protéger, de lui apporter ce dont lui avait pu manquer : une personne inébranlable à laquelle se raccrocher, capable d'absorber sa destructivité, sa négativité, un cocon résistant dans lequel laisser libre cours à ses sentiments négatifs et lui permettant de vivre son mal être, de traverser son deuil sans danger.
Drago s'agrippa à lui comme un possédé, enfouissant son visage dans le cou du Gryffondor. Il n'avait plus aucune larme à pleurer. Il se laissa bercer par l'étreinte, les cheveux du brun lui chatouillant la joue. Oubliant les recommandations sociales, les deux hommes restèrent enlacés longuement, prolongeant volontairement ce moment d'apaisement nécessaire.
Harry refusait de réfléchir, il refusait de réaliser qu'il avait le corps du blond plaqué contre le sien et que la chaleur qu'il ressentait était la sienne. Il ne voulait pas non plus prendre conscience que Drago avait désespérément besoin de lui car il n'était pas sur d'être en mesure de se restreindre à un simple rôle d'ami et de confident. Peu à peu, de petits picotements envahirent ses membres et il du s'éloigner doucement pour ne pas succomber à l'envie de l'enlacer davantage.
Juste avant qu'il ne se sépare de lui, Drago déposa ses lèvres dans son cou et lui murmura un simple mot : « merci ». Il se détacha de l'écrin de réconfort prodigué par le brun et laissa lentement glisser sa main sur l'un des bras du Gryffondor, le quittant comme à regret.
Ce toucher électrisa Harry, une onde traversa son corps, de plus en plus forte à mesure que les doigts pâles descendaient doucement, court-circuitant ses sens et faisant rapidement dérailler le fil de ses pensées qui continuèrent leur route en sourdine. En quelques secondes, son univers ne fut bientôt plus constitué que de ces quelques cellules brûlantes, en contact avec celles de l'homme en face de lui, et de toutes les autres, orphelines, qui hurlaient le manque. Ses doigts se saisirent de la main trainarde juste avant qu'elle ne quitte son bras et il amena à lui l'objet de sa confusion. Il fallait qu'il éteigne la tension, qu'il étreigne ce flot de sensation qui le submergeait.
Après un temps qui lui parut infini, le corps chaud du Serpentard reprit finalement place contre le sien. Harry l'attira davantage encore à lui, s'agrippant à son dos. Continuant leur course vers la collision, leurs deux visages se rapprochèrent et leurs lèvres entrèrent en contact.
Le brun était stupéfiait par la violence de ce qu'il ressentait, son cœur tambourinait contre ses côtes et il peinait à respirer. C'était comme d'avoir réveillé une bête sauvage, longtemps restée enchaînée.
Il lui sembla qu'il allait tout simplement exploser quand il senti Drago répondre à son geste. Il n'avait jamais été si profondément bouleversé par quelqu'un.
Ils se séparèrent délicatement et se dévisagèrent, choqués, abasourdis, ébranlés. Le silence compact qui les entourait s'épaissit encore, et les resserra à nouveau l'un vers l'autre. Ils se rejoignirent pour un second baiser plus long, à la fois résigné et intense.
Ils étaient perdus, ils avaient franchit un point sur lequel il ne serait pas possible de revenir.
D'un coup, Drago parut prendre conscience de cela et recula, haletant, effrayé. Les pensées se bousculaient sans ordre dans son crâne. Harry le regarda avec appréhension, guettant sa réaction. Le blond tâtonna derrière lui pour retrouver la porte de la serre et se détourna. L'autre ne bougea pas, subissant son éloignement comme une déchirure qui laissa son corps à vif. Chaque centimètre supplémentaire placé entre eux deux lui sembla une torture. Il observa son amant d'un instant disparaitre derrière le reflet de la baie vitrée puis entendit la déflagration familière de la poudre de Cheminette. Le silence qui s'abattit ensuite sur le manoir lui fit l'effet d'un coup de poing. Il s'effondra, anéanti, sur la fontaine brisée.
oOo
Drago tournait comme un lion en cage dans son appartement. Il ne s'expliquait pas ce qui venait de se passer. Il ne voulait pas avoir trouvé cela agréable. Il ne pouvait pas.
