Drago s'assit sur son lit, l'oreille aux aguets, il lui avait semblé entendre un son inhabituel. Ou plutôt, il lui avait semblé entendre un son, ce qui était inhabituel. Ses yeux fatigués naviguèrent dans la chambre sombre qui sentait le renfermé. Son visage s'était un peu creusé et quelques poils blonds couvraient vaguement sa mâchoire tendue. La chemise blanche et froissée qu'il avait sur le dos tombait sans allure sur son corps recourbé et sur son pantalon de coton noir. Il ne savait pas vraiment depuis combien de temps il vivait terré dans son appartement, il avait quelque peu perdu la notion du temps. Et il s'en fichait, à vrai dire. À quoi bon continuer à se battre désormais ? Sa mère était partie et cela avait anéanti ses dernières forces. Une lame de douleur le transperça à cette pensée.
Il ne discerna pas le moindre bruit, mais il avait comme un pressentiment, quelque chose n'était pas comme d'habitude. Il respira calmement, pour essayer d'identifier sa sensation précise.
Un souvenir fugace traversa son esprit, trop rapidement pour qu'il puisse le saisir.
Un second flash, plus long, lui apparut. Il se revit dans la serre tout proche d'Harry, en train de lui parler des étoiles.
Il avait presque oublié ce moment paisible, occulté par les pensées de ces derniers jours. Et il lui semblait que ce souvenir provenait d'une vie antérieure, d'une vie plus douce. Durant une seconde, il fut à nouveau dans le salon du square Grimmaurd, en train de serrer avec émotion la main qu'Harry lui avait tendu, il préparait un curry avec lui, il trinquait en débattant de musique, il petit-déjeunait au soleil, plongé dans ses yeux verts. Son cœur s'allégea en repensant à ces épisodes agréables vécus en compagnie du brun, il se sentit tout à coup regonfler, comme si son corps reprenait du relief, comme si ses poumons pouvaient à nouveau inspirer.
Cette accalmie momentanée lui fit autant de bien qu'elle le surprit. Merlin que ça lui avait manqué ! Harry lui avait manqué !
Ses sens toujours en éveil sentirent quelque chose se rapprocher, comme une intuition de présence. Il lui sembla percevoir une faible luminosité filtrer en dessous de la porte de la chambre. Cela se confirma rapidement, car un halo distinct de lumière s'agrandit et une forme blanche et éclatante traversa la porte pour faire irruption dans la petite pièce.
Un patronus.
Et pas n'importe lequel, c'était un cerf majestueux qui venait d'apparaitre.
Jamais Drago n'aurait pensé à protéger son appartement contre ce genre d'intrusion. C'était tellement désuet comme moyen de communication. Il repensa avec amusement à la fois où sa propre blague s'était retournée contre lui et qu'il avait découvert le patronus de Potter pour la toute première fois, sur le terrain de Quidditch de Poudlard. Depuis ce jour, il était capable de le reconnaitre entre mille.
Cela expliquait les émotions agréables qu'il avait pu ressentir. Ainsi Harry n'avait pas lâché l'affaire et il avait trouvé un moyen d'entrer en contact avec lui malgré toutes les défenses mises en place. Il se sentit coupable, et minable, de l'avoir laissé sans nouvelles tout ce temps. Le pauvre avait du s'inquiéter.
De son sabot, le cerf traça un message en traits argentés sur le sol.
« important infos + objets pour toi urgent viens me voir ». L'animal le fixa de ses deux yeux vides et ajouta trois petites lettres au court message « STP ». Drago eut un maigre sourire. Il ne se sentait pas prêt à ressortir, à affronter le présent, le futur, les échéances et les combats. Il n'avait plus d'énergie pour lutter et il n'avait plus l'envie non plus.
Tel un éclair, un autre souvenir fit irruption, il était encore avec Harry, dans cette improbable cape immaculée offerte par une tante, et le brun avait le regard trouble, semblant partagé entre fascination et gêne. L'étincelle éphémère qu'il avait surprise dans les prunelles vertes ne l'avait pas particulièrement marqué au moment des faits, mais elle s'imprima profondément dans son cerveau cette fois-ci, lui faisant naître des papillons dans l'estomac. Il réalisa alors à quel point tout cela lui manquait : la présence d'Harry, la douceur de leurs soirées de discussion et de boisson, le sentiment de ne pas être seul. Son désespoir et sa solitude le prirent à la gorge. Il ne pouvait pas rester comme ça.
Il accepta l'idée de revoir le Gryffondor. Même s'il appréhendait beaucoup cette perspective, il savait également qu'il ne pourrait rester terré dans sa retraite de douleur éternellement. Il avait déjà beaucoup repoussé le moment de faire face à ce constat. Une part de lui s'était réveillée au contact du patronus, il avait envie de revoir le brun, il en avait… besoin ?
Lentement, avec des gestes mesurés, il se leva et alla se préparer. Il se rendit présentable en faisant un brin de toilette et enfila une nouvelle tenue : pantalon noir et chemise de même couleur. Il choisi de laisser ses cheveux libres et grignota un reste de crackers pour caler son estomac. Arrivé devant la cheminée, prêt à partir, il hésita. L'appréhension le dévorait, que devait-il faire, comment allait-il expliquer à Harry ? Comment allait réagir ce dernier ? Etait-il en colère contre lui ? Allait-il le pardonner ?
Que pourrait-il lui dire ? Avait-il seulement encore une voix après tant de temps sans l'utiliser ? Ce doute – ridicule, il en avait bien conscience – refusa de quitter son esprit. Il alla donc se placer devant le miroir de la salle de bain et répéta quelques saluts avec son reflet. Après plusieurs essais non concluants, rauques ou éraillés, il parvint à retrouver son timbre normal et son intonation habituelle. Qui aurait cru que nos habitudes sociales pouvaient rouiller aussi vite ?
Il retourna devant la cheminée, pas plus assuré que la première fois. Il se sentait comme un vase trop fraichement recollé, il essaya de se calmer. Ce n'était qu'Harry, il n'avait pas de raison de se sentir en danger.
Il saisit une poignée de poudre et la jeta dans l'âtre. Il s'avança, énonça sa destination et ferma les yeux.
Quand il rouvrit les paupières, il était dans le salon du brun. La luminosité l'éblouit et il du cligner plusieurs fois avant de s'y habituer. La pièce lui sembla grande et vide, plus austère encore que dans ses souvenirs. Harry était là, devant lui, assis à la table du salon, il semblait l'attendre. Une théière et deux tasses se trouvaient à côté de lui, ainsi qu'un petit tas de documents. Le Gryffondor déglutit et le regarda de haut en bas, mais ne dit rien, il lui fit simplement un geste du bras pour l'inviter à prendre place à la table. Pendant que Drago s'exécutait, il remplit la deuxième tasse du liquide encore brûlant.
Le blond le détailla quelque peu, visiblement, il n'était pas le seul à avoir mal ou peu dormi ces derniers temps, car le brun avait les traits tirés et des cernes sous les yeux. Il ne semblait pas manquer d'énergie cependant, ses gestes étaient vifs et animés, comme s'il était pressé de s'y mettre. À vrai dire, il semblait quelque peu changé et différent, mais Drago ne sut dire exactement de quelle manière.
Malgré son malaise, il était heureux d'être de retour dans le manoir et de retrouver son ami. Une forme de relâchement commença doucement à s'insinuer en lui, lui permettant de se détendre quelque peu. Il aurait peut-être dû venir plus tôt au lieu de se laisser ensevelir sous la douleur.
