La nouvelle qu'Harry avait craint venait de lui être confirmée : Narcissa était décédée. Depuis le départ précipité de Drago, quatre jours plus tôt, le brun n'avait pas eu la moindre nouvelle de lui. Il n'était pas non plus parvenu à lui rendre visite, l'accès à sa cheminée avait été restreint, semblait-il, car il réatterrissait chez lui à chaque tentative. À partir du deuxième jour, il s'était mis à acheter la Gazette, dans l'espoir d'y trouver des réponses. En l'ouvrant ce matin-là, sa peur avait pris corps. Un article sur Narcissa s'étalait devant ses yeux, signé Skeeter, évidemment.
Le titre s'étalait en première page : « La Belle et les Monstres ». Ça commençait mal, pensa Harry, il lut la suite :
« Narcissa Malefoy, hospitalisée depuis plusieurs jours à Sainte-Mangouste, en phase terminale d'un cancer magique rare, est décédée en ce début de semaine. L'aristocrate aurait manifestement lutté contre la maladie de nombreuses années avant d'y succomber tragiquement, quelques semaines à peine avant son procès. Bien que très proche de Mangemorts célèbres (son mari Lucius Malefoy et sa sœur, Bellatrix Lestrange, pour ne citer qu'eux), nous savons de source sûre qu'elle n'avait jamais reçu la sinistre marque. Elle n'avait pas non plus participé à la sombre mission de Celui-Dont-On-Ne-Prononce-Plus-Le-Nom.
Nos pensées vont sincèrement à cette pauvre femme qu'un mariage arrangé entre deux grandes familles traditionalistes a enchaînée à un destin funeste. Son mari, fanatique de magie noire, l'a entrainé avec lui dans un environnement néfaste qui l'a conduite, durant la Seconde Guerre Sorcière, à devoir cohabiter plusieurs mois avec de nombreux Mangemorts ainsi que le grand mage noir lui-même, sous son propre toit. C'est manifestement cette proximité forcée avec les forces des ténèbres qui aurait planté la graine future de sa maladie, développée juste après la fin de la Guerre. Cette Belle parmi les Monstres n'aura ainsi jamais pu goûter la douce saveur de la libération et elle ne pourra savourer non plus celle de son acquittement. Par deux fois, ses ailes lui ont été coupées avant qu'elle n'ait eu l'occasion de prendre son envol.
La maladie lui avait progressivement retiré son élan vital ainsi qu'une grande partie de sa magie, la rendant dépendante et à la merci de sa famille. Mal accompagnée jusqu'au bout, son cancer n'aura pas su éveiller de compassion chez son mari. Même au chevet de sa femme mourante, Lucius Malefoy n'a pas montré un visage humain, menaçant aussi bien le personnel médical que tous ceux qu'il prenait pour des journalistes. Jusqu'au dernier moment, jusqu'à son dernier souffle, Narcissa aura été prisonnière de la main de fer de son époux, cette même main qui a étouffé sa lumière toute sa vie. Puisse-elle avoir trouvé la paix maintenant.
Rita Skeeter. »
Une fois de plus, Skeeter n'y était pas allée avec le dos de la cuillère, il espérait sincèrement que ni Drago ni Lucius – cette pensée le fit grimacer – ne lirait cet immonde article. Le récit déformé faisait simplement passer Narcissa pour un pantin sans volonté propre, sans libre arbitre… sans existence en somme. Il n'y avait pas pire manière de lui rendre hommage songea Harry. Il eut beaucoup de peine pour son ami blond, dont il pouvait aisément imaginer le chagrin. En dehors de ses tentatives de visites, il n'avait pas osé reprendre contact avec lui pour le moment, se doutant que ce dernier avait besoin d'espace. Cette distance lui pesait cependant.
Le manoir vide faisait douloureusement écho à son néant intérieur. Maintenant qu'il était fixé avec certitude sur le sort de Narcissa, il se résolut à envoyer un message à Drago pour lui témoigner son soutien.