Il avait essayé de passer de la musique pour se calmer mais aucune ne semblait convenir à l'humeur dans laquelle il se trouvait, ce qui l'avait agacé davantage. Il avait trouvé un peu de réconfort, comme toujours, dans une bouteille de whisky qu'il avait déjà amputée de deux grands verres. Il avait bien conscience que cette mauvaise habitude ne lui rendait pas service mais il y remédierait une prochaine fois, un jour où il n'aurait pas embrassé Potter – deux fois ! – et aimé ça monumentalement.
Il revoyait la scène comme un rêve, son cri, sa chute, les bras du Gryffondor autour de sa poitrine, puis son propre souffle dans le cou du brun, sa main glissant le long de son bras…
Il réalisa avec stupeur qu'il était celui qui avait donné le feu vert. Et les souvenirs de nombreux autres contacts qu'il avait initié – involontairement ! – avec le Gryffondor lui revinrent en mémoire. Choqué, il se rendit compte que son corps parlait visiblement un autre langage que son esprit.
Mais il n'aimait pas les hommes, il n'était pas homo ! Il avait suffisamment couché avec des femmes pour le savoir !
Il fut tenté de se lancer un Oubliettes pour régler le problème de manière radicale mais il se ravisa devant la bêtise d'une telle solution. Dire qu'il allait devoir revoir Harry, il avait laissé tous ses documents chez lui et la défense n'était pas terminée. Il se sentit coincé.
Après avoir encore tourné dans son appartement sans parvenir à se concentrer sur une tâche ni même une pensée rassurante, il s'installa devant son ordinateur avec sa précieuse bouteille. Il devait en avoir le cœur net.
Après une courte recherche, Drago lança une vidéo un peu au hasard, et deux hommes apparurent rapidement sur son écran. Leur jeu était caricatural et leurs manières vulgaires, ce qui le mit mal à l'aise. Il prit une gorgée directement au goulot pour se donner du courage. Rapidement les deux protagonistes se rapprochèrent et se touchèrent. Drago fut quelque part soulagé de ne pas se sentir attisé par leurs activités. Mais le visage d'Harry traversa son esprit, il repensa à la vue de ses lèvres humides de leurs baisers et la chaleur commença doucement à s'immiscer en lui. Il chassa cela de ses pensées et se focalisa sur l'écran, l'un des deux acteurs venait de se tourner, le visage face au sol, offrant sa nuque brune, son dos et ses fesses à la vue de son partenaire et de Drago. Le sourire d'Harry s'imposa à nouveau dans son esprit et l'image des deux bruns se superposèrent l'espace d'un instant. Il secoua la tête, il ne devait pas penser à lui. Mais il eu beau résister tant qu'il voulu, les deux hommes avaient fusionnés dans sa tête et la fièvre le saisi alors sans retenue. Il avait incroyablement chaud, presque à se sentir mal. Ses pensées s'embuèrent et il ne fallu que quelques minutes pour qu'il en arrive à accompagner les deux protagonistes du film dans l'assouvissement de son désir puis vienne avec force.
Haletant, épuisé et vaincu, il coupa d'une main distraite la vidéo et avec elle les voix des deux hommes qui lui semblaient désormais obscènes et déplacées.
« – Et merde ! » grinça-t-il en se retenant de lancer l'ordinateur. Il ne se reconnaissait pas, il ne se comprenait plus, il se sentait complètement perdu. Qu'était-il en train de devenir ? Il eut envie de pleurer.
A la place, il but une autre longue rasade.
oOo
La quiétude du square Grimmaurd fut brusquement interrompue par une déflagration dans la cheminée qui laissa apparaitre Drago, la mine déterminée. Il pénétra en trombe dans le salon, faisant sursauter un Harry végétatif allongé dans le canapé et regardant la télévision. Le blond n'eut pas un regard pour l'écran et saisit le brun par le col, le mettant brutalement debout. Il le plaqua contre le mur le plus proche et l'embrassa avec force. Passé une seconde de stupeur, Harry stoppa le baiser assez rapidement, pour calmer le jeu, car le Serpentard avait déjà commencé à essayer de lui enlever sa chemise avec rage.
Ce dernier sentait le whisky et ne lui laissa pas le temps de se remettre de ses émotions avant d'attaquer :
« – Tu ne peux pas t'empêcher de me changer, hein ! lui reprocha-t-il, furieux, en lui tournant le dos.
– De quoi tu parles ? » demanda Harry avec méfiance. Il n'avait pas envie de débattre avec un homme soûl.