Harry le fixait encore avec prudence, attendant un signe pour démarrer, ne souhaitant pas le brusquer. Drago répondit à son regard de manière appuyée. Le Gryffondor prit alors la parole :
« – Je suis content de te voir, » dit-il sincèrement.
Même s'il partageait profondément ce sentiment, Drago détourna le regard, gêné par la franchise du brun. Ce dernier ne s'en formalisa pas et continua :
« – Il y a beaucoup de choses dont il faut que je t'informe, mais je ne vais pas tout couvrir maintenant, sinon tu risques de te sentir assailli. énonça-t-il gentiment. Drago ? »
Le blond fixa ses prunelles grises sur son interlocuteur. Il avait du mal à soutenir ce regard vert si intense et plein d'émotions, alors que son seul souhait était d'être intégralement vide, de pouvoir mettre tous ses sentiments hors de lui pour ne plus souffrir.
« – Il y a néanmoins quelque chose que je dois t'annoncer tout de suite. J'aurais vraiment aimé pouvoir te l'apprendre plus tôt, mais… disons pour ma défense qu'il n'a pas été simple de réussir à te contacter. » Le brun rassembla son courage. « L'enterrement de ta mère a lieu ce soir, dans votre manoir familial. » assena-t-il avec toute la douceur possible, même s'il savait que rien ne pouvait atténuer le choc provoqué par une pareille nouvelle.
Le blond ferma les yeux, il avait appréhendé ce moment depuis l'instant même où il avait fui Sainte Mangouste. Ce qu'il avait tenté de laisser dans son appartement le rattrapait. Cette culpabilité dévorante qui lui brûlait les entrailles, impossible à ignorer.
Harry posa une main sur la sienne, pour lui témoigner son soutien. Troublé, Drago la retira pour pouvoir se frotter le visage, puis la laissa se perdre dans ses cheveux, tout en évitant soigneusement de croiser les prunelles de son voisin. Il n'aimait pas les sensations que cela lui procurait, il ne méritait pas ce réconfort.
« – Ok. » souffla-t-il simplement, du bout des lèvres.
– Laisse-moi venir avec toi. S'il te plait… J'aimerais lui rendre hommage. » le pria Harry sans le lâcher des yeux, les mains désormais croisées devant lui sur la table, essayant ainsi de camoufler son anxiété.
Drago tourna le visage vers lui et acquiesça d'un discret signe de tête qui fit onduler ses cheveux lâches. Il n'aurait pas été juste de sa part de lui refuser une telle requête. Le brun se détendit, soulagé qu'il ait accepté, qu'il ne l'ait pas mis à l'écart cette fois-ci. Il reprit en main la discussion, toujours en essayant de ménager le jeune homme qu'il sentait fragile.
« – Je te propose que nous voyions pour le reste après. La cérémonie a lieu à dix-sept heures trente, on peut se retrouver un peu avant, ici, et y aller ensemble si ça te va. offrit Harry prudemment, ne sachant si cette idée lui plairait.
– Oui, faisons ça, » parvint à articuler Drago avec peine. Toutes ses répétitions devant la glace n'avaient servi à rien, sa gorge était tellement nouée qu'il n'en sortait que des sons étranglés.
Il préféra ne pas faire durer le massacre et se leva pour reprendre le chemin de la cheminée. Ce fut le moment que choisit Moon pour se manifester et se précipiter dans ses jambes avec un petit miaulement. Drago le prit dans ses bras pour un câlin de retrouvailles.
La chaleur et la camaraderie du chat, bien qu'agréables et bienvenues, lui semblèrent étrangères. Merlin, mais cela aussi lui avait manqué ! Il s'était emmuré dans une solitude glaciale qui avait engourdi ses membres. Il gratta le cou de l'animal maladroitement, comme s'il redécouvrait ces gestes tout simples. Après deux bonnes minutes de caresse, il reposa le chat au sol et quitta le domicile d'Harry, sans se retourner, car il sentait le regard du brun posé sur lui depuis un moment et il ne sentait pas encore capable de le soutenir. Toute la douceur, la bienveillance et ce… cette chose indéterminée qu'il pouvait lire dans les prunelles sinoples, c'était trop pour lui pour le moment.
Les deux petites heures qu'il avait de libre avant la cérémonie passèrent à la vitesse de l'éclair. Il n'avait réussi qu'à s'étendre de nouveau sur son lit, les yeux grands ouverts, pétrifié à l'idée d'avoir à affronter ce qui l'attendait. Il allait revoir ses parents, il allait devoir faire ses adieux à sa mère, et après ça, il allait devoir continuer à vivre. Il ne trouva pas la force de prendre une plume pour essayer de rédiger un éloge pour elle. Aucun mot ne pouvait traduire ce qu'il ressentait, pas plus que ce qui le reliait à elle, cette relation unique et profonde dont peu avait été témoin et qui lui manquait déjà cruellement. Il appréhendait plus que jamais de se retrouver face à son père, le traître qui avait autorisé des inconnus à découper le corps de Narcissa, il ne pouvait lui pardonner ce geste.
Quand son alarme lui indiqua qu'il était bientôt l'heure, il n'eut que le temps d'enfiler une cape noire de circonstance avant de se rendre à nouveau chez Harry, le corps gourd, le cœur lourd.
Harry l'attendait à nouveau, mais assit dans le canapé cette fois. Il se leva à l'arrivée de son ami et le dévisagea longuement. Drago lui fit à nouveau un petit signe de tête pour lui signaler qu'il était prêt, même s'il savait au fond qu'il ne le serait jamais. Contre toute attente, le brun le prit fermement dans ses bras en une accolade resserrée. Le Serpentard se tendit de surprise, décontenancé par ce geste inattendu, mais rapidement, la chaleur du corps d'Harry contre le sien, sa bonté et son empathie lui firent du bien et il se relâcha, se laissant gonfler de courage par le Gryffondor. Il eut un long soupir d'abandon avant que l'étreinte ne prenne fin.
« – Il faut qu'on y aille » dit doucement Harry en l'invitant à se retourner vers la cheminée.
Le blond inspira un grand coup et lança de la poudre de Cheminette.
Le hall du manoir Malefoy abritait une petite dizaine de personnes toutes de noir vêtues, principalement de la famille éloignée, côtés Black et Malefoy confondus, que Drago avait perdus de vue, ainsi qu'Andromeda, sa tante, et enfin, Lucius. Une ambiance de recueillement lugubre régnait et les quelques sorciers osant discuter le faisaient à voix basse.
Quand les deux jeunes hommes firent leur apparition dans la grande pièce, Drago nota le petit salut qu'Harry adressa à son père, visiblement les deux étaient entrés en contact durant son absence. Ce dernier posa les yeux sur lui et les deux blonds échangèrent un regard froid avant qu'il ne se détourne pour annoncer le début de la cérémonie et invite chacun à le suivre dans le caveau familial où elle se déroulerait. Le brun fit mine de ne pas remarquer les regards insistants qu'il suscitait, préférant se concentrer sur son ami.
Le temps sembla ralentir pour Drago, il voyait les personnes avancer autour de lui et il les suivait tel un automate, mais son esprit aurait voulu s'enfuir et être ailleurs. Il repensa au geste échangé entre Harry et Lucius.
« – J'ai disparu combien de temps pour que toi et mon père soyez devenus potes ? lui murmura-t-il.
– Pas assez pour ça. J'ai été le voir pour essayer d'avoir des informations, après que ton avocat m'ait contacté, désespéré de ne pas réussir à avoir de tes nouvelles. Mais nous reparlerons de tout ça plus tard, précisa Harry en voyant son air interrogateur. Pour répondre à ta question, cela fait une semaine et demie que tu étais hors d'atteinte… je… je commençais vraiment à m'inquiéter. » termina-t-il avec un regard fuyant.