Il sortit du canapé et s'installa sur la grande table du salon avec de quoi écrire. Il rédigea rapidement un petit mot, offrant ses sincères condoléances. Il lui rappela qu'il était toujours le bienvenu Square Grimmaurd et que sa cheminée lui était grande ouverte s'il souhaitait un endroit où se réfugier ou un compagnon pour parler. Il lui donna également quelques nouvelles de Moon a qui il manquait beaucoup. Il hésita à ajouter qu'il lui manquait à lui aussi mais se ravisa, trouvant cela déplacé. Il signa, posa sa plume et roula le morceau de parchemin. Il jeta un coup d'œil sur le journal ouvert qu'il avait laissé sur le canapé et hésita une seconde. Avec un soupir, il reprit la plume et rédigea également un message pour Lucius. Il ne portait pas l'homme dans cœur le moins du monde, mais il avait pitié de lui, ce dernier ne devait pas avoir beaucoup de soutien en ce moment et l'article de Skeeter n'était que méchanceté gratuite. Il regretterait peut-être ce moment de faiblesse, mais tant pis.
Il écrivit des condoléances sobres et polies pour l'aristocrate, puis il roula cette seconde missive et prit les deux morceaux de parchemins repliés. Il transplana dans un petit bureau de poste sorcière excentré pour envoyer des hiboux. Comme à son habitude lorsqu'il sortait dans des lieux fréquentés par des sorciers, il écrasait ses cheveux sur son front pour dissimuler sa cicatrice et tentait de se fondre dans le décor autant que possible. Il revint chez lui rapidement, sans avoir été reconnu. Il évitait au maximum les endroits trop fréquentés, et, dès qu'il le pouvait, il privilégiait des bureaux secondaires, des annexes ou des itinéraires moins connus.
Toujours debout devant la cheminée, Harry termina d'épousseter sa cape et fit le tour du salon d'un œil morne. La pièce lui semblait être une prison avec ses murs ternes et son mobilier sombre. La poussière commençait à s'accumuler sur les étagères, quelques bouteilles de Biéraubeurre vides traînaient sous la table basse et des emballages de repas trônaient dessus. Il s'était laissé aller. Il jeta sa cape sur le bord du canapé à sa gauche et rassembla les détritus, il avait honte de vivre comme un malpropre, mais il n'arrivait pas à trouver le courage pour maintenir le manoir dans un état décent. D'un coup de baguette, il envoya le tout à la poubelle. C'était déjà mieux.
Restait à s'occuper maintenant, en attendant que le blond lui redonne signe de vie.
oOo
Drago était allongé sur son lit, paralysé. Ses oreilles bourdonnaient, tout son corps semblait se tordre, son œsophage faisait des nœuds. Il aurait volontiers hurlé s'il avait réussi à faire entrer de l'air dans son organisme. Son corps lourd comme une pierre semblait s'enfoncer dans le matelas. Il avait encore le vain espoir qu'en restant parfaitement immobile, il parviendrait peut-être à disparaître dans la surface molle.
Il était encore sous le choc de la rencontre avec son père, le matin même, lorsqu'il était passé au manoir Malefoy pour lui poser la question qu'il n'aurait jamais voulu avoir à prononcer.
« – Père, pourquoi l'enterrement n'est pas encore planifié ? » avait-il demandé en faisant irruption dans le petit bureau de Lucius.
Un des lourds rideaux pourpres encadrant la fenêtre était tiré et seul un fin pan de lumière grisâtre pénétrait dans la pièce. Les deux hommes ne s'étaient pas revus ni reparlés depuis la fuite de Drago, juste après le décès de Narcissa. Recroquevillé sur son secrétaire en ébène, le chef de famille s'était retourné sur son siège pour faire face à son fils. Son visage fatigué et las indiquait clairement qu'il n'avait pas envie de se battre.
Il avait grimacé, peu enclin à répondre à sa question, puis avait soupiré et posé sa plume sur un petit réceptacle en argent prévu à cet effet.
Drago, les bras croisés et anxieux, avait levé un sourcil, agacé de la lenteur volontaire avec laquelle son père agissait. Tout cela n'augurait rien de bon.
Lucius lui avait finalement répondu, d'une voix grave et monocorde.
« – Parce que son corps n'est pas prêt.
– Que voulez-vous dire ? avait demandé Drago, quelque peu confus, en laissant retomber ses bras.
– Son corps n'est pas encore prêt à être mis en sépulture… car j'ai fait une demande d'autopsie. » avait lâché l'aristocrate sans entrain.
Drago eut l'air de recevoir une claque.
« – Vous avez fait quoi ? » s'était-il écrié.