L'aristocrate se retourna, l'expression de colère avait laissé soudainement place à celle d'un enfant perdu. Harry se radoucit.
« – Drago, de quoi tu parles ? » répéta le brun, plus gentiment.
Les deux yeux gris le fixèrent, révélant une grande confusion. Il n'était pas vraiment ivre constata le brun, plutôt désemparé.
Harry ne pouvait pas se vanter d'être beaucoup mieux, il était lui aussi très perturbé par les événements et les prises de conscience de ces dernières heures.
Il invita le blond à s'assoir sur son canapé et s'installa non loin de lui. L'emportement de Drago semblait s'être tout bonnement évaporé et il se laissa faire sans broncher. Le brun lui fit part de son propre sentiment d'égarement.
« – Je suis aussi paumé que toi Drago. Je… Je n'ai pas demandé à ce que les choses évoluent comme ça.»
Le Serpentard baissa la tête et son visage disparut derrière ses mèches pâles.
« – J'ai l'impression qu'à chaque fois que je suis à ton contact, tu me révèles une part de moi qui m'était inconnue. marmonna-t-il. Et à chaque fois, je regrette de t'avoir approché. »
Harry accusa le coup.
« – Ne me reproche pas tout ça, ce n'est pas très juste. riposta-t-il.
– Tu rends les choses tellement compliquées. Ca a toujours été comme ça avec toi, partout où tu vas, tu détruis tout le monde sur ton passage ! Tu n'apprends donc jamais ? Je n'avais vraiment pas besoin de ça ! Je n'avais pas besoin que tu te jettes sur moi dans un moment pareil ! »
Choqué et blessé, Harry, ouvrit la bouche et la referma sans parvenir à prononcer un mot. Il se leva brusquement et se dirigea vers sa chambre. Le blond, pris de remords, se précipita pour le rattraper et l'arrêta.
« – Pardon. Harry. Pardonne-moi. Je… Il y a trop de choses, je ne peux pas gérer tout ça. » s'excusa-t-il piteusement en se frottant les paupières. Le brun se retourna lentement.
« – Pourquoi est-ce que tu vois forcément ça comme un châtiment ? Cela pourrait tout à fait être un bienfait… Je comprends que tu sois éprouvé Drago, mais ce n'est pas une raison pour me le faire payer. Je ne cherche qu'à t'aider. »
Ses yeux verts brillaient avec intensité, le cœur du Serpentard vacilla.
Tout se mélangeait dans sa tête, sa douleur, son sentiment d'insécurité, son désir pour le brun, son envie de fuir, sa lassitude, sa culpabilité. Il eut le tournis.
Et toujours les yeux verts vissés dans les siens. Il se sentait mis à nu...
A quoi bon lutter ? Le brun semblait déjà avoir accepté ce que lui refusait d'accueillir, ces sentiments terrifiants, aussi étranges que familiers. La main d'Harry se glissa dans son cou, son pouce caressa sa joue. Il ferma les yeux et apprécia ce contact apaisant.
Les lèvres du Gryffondor vinrent se poser sur les siennes délicatement, presque comme si elles demandaient la permission. Tout son être se mit en ébullition.
A quoi bon lutter contre tout ce que son corps essayait de lui dire ?
Le baiser se prolongea, il était envahit par des sensations incroyables.
Il déposa les armes et se rendit à l'évidence...
Il avait des sentiments pour Harry.
Jusque là, il avait tenté de rester concentré sur les priorités qui régissaient sa vie : son procès, la santé de sa mère, la situation familiale,… il avait tenté de ne pas se laisser troubler par le bien-être inattendu que sa collaboration avec le Gryffondor avait suscité, par l'envie qu'il avait de le revoir après chaque session de travail et qui l'avait conduit à les prolonger autant que possible. Malgré ça, il s'était ouvert au brun bien plus qu'à quiconque, il avait partagé avec lui de longues soirées de discussions, lui avait fait découvrir ses passions pour la musique moldue, pour l'astronomie, il l'avait laissé voir sa part sombre. Il avait même pleuré dans ses bras… et il l'avait laissé le consoler, l'entourer, le soutenir. Drago Malefoy, le fier, l'inflexible et indomptable, avait permis à quelqu'un de l'approcher, de le connaître et de l'aimer.