Drago détourna les yeux à son tour, honteux d'avoir causé autant de peine et de tracas à Harry, mais également peiné de l'avoir possiblement blessé avec son silence.
Ils firent le reste de la route sans un mot, descendant dans les sous-sols du manoir jusqu'à arriver au caveau familial des Malefoy. Une large et lourde porte de pierre, gardée par deux statues, leur faisait face. L'une représentait un sorcier avec une longue cape avec un capuchon qui recouvrait pratiquement, laissant juste voir un visage anguleux et sévère, ainsi que deux mains jointes sur la poitrine enserrant une baguette. L'autre était une sorte de chevalier avec une cotte de maille, une couronne, ainsi qu'une épée et un bouclier à l'effigie d'un lion, la lame fièrement plantée dans le sol – Guillaume Le Conquérant reconnut Harry.
Lucius se plaça devant les hommes de pierre et murmura une formule en faisant un grand geste de baguette, les deux statues s'écartèrent et la porte s'ouvrit en coulissant dans le mur de droite. L'assemblée entra lentement dans l'ouverture béante et se répartit dans le centre du grand caveau. La pièce était rectangulaire et assez haute de plafond pour un sous-sol. Plusieurs mausolées, surplombés de statues étaient érigés autour d'un large couloir central. Quelques chaises avaient été disposées pour les plus âgés, près d'un petit mausolée ouvert vers le centre du caveau. L'atmosphère froide et renfermée était surprenamment sèche, donnant parfois la sensation de manquer d'air et de devoir faire un effort supplémentaire pour s'emplir les poumons.
D'un mouvement de bras, Lucius invita les gens à se rassembler près de l'édifice laissé ouvert, Drago et Harry se placèrent un peu sur le côté, pour ne pas être dans le gros de la foule, puis la cérémonie commença. Un jeune sorcier vêtu d'une longue robe noire entra dans le caveau en chantant dans une langue inconnue, probablement ancienne, ouvrant la voie au cercueil en bois clair qui lévitait juste derrière lui un autre sorcier, habillé de manière identique, mais aux longs cheveux blancs ondulés, fermait la marche. Ils se placèrent en ligne devant le mausolée. Harry réalisa alors que l'unique statue dressée sur le côté droit de la petite maison de pierres représentait Narcissa. Toutes celles de la pièce étaient à l'image des défunts ancêtres des Malefoy.
Alors que la chanson se terminait sur une longue note tenue, le sorcier plus âgé s'avança et prit la parole. Il fit un discours sobre et tout en retenue, puis enchaîna sur un éloge à la défunte.
Harry sentit la main de Drago se frayer un chemin entre eux deux et saisir la sienne avec force. Des frissons lui remontèrent le long de la colonne à ce contact. Discrètement, il jeta un coup d'œil à son voisin pour découvrir avec tristesse que ce dernier, malgré son air digne et sa stature droite, pleurait en silence. Son cœur se déchira à cette vision, il ne connaissait que trop bien la douleur qui transperçait son ami. Et ces larmes firent cruellement écho à celles qu'il avait surprises sur ce même visage, désespéré, dans les toilettes de Poudlard, des années plus tôt. Réaliser qu'elles avaient toutes pour origine la même crainte : celle de la perte de Narcissa, ne faisait que souligner que la boucle était désormais définitivement bouclée.
Harry connaissait le goût amer de cette funeste ironie qui lui avait ôtée de trop nombreux proches. Il comprenait le maelstrom d'émotions qui traversaient le regard trouble de Drago. Il savait que le Serpentard s'en voulait, se blâmait pour la disparition de sa mère. Le brun avait incroyablement envie de le prendre à nouveau dans ses bras, de pouvoir lui faire part de tout son soutien, de lui faire sentir qu'il n'était pas seul, qu'il n'était pas responsable et faire taire à tout jamais sa culpabilité.
De son autre main, Harry saisit sa baguette et fit apparaitre à son extrémité un mouchoir de soie blanche qu'il tendit discrètement au blond. Ce dernier s'en saisit et essuya rageusement ses joues humides avant de le glisser dans sa poche. Ils continuèrent d'écouter l'éloge sans faire un bruit, Harry grimaçant parfois sous la poigne de son voisin, mais ne dit rien, soutenant son ami qu'il sentait terriblement fragile.
Le blond refusa d'un geste de main quand le sorcier responsable de la cérémonie le regarda avec insistance après avoir proposé à l'assistance de dire un mot. Lucius ne prit pas non plus la parole, pas plus qu'aucun des membres de l'assemblée d'ailleurs, laissant l'homme terminer la liturgie seul. Visiblement les Malefoy n'étaient pas très prompts à s'épancher sur leurs ressentis, constata Harry.
Lucius, tout comme Drago, avaient la mâchoire et les poings serrés. En dehors de la différence de coiffure, l'un cheveux libres, l'autre attachés, ils se ressemblaient énormément, si ce n'est une nuance de douceur, probablement apportée par Narcissa, dans le visage et l'expression du plus jeune.
Le maître de cérémonie disposa une à une des bougies blanches sur le cercueil clair et invita chacun à venir les allumer. Les convives s'approchèrent en file pour toucher les mèches de leur baguette et faire naître de faibles lueurs illuminant le caveau. Sentant la panique monter en Drago à l'idée qui ne pourrait exécuter un tel sortilège, Harry rejoignit leurs deux baguettes pour partager une flamme afin que le blond puisse s'avancer près du cercueil à son tour. Le Serpentard le remercia juste d'un rapide regard, le brun savait très bien que son orgueil devait le démanger et il ne s'offusqua donc pas. Il le suivit et alluma lui aussi une chandelle.
Quand la dernière personne fut passée, le jeune sorcier du début se remit à chanter et le cercueil lévita jusque dans le mausolée avant de se glisser lentement dans sa tombe de pierre. On ne vit bientôt plus que les bougies dépasser.
Le vieux sorcier conclut le rite en expliquant que le cercueil serait visible jusqu'à ce que la dernière flamme s'éteigne, après quoi, le couvercle de pierre se scellerait et l'âme de Narcissa aurait terminé son voyage. Guidée par la fumée des chandelles, elle pourrait trouver son chemin jusqu'à sa dernière demeure où elle résiderait en paix, pour l'éternité. La porte du mausolée se referma doucement alors que l'assemblée reprenait en chœur « Pour l'éternité ».
Après un court moment de silence et de recueillement, la foule se dispersa et commença à remonter silencieusement hors du caveau pour se rassembler dans le jardin d'hiver, spécialement aménagé pour l'occasion. Les quelques plantes présentes avaient été mises dans les coins de la pièce et un petit buffet ainsi que des sièges occupaient l'espace. Drago ne souhaitait pas s'éterniser, ainsi, après des saluts rapides aux membres de sa famille et quelques condoléances reçues, il s'éclipsa en compagnie d'Harry, retournant chez ce dernier. Lucius les regarda filer sans un mot.
À peine eurent-ils posé le pied dans le salon du Square Grimmaurd que le blond poussa un long soupir. Il se jeta à plat ventre en travers de son canapé, reprenant ainsi possession de la place qu'il avait déserté depuis presque deux semaines. Harry repensa à tous les moments où il avait adopté cette même position, dans le sofa d'en face, durant ses premiers jours de solitude. Il préféra éloigner de ses pensées ses propres moments de faiblesse, Drago avait besoin d'aide en ce moment même. Il s'assit donc en face du blond, complétant leur configuration habituelle. Cela le réconforta de se voir là, tous les deux, comme si les choses rentraient dans l'ordre et que la suite ne pourrait aller qu'en s'améliorant.