Il refusait de s'imaginer les opérations pratiquées sur le corps de sa mère, il ne voulait pas imprimer dans son esprit les images de ce dernier, vidé de ses organes par des mains étrangères et étudié par des yeux inquisiteurs. Et tout ça pour quoi ? Pour pouvoir prouver une faute médicale ou justifier l'incompétence de ceux qui l'avaient jugée apte à comparaître ? Le jeune homme ne pouvait croire que son père soit allé si loin.
« – Drago, étant donnée la situation… » avait commencé Lucius, pour expliquer son acte.
Mais le jeune homme fulminait et ne l'écoutait pas.
« –Vous êtes un monstre ! Vous n'avez donc de respect pour personne… pas même pour elle ? Qu'espérez-vous que cela vous apportera ? Vous pensez vraiment qu'en accomplissant votre petite vendetta personnelle vous trouverez le salut ? Vous n'êtes qu'un immonde lâche, un être méprisable ! » lui avait-il craché au visage.
Lucius s'était levé pour faire front, son visage s'était durci. Même s'il s'attendait à cette éventualité, une dispute avec son fils était la dernière chose dont il avait besoin. Il était lui aussi fatigué et à bout, il n'avait plus la patience pour encaisser quoi que ce soit.
« – Et toi, tu n'es qu'un enfant naïf Drago, je comprends combien tu es blessé, crois-le bien, mais une fois de plus tu laisses ton émotivité te guider au détriment de ton propre bien. avait-il grondé sourdement.
– Comment osez-vous ? Je n'arrive pas à croire que, dans un moment pareil, la seule chose qui vous soit venue à l'esprit soit de prolonger le calvaire de votre femme, vous n'avez donc aucune pitié ? »
Il avait repris son souffle. La fureur l'avait envahi, prenant racine loin dans son enfance, elle était remontée le long de son œsophage, brûlante et acide, se nourrissant de toutes les rancœurs accumulées au fil du temps et avait explosé à l'air libre. La voix tremblante de colère, Drago cracha sa bile.
« – Je vous méprise, vous et votre suprématie de la raison, ce n'est ni du courage, ni de la bravoure, simplement de la faiblesse… Et elle entache toute cette famille. La seule chose que votre sang ne m'aura jamais transmis, c'est de la lâcheté. Vous ne m'avez légué que de la médiocrité en espérant que je la transforme en grandeur, comme cela s'est fait de génération en génération, mais cela ne fonctionne pas comme ça ! C'est de votre faute si nous en sommes là aujourd'hui ! C'est à cause de vous et de votre aveuglement borné, de votre soif de pouvoir, de votre fascination dégénérée pour les forces obscures. C'est moi que vous traitez d'enfant naïf ? Mais tous vos choix de vie ne sont que ceux d'un gamin cherchant l'approbation de son géniteur. Et vous savez quoi ? Cette dynastie de gosses mal-aimés en recherche de reconnaissance paternelle s'arrête ici ! On se retrouve en prison… Père. »
Il était sorti de la pièce en trombe, emportant avec lui la tempête qui l'animait...
L'appartement vide et calme l'oppressait, tous les rideaux et volets étaient fermés, ne laissant pas pénétrer la lumière du jour. De temps à autre, un hibou venait gratter pour tenter de laisser une missive, l'abandonnant généralement sur le moindre rebord jugé suffisamment large pour pouvoir l'accueillir. Le Ministère, ne pouvant endiguer la vague de volatils, avait mis en place un sortilège de désillusion sur le dernier étage de l'immeuble. Il avait aussi dû faire intervenir une équipe auprès de quelques moldus ayant été témoins d'événements étranges.
Drago avait erré, dans la pénombre, depuis son retour de l'hôpital, depuis la journée fatidique qui l'avait anéanti. La vision du corps de sa mère, gisant sans vie au milieu des draps le hantait sans cesse, le persécutant, revenant à la charge à chaque instant. La rage et la douleur le déchiraient, et il ne savait que faire de lui-même, tournant comme un lion en cage dans son appartement clos. Sa sortie au manoir Malefoy avait été son unique prise de contact avec l'extérieur. Sans nouvelle du devenir de Narcissa, il avait commencé à se poser des questions, il ne comprenait pas pourquoi son père ne lui avait pas donné d'informations. Voulant en avoir le cœur net, il s'était résolu à sortir de son isolement pour aller le confronter.