Il laissa ses doigts aller courir timidement dans les cheveux du brun et le long de ses reins. Il effleura la hanche brulante du Gryffondor. Le contact de la peau l'enivra.
Harry approfondit le baiser et se colla à lui. Ils perdirent pied. Drago le fit reculer jusqu'à ce qu'un mur ne les immobilise à nouveau. Malgré leurs gestes encore quelque peu maladroits et tâtonnant, ils sentaient qu'ils étaient faits pour se fondre l'un dans l'autre.
Le brun se détacha doucement et fut saisit par une inquiétude, très prosaïque, en réalisant la bosse qu'il sentait contre son aine.
« – Je n'ai aucune idée de… Enfin, j'ai bien des idées, mais je veux dire… Je n'ai aucune notion "pratique"… » souffla-t-il contre la bouche du blond avec gêne.
Ce dernier sourit, il n'était pas beaucoup mieux.
« – On n'a qu'à y aller par étapes, tranquillement. proposa-t-il. » Durant une seconde, l'idée que l'hétéro affirmé qu'il pensait être soit en train de faire ce genre de proposition à un homme le traversa sans vraiment le percuter.
– Ca me va. » concéda Harry, vaguement rassuré.
Ils repartirent dans un long baiser fiévreux. Le parfum du blond grisait Harry, tout autant que les mains qu'il sentait sillonner son corps avec empressement. Ils se comportaient comme des affamés, avides d'explorer le territoire inconnu qu'était l'autre. Harry se décolla du mur et tira Drago jusque dans sa chambre, à reculons. Le cadre du lit le fit trébucher et il atterrit assis sur le matelas, arraché contre son gré de la bouche du blond. Ses iris vertes, assombries et dévorées par ses pupilles dilatées firent bondir le cœur du Serpentard qui se retint de lui sauter dessus immédiatement. Un éclair de désir traversa son regard gris, et, lentement, tel un félin, il s'avança sur le lit à quatre pattes, faisant reculer Harry. Redressé sur un coude, ce dernier saisit la tête de son amant pour retrouver les lèvres perdues. Emporté par sa fougue, il mit un peu trop de force dans son geste et leurs dents s'entrechoquèrent. Le blond laissa échapper un petit gémissement de douleur. Une part de son esprit se réveilla, comme alerté, et ses réticences se ravivèrent. Qu'était-il en train de faire ?! C'était un homme ! C'était Harry !
Les lèvres qui continuaient d'explorer les siennes l'aidèrent à remettre sa peur dans un coin de sa tête et il se concentra sur ses mains qu'il occupa à déboutonner maladroitement la chemise d'Harry. La vue du torse à demi nu, si similaire au sien, le déstabilisa à nouveau et ses gestes se firent moins assurés. Le brun sentit que la situation se dégradait. D'un mouvement de bassin, il intervertit leurs positions se plaça au dessus de Drago, il fit glisser sa langue dans son cou et eut la satisfaction immédiate de l'entendre soupirer. Ses mains voyagèrent sur le ventre pâle et se faufilèrent sous son pantalon, effleurèrent la toison légère, et saisirent l'organe tendu. Harry le caressa un moment avant de se rendre compte que quelque chose clochait. Le blond était redevenu silencieux et son corps immobile. Il se redressa pour voir son visage et comprit à son regard qu'il ne servait à rien de continuer. Les iris gris se détournèrent de lui avec gêne. Ils avaient perdu leur connexion. Il retira sa main avec précaution et se laissa tomber sur le lit à côté de son amant.
Un désagréable silence s'installa, ils ne savaient pas où se mettre. Ils avaient pourtant prévus d'y aller par étapes, justement pour éviter ce genre de situation critiques. Harry craignait le pire, que Drago se soit ravisé à nouveau et ne regrette de lui avoir cédé. Il inspira profondément, il ne voulait pas se laisser miner par ça. Il tenta le tout pour le tout :
« – C'était vraiment naze » lança-t-il simplement.
Pendant deux longues secondes, seul le silence lui répondit. Puis Drago tourna la tête vers lui et éclata de rire, brisant le malaise. Il le suivit avec soulagement. Quand le blond parvint à se calmer, il approuva.
« – C'est vrai que ce n'était pas terrible. » concéda-t-il avec amusement.
Il repensa au regard enflammé que lui avait lancé Harry juste après sa chute sur le lit, il en eut des frissons.
« – Pourtant ça avait bien commencé, poursuivit-il, pensif.