Il contempla son invité un moment.
Drago avait le visage enfoncé dans le rembourrage du canapé, ses cheveux lâches s'éparpillaient sans ordre entre les coussins et l'un de ses bras ainsi que le bout de ses jambes pendaient dans le vide. Le brun réalisa à quel point sa présence venait combler un vide. Il avait réellement tourné en rond avant que l'avocat ne le contacte, il avait broyé du noir, comme paralysé. Il lui semblait désormais qu'il avait retrouvé quelque chose de fondamental, quelque chose d'indispensable à son bien-être. Cela le mis mal à l'aise, car il se sentait plutôt serein alors que la situation était des plus critiques, Drago venait d'enterrer sa mère, il était au plus bas et Harry avait de nombreuses choses à voir avec lui, ce qui augurait une soirée plutôt difficile. Mais malgré tout cela, il ne pouvait empêcher une partie de lui de se sentir mieux.
Le brun retira sa robe noire pour être plus à l'aise, il croisa les doigts et se racla la gorge, puis prit la parole.
« – Drago.
– Mh. lui répondit le blond depuis son refuge capitonné.
– Drago, je sais que le moment n'est pas idéal, mais j'ai beaucoup de choses à te dire. »
Le Serpentard tourna un peu la tête pour libérer sa bouche et rendre plus audibles ses propos.
« – Quoi, tu veux te déclarer Potter ? » demanda-il avec morgue. La remarque déconcerta Harry qui rosi mais il ne se démonta pas.
Drago n'avait aucune envie de discussion, ni maintenant, ni jamais. Il ne savait même pas vraiment pourquoi il était rentré chez Harry plutôt que chez lui directement.
Peut-être parce qu'il pressentait que la toute petite chaleur qu'il sentait au fond de lui disparaitrait s'il était seul et qu'il n'avait plus vraiment envie de s'enfermer dans sa solitude froide. À moins que ça ne soit simplement par politesse envers son hôte qui s'était révélé d'une extrême prévenance depuis sa réapparition. Quoi qu'il en soit, accompagné ou pas, il n'avait pas envie de discuter.
Et Harry l'avait bien compris, il fixa l'unique œil gris visible parmi les cheveux épars et soutint le regard de défiance qui lui était adressé. Il savait quel petit jeu Malefoy essayait de lancer, comme ultime défense, mais il ne se laisserait pas avoir par ses petites piques et son ton offensif.
Même s'il avait été déstabilisé par la remarque, il reprit d'une voix grave.
« – C'est vraiment important. » dit-il sans quitter des yeux la prunelle grise.
Drago cilla sous le regard intense et imperturbable de son interlocuteur. Jamais Harry ne l'avait scruté de cette manière, il se sentit flancher et détourna la tête.
« – Bien, puisqu'il le faut. soupira-t-il en se redressant et s'asseyant.
Harry ne parla pas tout de suite. Le blond en profita pour le détailler davantage, et il eut de nouveau la sensation étrange qu'Harry avait changé, pas vraiment physiquement, mais que quelque chose dans son attitude dénotait. Il attendit quelques instants, mais voyant que le brun ne se décidait pas, demanda :
« – Alors ? »
C'était au tour du Gryffondor d'être mal à l'aise, son assurance fondait à la perspective de tout ce qu'il avait à lui annoncer. Il essaya de trouver du courage.
« – Je propose que l'on commence par porter un toast à Narcissa, dit-il en faisant venir verres et whisky d'un mouvement de baguette.
– Ça me parait approprié, concéda Drago, surpris par le revirement d'Harry.
Ce dernier versa deux petites doses et offrit au blond un des deux breuvages. Ils se rapprochèrent pour trinquer.
« – À Narcissa » dirent-ils l'un après l'autre en entrechoquant leur verre avant de le vider d'une traite avec de petites grimaces.
Drago ne se souvint pas avoir déjà trinqué à la santé de sa mère. Les toasts n'étaient pas monnaie courante dans sa famille aristocratique aux mœurs pour le moins guindées et il était donc rare de lever son verre pour une personne. En sortant de ses pensées, le blond réalisa que son interlocuteur n'avait toujours pas ouvert la bouche et l'attente commençait à durer. Il décida donc d'y couper court.
« – Alors, Harry, arrête les mystères, parle. Quelles sont ces choses si importantes dont tu voulais me faire part ? » demanda-t-il.
Bien que le fait de retrouver la disposition habituelle de leurs soirées canapés-alcool-discussion lui ait redonné un peu d'assurance, le brun se tortilla et se tordit les mains. Il commença une réponse.
« – Et bien… Je ne sais pas vraiment par où commencer en fait. Je t'ai dit que ton avocat m'avait contacté, mais je n'ai pas vraiment détaillé… »
Gêné par ses cheveux, le blond mit une mèche derrière son oreille, mais elle retomba immédiatement. Il chercha en vain un élastique dans ses poches, puis agacé, il abandonna. Harry le remarqua et ne put empêcher un tout petit sourire de naître au coin de ses lèvres. Cette courte scène lui donna un peu de baume au cœur. Il continua.
« – Ne parvenant pas à te joindre, il ne pouvait donc te transmettre les informations qu'il avait reçues. Et il ne pouvait pas les partager avec ton père… »
Drago ne voyait pas vraiment où il voulait en venir, mais il acquiesça et remercia mentalement Me Coaslowth pour son tact. Il laissa Harry poursuivre.
« – J'ai réussi à le faire flancher pour qu'il me les donne… et j'ai continué à travailler sur ta défense, j'espère que tu ne m'en veux pas. » finit-il avec un regard prudent vers le blond.
Ce dernier était estomaqué qu'Harry soit allé aussi loin et que son avocat l'ai laissé faire. Mais ce n'est pas l'embarras que le brun ait mis aussi franchement son nez dans ses affaires qui l'habitait, non, il était à nouveau gêné par ce sentiment d'étrangeté vis-à-vis d'Harry.
Il n'arrivait vraiment pas à mettre le doigt sur ce qui avait changé chez lui. Il semblait comme apaisé. Il faut dire aussi que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, il était en plein milieu d'une rupture. Mais même sans ça, il y avait ce quelque chose d'indescriptible qui était différent et Drago ne parvenait pas à définir quoi.
Prenant le silence pour un désaveu, le brun tenta de se justifier :
« – Je m'inquiétais vraiment tu sais, et avec le procès qui approche…
– Je ne t'en veux pas Harry. le coupa son ami. Je te remercie beaucoup pour ce que tu as fait, c'est au-delà de la gentillesse, c'est… Merci.
– Attends au moins de savoir ce que j'ai à t'annoncer. tempéra néanmoins le brun.
– Tu sais, je n'ai pas très envie de parler du procès, je sais que c'est pour très bientôt maintenant, mais on sort à peine de la cérémonie, j'ai plus envie de me recueillir.
– Je pense que c'est justement une belle manière de faire honneur la mémoire de Narcissa. Attends. »
Harry se leva et alla chercher les enveloppes sur la grande table du salon et revint s'asseoir.
« – Jusqu'au bout ta mère a pensé à toi et a souhaité te protéger, tu sais. Quelques jours avant sa disparition, elle a fait authentifier un souvenir. »
Il sortit une lettre ainsi qu'une petite fiole d'une des enveloppes et les tendit au blond qui les saisit précautionneusement entre ses mains tremblantes. Le blond lut sans bruit le parchemin rédigé de la main de sa mère, dans sa belle écriture qu'il aimait tant.