Il le regrettait presque désormais. La souffrance de l'ignorance lui semblait plus douce que celle de la connaissance. S'il s'était senti abattu jusqu'à ce matin, cela n'avait rien à voir avec ce qu'il ressentait à présent. Il ferma les yeux avec force, peut-être qu'en restant ainsi suffisamment longtemps, il parviendrait à s'endormir pour toujours. Il souhaitait plus que tout disparaître de ce monde qui n'avait rien à lui offrir sinon de la douleur. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Il avait fait condamner sa cheminée, mettant en suspens son affiliation au réseau de Cheminette, et installé un sortilège de répulsion sur son appartement ainsi qu'un autre sur lui-même. Les rares repas qu'il avalait étaient constitués de conserves qu'il avait fait livrer dans le hall de son immeuble ou sinon de ce qui traînait dans le fond de ses placards.
Peu importe à vrai dire, plus rien n'avait de goût.
oOo
Quatre jours encore depuis qu'il avait envoyé un message à Drago, Harry devenait fou. Il ne savait plus comment fuir l'ennui et la morosité. Et il pensait au procès qui approchait, lentement mais sûrement. Le blond avait-il décidé de se passer de lui ? Sans rien lui dire ? Non, ça n'aurait aucun sens. Mais alors quoi ? Il devait bien faire quelque chose de ses journées ! Pourquoi ne l'avait-il pas recontacté ? Les funérailles devaient être passées désormais. Cela le frustrait de ne rien savoir, il aurait aimé pouvoir épauler son ami dans ce moment difficile. La perte, il connaissait bien, trop bien même, il ne demandait qu'à pouvoir être ce soutien que lui n'avait jamais réussi à trouver, même chez ses proches.
Cela le blessait que Drago l'évite. De son côté, Harry ne supportait plus sa solitude, que Moon ne faisait que renforcer, lui rappelant à chaque fois l'absence de son maître. Il avait pris l'habitude de laisser la télévision allumée pour moins subir le silence du manoir. Par ailleurs, personne n'était encore passé pour prendre le reste des affaires de Ginny et leur présence, un peu partout autour de lui, faisait empirer encore la sensation d'abandon qui ne le quittait plus.
Il fallait qu'il s'occupe où il sentait qu'il allait retomber sur la pente terriblement glissante de la dépression qu'il avait eu tant de mal à quitter. Il ne pouvait pas passer ses journées à déambuler dans Londres pour fuir le vide qu'il ressentait inéluctablement lorsqu'il était chez lui. Il devait trouver un moyen de s'occuper utilement. Il ne voulait plus se morfonde sans fin. Il ne pouvait tout de même pas rester à végéter en attendant un signe de vie du blond. Il fallait qu'il se ressaisisse, qu'il soit actif. Il eut une épiphanie en repensant à tout le bazar qu'il n'avait pas terminé de débarrasser au premier. Il se maudit de ne pas y avoir repensé plus tôt. Voilà une tâche qui pourrait l'accaparer un moment !
Il commença par remettre le nez dans le carton d'objets qu'il avait mis de côté pour en étudier attentivement le contenu. Il n'y avait pas grand-chose, à vrai dire : la baguette brune, quelques vieux livres en latin qu'il comptait soumettre à Hermione, une plume en argent d'une rare beauté avec un repose-plume et un encrier assorti, quelques objets de décoration qui lui avaient plu : une vieille lampe en bronze – celle-là même qu'il avait en main au moment où Ginny avait découvert Drago dans leur lit –, un livre de cuisine traditionnelle sorcière, quelques bibelots décoratifs, un coupe-papier enchanté ainsi qu'une Flasque-Sans-Fond assez ancienne qui pourrait s'avérer très pratique – il devrait d'ailleurs suggérer aux frères Weasley de relancer la production de tels produits.
À la réflexion, il n'était pas certain de vouloir conserver la lampe, même si son design art nouveau lui plaisait, elle était désormais associée à sa dernière dispute avec Ginny et il n'avait pas très envie de la voir trôner dans son salon. Il plaça donc cette dernière dans le tas des objets dont il souhaitait se débarrasser.
Une fois sûr de son tri, il répartit dans plusieurs sacs tous les éléments qu'il avait prévu de jeter ou donner. Il en profita pour inspecter rapidement les trois pièces de l'étage qu'il n'avait pas rangées. En y passant une semaine complète, il serait certainement capable de tout vider. Ainsi, il pourrait contacter quelqu'un pour cette tapisserie à l'odeur suspecte.