– J'ai fait quelque chose qui t'a déplut ? demanda timidement Harry.
– Quoi ? Non ! Ce n'est pas toi… » Le blond osa passer un bras autours de ses épaules et le rapprocha de lui. « C'est juste que, c'est tellement bizarre tout ça. Il va me falloir un peu de temps pour m'y faire je pense. Merlin, ce matin encore je n'aurais jamais imaginé qu'on se retrouverait là, comme ça. »
Il se mit à caresser les cheveux bruns du bout des doigts. Harry, en retour, glissa une main sous sa chemise et traça des courbes sur la peau de son ventre.
Le Serpentard repensa à tous les états qui l'avaient traversé depuis le baiser dans la serre. Vraiment, c'était très bizarre tout ça. Il avait l'impression d'avoir été pris dans une avalanche. D'un certain côté, il n'avait pas vu arriver le moment de rupture, mais de l'autre... le terrain était à risque et une part de lui le savait. Bien que la question le démangea, il n'osa pas demander à Harry comment et quand ce dernier avait pris conscience de ses... penchants pour lui.
Les deux hommes restèrent ainsi longtemps, sans parler, laissant flotter leurs pensées dans la pénombre de la pièce avant que le sommeil ne les emporte. Ils s'endormirent ainsi enlacés.
Drago se réveilla en premier, incommodé par un poids écrasant sa taille. Il ouvrit les yeux et ne reconnu pas immédiatement la chambre d'Harry. Puis la soirée lui revint en mémoire, il se retourna et vit le brun endormi. Il respirait paisiblement et sa chemise ouverte laissait apercevoir sa poitrine qui montait et descendait lentement. Doucement, pour ne pas le réveiller, Drago retira le bras du Gryffondor qui l'entourait.
Une angoisse sourde le saisit. Les appréhensions qu'il avait mis tant de temps à abandonner la veille lui revinrent avec force. Il avait besoin de faire le point. Il se leva sans bruit et alla se faire du café dans la cuisine. Moon l'y rejoint avec un petit miaulement. Il caressa la bête sans conviction en attendant que sa boisson soit prête. Il n'aimait pas particulièrement ce breuvage, mais il avait besoin d'avoir les idées claires. Il retourna dans la chambre discrètement, avec deux tasses. Il en déposa une sur la table de chevet et se laissa glisser au sol, adossé contre un mur, avec la seconde entre les mains. Il ne souhaitait pas réveiller Harry et il sirota doucement la boisson brûlante en attendant. Il aurait tout aussi bien pu patienter dans le salon ou la cuisine, mais il avait ressenti le besoin de voir le brun, de le savoir tout proche.
Drago était quelque peu effrayé de constater la vitesse à laquelle les choses avaient évoluées. Il retraça leur cheminement commun depuis leur rencontre à la terrasse de ce café moldu. Le résultat lui apparut risiblement prévisible. Il avait été bien aveugle pour ne pas avoir soupçonné où tout cela les menaient. Il avait bien eu une idée, un vague pressentiment, mais jamais il ne se l'était formulée avant que cela ne lui éclate au visage.
La vision du corps du brun assoupi éveillait chez lui du désir et l'attachement qu'il ressentait pour le Gryffondor n'avait rien à voir avec de l'amitié. Il ne pouvait plus nier cette flagrance.
Néanmoins, s'il prenait du recul et de la perspective, il était dans une période critique où nombre de ses repères avaient été brisés. Et si son affection pour le brun n'était que l'expression de sa grande vulnérabilité actuelle ? S'il s'accrochait à lui comme à une planche de salut, simplement parce qu'il avait été la seule présence réconfortante ?
Cette idée le pétrifia. Et si ses sentiments évoluaient et n'étaient que passagers, s'ils disparaissaient en même temps que la dépression de son deuil ? Qu'en serait-il pour Harry ? Il ne pouvait pas lui infliger ça. Il ne pouvait pas lui laisser miroiter l'illusion d'un « bonheur pour toujours » alors qu'il n'était sur de rien. Il ne voyait d'ailleurs pas comment il pouvait rendre heureux le brun dans son état actuel, il était une véritable épave émotionnelle.
Et l'opinion publique ?! Il allait donner raison à Skeeter et son article délationniste à propos de lui et d'Harry. Quoiqu'on pouvait le considérer comme prémonitoire désormais, remarqua-t-il avec une pointe d'ironie.