Les larmes lui montèrent aux yeux, mais il se refusa à pleurer à nouveau et continua sa lecture jusqu'au bout, sans s'arrêter, presque sans respirer. Comme il était bon de pouvoir se replonger dans les mots de Narcissa, de retrouver de petites parts d'elle à travers les phrases, et surtout, de sentir son amour sans faille, son attention perpétuelle et sa bienveillance. Dans la lettre, elle expliquait à son fils le serment inviolable qu'elle avait fait prendre à Severus durant sa sixième année d'étude. Dans la petite fiole se trouvait le souvenir de cet épisode, et il avait été authentifié par un laboratoire assermenté pour en garantir la fiabilité – il trouva effectivement un petit coupon de garantie fixé au dos de la lettre. Une version sous scellé avait été remise à l'avocat et pourrait servir de preuve pour le procès. Sentant que sa fin était proche, Narcissa avait fait cette démarche dans l'optique de protéger son fils et de lui assurer son témoignage, même si elle n'était plus là en personne.
Drago replia le parchemin et réalisa qu'Harry lui tendait une petite Pensine en bois vernis. Il le remercia d'une voix étranglée, la posa sur la table basse devant lui et y versa délicatement le contenu de la petite fiole. Il posa ses mains moites de chaque côté du récipient et se pencha dans le souvenir.
Harry le regarda disparaitre dans le passé. Il n'avait pas lui-même regardé le souvenir, il avait préféré attendre l'aval du blond, mais l'avocat lui en avait fourni un résumé assez précis pour qu'il puisse s'appuyer dessus dans la préparation de la défense.
Depuis cette rencontre avec l'homme de loi, il n'avait cessé de travailler sur le dossier du blond, dormant peu, maintenu éveillé par la perspective de le revoir, par l'objectif de lui venir en aide, coûte que coûte. C'est à travers ses longues sessions de travail, souvent tardives, qu'il avait réalisé que le Serpentard était devenu important pour lui. L'idée de ne pas le laisser tomber avait été une puissante motivation qui l'avait sortie de sa torpeur et de la dépression dans laquelle il menaçait de se noyer depuis que Drago et Ginny avaient déserté le manoir.
Sa solitude ne lui avait alors plus parut infernale, mais une simple passade désagréable à laquelle il pouvait faire face. En se focalisant sur la préparation du procès, il s'était concentré sur quelqu'un d'autre, sur un objectif extérieur et cela lui avait permis de prendre du recul et ainsi de commencer tout doucement à faire le deuil de son couple.
Il avait à la fois appréhendé et attendu le moment du retour de Drago.
Les soirées de discussion lui avaient manquées, sa présence dans le manoir, son odeur diffuse dans l'air, la manière unique qu'il avait de se pencher pour saisir sa boisson, son incroyable capacité à être distingué pratiquement en toutes circonstances, et cette élocution trainante qui n'appartenait qu'à lui et qui rendait sa voix grave si singulière.
Il contempla son voisin, toujours penché dans la pensine, cheveux épars, et son cœur accéléra. Vraiment, c'était bien qu'il arrête enfin ces satanées queues de cheval et qu'il les laisse à son père. Il fut tenté d'approcher les doigts de ses mèches d'or pâles, attiré par leur apparente douceur, mais il réfréna cette envie complètement inappropriée.
Ce n'était pas la première fois qu'il se surprenait à avoir d'étranges pensées de ce type. Lorsqu'il avait été seul cela avait redoublé, semblait-il, et Harry avait commencé à se poser des questions. Il avait préféré mettre ça principalement sur le compte de l'inquiétude et de l'absence, mais à présent qu'il se retrouvait face à celui qui avait tant occupé ses pensées ces derniers jours, il devait se rendre à l'évidence que c'était un peu plus que ça.
Il n'avait jamais ressenti le manque de quelqu'un physiquement comme ça avait été le cas avec Drago, c'était tellement bizarre. Et puis, il avait commencé à laisser ses pensées divaguer parfois, ne cherchant pas toujours à les arrêter. Il s'était demandé comment seraient les retrouvailles avec le blond, dans quel état il serait, s'il accepterait son aide, s'il reviendrait vivre au manoir en attendant le procès – il espérait sincèrement que cela serait le cas, même s'il ne voyait pas bien pour quelle raison. Peut-être bien qu'il était une fan girl après tout, il s'en foutait maintenant.
Ce qui était important, c'était que le Serpentard aille bien et qu'il puisse se présenter à son procès avec toutes les cartes possibles en main et il travaillait activement sur ce dernier point. Il fallait qu'il reste concentré sur ça, pour Drago.
Le blond sortit brusquement le visage de la Pensine, l'air hagard et assez ému, les yeux brillants. Il reprit ses esprits progressivement. Il replaça le souvenir dans la petite fiole du bout de sa baguette et la referma.
« – Il avait juré de me protéger, elle lui avait fait promettre. murmura-t-il.
– Oui, répondit simplement Harry.
– Tu savais ? déclara Drago.
– L'avocat me l'a dit. » avoua le brun.
Drago se frotta la joue, toujours en pleine réflexion. Il savait l'amour que lui portait sa mère, mais il n'avait pas imaginé qu'elle serait allée si loin pour le protéger. Il se resservit un verre, et, sans même jeter un coup d'œil à Harry, il lui en versa un également. Il commençait à connaître ses habitudes et vu que la soirée risquait de s'annoncer longue, autant ne pas se priver. Bien que la lettre et le souvenir soient des éléments positifs pour sa plaidoirie, le Serpentard se sentait nerveux et fébrile. Il n'arrivait pas à réaliser que sa mère, celle-là même qu'il venait de revoir en vie dans le souvenir reposait désormais dans un tombeau de bois et de pierre, au fond du caveau familial.
« – Elle a toujours été là… C'est tellement bizarre de se dire que je ne pourrai plus jamais lui serrer la main ou la tenir dans mes bras. » constata-t-il avec douleur.
Harry repensa aux sentiments éprouvés lors de la perte de Sirius, cette disparition si injuste. Le manque incompressible et incompréhensible. Il savait que seul le temps pouvait soulager la peine. Le blond continua.
« – Elle a toujours été la part bienveillante de ma vie. Sans elle, je ne sais pas comment j'aurais survécu à l'éducation de mon père. Tu sais, elle m'a envoyé des colis de bonbons toutes les semaines durant ma première année à Poudlard parce qu'elle savait que je détestais être loin de la maison et être constamment entouré d'inconnus. » Il eut un petit sourire. « Les sucreries, c'est une faiblesse familiale, même mon père a du mal à y résister. »
Il s'arrêta et marqua une pause, pensif.
« C'est elle aussi qui a fait en sorte que je sois scolarisé à Poudlard plutôt qu'à Durmstrang. Je n'avais aucune envie d'aller là-bas, même si l'école avait plus de panache et qu'on y étudiait de la magie offensive, alors elle a plaidé ma cause auprès de mon père, jusqu'à ce qu'il cède… Depuis toujours, elle a placé mon bien-être en priorité. »
Son regard se perdit dans le néant.
« Elle n'avait jamais souhaité que je devienne un meurtrier… Dire que je m'en suis longtemps voulu de ne pas avoir été au bout de ma mission, de n'avoir su me résoudre à lancer le sortilège de mort… Si seulement j'avais trouvé une solution plus tôt, le Lord ne lui aurait pas jeté ce satané maléfice. » finit-il entre ses dents.
Sa mâchoire se serra durement. Harry choisit de tempérer.