Il emporta les sacs au Département de Dépôt des Objets Magiques, qui était, à peu de choses près, l'équivalent des déchetteries moldues. De retour au manoir, il voulut se pencher à nouveau sur la baguette mystérieuse et il la sorti du carton pour l'observer en détail. Il se plaça sous la luminosité de la fenêtre de la cuisine pour profiter des rayons du soleil. Son toucher lui parut familier, mais sa mémoire ne parvenait pas à l'identifier. Les reflets noirs de l'objet semblaient le narguer en faisant apparaître et disparaître les veinures discrètes du bois. Soudainement en manque de lumière, Harry se déplaça légèrement pour mieux voir et sursauta quand il réalisa que la pénombre qui le gênait était tout simplement causée par la silhouette d'un hibou qui le dévisageait de ses deux grands yeux beiges. Il pesta contre l'animal qui lui avait fait peur, posa la baguette sur la table et ouvrit la fenêtre en respirant profondément pour calmer son rythme cardiaque. L'oiseau laissa échapper un petit hululement amical et lui tendit la patte. Harry saisit la petite enveloppe qui y était attachée. Il alla chercher un petit morceau de biscuit pour remercier le hibou qui le picora rapidement avant de reprendre son envol. La missive était fermée par un cachet de cire gris foncé sur lequel on pouvait distinguer une baguette et un maillet croisés devant une balance. Le brun ne connaissait pas ce symbole et il décacheta l'enveloppe avec curiosité.
« Monsieur Potter,
Nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer brièvement, je suis l'avocat de Drago Malefoy. Si je me permets de vous importuner aujourd'hui, c'est tout simplement, car je n'ai pas d'autre recours. Laissez-moi vous exposer rapidement la situation :
Le procès de M. Malefoy est actuellement dans trois semaines et il est donc primordial que ce dernier soit concentré sur cette échéance et sur son témoignage, son avenir en dépend.
Or, depuis maintenant plus d'une semaine, il m'est impossible de contacter mon client, il ne répond à aucun message. Je me suis rapproché de son père, Lucius Malefoy, pour essayer d'éclaircir la situation, mais celui-ci n'a pas non plus eu de contact avec lui depuis plusieurs jours.
Étant donné les circonstances difficiles qu'il traverse actuellement, je suis très inquiet. Puisque vous avez travaillé longuement avec Drago sur son témoignage et que vous semblez en bons termes avec lui, je me permets de me tourner vers vous. Si vous avez en votre possession le moindre élément susceptible de faire avancer le travail sur le dossier ou la capacité de contacter mon client, je vous prie de bien vouloir m'en faire part. Le devenir de Drago Malefoy en dépend.
Vous pouvez me contacter via ma ligne directe de Cheminette au : Coaslowth & associés Avocats Inc. bureau numéro 1, 18-A Chemin de Traverse, Londres. Il vous suffira de donner votre nom et prénom pour pouvoir accéder à mon bureau, vous avez un laissez-passer temporaire.
Je vous remercie par avance pour votre retour rapide et vous prie de recevoir mes salutations distinguées.
Me Herbing Coaslowth, avocat »
Harry replia le parchemin, pensif. Donc, cela signifiait que personne n'avait de nouvelles de Drago. Il commençait à craindre sérieusement pour le blond. Il réfléchit rapidement, il avait bien quelques notes de travail provenant de leurs sessions de travail sur le dossier. Rien de bien transcendant, mais cela pourrait peut-être s'avérer utile pour l'avocat. Ça ne coûtait rien d'essayer, au pire, il aurait perdu quelques minutes de sa journée.
Il rassembla donc les quelques feuillets que Drago n'avait pas emmenés avec lui et les mit dans une pochette. Il les plaça près de la cheminée, jeta de la poudre dans l'âtre et mit sa tête dans le brasier.
Après un court trajet, il s'arrêta dans ce qui semblait être un bureau, mais il ne parvenait pas bien à le distinguer, car tout était flou à travers les flammes vertes. Une voix féminine lui demanda de décliner son identité, ce qu'il fit sans se faire prier. Il y eut un petit déclic et le bureau devint soudainement net. C'était une pièce plutôt spacieuse, avec du marbre blanc zébré de noir au sol et des murs intégralement couverts de lambris en noyer marron clair.