Et pour le procès ?! Il ne pouvait se permettre de côtoyer le témoin principal de cette manière, cela allait indubitablement jouer en sa défaveur. Et il n'avait pas de temps à perdre en questionnements existentiels et remises en question de sa sexualité, il fallait qu'il soit concentré sur sa défense.
Et son père ?!… Remarque, il n'aurait pas pu trouver mieux pour envoyer paître définitivement les valeurs familiales. Plus possible d'être embêté avec des histoires de mariages arrangés ou de prolongement de la lignée après ça. Il secoua la tête, l'heure n'était pas vraiment à la plaisanterie. Une relation avec Harry c'était encore un nouveau terrain de combat : pour la faire marcher, pour la faire accepter, pour la protéger,… et il n'avait plus d'énergie pour se battre. Ses épaules s'affaissèrent, il contempla son reflet noir dans sa tasse avec découragement. Peut-être que tout cela n'avait aucun avenir. Peut-être valait-il mieux faire machine arrière avant que cela ne devienne trop compliqué…
Harry s'éveilla à son tour. En constatant que son bras, tout comme son lit, étaient vides, une angoisse le saisit. Le flash de tristesse et d'inquiétude qui traversa son regard, l'espace d'une seconde, anéantit toutes les dernières barrières de Drago. Les réticences et les réflexions négatives qui l'animaient éclatèrent comme de vulgaires bulles de savon. D'un mouvement souple, le blond fut sur le lit et embrassa Harry intensément. Il approfondit l'étreinte, son haleine de café se mélangea à celle pâteuse d'Harry mais il s'en fichait royalement. Il voulait faire disparaitre la peur qu'il avait lu dans ses yeux. Il ne voulait plus jamais assister à ce spectacle.
Ils retardèrent autant que possible le moment où il faudrait remplacer les gestes par des paroles. Ils se séparèrent finalement, à bout de souffle, et collèrent leur front ensemble. Drago murmura :
« – ... Je ne sais pas du tout dans quoi on est en train de se jeter, Potter.
– Je n'en ai aucune idée non plus. souffla Harry. Et je ne veux pas y penser. Je n'ai jamais été aussi flippé de toute ma vie… Pourtant j'ai eu à affronter le plus grand mage noir de l'histoire. »
Ils rirent doucement et se détachèrent. Drago passa la main dans ses cheveux.
« – Tiens, dit-il en tendant la grande tasse de café au brun.
– Merci. »
Harry attrapa la boisson, posant sa main sur celle de Drago, l'emprisonnant avec douceur un court instant avant de la laisser s'échapper, à contrecœur. La tendresse, même pudique, du geste de Potter, fit se tordre le cœur du blond. Il plongea une dernière fois ses yeux dans ceux verts de son... ami ? Petit ami ? C'était tellement surréaliste de penser ça.
Puis il se rendit dans le salon et s'installa dans son canapé habituel, les pieds repliés sous lui. Harry le rejoint peu de temps après, sa chemise reboutonnée et il s'assit à l'autre extrémité du sofa, la tasse toujours entre les mains.
Drago, avait le regard perdu devant lui. Le silence revint se nicher entre eux deux. Harry se tortilla et tritura l'anse de son mug nerveusement.
« – A quoi tu penses ? » demanda le brun qui regrettait de ne pouvoir lire dans son esprit.
Drago redressa la tête et lui jeta un coup d'œil rapide, avant de rougir. Harry leva un sourcil interloqué.
« – A vrai dire, je repensais à ce que tu viens de me dire. Que tu n'as jamais eu aussi peur de ta vie… Moi si. »
Harry se réinstalla contre les coussins pour être davantage tourné vers son interlocuteur. Quand il avait vu les joues du blond se colorer, il avait immédiatement soupçonné des pensées peu catholiques, mais il réalisait que les réflexions de Drago étaient en fait à mille lieux de ça. Il se fustigea mentalement pour son esprit tordu. Il brûlait d'en savoir plus mais il le laissa prendre le temps dont il avait besoin pour reprendre.