« – Drago, quoi que tu aies pu faire ou ne pas faire à l'époque, tu n'es pas responsable de sa mort. Tes deux parents ont fait des choix. Ton père comme ta mère ont choisi de suivre Voldemort, ils savaient les idées et les méthodes qu'il défendait, ils savaient que cela comportait des risques. Personne ne pouvait prévoir les extrémités dans lesquelles il irait, même envers ceux de son propre camp, mais tu ne peux certainement pas te blâmer pour cela. » lui dit le Gryffondor avec gentillesse.
Le blond le regarda d'un œil vide.
« – Je sais bien tout ça, mais ça ne change rien, je m'en veux. Je n'arrive pas à me retirer la sensation que tout ça est de ma faute. » Il but une longue gorgée les yeux fermés. Il était agréable de reboire de cet alcool qu'il affectionnait, il profita de la brûlure familière qu'il laissa quelques instants dans son œsophage et sur sa langue. Un voyage d'une petite seconde.
Harry enragea de se sentir si impuissant pour aider son ami, dire qu'il avait connu tout ça, la culpabilité dévorante, la douleur, la tristesse, le désespoir. Il ne voulait pas que Drago vive en plus l'incroyable solitude qui accompagnait trop souvent ces périodes difficiles. Il redoubla donc d'efforts pour trouver les mots justes et tenta une méthode un peu plus frontale :
«– Il faut que tu arrêtes de t'en vouloir Drago, celui qui a tué ta mère, c'est Voldemort, et personne d'autre »
Le blond soupira avec une pointe d'amusement attristé.
« – Le pire dans tout ça, c'est que je ne lui en veux même pas… J'ai passé tellement de temps dans ma vie à être en colère, mais rarement contre les bonnes personnes.
– Comment ça ? » demanda Harry doucement, pour l'inciter à se confier.
Drago haussa les épaules et se gratta un bras.
« – Tu ne me connais pas vraiment Harry, je n'étais pas qu'un pauvre gamin balloté par les désirs de ses parents. J'étais plutôt heureux de la vie que j'avais. Bien sûr, j'aurais aimé correspondre un peu mieux aux attentes de mon père, mais je n'étais pas à plaindre, j'avais à peu près tout ce dont je rêvais. Jusqu'à ce que je te rencontre… »
Le brun releva la tête, surpris, mais ne l'interrompit pas.
« – Je me suis découvert lâche à ton contact. A côté de ton courage, désintéressé qui plus est, j'avais l'air d'un pleutre et je ne supportais pas l'image de moi que tu me renvoyais. Pire encore, tu ne faisais même pas cela intentionnellement. Ça me rendait fou. »
Ce fut au tour d'Harry de soupirer.
« – Drago, ce qu'on m'a attribué à postériori comme du courage n'était bien souvent que de l'inconscience et de la fougue.
– Ah, ne joue pas les modestes, par pitié. assena le blond durement avec un geste agacé de la main. Nous ne sommes pas de la même trempe, c'est un fait. Et ça ne faisait que trop écho aux remontrances fréquentes de mon père. Quand le Lord est revenu, j'y ai vu l'opportunité de faire enfin mes preuves. Tu n'as pas idée comme j'avais envie de rejoindre ses rangs, Harry. Je le voulais profondément. » Drago le fixa intensément, faisant frémir Harry sous son regard acier. « Je me voyais déjà asservir des armées d'enfants impurs et devenir un puissant mage noir. Je rêvais d'être dur comme le métal et tout aussi froid, d'annihiler le moindre de mes états d'âme. Je souhaitais plus que tout devenir le parfait soldat pour le Lord. »
Il marqua une pause pour reprendre son souffle, ses yeux semblaient contempler à nouveau ce passé distant. Des émotions contradictoires agitaient Harry, il était ému d'entendre les aveux si francs du Serpentard, il avait envie de s'approcher de lui, de le soutenir, mais il était aussi impressionné et intimidé par la ferveur qui l'animait, cette résonance d'une colère ancienne. Il était fasciné de découvrir la part sombre de Drago et troublé par l'intimité de ces confessions. Il craignait de se perdre dans ce partage. Il était comme un papillon de nuit, irrémédiablement attiré par la flamme qui risquait de le consumer. Il essaya de conserver un peu de recul.
Drago continua, s'emportant un peu plus :
« – Rapidement, j'ai dû me rendre à l'évidence : je n'étais pas fait pour ça. Une fois de plus j'étais trop faible, lâche et mou pour y arriver et ça me rendait furieux, ça m'insupportait. Je n'ai pas réussi à avoir la marque. Pourtant il enrôlait des gamins, des crétins plus jeunes que moi. Même Crabbe et Goyle avaient été choisis. Et moi non ! J'en crevais de jalousie. Je voulais sentir, moi aussi, la morsure de l'appel, je voulais ressentir dans ma chair l'appartenance à cette incroyable puissance occulte… Je me suis haï presque autant que je t'ai haï, c'était l'humiliation suprême. »
Il déglutit. Ressentir tout cela à nouveau le dégoûtait.
« Et puis, enfin, le Lord m'a donné une autre chance, il m'a confié une mission importante, celle qui devait marquer mon entrée dans les rangs des Mangemorts, celle qui devait racheter l'honneur de ma famille, celle qui devait réussir là où mon père avait failli. Une mission à la hauteur de mes espérances et de mes souhaits. »
Harry était subjugué par ses propos, hypnotisé par sa voix et sa passion.
« Malheureusement, ça ne s'est pas du tout passé aussi bien que je l'avais imaginé et j'ai pris du retard… Tu connais la suite, ma mère a reçu le maléfice pour me "motiver", j'ai fini par trouver une solution, mais je n'ai pas pu compléter mon dernier objectif et Severus l'a fait à ma place… »
Le ton se radoucit. « Je me suis à nouveau détesté pour cette énième faiblesse. Et à mon parrain aussi je lui en ai voulu, terriblement. Encore une fois, j'avais dû être protégé, assisté par quelqu'un d'autre. Lui et toi, vous aviez en commun une chose : vous m'avez sauvé la vie grâce à ce courage qui m'a toujours fait défaut. J'avais l'impression d'être entouré de miroirs braqués sur mes imperfections. J'en voulais à la terre entière… Mais curieusement, je n'en ai jamais voulu au Lord. C'est tordu, n'est-ce pas ? demanda Drago d'une voix mal assurée.
– Non, pas vraiment. » lui répondit le brun avec douceur.
Le blond leva un sourcil interrogateur. Son regard gris détailla Harry qui essaya de développer sa pensée pour ne pas s'y plonger plus que de raison.
« – Voldemort était un grand maître de la manipulation. Il était capable de cerner les gens extrêmement rapidement pour pouvoir leur faire faire ce qui l'arrangeait. Personne n'est parfait, nous avons tous nos parts sombres, il a juste utilisé la tienne contre toi. Il te savait intelligent Drago, mais arrogant et peu sûr de toi, il t'a donc titillé sur ce terrain-là, en jouant sur ton honneur. Il est bien plus facile de manipuler des idiots, c'est pour cela qu'il enrôlait des jeunes et des serviles à tour de bras. Mais pour toi, il fallait ruser. Qui plus est, il avait été déçu par ton père, il ne souhaitait plus avoir ta famille à son service. Il t'a donc confié une mission suicidaire, une mission que lui-même ne savait comment accomplir, pour achever de vous enfoncer. Il n'espérait même pas vraiment que tu la réussisses, il avait simplement trouvé là un moyen cruel et tordu de se débarrasser de vous. Ta mère était condamnée, tu allais périr ou finir enfermé en essayant d'appliquer ses ordres, il ne resterait ensuite plus que ton père à qui porter le coup de grâce.»