En face d'Harry se trouvait un grand bureau en bois de même couleur sur lequel Me Coaslowth écrivait avec concentration, il portait encore une robe brune. En entendant le petit bruit, l'avocat leva les yeux vers l'âtre et aperçut la tête d'Harry au milieu de la toute petite Cheminée de Discussion, installée dans sa pièce de travail à hauteur de visage. Ces cheminées étaient des modèles spécialement conçues pour l'échange et non pour le voyage – ce qui n'aurait pas été très sécuritaire dans un bureau d'avocat –, elles étaient donc étroites et permettaient simplement de passer la tête pour parler ou de glisser quelques objets de taille réduite.
Il posa sa plume et salua le jeune homme.
« – Monsieur Potter, je suis ravi de vous voir, merci d'avoir répondu présent si rapidement.
– Maître, salua Harry en retour. Je crains malheureusement de ne pas avoir beaucoup à vous transmettre concernant Drago. » confia Harry.
L'avocat eut l'air soucieux, une ride se forma sur son front.
« – L'avez-vous vu dernièrement ? demanda-t-il en s'approchant de la cheminée.
– Non, pas depuis une semaine. Et je n'ai pas beaucoup de documents à vous remettre, simplement quelques notes, Drago a tout emporté avec lui lors de notre dernière entrevue. » dit Harry en lui faisant passer la pochette à travers les flammes.
Coaslowth feuilleta rapidement les notes, puis déposa la chemise sur son bureau, n'ayant pas eu l'air d'y trouver d'information intéressante. Il soupira et se gratta la tête, puis fit quelques pas en cercle.
« – Tout cela n'est pas bon du tout… Je sais que Drago a été très affecté par le décès de sa mère, mais il ne peut pas tout laisser en plan maintenant, il faut qu'il se ressaisisse. Savez-vous s'il est chez lui ? » s'enquit l'avocat.
Harry fut surpris, il n'avait pas réfléchi à l'éventualité qu'il n'y soit pas, il répondit prudemment :
« – Je ne sais pas, sa cheminée est en dérangement… il est possible qu'il soit parti. »
Un vide l'envahit à cette pensée, Drago n'aurait quand même pas tout plaqué pour s'enfuir, devenant un fugitif recherché par le gouvernement. Ça ne lui ressemblait pas vraiment, mais comment savoir de quelle manière la mort de Narcissa avait pu le faire réagir ? Merlin, qu'il aurait aimé l'avoir près de lui, plutôt qu'on ne sait où à faire on ne sait quoi ! Il pria simplement pour qu'il ne soit pas en danger.
« – Je n'espère pas, j'ai un document important à lui faire parvenir et je ne veux pas le faire par hibou. De plus, si jamais il a quitté le territoire brittanique, le tribunal émettra un mandat d'arrestation et le procureur de la poursuite pourra déposer de nouvelles accusations en conséquence. Cela n'arrangerait ni son cas, ni sa crédibilité. fit Coaslowth, ennuyé, toujours à faire les cent pas.
– Quel genre de document ? demanda Harry, dont la curiosité avait été piquée.
– C'est confidentiel M. Potter. coupa l'avocat.
– Pourquoi ne pas l'avoir remis à Lucius ? interrogea le brun.
– Parce que je suis tenu au secret professionnel, qui plus est, lui et son père sont en froid. Connaissant leurs différends passés, il ne me semblait pas judicieux de lui communiquer quoi que ce soit en lien avec le procès de Drago avant d'en informer ce dernier. » expliqua l'homme de loi.
Harry réfléchit, la situation semblait insoluble. Il commençait sérieusement à s'inquiéter pour son ami. Il fallait qu'il lui vienne en aide. Il ne voulait plus rester à l'écart, il était impliqué de toute façon, alors autant ne pas faire les choses à moitié.
« – J'ai une question. commença-t-il.
– Je vous écoute. fit Coaslowth, attentif.
– Si je voulais reprendre le travail seul, me remettriez-vous le dossier complet de Drago ? »
L'homme eut l'air interloqué.
« – Non, ce serait contraire à l'éthique et à la confidentialité. répliqua l'avocat.
– Mais vous savez pertinemment que je connais déjà le contenu de ce dossier, puisque j'ai travaillé avec Drago dessus à de nombreuses reprises. appuya Harry.
– Certes, mais…
– Et je ne cherche qu'à l'aider. Il est visiblement dans une très mauvaise passe, si personne ne prend la situation en main, il va au-devant de très gros problèmes. Vous le savez bien mieux que moi. Laissez-moi travailler dessus, je vous en prie. insista encore le jeune homme.