« – Il y a eu toutes les fois où ma mère a fait des rechutes, bien évidemment, où j'ai à chaque fois eu la peur de ma vie. On ne s'habitue jamais à la peur de perdre un proche. » Harry acquiesça silencieusement. « Mais ce n'est pas à ça que je pensais. Je me souvenais de cette fois ou j'ai cru que tout était terminé, de cette fois où mon cœur s'est arrêté une seconde. Tu n'étais pas vraiment là pour observer ça, mais cette affreuse journée où je t'ai vu allongé dans l'herbe du parc de Poudlard, juste après le sort du Lord, putain j'ai cru que j'allais mourir d'asphyxie. » Harry se rapprocha doucement et lui saisit timidement le bras pour lui affirmer son soutien. « Malgré le piètre succès de mon implication dans la guerre, je me sentais tellement responsable... Même si ce n'était pas toujours de bon gré, j'avais quand même plus ou moins tout fait pour soutenir le Lord jusque là, donc j'imagine que cette sensation était justifiée. Mais, quand bien même j'avais pu en rêver parfois à l'époque où nous étions de simples ennemis d'école, jamais je n'avais pu envisager, ni même concevoir le choc que ta mort me ferait... A ce moment là, j'avais attribué ça au fait que celle-ci signifiait la fin de tout espoir de retrouver un monde sorcier paisible. A la suite de la bataille, je suis resté des jours durant dans une espèce de torpeur, comme déconnecté du monde. Vu que tout le monde était traumatisé, les Médicomages se sont montrés rassurants et je ne me suis donc pas formalisé de rêver de nombreuses fois de cette scène, même des années plus tard, alors que tous les autres souvenirs horribles de cette période finissaient par s'affadir, les uns après les autres... Mais maintenant je comprends. »
Il planta ses yeux gris fermement dans les prunelles vertes.
« Soyons honnêtes, nous avons toujours eu une connexion spéciale. Un "truc" inexplicable qui nous empêchait d'être insensible l'un à l'autre. Je ne me suis jamais senti aussi mal qu'à ton contact, tu révélais ma lâcheté, ma faiblesse et mon arrogance et on s'est haï avec application pendant longtemps. Mais quand tu es mort... j'ai cru mourir avec toi. Et je ne me suis jamais senti aussi bien que depuis que nous nous sommes permis de devenir amis, puis… plus. »
Ses iris clairs vacillaient désormais.
« C'était couru d'avance hein ? Je veux dire, c'était prévisible qu'on ne puisse pas rester dans un entre-deux, pas avec notre passé, ni avec notre mode de fonctionnement. Deux handicapés relationnels pareils, ça ne pouvait que mal finir. » termina le blond avec un sourire narquois qui tentait tant bien que mal de cacher son émotion.
Harry se rapprocha et l'enserra de ses bras tandis qu'il fermait les yeux.
Le Serpentard aurait donné n'importe quoi pour que ses montagnes russes intérieures prennent fin et que soit le désemparement, soit le soulagement gagne enfin la bataille. Qu'il puisse enfin se décider entre être abattu ou heureux de cette prise de conscience.
« – Harry, je… tenta le blond.
– Je sais, j'ai compris… le coupa le brun avec douceur. Moi aussi Drago. » Il déposa une paume contre la joue pâle, l'incitant à tourner son visage vers lui.
Le Sang-Pur, rouvrit les paupières et détailla l'expression réconfortante de son voisin, il esquissa un petit sourire et vint déposer ses lèvres sur les siennes en un remerciement muet. Il soupira d'aise.
« – Je ne sais pas toi mais je meurs de faim. Que dirais-tu d'un petit déjeuner ? » proposa Harry pour essayer de remettre un semblant de normalité dans toute cette pagaille émotionnelle.
Drago sourit franchement cette fois. La pensée qu'il devait avoir l'air d'un ahuri à sourire autant l'effleura, mais c'était bien la dernière de ses préoccupation en ce moment même. Il suivit le brun dans la cuisine où ils s'affairèrent à la préparation du repas, profitant de la complicité qui les liait et qu'ils s'autorisaient enfin à vivre pleinement. Drago se surpris à se demander comment cela serait quand la sensation d'étrangeté aura fait place à de la familiarité, quand le confort de l'habitude aura remplacé la nouveauté, certes excitante mais également angoissante.
Les coins de sa bouche s'arquèrent une nouvelle fois en réalisant que les « quand » avaient déjà remplacés les « si » dans son esprit.
Peut être que tout cela ne serait pas si compliqué finalement. Il se permit de reprendre un peu confiance dans l'avenir.
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