Drago le regardait toujours, suspendu dans son raisonnement. Il était quelque peu perplexe devant la fine analyse d'Harry, qui, même sans avoir été un proche à cette époque, avait su lire très juste.
Le brun répondit à ses interrogations muettes pour tenter de se justifier, comme gêné.
« – J'ai beaucoup parcouru ton dossier ces derniers jours et il a essayé de faire de même avec moi… parfois avec grand succès. Je ne suis pas un ange non plus, tu sais…
– Mince, pas de Saint Potter alors ? tenta de plaisanter Drago pour alléger l'atmosphère.
– Il n'a jamais existé que dans ta tête celui-là. pointa le Gryffondor quelque peu amusé. Mais plus sérieusement, j'ai partagé une partie de mon esprit avec Voldemort pendant de longues années, j'ai failli m'y perdre. »
Drago l'écoutait attentivement, il ne connaissait pas du tout ces faits.
« Sans Dumbledore pour me guider, j'aurais fait de mauvais choix bien plus souvent. Et comme il m'a dit une fois : "ce sont nos choix et non nos aptitudes qui déterminent qui nous sommes vraiment". Penses-y, tu n'es pas un lâche Drago, ou en tout cas, tu ne l'es plus. Depuis la fin de la guerre, tu as eu énormément de choses à affronter et tu as choisi d'y faire face et de te battre. Je ne vois pas de meilleure définition du courage. »
Ces mots semblèrent faire du bien au blond dont les épaules se redressèrent et le visage s'illumina légèrement. À ce spectacle, une envie irrépressible de s'approcher du Serpentard et de le toucher saisit Harry qui du lutter pour ne pas y céder. Il fallait qu'il arrive à mettre tout cela de côté, ce n'était ni le moment ni la personne appropriée. Son ami avait besoin d'aide et des tentatives de contact bizarres et inexpliquées de sa part n'allaient sûrement pas l'apaiser. Il serra ses mains pour les retenir de bouger et préféra se concentrer sur la voix du blond qui avait repris la parole.
« – C'est sûr que ça n'a pas été facile. Mais, au moins, sur ça j'avais l'impression d'avoir de l'emprise, et je pouvais agir plus librement. Tout le monde nous détestait, mais il y avait du mieux : nous n'étions plus obligés d'héberger une horde de Mangemorts. Même si nous étions seuls contre tous, au moins nous étions enfin seuls. Plus d'yeux braqués sur nous sans cesse, plus de risques de délation au moindre faux pas, plus cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes... Du moins durant un temps. Après ma mère a contracté sa maladie et c'est un autre type d'angoisse qui s'est invité au manoir. » Il prit une gorgée de whisky. « J'ai repoussé mon départ de la maison familiale pour elle, alors que je ne pouvais plus supporter mon père depuis longtemps. Après tout ce que nous avions vécu, il n'occupait plus pour moi ce rôle de modèle et d'instructeur, il n'était qu'un homme ayant fait trop de mauvais choix et qui s'enfermait dans une conception poussiéreuse du monde. Il n'avait plus rien à m'apprendre et plus rien à me dire. J'avais l'impression d'être sorti d'un étau pour retomber dans un autre. J'ai fini par quitter les lieux, car la situation était trop tendue et ça ne rendait pas service à ma mère de toute manière. J'avais besoin d'espace pour vivre, pour être autre chose que ce qu'on me demandait. »
Un court éclair de défi brula dans les prunelles acier. Harry appréciait de voir la vie revenir petit à petit en Drago. C'était comme si, en racontant cette renaissance, il la revivait, il retrouvait de cette énergie vitale.
« – Et puis, soyons honnête, continua l'aristocrate, j'en voulais aussi à mon père pour nous avoir tous entraînés dans les jupes du Lord Noir. Je sais très bien que ma mère l'a suivi de son plein gré, mais… elle était amoureuse, que ne fait-on pas par amour ?» dit-il en se tournant vers le brun qui tressailli légèrement.
Effectivement, songea Harry. Il était la preuve vivante de la puissance de ce sentiment qui l'avait protégé à plusieurs reprises face à Voldemort. Et combien de fois s'était-il lancé au-devant du danger pour secourir ceux qu'il aimait ? De toute sa vie, cela avait été son moteur principal. Sans amis, sans proches, il aurait définitivement fini comme Tom Jedusor, aigri et mauvais, peut-être même dangereux. Sans amour, il aurait dépéri, il n'aurait pu avancer. Sans amour, il ne pouvait avancer.
Harry commença alors à réaliser une évidence. Quelque chose de tout simple qu'il n'avait jamais su voir, lire, comprendre, jusqu'à maintenant. Non, c'était trop fou, trop bête, trop absurde ! Ça ne pouvait pas…
...
... Et pourtant…
Tout avait été si simple avec Drago depuis leurs « retrouvailles » il y a seulement quelques semaines. Naturellement, il avait mis un pied devant l'autre, sortant tout doucement sa vie de l'ornière, se rapprochant inexorablement du blond, jusqu'à ne plus pouvoir le nier, jusqu'à ne plus pouvoir éviter ce constat. Ce dernier avait pris tellement de place et d'importance dans sa vie, et en si peu de temps. Comment était-ce possible qu'il ne s'en soit pas rendu compte avant ?
Alors qu'il avait passé une semaine à se languir de lui, à travailler d'arrache-pied pour son salut, à penser à lui, et pas toujours comme un ami le devrait. Alors qu'il avait déjà succombé à l'envie de le toucher, de ressentir sa peau sous ses doigts. Alors qu'il avait cherché sa compagnie bien plus que celle de sa petite-amie… Alors qu'il était tout simplement bien en sa présence… Alors que tout le monde semblait lui avoir déjà pointé cette flagrance…
...
Il avait des sentiments pour Drago.
…
Il avait des sentiments pour Drago ?!
Ce dernier le regardait toujours, d'un drôle d'air maintenant, devant son long silence et ses sourcils froncés sous la réflexion.
La panique envahit Harry, il avait peur désormais. Peur que cette vérité ne soit lisible sur son visage et dans chacun de ses gestes, qu'elle n'éloigne le blond de lui. Il ne fallait pas qu'il le sache, il y avait trop en jeu, sa liberté, son avenir, il ne fallait pas prendre le risque de tout gâcher pour les quelques sentiments improbables dont il venait tout juste de prendre conscience.
Il garderait ça pour lui, au moins le temps que le procès se passe, que Drago soit libéré de son procès et qu'il aille mieux.
« – Harry, ça va ? Tu as l'air bizarre, tout va bien ? demanda le Serpentard, perdu.
– Je… oui, désolé. Je me suis perdu dans mes pensées. bafouilla Harry d'une voix enrouée. Je… je ne sais pas vraiment ce que cela fait de perdre foi en son père, je dois t'avouer. » avança-t-il piètrement pour excuser son long silence.
Drago eut un air triste, il n'avait jamais envisagé ce que cela pouvait être de grandir sans parents, sans proches pour veiller sur vous et vous transmettre leurs valeurs.
« – Tu sais, quand je vois comment tu t'en es sorti, je me dis qu'avoir une famille tordue est peut-être pire. dit-il dans une tentative de lui remonter le moral.
– Ne dis pas ça. fit Harry avec fermeté. La seule chose qui m'a empêché de t'envier à l'époque c'est l'antipathie que tu m'inspirais. Je n'ai pas grandi dans la nature, tu sais, mais dans une famille de moldus bien plus tordue que la tienne. Ton père n'est certainement pas un ange, mais il tient à toi, tu peux en être sûr, différemment de ta mère, mais il t'aime. »
Drago sembla soudain abattu, il secoua la tête avant de la prendre dans les mains.