– Ce ne serait pas le plus pertinent pour Drago, car vous deviendrez un témoin partial. souligna Coaslowth, plus que réticent.
– Soyons sérieux, je le suis déjà ! Et est-ce que ce serait vraiment pire que ne pas avoir de défense terminée au moment de l'audition ? » assena Harry avec un regard entendu.
L'avocat s'assit sur un coin de son bureau pour réfléchir. C'était plus que contraire à son code de déontologie. Il savait qu'il risquait très gros si cela était découvert, il serait radié. Il savait que Drago n'aurait toléré qu'il transmette des informations à son père, mais Harry Potter était censé être son ami, ils avaient travaillé ensemble chez ce dernier… De toute manière, il n'avait pas vraiment d'autres options, et, à situations désespérées, il fallait des moyens désespérés.
« – D'accord, consentit-il à contrecoeur. Mais tout cela ne doit jamais être ébruité.
– Merci Maître ! » jubila Harry. Il tenait enfin un moyen d'action.
« – Je suis très sérieux Monsieur Potter, fit gravement l'avocat. C'est ma tête qui tombera si cela venait à se savoir ! »
Il commençait déjà à regretter son geste. Sauveur du monde sorcier ou pas, ce n'était jamais qu'un gamin jouant un jeu très risqué.
« – Oui bien sûr. Je serai très discret, promit le brun en ravalant quelque peu son enthousiasme débordant pour tenter de rassurer l'avocat.
– Et vous devez me promettre de rentrer en contact avec Drago le plus vite possible pour l'informer de tout cela et l'inciter à venir me voir. J'essaierai aussi de mon côté, bien entendu.
– Oui, oui, fit Harry en pensant déjà à son plan d'action. Le document confidentiel dont vous parliez tout à l'heure, il pourrait m'être utile ? »
L'avocat sembla peser le pour et le contre. Il soupira, ce qu'il était sur le point de faire pouvait être condamné comme une faute grave et il risquait des poursuites. Lentement, il sortit une grande enveloppe d'un tiroir de son bureau, il fouilla également dans un deuxième, enfonçant son bras pratiquement jusqu'à l'épaule dans le petit casier et en ressorti un large dossier. Il tendit le tout à Harry et pria très fortement pour que ce dernier soit aussi bien intentionné et malin qu'il le paraissait. Le jeune homme le remercia et ils se séparèrent en convenant de se tenir au courant dès que l'un ou l'autre aurait du nouveau.
Harry se releva de l'âtre en prenant les documents qu'il déposa sur la table. Il ouvrit d'abord la grosse chemise contenant le dossier du blond. Il commença immédiatement à le parcourir. Il eut rapidement la surprise désagréable de découvrir un chef d'accusation que Drago n'avait jamais mentionné. Pire ! Qu'il lui avait délibérément caché.
Harry avait naïvement pensé qu'avec les vieux témoignages recueillis à l'époque et accusant Severus, Drago n'avait jamais été inquiété concernant l'homicide de Dumbledore, mais l'accusation de complicité de meurtre qui s'étalait sous ses yeux lui démontrait le contraire. Pourquoi avoir choisi de lui cacher ça alors qu'ils travaillaient ensemble sur sa défense ? C'était se tirer une balle dans le pied. N'avait-il donc pas confiance en lui ?
Il comprit alors mieux l'inquiétude constante du blond vis-à-vis de sa défense. C'était tellement dommage qu'il ne lui en ait pas fait part plus tôt.
Il délaissa le dossier pour consulter le contenu de l'enveloppe, il y avait une lettre ainsi qu'un petit flacon fermé. Il en sortit la lettre et la lut en allant dans la cuisine pour prendre un verre d'eau. Il faillit le renverser quand il comprit l'importance de ce qu'il lisait. C'était un document que Narcissa avait fait remettre à son fils, peu avant sa mort. Harry réfléchit à toute vitesse, essayant d'assembler les morceaux aussi vite qu'il le pouvait, cela changeait tout ! Avec ces nouveaux éléments, il pourrait… Son regard tomba sur la baguette abandonnée plus tôt sur la table de la cuisine. Son regard s'illumina. La baguette ! Mais bien sûr !
Le puzzle prenait forme dans son esprit. Il savait exactement ce qu'il allait faire.
Il allait sauver Drago. |