« – La seule personne que mon père ait jamais aimée vient juste de disparaître. Je ne suis qu'un héritier pour lui et c'est à ça qu'il tient. Mais il ne se rend pas compte que ce n'est pas moi qu'il chérit tant, simplement une idée. Ma mère était celle qui me connaissait, qui, même si elle n'était pas toujours d'accord, me comprenait et m'acceptait. C'était pour elle uniquement que je me suis battu depuis que j'ai compris que je ne pourrais jamais satisfaire les attentes de mon père. »
Le cœur d'Harry se serra à ces mots. Cette rancœur, cette tristesse lui rappelait douloureusement l'époque de sa vie chez les Dursley où il était toujours le mauvais enfant, la pièce rapportée non désirée. Il ne soupçonnait pas que le Serpentard ait pu souffrir autant de cette même sensation de rejet. Ses mains se remirent à trembler, tentées de se rapprocher du corps voisin, de le réconforter de leur chaleur. Il agrippa son verre qu'il termina d'une traite et se resservit immédiatement. Drago ne le remarqua pas, il continuait de parler et semblait de plus en plus déprimé.
« – Sans elle, je n'ai plus la force de me battre. Tout ça, je le faisais pour qu'elle puisse s'en sortir, qu'elle puisse reprendre la vie qu'elle méritait. » Sa voix se brisa. « Je suis censé faire quoi maintenant ? » Ses prunelles grises, fixées sur l'âtre vide, luisaient désormais d'une tristesse abyssale, le cœur du brun manqua un battement.
« – Drago. dit Harry doucement, la voix rendue rauque par l'alcool avalé trop vite. Tu mérites tout autant qu'elle de pouvoir vivre et de t'en sortir. Tu es quelqu'un de bien. »
Le Serpentard le regarda avec scepticisme, trop las pour être convaincu.
« – Mais je n'ai plus la force. souffla le blond. Je ne peux plus… »
Harry se rapprocha et vint s'assoir à côté de lui sur le canapé. Il prit sur lui pour ne pas venir se coller trop près.
« – Tu as fait le plus gros du combat, il ne te reste plus que quelques semaines d'efforts, je serai là, je t'aiderai. Ne baisse pas les bras, je t'en supplie. » l'impora Harry.
Drago détourna la tête et ferma les yeux, inspirant par le nez longuement. Le brun refusa de le laisser sombrer :
« – C'est normal de te sentir vidé, tu traverses une phase horriblement difficile. Je… Je sais ce que c'est que d'avoir cette sensation d'avoir tout perdu, de ne plus rien avoir d'important pour quoi vivre. Ne reste pas seul avec ça, c'est la pire chose à faire. Laisse-moi t'aider et t'accompagner, si tu veux bien. Le temps fera son œuvre et, petit à petit, tu pourras repartir de l'avant. »
Drago se pencha vers l'avant pour saisir son verre et en but une longue gorgée. Harry le contempla discrètement, à nouveau il nota l'élégance du geste, même s'il semblait que l'alcool en avait déjà quelque peu émoussé la précision. Il l'accompagna et un silence s'installa.
« – J'ai quelque chose d'autre à te remettre. » annonça le brun en se levant et attrapant l'enveloppe restante, laissée sur le canapé à côté de lui et qu'il tendit à son invité.
Drago reposa son verre pour s'en saisir. Il ouvrit délicatement la pochette de papier pour en faire glisser le lourd contenu dans sa main droite, le pommeau foncé d'une longue baguette de bois atterrit dans sa paume. Il la sortit et la contempla avec stupeur.
« – Mon ancienne baguette… Par Merlin, je pensais qu'elle avait été perdue depuis tout ce temps. Tu l'avais toujours ? »
Il la fit tournoyer dans les airs, la soupesa, retrouvant le contact familier de l'objet.
« – Elle était avec tout un tas de bazar de l'époque de ma septième année, je n'avais aucun souvenir de l'avoir en ma possession. Je l'ai retrouvé quand j'ai vidé ta chambre, mais je ne l'ai pas reconnue tout de suite, ce n'est que la semaine dernière que j'ai fait le rapprochement. Je suis désolée de t'en avoir privé si longtemps. » s'excusa Harry.
Drago tenta de lancer un sortilège de combustion pour allumer la cheminée, mais ne réussit à produire que de petites étincelles.
« – Ça aurait été trop beau, le bridage magique est toujours opérationnel. Je ne sais pas pourquoi j'ai espéré que ça pourrait fonctionner. fit-il, déçu.
– Soit patient, tu en seras bientôt débarrassé. lui répondit Harry, confiant.
– Merci. lui dit le blond, touché. Merci pour tout, pour ma baguette, mais aussi pour ton aide et ton soutien. Je… Je ne sais pas comment je ferais sans toi. »
L'émotion lisible sur le visage de Drago faillit faire chanceler le brun. Ce dernier réalisa qu'il lui serait probablement difficile d'être aussi proche de son ami désormais. Il avait chaud, la proximité du corps du blond ne faisait qu'attiser la tentation et l'alcool émoussait sa raison. Il n'arrivait pas à défaire son regard de celui du Serpentard. Il du faire appel à toute sa force de caractère pour ne pas succomber immédiatement à l'envie de franchir les quelques centimètres qui le séparaient de Drago pour poser une main sur sa joue et la faire glisser dans son cou, sous ses longs cheveux blonds. Ce n'était vraiment pas le moment de se laisser submerger par ce type de pensées.
Drago fut troublé par la manière dont Harry le fixait. Il déglutit. Le brun perçu le mouvement et suivit une seconde la pomme d'Adam monter puis redescendre. Ses pensées s'éclipsèrent alors qu'il se rapprochait imperceptiblement et qu'il replantait ses iris verts dans celles d'aciers, les dévorant littéralement.
Même s'il ne l'aurait jamais avoué, Drago aurait volontiers plongé dans les bras du brun, fermé les yeux et tenté d'oublier le monde environnant l'espace de quelques instants. Il aurait aimé s'abandonner dans la plénitude qu'Harry lui apportait. Cependant, une part de lui trouvait cela mal, il n'avait pas le droit de se sentir bien alors qu'il venait à peine d'enterrer sa mère. Ce n'était pas correct. Et ce n'était pas louable de profiter de l'instinct de sauveur du Gryffondor pour son propre bien-être. Il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit… Il brisa le contact visuel.
« – Je suis désolé Harry, mais je suis très fatigué, je vais aller me coucher, la soirée a été plutôt éprouvante. fit-il en se levant.
– Oui, je comprends tout à fait, je suis aussi vidé. concéda Harry, sortant à regret de sa torpeur. Par contre, je pense qu'il est important qu'on reprenne ensemble le travail sur ta défense assez vite, j'ai beaucoup de choses à voir avec toi à ce sujet. Est-ce que repartir sur nos sessions habituelles t'irait ? Demain quatorze heures ? » proposa-t-il en feignant la décontraction malgré sa voix rauque.
Drago lui fit un faible sourire, être concentré sur le travail lui permettrait de ne pas trop se laisser happer par la tristesse.
« – Oui, c'est une bonne idée. répliqua-t-il. Merci encore, passe une bonne nuit Harry. »
Il fila vers la cheminée.
« – Toi aussi, souffla le brun alors que son interlocuteur disparaissait dans les flammes.
Il soupira fermement. Si Drago n'avait pas interrompu leur étrange connexion, il aurait probablement fait quelque chose d'irréparable. Tout semblait aller si vite, il se sentait complètement dépassé.
Il n'en revenait toujours pas : il avait des sentiments pour Drago.
L'incongruité de cette découverte le frappa soudain.
Quel bordel ! |